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ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

12 mai 2011 (*)

«Manquement d’État – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Application d’un taux réduit – Animaux vivants normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires pour la consommation humaine et animale – Livraisons, importations et acquisitions de certains animaux vivants, notamment des chevaux»

Dans l’affaire C-441/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 11 novembre 2009,

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou et B.-R. Killmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République d’Autriche, représentée par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par:

République française, représentée par M. G. de Bergues et Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes C. M. Wissels et M. Noort, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. D. Šváby (rapporteur), président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta et M. T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en appliquant un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») aux livraisons, aux importations et aux acquisitions intracommunautaires de certains animaux vivants, notamment de chevaux, qui ne sont pas normalement destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires pour la consommation humaine et animale, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), lus en combinaison avec l’annexe III de celle-ci (ci-après l’«annexe III»).

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

2        L’article 96 de la directive 2006/112 dispose:

«Les États membres appliquent un taux normal de [la] TVA fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services.»

3        L’article 97 de cette directive prévoit:

«1.      À partir du 1er janvier 2006 et jusqu’au 31 décembre 2010, le taux normal ne peut être inférieur à 15 %.

2.      Le Conseil décide, conformément à l’article 93 du traité [CE], du niveau du taux normal applicable après le 31 décembre 2010.»

4        L’article 98 de ladite directive est libellé comme suit:

«1.      Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits.

2.      Les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III.

[...]

3.      En appliquant les taux réduits prévus au paragraphe 1 aux catégories qui se réfèrent à des biens, les États membres peuvent recourir à la nomenclature combinée pour délimiter avec précision la catégorie concernée.»

5        L’annexe III, intitulée «Liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits visés à l’article 98», mentionne à son point 1:

«Les denrées alimentaires (y compris les boissons, à l’exclusion, toutefois, des boissons alcooliques) destinées à la consommation humaine et animale, les animaux vivants, les graines, les plantes et les ingrédients normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires; les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer des denrées alimentaires».

6        Le point 11 de l’annexe III est libellé comme suit:

«les livraisons de biens et les prestations de services d’un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole, à l’exclusion, toutefois, des biens d’équipement, tels que les machines ou les bâtiments».

 La réglementation nationale

7        L’article 10 de la loi fédérale de 1994 relative à l’imposition des opérations (Umsatzsteuergesetz 1994, BGBl. 663/1994), telle que modifiée par la deuxième loi de 2008 portant modification de l’imposition (2. Abgabenänderungsgesetz 2008, BGBl. I, 140/2008, ci-après l’«UStG 1994»), prévoit:

«1)      L’impôt perçu sur chaque opération imposable est fixé à 20 % de l’assiette (articles 4 et 5).

2)      Cet impôt est réduit à 10 % pour:

1.a)      les livraisons et les importations:

–        des marchandises visées aux annexes points 1 à 43 bis [...]

–        [...]»

8        Le point 1 de l’annexe de l’UStG 1994, intitulée «Liste des marchandises auxquelles le taux de 10 % est applicable», est libellé comme suit:

«1.      Animaux vivants relevant des positions 0101 à 0105 de la nomenclature combinée.

Lesdites positions de la nomenclature combinée comprennent les chevaux, les ânes, les bardots et mulets (0101), les bovidés (0102), les porcs (0103), les moutons et chèvres (0104) et les volailles domestiques (0105), vivants.»

9        Le point 1178 des lignes directrices 2000 relatives à la TVA publiées par le ministère fédéral des Finances (ci-après les «lignes directrices 2000») contient, au chapitre 10, intitulé «Taux (UStG 1994, art. 10)», section 10.2., intitulée «Taux réduit de 10 %», point 10.2.3., intitulé «Élevage d’animaux, production végétale et services directement liés à l’élevage», alinéa 10.2.3.1., intitulé «Élevage d’animaux (reproduction, engraissement et détention)», les indications suivantes:

«Les animaux visés au point 1 de l’annexe [de l’UStG 1994] comprennent notamment les chevaux, les ânes, les mulets et bardots, les bovidés, les porcs, les moutons, les chèvres et les volailles domestiques. Ils ne comprennent pas les lièvres, les lapins, les chevreuils, les cerfs, les animaux à fourrure, les carnassiers, les faisans, les perdrix, les cygnes, les pigeons, les canards sauvages, les oies sauvages, les chats, les chiens, les oiseaux chanteurs, les poissons, les serpents, les souris, les rats et les cobayes.»

