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Affaire C-438/09

Bogusław Juliusz Dankowski

contre

Dyrektor Izby Skarbowej w Łodzi

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Naczelny Sąd Administracyjny)

«Sixième directive TVA — Droit à déduction de la TVA acquittée en amont — Services prestés — Assujetti non inscrit au registre TVA — Mentions obligatoires sur la facture aux fins de la TVA — Réglementation fiscale nationale — Exclusion du droit à déduction en vertu de l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive TVA»

Sommaire de l'arrêt

1.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Déduction par un assujetti ayant acquittée cette taxe pour des prestations de services fournies par un autre assujetti non enregistré aux fins de ladite taxe — Condition — Établissement d'une facture par ledit prestataire comportant toutes les informations requises

(Directive du Conseil 77/388, art. 18, § 1, a), et 22, § 3, b))

2.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Exclusions du droit à déduction — Faculté pour les États membres de maintenir les exclusions existant lors de l'entrée en vigueur de la sixième directive — Réglementation nationale excluant le droit à déduction de la taxe payée par un assujetti à un autre assujetti du fait du non enregistrement de ce dernier aux fins de cette taxe — Inadmissibilité

(Directive du Conseil 77/388, art. 17, § 6)

1.        Les articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, telle que modifiée par la directive 2006/18, doivent être interprétés en ce sens qu’un assujetti bénéficie du droit à déduction en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée acquittée pour des prestations de services fournies par un autre assujetti qui n’est pas enregistré aux fins de cette taxe, lorsque les factures y relatives comportent toutes les informations exigées par ledit article 22, paragraphe 3, sous b), en particulier celles nécessaires pour l’identification de la personne ayant établi lesdites factures et la nature des services fournis.

En effet, dès lors que l’administration fiscale compétente dispose des données nécessaires pour établir que l’assujetti, en tant que destinataire de transactions commerciales, est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne saurait imposer, en ce qui concerne le droit de ce dernier de déduire la taxe acquittée en amont, des conditions supplémentaires pouvant avoir pour effet de réduire à néant l’exercice de ce droit.

Ainsi, un éventuel manquement par un prestataire de services à l’obligation énoncée à l’article 22, paragraphe 1, de la sixième directive ne saurait remettre en cause le droit à déduction dont bénéficie le destinataire desdits services en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de cette directive.

(cf. points 35-36, 38, disp. 1)

2.        L’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, telle que modifiée par la directive 2006/18, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui exclut le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée par un assujetti à un autre assujetti, prestataire de services, lorsque ce dernier n’est pas enregistré aux fins de cette taxe.

En effet, la faculté octroyée aux États membres à l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive ne constitue pas un pouvoir discrétionnaire absolu d’exclure tous les biens et services ou la quasi-totalité de ceux-ci du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et de vider ainsi de sa substance le régime instauré par les dispositions de cette directive. Cette faculté ne porte donc pas sur des exclusions générales et ne dispense pas les États membres de l’obligation de préciser à suffisance les biens et les services pour lesquels le droit à déduction est exclu.

(cf. points 41, 47, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

22 décembre 2010 (*)

«Sixième directive TVA – Droit à déduction de la TVA acquittée en amont – Services prestés – Assujetti non inscrit au registre TVA – Mentions obligatoires sur la facture aux fins de la TVA – Réglementation fiscale nationale – Exclusion du droit à déduction en vertu de l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive TVA»

Dans l’affaire C-438/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Pologne), par décision du 14 juillet 2009, parvenue à la Cour le 9 novembre 2009, dans la procédure

Bogusław Juliusz Dankowski

contre

Dyrektor Izby Skarbowej w Łodzi,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. D. Šváby, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 novembre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Bogusław Juliusz Dankowski, par Mes R. Grzejszczak, J. Skrzydło, T. Grzejszczak et A. Kania, adwokaci,

–        pour le gouvernement polonais, par Mme A. Kramarczyk ainsi que MM. M. Szpunar et B. Majczyna, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. C. Blaschke et J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes Z. Chatzipavlou et D. Tsagkaraki ainsi que M. K. Georgiadis, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. D. Triantafyllou ainsi que Mmes A. Stobiecka-Kuik et K. Herrmann, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphes 2 et 6, ainsi que des articles 18 et 22 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), dans sa version en vigueur au moment des faits litigieux.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Dankowski au Dyrektor Izby Skarbowej w Łodzi (directeur de la chambre fiscale de Łódź) au sujet de la limitation dont fait l’objet le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 2 de la sixième directive:

«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1.      les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

[…]»

4        L’article 4 de cette directive dispose:

«1.      Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2.      Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées […]

[…]»

5        Aux termes de l’article 17 de la sixième directive:

«1.      Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2.      Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)      la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

[…]

6.      Au plus tard avant l’expiration d’une période de quatre ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

Jusqu’à l’entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l’entrée en vigueur de la présente directive.

