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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

6 octobre 2011 (*)

«Manquement d’État – Articles 63 TFUE et 40 de l’accord EEE – Libre circulation des capitaux – Fonds de retraite étrangers et nationaux – Impôt sur les sociétés – Dividendes – Exonération – Différence de traitement»

Dans l’affaire C-493/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 1er décembre 2009,

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal et Mme M. Afonso, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes et Mme H. Ferreira, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et M. Safjan, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 mars 2011,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en imposant les dividendes perçus par des fonds de retraite non-résidents à un taux supérieur à celui grevant les dividendes perçus par les fonds de retraite résidant sur le territoire portugais, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 63 TFUE ainsi que 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).

 Le cadre juridique

2        En vertu de l’article 16, paragraphe 1, du régime applicable aux avantages fiscaux (Estatuto dos Beneficios Fiscais, ci-après l’«EBF»), sont exonérés de l’impôt sur le revenu des personnes morales (Imposto sobre o Rendimento das Pessoas Colectivas, ci-après l’«IRC») les revenus perçus par les fonds de retraite et assimilés qui sont constitués et qui opèrent conformément au droit portugais.

3        L’article 16, paragraphe 4, de l’EBF prévoit que, en cas de non-respect des conditions posées au paragraphe 1 de cet article 16, la jouissance de l’avantage prévu à ce paragraphe 1 reste sans effet pour l’exercice concerné, les sociétés gestionnaires des fonds de retraite et assimilés, y compris les associations mutualistes, étant responsables à titre principal des dettes d’impôt des fonds ou des patrimoines dont la gestion leur incombe et devant procéder au paiement de l’impôt dû dans le délai prévu à l’article 120, paragraphe 1, du code de l’impôt sur le revenu des personnes morales (Código do Imposto sobre o Rendimento das Pessoas Colectivas, ci-après le «CIRC»).

4        L’article 4, paragraphe 2, du CIRC dispose que les personnes morales et les autres entités qui n’ont ni siège ni direction effective sur le territoire portugais restent assujetties à l’IRC uniquement pour les revenus obtenus sur ce territoire. L’article 80, paragraphe 4, sous c), du CIRC précise que le taux de l’IRC s’élève à 20 %, sous réserve des dispositions des conventions destinées à éviter la double imposition.

5        En vertu de l’article 4, paragraphe 3, sous c), point 3, du CIRC, les revenus du placement de capitaux dont le débiteur a son domicile, son siège ou sa direction effective sur le territoire portugais, ou dont le paiement est imputable à un établissement stable situé sur ce territoire, font partie des revenus de non-résidents imposables au Portugal.

6        Conformément à l’article 88, paragraphes 1, sous c), 3, sous b), et 5, du CIRC, l’IRC est prélevé par voie de retenue définitive à la source.

7        Aux termes de l’article 88, paragraphe 11, du CIRC:

«Sont imposés de manière autonome, au taux de 20 %, les bénéfices distribués par des entités assujetties à l’IRC à des assujettis bénéficiant de l’exonération totale ou partielle, y compris, dans ce cas, les revenus des capitaux, lorsque les parts sociales donnant lieu aux bénéfices ne sont pas restées sans interruption aux mains d’un même assujetti durant l’année précédant la date de leur mise à disposition et n’ont pas été conservées durant le temps nécessaire pour accomplir cette période.»

8        L’article 88, paragraphe 12, du CIRC dispose:

«Du montant de l’impôt déterminé conformément aux dispositions du paragraphe 11 est déduit l’impôt qui a éventuellement été retenu à la source, l’impôt retenu ne pouvant dans ce cas être déduit au titre de l’article 90, paragraphe 2.»

 La procédure précontentieuse

9        Le 23 mars 2007, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République portugaise, dans laquelle elle a invoqué l’incompatibilité des dispositions fiscales portugaises relatives au traitement fiscal des dividendes et des intérêts perçus par des fonds de retraite ne résidant pas sur le territoire portugais avec les articles 63 TFUE et 40 de l’accord EEE.