 La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

10      Estimant que, en appliquant un taux réduit de la TVA aux livraisons, aux importations et aux acquisitions intracommunautaires de certains animaux vivants, tels que les chevaux, les ânes, les bardots, les mulets, les bovidés, les porcs, les moutons, les chèvres et les volailles domestiques, même lorsqu’ils ne sont pas normalement destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires pour la consommation humaine et animale, la République d’Autriche n’avait pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98 de la directive 2006/112, lus en combinaison avec l’annexe III, la Commission a décidé d’engager la procédure prévue à l’article 226 CE. Par lettre du 17 octobre 2007, la Commission a mis en demeure cet État membre de présenter ses observations à cet égard.

11      Dans sa réponse du 14 janvier 2008, la République d’Autriche a confirmé que la réglementation nationale prévoyait un taux réduit de la TVA pour les opérations portant sur certains animaux vivants, quel que soit l’usage auquel ils étaient destinés, mais a fait valoir que le libellé de la directive 2006/112 mentionne les animaux vivants comme une catégorie distincte de celle des denrées alimentaires. Elle a souligné, en outre, la difficulté d’établir une distinction en fonction de la destination des animaux. Enfin, elle a précisé que les lignes directrices 2000 ne prennent en considération que les animaux également utilisables comme denrées alimentaires.

12      Le 27 novembre 2008, la Commission a émis un avis motivé invitant la République d’Autriche à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci. Dans ledit avis, la Commission exposait qu’une analyse comparée de toutes les versions linguistiques de la directive 2006/112 ne pouvait qu’aboutir à une interprétation du texte selon laquelle l’application aux animaux vivants de taux réduits de la TVA n’est permise qu’à condition qu’il s’agisse d’animaux normalement utilisés dans la fabrication de denrées alimentaires. L’usage auquel les animaux vivants sont destinés étant déjà connu au moment de l’opération et même parfois prédéterminé par l’espèce ou la race de l’animal en question, la Commission ajoutait ne pas comprendre en quoi il serait difficile de déterminer le taux d’imposition en fonction de l’utilisation finale de ces animaux.

13      La République d’Autriche ayant, par lettre du 29 janvier 2009, contesté cette analyse juridique et refusé de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à l’avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.

14      Par ordonnance du président de la Cour du 21 avril 2010, la République française et le Royaume des Pays-Bas ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la République d’Autriche.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

15      La Commission soutient que la réglementation autrichienne viole les articles 96 et 98 de la directive 2006/112, lus en combinaison avec l’annexe III, en ce qu’elle prévoit l’application d’un taux réduit de la TVA aux livraisons, aux importations et aux acquisitions intracommunautaires d’animaux vivants, notamment de chevaux, même lorsqu’ils ne sont pas normalement destinés à un usage alimentaire.

16      La Commission rappelle que le taux réduit de la TVA constituant une exception par rapport au taux normal prévu à l’article 96 de la directive 2006/112, les dispositions de cette directive relatives aux taux réduits doivent être interprétées de manière stricte.

17      La Commission souligne que, conformément à son économie, le point 1 de l’annexe III fait tout d’abord référence aux «denrées alimentaires», c’est-à-dire à des produits destinés à la consommation humaine ou animale, et comporte, ensuite, une énumération d’autres marchandises, parmi lesquelles figurent les animaux vivants, les graines, les plantes ainsi que «les ingrédients normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires». Les éléments de cette énumération devraient également faire l’objet d’une interprétation stricte et ne pourraient être compris qu’en rapport avec les termes «denrées alimentaires», dont ils ne serviraient qu’à définir plus précisément le concept.

18      Cette interprétation découlerait également de l’analyse du libellé de plusieurs versions linguistiques de la directive 2006/112, notamment les versions en langues espagnole, anglaise, française, italienne, néerlandaise, portugaise et suédoise, desquelles il résulterait que seuls les produits normalement destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires pour la consommation humaine et animale peuvent faire l’objet d’un taux réduit de la TVA.