[…]»

6        L’article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive prévoit:

«Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit:

a)      pour la déduction visée à l’article 17 paragraphe 2 sous a), détenir une facture établie conformément à l’article 22 paragraphe 3 […]»

7        Conformément à l’article 22, paragraphe 1, de ladite directive:

«a)      Tout assujetti déclare le commencement, le changement et la cessation de son activité imposable. […]

[…]

c)      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soit identifié par un numéro individuel:

–        tout assujetti […] qui effectue à l’intérieur du pays des livraisons de biens ou des prestations de services lui ouvrant droit à déduction, autres que des livraisons de biens ou des prestations de services pour lesquelles la taxe est due uniquement par le preneur ou le destinataire […]»

8        L’article 22, paragraphe 3, de la sixième directive est libellé comme suit:

«a)      Tout assujetti est tenu de s’assurer qu’une facture est émise […], pour […] les prestations de services qu’il effectue pour un autre assujetti […]

b)      Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée, sur les factures émises en application des dispositions du point a) […]:

–        sa date de délivrance,

–        un numéro séquentiel […],

–        le numéro d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée, visé au paragraphe 1, point c), sous lequel l’assujetti a effectué […] la prestation de services,

–        le numéro d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée, visé au paragraphe 1, point c), du client, sous lequel il a reçu […] une prestation de services […],

–        le nom complet et l’adresse de l’assujetti et de son client,

–        la quantité et la nature […] des services rendus,

–        la date à laquelle est effectuée, ou achevée, […] la prestation de services […],

[…]»

9        L’article 22, paragraphe 8, de la sixième directive prévoit:

«Les États membres ont la faculté de prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude. […]

La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations supplémentaires à celles fixées au paragraphe 3.»

 La réglementation nationale

10      L’article 96 de la loi relative à la taxe sur les biens et les services (ustawa o podatku od towarów iusług ), du 11 mars 2004, dans la version applicable aux faits de l’espèce au principal, prévoit que les assujettis sont tenus, avant le premier jour de l’exercice de leur activité, d’introduire, auprès de l’autorité fiscale compétente, une déclaration d’enregistrement.

11      L’article 88, paragraphe 3a, point 1, sous a), de ladite loi prévoit que des factures ne peuvent pas servir de base à la déduction de la taxe en amont et au remboursement du différentiel de taxe ou au remboursement de la taxe en amont, lorsque la vente est étayée par des factures établies par un opérateur inexistant ou non autorisé à établir des factures.

12      Les dispositionsd’un arrêté d’exécution de cette même loi, adoptées par le ministère des Finances, prévoient que les assujettis enregistrés, en tant qu’assujettis effectifs à la TVA, possédant un numéro d’identification fiscale, établissent des factures portant la mention «facture TVA».

13      L’article 48, paragraphe 4, point 1, sous a), de cet arrêté prévoit que, lorsque la vente de marchandises ou de services est étayée par des factures établies par un opérateur inexistant ou non autorisé à établir des factures, ces dernières ne peuvent pas servir de base à la déduction de la taxe due et au remboursement du différentiel de taxe ou au remboursement de la taxe en amont.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14      M. Dankowski, partie requérante au principal, possède l’entreprise Dan-Trak. Entre 2004 et 2006, M. Płacek, dirigeant de l’entreprise Artem-Studio, lui a fourni un certain nombre de services commerciaux taxables. M. Płacek n’avait toutefois ni satisfait à l’obligation de s’inscrire au registre de la taxe sur les biens et les services, ni liquidé la TVA, bien qu’il ait émis des factures attestant les services fournis et mentionnant la taxe due.

15      Par décision du 23 mars 2007, le Dyrektor Izby Skarbowej w Łodzi, tout en ne mettant pas en cause la réalisation des services en question, a refusé à M. Dankowski le droit à déduction de la TVA versée en amont, figurant sur les factures établies par M. Płacek.