10      La réponse de la République portugaise du 18 juin 2007 n’ayant pas convaincu la Commission, cette dernière a adressé à cet État membre, le 8 mai 2008, un avis motivé dans lequel elle l’a invité à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

11      Dans sa réponse du 14 août 2008, la République portugaise a reconnu que le régime fiscal en cause est constitutif d’une restriction à la libre circulation des capitaux, mais elle a considéré qu’une telle restriction est justifiée au regard du droit de l’Union. En particulier, elle a fait valoir que le régime fiscal plus favorable réservé aux fonds de retraite résidant au Portugal compense les obligations légales spécifiques qui leur incombent.

12      N’étant pas satisfaite de ces explications, la Commission a décidé d’introduire le présent recours en manquement.

 La procédure devant la Cour

13      Par un acte déposé au greffe de la Cour le 8 avril 2010 et sur le fondement des articles 40, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 93 du règlement de procédure de celle-ci, l’Autorité de surveillance AELE a demandé à être admise à intervenir dans la présente affaire, au soutien des conclusions de la Commission.

14      Par une ordonnance du 15 juillet 2010, le président de la Cour a rejeté cette demande.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

15      La Commission soutient que le régime fiscal portugais applicable aux fonds de retraite établit une différence de traitement en fonction du lieu de résidence desdits fonds. Ainsi, les dividendes versés à des fonds de retraite constitués et opérant conformément à la législation portugaise sont totalement exonérés de l’IRC, alors que les dividendes versés à des fonds de retraite non-résidents y sont soumis.

16      La Commission considère que cette différence de traitement constitue une restriction à la libre circulation des capitaux, dans la mesure où l’investissement des fonds de retraite non-résidents dans des sociétés portugaises est rendu moins attrayant.

17      À titre liminaire, la République portugaise précise que, en vertu de l’article 88, paragraphe 11, du CIRC, il n’existe pas de différence de traitement entre les fonds de retraite résidents et les fonds de retraite non-résidents lorsque les dividendes distribués sont issus de parts sociales détenues par le fonds bénéficiaire pendant une période inférieure à une année, ces revenus étant, dans les deux cas, grevés de l’IRC.

18      Dans les autres cas, la République portugaise reconnaît l’existence d’une restriction à la libre circulation des capitaux, mais fait valoir que celle-ci est justifiée à deux égards.

19      Premièrement, le régime fiscal applicable aux fonds de retraite serait justifié aux fins de la préservation de la cohérence fiscale. Ainsi, l’exonération des revenus des fonds de retraite résidents serait compensée par l’imposition des pensions de retraite versées aux bénéficiaires résidant au Portugal au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Dans le domaine des retraites, une interprétation large de cette raison impérieuse d’intérêt général serait nécessaire pour écarter tout risque d’atteinte à l’équilibre financier du système de sécurité sociale.

20      Deuxièmement, la République portugaise fait valoir que la limitation de l’exonération de l’IRC aux fonds de retraite résidents se fonde sur des exigences liées à l’efficacité des contrôles fiscaux. Ainsi, les exigences légales donnant droit au bénéfice de l’exonération de l’IRC requerraient que les fonds aspirant à cette exonération puissent être contrôlés directement par les autorités fiscales portugaises.

21      Ainsi, les fonds de retraite résidant au Portugal seraient soumis non seulement à des exigences prudentielles et de défense des investisseurs particulièrement strictes résultant de la directive 2003/41/CE du Parlement européen et du Conseil, du 3 juin 2003, concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (JO L 235, p. 10), mais également à des conditions complémentaires propres au droit portugais, en particulier en matière de responsabilité financière. Ainsi, l’article 16, paragraphe 4, de l’EBF prévoirait, notamment, que les sociétés gestionnaires des fonds de retraite sont responsables à titre principal des dettes d’impôt des fonds ou des patrimoines dont la gestion leur incombe.

22      Or, le contrôle de ces éléments serait particulièrement complexe et nécessiterait que les autorités fiscales portugaises puissent s’adresser directement aux fonds de retraite bénéficiant de l’exonération de l’IRC. En particulier, en cas de non-respect des exigences fixées par la législation portugaise en matière d’exonération de l’IRC, une emprise directe sur le fonds concerné serait indispensable pour que le remboursement des sommes dues au titre de l’IRC soit assuré. Une telle emprise serait toutefois impossible en ce qui concerne les fonds de retraite résidant dans un autre État membre et, a fortiori, s’agissant de ceux résidant dans un État tiers partie à l’accord EEE, les dispositions de l’Union relatives à la coopération en matière fiscale n’étant pas applicables dans ce contexte.