19      L’interprétation téléologique confirmerait cette analyse. Le point 1 de l’annexe III viserait en effet à assurer un traitement privilégié à tous les produits entrant dans la fabrication de denrées alimentaires. Les animaux vivants, tout comme les graines, les plantes et d’autres ingrédients, feraient l’objet d’une mention particulière tout en étant regroupés car ils pourraient être consommés non pas tels quels, mais seulement après transformation.

20      La Commission fait observer que les lignes directrices 2000 énumèrent d’ailleurs des espèces animales comme ne devant pas faire l’objet d’un taux réduit de la TVA au motif qu’elles sont normalement réservées à d’autres usages.

21      En ce qui concerne précisément la famille des équidés, à laquelle appartiennent les espèces de chevaux ou d’ânes, l’utilisation en tant qu’animaux de trait et de selle serait clairement mise en avant. Le bénéfice d’un taux réduit de la TVA devrait donc être limité aux seules races de chevaux, telles que le poney sarde, le bardigiano, le bashkir et le kazakh, qui sont normalement utilisées pour la production de denrées alimentaires.

22      La Commission estime que la réglementation autrichienne n’est pas compatible avec les dispositions de la directive 2006/112 en ce qu’elle prévoit d’appliquer un taux réduit de la TVA également aux opérations portant sur des animaux vivants, notamment sur des races de chevaux qui ne sont normalement pas destinées à être utilisées dans la préparation de denrées alimentaires, mais qui sont normalement destinées à être utilisées en tant que chevaux de dressage, de selle, de cirque ou de course.

23      L’argument selon lequel ces animaux peuvent également être abattus, et donc utilisés pour la préparation de denrées alimentaires, serait dénué de pertinence car il ne s’agirait pas de leur destination normale.

24      La République d’Autriche considère qu’il ressort du libellé non équivoque du point 1 de l’annexe III que cette disposition vise les animaux vivants en général et sans restriction. Les expressions «denrées alimentaires destinées à la consommation humaine ou animale», «normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires» et «normalement utilisés pour compléter ou remplacer des denrées alimentaires», qui sont employées à ladite disposition, ne se rattacheraient pas à la notion d’«animaux vivants».

25      La République d’Autriche fait valoir que si la notion d’«animaux vivants» avait la signification que la Commission lui prête, les mots «ingrédients» et «produits» employés au point 1 de l’annexe III devraient logiquement être précédés de l’adjectif «autres». Dans toutes les versions linguistiques, les termes «animaux vivants» viseraient un groupe de produits autonome.

26      La République d’Autriche souligne que l’interprétation que la Commission donne du point 1 de l’annexe III est contradictoire en ce que, d’une part, elle prétend qu’il faut se fonder sur l’usage auquel le cheval est destiné pour déterminer si le taux réduit de la TVA peut lui être appliqué ou non, mais, d’autre part, elle soutient que ce taux réduit ne peut être appliqué que si les chevaux de la race concernée sont normalement destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires. La raison de l’inclusion des «animaux vivants» en général dans l’annexe III tiendrait vraisemblablement au souci, d’une part, d’éviter des problèmes de délimitation et, d’autre part, de garantir que les denrées alimentaires ne se trouvent en aucun cas exclues de l’accès à un taux réduit de la TVA.

27      Par ailleurs, l’argumentation de la Commission, tirée de ce que la République d’Autriche ne prévoit pas de taux réduit de la TVA pour tous les animaux vivants, serait dénuée de pertinence dès lors qu’il est loisible aux États membres de ne prévoir un taux d’imposition réduit que pour certains des biens cités dans les différentes catégories.

28      À titre principal, la République française soutient que l’article 98, paragraphe 2, de la directive 2006/112, lu en combinaison avec le point 1 de l’annexe III, permet l’application d’un taux réduit de la TVA aux opérations concernant les animaux vivants, indépendamment de leur destination.