16      Dans les motifs de cette décision, il a été relevé que l’émetteur des factures litigieuses n’avait pas été enregistré en tant qu’assujetti à la TVA et que, du fait de l’inexécution de l’obligation d’enregistrement qu’imposent les dispositions nationales applicables, les factures établies par cet opérateur n’ouvraient pas droit à la déduction de la TVA versée en amont.

17      M. Dankowski a alors saisi le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Łodzi (tribunal administratif de Łódź) d’un recours contre ladite décision. À l’appui de son recours, M. Dankowski a notamment fait valoir que l’enregistrement d’un opérateur en tant qu’assujetti à la TVA n’est qu’un acte techniquequi ne pourrait avoir d’incidence sur le droit à déduction de la taxe payée en amont.

18      Par jugement du 4 décembre 2007, le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Łodzi a rejeté le recours.

19      Dans son recours en cassation formé devant le Naczelny Sąd Administracyjny, M. Dankowski a notamment invoqué la non-conformité au droit de l’Union de l’application des dispositions du droit fiscal polonais, ainsi qu’une interprétation erronée de l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive.

20      Dans ces conditions, le Naczelny Sąd Administracyjny a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les règles du système de [TVA], en particulier les dispositions de l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive […], s’opposent-elles à la législation d’un État membre en vertu de laquelle un assujetti ne bénéficie pas du droit de déduire la taxe payée en amont qui résulte d’une facture TVA établie par un opérateur non enregistré au registre de la taxe sur les biens et services?

2)      Est-il pertinent pour la réponse à la première question:

a)      qu’il ne fasse aucun doute que les opérations indiquées sur la facture TVA sont soumises à la TVA et qu’elles ont été effectivement exécutées;

b)      que la facture comporte toutes les informations exigées par le droit communautaire;

c)      que la restriction à laquelle est soumis le droit de l’assujetti de déduire la taxe payée en amont résultant d’une facture établie par un opérateur non enregistré ait été applicable dans l’ordre juridique national avant la date d’adhésion de la République de Pologne à la Communauté?

3)      La réponse à la première question est-elle subordonnée à la réunion de conditions supplémentaires (par exemple, la preuve que l’assujetti a agi de bonne foi)?»

 Sur les questions préjudicielles

21      Par les trois questions posées, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans les circonstances de l’espèce au principal et compte tenu des articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, un assujetti bénéficie du droit à déduction en ce qui concerne la TVA acquittée pour des prestations de services fournies par un autre assujetti qui n’est pas enregistré aux fins de la TVA et, dans l’affirmative, si l’article 17, paragraphe 6, de cette directive s’oppose à une réglementation nationale qui exclut le droit à déduction lorsque des services ont été fournis par un tel assujetti.

 Sur le premier volet des questions préjudicielles

22      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que le droit à déduction prévu à l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité (voir arrêts du 8 janvier 2002, Metropol et Stadler, C-409/99, Rec. p. I-81, point 42, ainsi que du 26 mai 2005, Kretztechnik, C-465/03, Rec. p. I-4357, point 33).

23      Le droit à déduction s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir arrêts du 13 mars 2008, Securenta, C-437/06, Rec. p. I-1597, point 24; du 4 juin 2009, SALIX Grundstücks-Vermietungsgesellschaft, C-102/08, Rec. p. I-4629, point 70, et du 29 octobre 2009, SKF, C-29/08, Rec. p. I-10413, point 55).

24      En effet, le régime des déductions ainsi établi vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit de cette manière la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir arrêts du 29 avril 2004, Faxworld, C-137/02, Rec. p. I-5547, point 37, et SKF, précité, point 56).

25      En ce qui concerne le litige au principal, il est constant que les services en cause ont été réalisés par un opérateur situé en amont et que lesdits services ont été utilisés en aval pour les besoins de ses opérations taxées par la partie requérante au principal.

26      Par conséquent, les conditions matérielles relatives à la naissance du droit à déduction, prévues à l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive se trouvent remplies.

27      Quant aux modalités d’exercice du droit à déduction, l’article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive prévoit que l’assujetti doit détenir une facture établie conformément à l’article 22, paragraphe 3, de cette directive.

28      Cette dernière disposition précise à son point b) les mentions qui doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions de l’article 22, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive, ce dernier point prévoyant l’obligation de tout assujetti de s’assurer qu’une facture soit émise pour les prestations de services qu’il effectue pour un autre assujetti.