23      En réponse à ces arguments, la Commission fait valoir, premièrement, que la justification tirée de la cohérence fiscale ne saurait être retenue en ce qui concerne la restriction à la libre circulation des capitaux induite par le régime portugais d’imposition des fonds de retraite.

24      Ainsi, d’une part, l’IRC prélevé sur les revenus des fonds de retraite non-résidents ne constituerait pas une source directe de financement du système de sécurité sociale. D’autre part, la compensation des pertes de recettes fiscales résultant de l’exonération de l’IRC au moyen de l’imposition des pensions de retraite ne serait effective que dans le cas où les bénéficiaires de ces pensions résident au Portugal.

25      Deuxièmement, la Commission considère que la restriction en cause ne saurait non plus être justifiée par des considérations liées à l’efficacité des contrôles fiscaux.

26      En effet, d’une part, l’avantage concurrentiel allégué, dont bénéficieraient les fonds de retraite non-résidents en matière d’exigences à respecter, ne saurait justifier qu’un traitement fiscal moins favorable leur soit appliqué.

27      D’autre part, le traitement fiscal réservé aux fonds de retraite non-résidents ne saurait être considéré comme visant à protéger les sociétés dans lesquelles ils investissent ainsi que les particuliers résidant au Portugal. Il tendrait simplement à limiter le bénéfice de l’exonération de l’IRC aux fonds de retraite résidents, sans laisser la possibilité aux fonds de retraite non-résidents de prouver qu’ils offrent des garanties équivalentes à celles offertes par les fonds de retraite résidents. Partant, et pour assurer le respect des objectifs avancés par la République portugaise, il suffirait de demander aux fonds de retraite non-résidents de prouver leur qualité et le cadre légal dans lequel ils agissent, dès lors que les mécanismes de coopération et d’assistance mutuelle prévus par le droit de l’Union, mais également par des accords multilatéraux et bilatéraux en ce qui concerne les États tiers parties à l’accord EEE, permettraient aux autorités portugaises de procéder aux vérifications nécessaires, voire au recouvrement des dettes fiscales.

 Appréciation de la Cour

 Sur l’existence d’une restriction à la libre circulation des capitaux

28      Il résulte d’une jurisprudence constante que les mesures interdites par l’article 63, paragraphe 1, TFUE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d’en faire dans d’autres États (arrêt du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C-436/08 et C-437/08, non encore publié au Recueil, point 50).

29      S’agissant de la question de savoir si la réglementation nationale en cause constitue une restriction aux mouvements des capitaux, il doit être constaté que pour qu’ils ne soient pas grevés de l’IRC, les dividendes distribués par des sociétés établies sur le territoire portugais à des fonds de retraite doivent remplir deux conditions. D’une part, ils doivent être versés à des fonds de retraite constitués et opérant conformément au droit portugais. D’autre part, ces dividendes doivent être distribués au titre de parts sociales restées sans interruption entre les mains d’un même fonds de retraite durant une période minimale correspondant à l’année précédant la date de leur mise à disposition ou conservées durant le temps nécessaire pour accomplir cette période.

30      Il s’ensuit que, en raison de la première condition prévue par la réglementation nationale en cause, l’investissement pouvant être effectué dans une société portugaise par un fonds de retraite non-résident est moins attrayant que l’investissement qui pourrait être réalisé par un fonds de retraite résident. En effet, dans le premier cas seulement les dividendes distribués par la société portugaise seront grevés à hauteur de 20 % au titre de l’IRC même s’ils sont issus de parts sociales restées entre les mains de ce fonds durant une période minimale correspondant à l’année précédant la date de leur mise à disposition. Cette différence de traitement a pour effet de dissuader les fonds de retraite non-résidents d’investir dans des sociétés portugaises et les épargnants résidant au Portugal d’investir dans de tels fonds de retraite.

31      Ladite différence de traitement n’existe toutefois pas lorsque les dividendes versés par une société résidente sont issus de parts sociales qui ne sont pas restées entre les mains du même assujetti durant l’année précédant la date de leur mise à disposition. En effet, en vertu de l’article 88, paragraphe 11, du CIRC, l’exonération prévue à l’article 16, paragraphe 1, de l’EBF n’est pas applicable dans ces conditions, de sorte que ces dividendes sont grevés de l’IRC quel que soit le lieu de résidence du fonds de retraite auquel ils sont versés.