29      Il ne ressortirait pas du libellé dudit point 1 que la notion d’«animaux vivants» devrait nécessairement être lue en lien avec l’expression «destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires». Au contraire, à défaut de précision en ce sens, chaque catégorie de produits ou de services visée à l’annexe III devrait être interprétée de manière autonome.

30      À titre subsidiaire, la République française fait valoir que les chevaux étant en tout état de cause «normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires», l’application d’un taux réduit de la TVA aux opérations les concernant n’est pas contraire à la directive 2006/112.

31      À cet égard, elle souligne que le point 1 de l’annexe III vise les animaux vivants «normalement» destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires. Cette expression permettrait que le taux réduit de la TVA soit appliqué à toutes les opérations concernant une catégorie animale donnée, pour autant que cet animal est habituellement destiné à l’alimentation. Or, même s’il peut avoir d’autres usages au cours de son cycle de vie, telles les activités de loisir ou de course, tout cheval, quel que soit son usage initial, serait un animal dont la destination habituelle est d’être utilisé en tant qu’animal de boucherie. La République française invoque en ce sens l’article 20 du règlement (CE) n° 504/2008 de la Commission, du 6 juin 2008, portant application des directives 90/426/CEE et 90/427/CEE du Conseil en ce qui concerne les méthodes d’identification des équidés (JO L 149, p. 3), dont il ressortirait qu’un équidé est considéré, en principe, comme étant destiné à l’abattage pour la consommation humaine.

32      Par ailleurs, la République française considère que le cheval peut bénéficier de l’application d’un taux réduit de la TVA également sur le fondement du point 11 de l’annexe III, lequel vise les livraisons de biens et les prestations de services d’un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole. En effet, la filière équine couvrirait un large spectre d’activités contribuant au développement rural, telles que les activités d’élevage et de culture, les travaux de débardage, les vendanges, les activités de réinsertion sociale, les activités de loisir, à savoir l’équitation sportive et le tourisme, ainsi que les activités de course.

33      Le Royaume des Pays-Bas soutient, d’une part, que ni la version en langue néerlandaise ni aucune autre version linguistique du point 1 de l’annexe III ne confirment que l’expression «normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires» s’applique aux animaux vivants, aux graines et aux plantes.

34      D’autre part, l’interprétation proposée par la Commission porterait atteinte au principe de sécurité juridique. En effet, l’assujetti devrait à chaque fois examiner si la livraison d’un cheval doit être soumise au taux normal ou au taux réduit de la TVA, alors que la destination de l’animal ne pourrait être déterminée qu’a posteriori.

 Appréciation de la Cour

35      Par le présent recours, la Commission fait grief à la République d’Autriche d’appliquer un taux réduit de la TVA aux livraisons, aux importations et aux acquisitions intracommunautaires de certains animaux vivants, notamment de chevaux, qui ne sont pas normalement destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires, en violation des obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98 de la directive 2006/112, lus en combinaison avec l’annexe III.

36      À titre liminaire, il convient de constater que la Commission a limité son argumentation aux opérations portant sur les chevaux vivants non destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires.

37      Par conséquent, le recours doit être compris en ce sens que la Commission fait grief à la République d’Autriche d’appliquer un taux réduit de la TVA uniquement aux livraisons, aux importations et aux acquisitions intracommunautaires de chevaux.

38      Les parties s’opposent, tout d’abord, sur l’interprétation du point 1 de l’annexe III, en invoquant chacune différentes versions linguistiques de cette disposition au soutien de leur argumentation.

39      À cet égard, ainsi que la Cour l’a constaté, ledit point 1 n’a pas le même sens dans les différentes langues officielles de l’Union européenne (arrêt du 3 mars 2011, Commission/Pays-Bas, C-41/09, non encore publié au Recueil, point 41).

40      Il résulte des points 44 à 54 de l’arrêt Commission/Pays-Bas, précité, d’une part, que le point 1 de l’annexe III n’autorise l’application d’un taux réduit de la TVA que pour les animaux vivants normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires et, d’autre part, que la finalité de cette disposition est de faciliter l’achat de ces denrées alimentaires par le consommateur final.