29      En ce qui concerne les mentions énoncées à l’article 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, la juridiction de renvoi a constaté que les factures présentées par la partie requérante au principal comportaient toutes les informations exigées par cette disposition. Il ressort en particulier du dossier soumis à la Cour, ainsi que des indications fournies par le gouvernement polonais à l’audience, que lesdites factures contenaient le numéro d’identification fiscale du prestataire des services en cause, un tel numéro étant attribué aux opérateurs par les autorités fiscales polonaises d’office, indépendamment de l’introduction d’une demande d’enregistrement de leur part.

30      Même si ladite disposition prévoit la mention du «numéro d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée», il y a lieu de considérer que le numéro d’identification fiscale attribué en l’espèce assure l’identification de l’assujetti concerné et est donc de nature à satisfaire aux exigences de l’article 22, paragraphe 3, sous b), troisième tiret, de la sixième directive.

31      Cependant, ledit prestataire, ainsi que l’a fait remarquer la juridiction de renvoi, tout en ayant émis des factures relatives aux services fournis pour la partie requérante au principal, ne s’est pas fait enregistrer auprès de l’autorité nationale compétente aux fins de la TVA.

32      L’article 22, paragraphe 1, de la sixième directive prévoit, en effet, que tout assujetti déclare le commencement de son activité imposable.

33      Or, nonobstant l’importance d’un tel enregistrement pour le bon fonctionnement du système de TVA, un manquement à cette obligation par un assujetti ne saurait mettre en cause le droit à déduction conféré par l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive à un autre assujetti.

34      En effet, l’article 22, paragraphe 1, de la sixième directive prévoit seulement l’obligation pour les assujettis de déclarer le commencement, le changement et la cessation de leurs activités, mais n’autorise nullement les États membres, en cas de défaut de présentation d’une telle déclaration, à reporter l’exercice du droit à déduction jusqu’au début effectif de la réalisation habituelle des opérations taxées ou à priver l’assujetti de l’exercice de ce droit (voir arrêts du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 51, et du 21 octobre 2010, Nidera Handelscompagnie, C-385/09, non encore publié au Recueil, point 48).

35      Dès lors que l’administration fiscale compétente dispose des données nécessaires pour établir que l’assujetti, en tant que destinataire de transactions commerciales, est redevable de la TVA, elle ne saurait imposer, en ce qui concerne le droit de ce dernier de déduire la taxe acquittée en amont, des conditions supplémentaires pouvant avoir pour effet de réduire à néant l’exercice de ce droit (voir arrêts du 8 mai 2008, Ecotrade, C-95/07 et C-96/07, Rec. p. I-3457, point 64, ainsi que du 30 septembre 2010, Uszodaépítő, C-392/09, non encore publié au Recueil, point 40).

36      Ainsi, un éventuel manquement par le prestataire de services à l’obligation énoncée à l’article 22, paragraphe 1, de la sixième directive ne saurait remettre en cause le droit à déduction dont bénéficie le destinataire desdits services en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de cette directive.

37      Il en va de même de l’article 22, paragraphe 8, de la sixième directive, en vertu duquel les États membres ont la faculté de prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude. En effet, si cette disposition permet aux États membres de prendre certaines mesures, celles-ci ne doivent toutefois pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin et ne sauraient dès lors être utilisées de manière telle qu’elles remettraient systématiquement en cause le droit à déduction de la TVA, lequel est un principe fondamental du système commun de la TVA (voir arrêts du 18 décembre 1997, Molenheide e.a., C-286/94, C-340/95, C-401/95 et C-47/96, Rec. p. I-7281, point 47; Gabalfrisa e.a., précité, point 52, ainsi que Ecotrade, précité, points 65 et 66).

38      Il résulte de ces considérations que les articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu’un assujetti bénéficie du droit à déduction en ce qui concerne la TVA acquittée pour des prestations de services fournies par un autre assujetti qui n’est pas enregistré aux fins de la TVA, lorsque les factures y relatives comportent toutes les informations exigées par ledit article 22, paragraphe 3, sous b), en particulier celles nécessaires pour l’identification de la personne ayant établi lesdites factures et la nature des services fournis.