32      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, en ce qui concerne l’imposition des dividendes versés par des sociétés établies sur le territoire portugais au titre de parts sociales détenues par un fonds de retraite pendant plus d’un an, la réglementation litigieuse constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63 TFUE.

 Sur les raisons susceptibles de justifier la législation en cause

33      Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence bien établie, des mesures nationales restreignant la libre circulation des capitaux peuvent être justifiées pour les raisons mentionnées à l’article 63 TFUE ou par des raisons impérieuses d’intérêt général, à condition qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (arrêt du 1er juillet 2010, Dijkman et Dijkman-Lavaleije, C-233/09, non encore publié au Recueil, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

34      Selon la République portugaise, la législation en cause est justifiée par des raisons tirées de la nécessité de préserver, d’une part, la cohérence fiscale et, d’autre part, l’efficacité du contrôle des exigences auxquelles doivent répondre les fonds de retraite pour bénéficier de l’exonération de l’impôt sur les sociétés litigieuse.

–       En ce qui concerne l’objectif tiré de la nécessité de préserver la cohérence fiscale

35      Il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà admis que la nécessité de préserver la cohérence d’un régime fiscal peut justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité CE (arrêts du 27 novembre 2008, Papillon, C-418/07, Rec. p. I-8947, point 43, ainsi que Dijkman et Dijkman-Lavaleije, précité, point 54).

36      Pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, la Cour exige toutefois un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé, le caractère direct de ce lien devant être apprécié au regard de l’objectif de la réglementation en cause (arrêts précités Papillon, point 44, ainsi que Dijkman et Dijkman-Lavaleije, point 55).

37      À cet égard, la République portugaise n’a pas démontré à suffisance de droit l’existence d’un tel lien en se bornant à faire valoir que l’exonération de l’impôt sur les sociétés compense l’impôt sur le revenu dû par les adhérents des fonds de retraite résidant au Portugal au titre des pensions qu’ils perçoivent et qu’elle permet ainsi de prévenir une double imposition de ces revenus.

38      Au demeurant, force est de constater que, d’une part, il ne résulte pas de la réglementation en cause que les revenus versés à des bénéficiaires résidant au Portugal par des fonds de retraite non-résidents ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Partant, dans de telles circonstances, les dividendes versés aux fonds non-résidents sont grevés de l’impôt sur les sociétés et les sommes versées aux bénéficiaires résidents par ces fonds sont soumises à l’impôt sur le revenu.

39      D’autre part, lorsqu’un fonds résident verse des revenus à un bénéficiaire non-résident, les dividendes qu’il a perçus sont exonérés de l’impôt sur les sociétés, quel que soit le traitement fiscal réservé aux revenus que verse ce fonds dans l’État de résidence du bénéficiaire de ces derniers.

40      En outre, s’agissant de l’argument tiré de la nécessité d’assurer la pérennité du système de retraite portugais, la République portugaise n’a apporté aucun élément permettant de déterminer dans quelle mesure le fait d’exonérer de l’impôt sur les sociétés les dividendes versés à des fonds non-résidents serait susceptible de remettre en cause le financement de ce régime.

41      Partant, eu égard aux éléments avancés par la République portugaise, cette dernière ne saurait invoquer la nécessité de préserver la cohérence fiscale pour justifier la restriction à la libre circulation des capitaux qui résulte de la réglementation en cause.

–       En ce qui concerne l’objectif tiré de la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles

42      Il est de jurisprudence constante que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité (arrêt Dijkman et Dijkman-Lavaleije, précité, point 58 ainsi que jurisprudence citée).

43      Selon la République portugaise, l’exonération de l’IRC est une contrepartie du respect, par les fonds de retraite, des exigences prévues par la directive 2003/41 et la législation portugaise.

44      En particulier, les conditions que doivent remplir les fonds de retraite résidents pour bénéficier de l’exonération de l’IRC viseraient à assurer la pérennité du système de retraite portugais, en soumettant ces fonds à des exigences particulièrement strictes en matière de gestion, de fonctionnement, de capitalisation et de responsabilité financière. Or, le contrôle de ces exigences par l’administration fiscale ne serait possible que dans la mesure où ces fonds de retraite résideraient au Portugal.