41      Par l’emploi de l’adverbe «normalement» dans la deuxième partie de phrase dudit point 1, le législateur de l’Union a entendu viser les animaux qui, à titre habituel et de manière générale, sont destinés à entrer dans la chaîne alimentaire humaine et animale. Tel est le cas, notamment, des espèces bovine, porcine et ovine, mentionnées au point 1178 des lignes directrices 2000. L’ensemble des livraisons d’animaux appartenant à ces espèces peut donc faire l’objet d’un taux réduit de la TVA, sans qu’il y ait lieu d’examiner la situation particulière de tel ou tel animal (voir arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 55).

42      En revanche, il est notoire que, dans l’Union, l’espèce chevaline se trouve dans une situation différente de celle des espèces citées au point précédent. En effet, ainsi que l’a souligné la Commission, les chevaux ne sont pas, à titre habituel et de manière générale, destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires, même si certains d’entre eux serviront effectivement pour la consommation humaine ou animale.

43      Eu égard à cette situation particulière des chevaux, qui, sans être normalement destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires, peuvent néanmoins, pour certains d’entre eux, être livrés à la consommation, il y a lieu de considérer que, à la lumière de l’objectif du législateur de l’Union visant à rendre les biens essentiels moins chers pour le consommateur final, le point 1 de l’annexe III doit être interprété en ce sens que seule la livraison d’un cheval en vue de son abattage pour être utilisé dans la préparation de denrées alimentaires peut faire l’objet d’un taux réduit de la TVA (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 57).

44      Il convient d’ajouter que, selon une jurisprudence constante, les dispositions qui ont le caractère d’une dérogation à un principe doivent être interprétées de manière stricte (voir, notamment, arrêts du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a., C-399/93, Rec. p. I-4515, point 23, ainsi que du 17 juin 2010, Commission/France, C-492/08, non encore publié au Recueil, point 35). Or, permettre l’application d’un taux réduit de la TVA pour toute livraison d’un cheval impliquerait de retenir une interprétation large du point 1 de l’annexe III (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 58).

45      Ledit point 1 ne permet donc pas à un État membre d’appliquer un taux réduit de la TVA à l’ensemble des livraisons de chevaux vivants, et ce quelle que soit la destination de ceux-ci (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 59).

46      Aucun des autres arguments invoqués par la République d’Autriche et les deux États membres intervenus au soutien des conclusions de celle-ci n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

47      En effet, premièrement, s’agissant du règlement n° 504/2008, relatif aux méthodes d’identification des équidés, la Cour a jugé qu’il ne peut être déduit de l’article 20 de ce règlement que, selon le législateur de l’Union, un cheval est normalement destiné à être utilisé dans la préparation de denrées alimentaires (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 64).

48      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument selon lequel l’ensemble des livraisons de chevaux devrait être soumis à un taux réduit de la TVA au titre du point 11 de l’annexe III, il convient de souligner que, dans les États membres, les chevaux ne sont pas utilisés à titre habituel et de manière générale dans la production agricole. Il en résulte que doit s’appliquer un raisonnement analogue à celui suivi dans le cadre du point 1 de la même annexe, à savoir que seules les livraisons de chevaux en vue de leur utilisation dans la production agricole peuvent faire l’objet d’un taux réduit de la TVA. Pas plus que ce point 1, ledit point 11 ne permet donc d’appliquer un taux réduit de la TVA à l’ensemble des livraisons de chevaux (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 65).

49      Dans ces conditions, le recours introduit par la Commission doit être considéré comme fondé.

50      En conséquence, il convient de constater que, en appliquant un taux réduit de la TVA à l’ensemble des livraisons, des importations et des acquisitions intracommunautaires de chevaux, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98 de la directive 2006/112, lus en combinaison avec l’annexe III.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République d’Autriche et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

52      Conformément au paragraphe 4, premier alinéa, du même article, la République française et le Royaume des Pays-Bas, qui sont intervenus au litige, supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

1)      En appliquant un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée à l’ensemble des livraisons, des importations et des acquisitions intracommunautaires de chevaux, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lus en combinaison avec l’annexe III de celle-ci.

2)      La République d’Autriche est condamnée aux dépens.

3)      La République française et le Royaume des Pays-Bas supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.