 Sur le second volet des questions préjudicielles

39      La partie requérante au principal bénéficiant, dès lors, en vertu de la sixième directive, du droit à déduction, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, qui exclut le droit à déduction de la TVA payée par un assujetti à un autre assujetti, prestataire de services, lorsque ce dernier n’est pas enregistré aux fins de la TVA.

40      À cet égard, il convient de rappeler que cette disposition constitue une mesure de nature dérogatoire qui permet, dans certaines conditions, aux États membres de maintenir leur législation existante en matière d’exclusion du droit à déduction, à la date de l’entrée en vigueur de la sixième directive pour l’État membre concerné, jusqu’à ce que le Conseil arrête les dispositions prévues à cet article (voir arrêts du 11 décembre 2008, Danfoss et AstraZeneca, C-371/07, Rec. p. I-9549, point 28, ainsi que du 15 avril 2010, X Holding et Oracle Nederland, C-538/08 et C-33/09, non encore publié au Recueil, point 38).

41      Quant à la portée de cette disposition, la Cour a jugé que la faculté octroyée aux États membres à l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive ne constitue pas un pouvoir discrétionnaire absolu d’exclure tous les biens et services ou la quasi-totalité de ceux-ci du droit à déduction de la TVA et de vider ainsi de sa substance le régime instauré par les dispositions de cette directive. Ladite faculté ne porte donc pas sur des exclusions générales et ne dispense pas les États membres de l’obligation de préciser à suffisance les biens et les services pour lesquels le droit à déduction est exclu (voir arrêts du 5 octobre 1999, Royscot e.a., C-305/97, Rec. p. I-6671, points 22 et 24; du 14 juillet 2005, Charles et Charles-Tijmens, C-434/03, Rec. p. I-7037, points 33 et 35, ainsi que du 30 septembre 2010, Oasis East, C-395/09, non encore publié au Recueil, point 23).

42      En outre, s’agissant d’un régime qui constitue une dérogation au principe du droit à déduction de la TVA, il est d’interprétation stricte (voir arrêts du 22 décembre 2008, Magoora, C-414/07, Rec. p. I-10921, point 28, et Oasis East, précité, point 24).

43      En ce qui concerne l’affaire au principal et l’éventuelle applicabilité du régime dérogatoire prévu à l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive au cas d’espèce, il importe de relever que ladite directive est entrée en vigueur en Pologne à la date de l’adhésion de cet État membre à l’Union européenne, à savoir le 1er mai 2004. Dès lors, cette date est pertinente aux fins de l’application de la disposition susvisée en ce qui concerne cet État membre (arrêt Oasis East, précité, point 25).

44      Afin d’apprécier la réglementation nationale en cause au principal au regard de l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive et de la jurisprudence susvisée, il y a lieu de constater qu’elle constitue une mesure de nature générale qui exclut le droit à déduction de la TVA acquittée en amont pour toute opération réalisée par un assujetti qui n’a pas satisfait à l’obligation d’enregistrement aux fins de la TVA.

45      Or, une telle réglementation comporte une limitation du droit à déduction de la TVA qui excède celle autorisée par l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive.

46      La Cour a en effet précisé que les États membres ne sont pas habilités à maintenir des exclusions du droit à déduction de la TVA s’appliquant de manière générale à n’importe quelle dépense liée à l’acquisition de biens ou de services (arrêts du 23 avril 2009, PARAT Automotive Cabrio, C-74/08, Rec. p. I-3459, points 28 et 29, ainsi que Oasis East, précité, point 30).

47      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui exclut le droit à déduction de la TVA payée par un assujetti à un autre assujetti, prestataire de services, lorsque ce dernier n’est pas enregistré aux fins de cette taxe.

 Sur les dépens

48      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 2006/18/CE du Conseil, du 14 février 2006, doivent être interprétés en ce sens qu’un assujetti bénéficie du droit à déduction en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée acquittée pour des prestations de services fournies par un autre assujetti qui n’est pas enregistré aux fins de cette taxe, lorsque les factures y relatives comportent toutes les informations exigées par ledit article 22, paragraphe 3, sous b), en particulier celles nécessaires pour l’identification de la personne ayant établi lesdites factures et la nature des services fournis.

2)      L’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 2006/18, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui exclut le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée par un assujetti à un autre assujetti, prestataire de services, lorsque ce dernier n’est pas enregistré aux fins de cette taxe.

Signatures


* Langue de procédure: le polonais.