45      À cet égard, il convient, toutefois, de constater que la réglementation litigieuse exclut, par principe, les fonds de retraite non-résidents du bénéfice de l’exonération de l’IRC, sans leur donner la possibilité de prouver qu’ils répondent aux exigences fixées par la législation portugaise. Dès lors, la République portugaise ne saurait soutenir que la différence relevée entre le traitement dont bénéficient les fonds de retraite résidents et celui réservé aux fonds de retraite non-résidents en matière d’exonération de l’IRC serait une contrepartie du respect, par les premiers de ces fonds, des exigences prévues par ladite législation. En effet, les fonds de retraite non-résidents sont en toute hypothèse exclus du bénéfice de cette exonération, alors même qu’ils rempliraient les exigences requises pour l’obtention de cette dernière.

46      Or, une réglementation nationale qui empêche de manière absolue un fonds de retraite de rapporter la preuve qu’il satisfait aux exigences qui lui permettraient de bénéficier de l’exonération de l’IRC, s’il résidait au Portugal, ne saurait être justifiée au titre de l’efficacité des contrôles fiscaux. En effet, il ne saurait être exclu, a priori, que les fonds de retraite résidant dans un État membre autre que la République portugaise soient en mesure de fournir les pièces justificatives pertinentes permettant aux autorités fiscales portugaises de vérifier, de façon claire et précise, qu’ils remplissent des exigences équivalentes à celles prévues par la législation portugaise, dans leur État de résidence.

47      Une telle appréciation vaut pour les États membres de l’Union européenne et les États membres de l’Espace économique européen (EEE) d’autant plus que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 57 et 58 de ses conclusions, le décret-loi n° 12/2006, du 20 janvier 2006, invoqué par la République portugaise dans son mémoire en défense, vise à transposer la directive 2003/41, dont l’application a été étendue aux États membres de l’EEE.

48      En tout état de cause, l’impossibilité absolue pour les fonds de retraite non-résidents de bénéficier de l’exonération accordée aux fonds de retraite résidant au Portugal ne saurait non plus être considérée comme proportionnée au regard des difficultés alléguées par la République portugaise en ce qui concerne la collecte des informations pertinentes et le recouvrement des dettes fiscales.

49      En effet, premièrement, s’agissant des fonds résidant dans un État membre autre que la République portugaise, les directives 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15), ainsi que 2008/55/CE du Conseil, du 26 mai 2008, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures (JO L 150, p. 28), offrent aux autorités portugaises un cadre de coopération et d’assistance leur permettant d’obtenir les informations requises en vertu de la législation nationale, ainsi que les moyens de recouvrer d’éventuelles dettes fiscales auprès des fonds de retraite non-résidents.

50      Deuxièmement, s’agissant des fonds de retraite résidant dans un État membre de l’EEE, s’il est vrai que les mécanismes décrits au point précédent du présent arrêt ne trouvent pas à s’appliquer en l’état, force est de constater, d’une part, que la réglementation en cause ne fait pas dépendre le bénéfice de l’exonération de l’impôt sur les sociétés de la présence d’un accord bilatéral d’assistance entre la République portugaise et les États membres de l’EEE qui permettrait une coopération et une assistance équivalentes à celles mises en place entre les États membres de l’Union. D’autre part, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 70 de ses conclusions, des mesures moins restrictives de la libre circulation des capitaux que ne l’est la réglementation en cause pourraient être envisagées pour assurer le recouvrement des dettes fiscales, telles que l’obligation d’apporter, a priori, les garanties financières nécessaires au paiement de ces dettes.

51      Il s’ensuit que la restriction à la libre circulation des capitaux résultant de la réglementation litigieuse ne saurait être justifiée par les motifs invoqués par la République portugaise.

52      Dans ces conditions, il convient de constater que, en réservant le bénéfice de l’exonération de l’impôt sur les sociétés aux seuls fonds de retraite résidant sur le territoire portugais, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 63 TFUE et 40 de l’accord EEE.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      En réservant le bénéfice de l’exonération de l’impôt sur les sociétés aux seuls fonds de retraite résidant sur le territoire portugais, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 63 TFUE et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992.

2)      La République portugaise est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le portugais.