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ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

13 janvier 2010 (*)

«Renvoi préjudiciel – Irrecevabilité manifeste»

Dans les affaires jointes C-292/09 et C-293/09,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par la Commissione tributaria provinciale di Parma (Italie), par décisions des 9 et 17 juin 2009, parvenues à la Cour le 27 juillet 2009, dans les procédures

Isabella Calestani (C-292/09),

Paolo Lunardi (C-293/09)

contre

Agenzia delle Entrate – Ufficio di Parma,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. G. Arestis (rapporteur) et J. Malenovský, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. R. Grass,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Mme Calestani et M. Lunardi à l’Agenzia delle Entrate – Ufficio di Parma au sujet des refus de cette dernière de leur accorder le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») au titre de l’année 2005.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 13, B, de la sixième directive dispose:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[…]

c)      les livraisons de biens qui étaient affectés exclusivement à une activité exonérée en vertu du présent article ou en vertu de l’article 28, paragraphe 3, sous b), si ces biens n’ont pas fait l’objet d’un droit à déduction, ainsi que les livraisons de biens dont l’acquisition ou l’affectation avait fait l’objet de l’exclusion du droit à déduction conformément à l’article 17, paragraphe 6;

[...]»

 La réglementation nationale

4        La juridiction de renvoi expose que l’article 19, paragraphe 5, du décret du président de la République nº 633, du 26 octobre 1972, portant création et réglementation de la taxe sur la valeur ajoutée (supplément ordinaire à la GURI nº 292, du 11 novembre 1972), dans sa version applicable aux affaires au principal (ci-après le «DPR nº 633/1972»), exclut la déductibilité de la TVA versée sur les achats de biens et de services inhérents à l’activité pour la partie, exprimée en pourcentage, résultant du rapport entre les opérations exonérées au titre de l’article 10 du DPR nº 633/1972 et le montant total des opérations effectuées, à savoir le chiffre d’affaires.

 Les demandes de décision préjudicielle

5        Les demandes de décision préjudicielle de la juridiction de renvoi dans les affaires C-292/09 et C-293/09 sont rédigées dans des termes semblables qui se limitent à indiquer ce qui suit.

6        Sous l’intitulé «Motifs» desdites demandes, la juridiction de renvoi expose, d’abord, que l’article 19, paragraphe 5, du DPR nº 633/1972 exclut la déductibilité de la TVA versée sur les achats de biens et de services inhérents à l’activité pour la partie, exprimée en pourcentage, résultant du rapport entre les opérations exonérées au titre de l’article 10 du DPR nº 633/1972 et le montant total des opérations effectuées, à savoir le chiffre d’affaires. Ladite juridiction en conclut que les contribuables effectuant exclusivement des opérations exonérées au titre de cette dernière disposition perdent en fait le droit de déduire la totalité de la TVA acquittée sur les achats de biens et de services.

7        La juridiction de renvoi considère, ensuite, que l’article 13, B, sous c), de la sixième directive semble avoir été écarté par le législateur national, étant entendu que ce dernier, s’il n’a, d’une part, jamais introduit dans le DPR nº 633/1972 une quelconque disposition exonérant de la TVA les livraisons de biens affectés exclusivement à une activité exonérée a, d’autre part, continué de limiter, sinon d’exclure, la déductibilité de la TVA sur les achats pour les assujettis effectuant des opérations exonérées, ce qui a entraîné, selon ladite juridiction, une TVA occulte pesant en définitive sur le consommateur final que la législation communautaire comme la législation nationale entendaient au contraire protéger.

8        La juridiction de renvoi observe, en outre, qu’il est évident que l’opérateur qui dispense des soins en matière de santé, dès lors qu’il n’a pu déduire la TVA sur les achats inhérents à son activité, reporte en définitive le surcoût qui en résulte sur le patient ou, en tout état de cause, sur celui qui bénéficie de ces services, en augmentant le coût final de sa prestation.

9        Ladite juridiction relève également que cette situation apparaît contraire à la ratio legis de la disposition d’exemption, qui réside dans l’exigence de réduire le coût des soins de santé et de favoriser ainsi l’accès aux soins, ainsi que cela ressort de l’arrêt du 1er décembre 2005, Ygeia (C-394/04 et C-395/04, Rec. p. I-10373).

10      En se référant à l’arrêt du 11 janvier 2001, Commission/France (C-76/99, Rec. p. I-249), la juridiction de renvoi précise enfin que la Cour a, de même, jugé que l’exonération des soins médicaux est destinée à garantir que le bénéfice des soins médicaux et hospitaliers ne devienne pas inaccessible en raison du coût accru de ces soins s’ils étaient eux-mêmes soumis à la TVA.

11      Ladite juridiction conclut la motivation des demandes de décision préjudicielle en estimant, à la lumière des considérations susmentionnées, qu’il apparaît nécessaire, pour pouvoir statuer dans les affaires dont elle est saisie, d’établir si l’article 19, paragraphe 5, du DPR nº 633/1972 est contraire au droit communautaire ainsi qu’au principe de neutralité de la TVA et, en particulier, s’il y a eu une transposition incorrecte de la sixième directive, pour autant que le droit interne ne prévoit pas la déductibilité de la TVA sur les achats effectués par des assujettis dans le cadre d’opérations exonérées de la TVA.

12      Dans ces conditions, la Commissione tributaria provinciale di Parma a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles reprises dans les motifs des demandes de décision préjudicielle.

 Sur la jonction

13      Les affaires C-292/09 et C-293/09 étant connexes dans leur objet, il convient, en application de l’article 43 du règlement de procédure, de les joindre aux fins de la présente ordonnance.

 Sur la recevabilité des demandes de décision préjudicielle

14      Il convient de constater d’emblée que, par les demandes de décision préjudicielle dans les deux affaires en cause, la juridiction de renvoi invite la Cour à se prononcer sur la conformité d’une disposition de la législation nationale en cause au principal avec le droit communautaire et le principe de neutralité de la TVA. En particulier, ladite juridiction demande à la Cour si la sixième directive a été correctement transposée dans l’ordre juridique interne.

15      Or, il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre de la procédure préjudicielle, d’apprécier la conformité d’une législation nationale avec le droit communautaire ni d’interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales (voir, notamment, arrêts du 9 septembre 2003, Jaeger, C-151/02, Rec. p. I-8389, point 43, et du 31 janvier 2008, Centro Europa 7, C-380/05, Rec. p. I-349, point 49, ainsi que ordonnance du 17 septembre 2009, Investitionsbank Sachsen-Anhalt, C-404/08 et C-409/08, point 25).

16      Toutefois, la Cour a itérativement jugé qu’elle est compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier une telle conformité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1993, Hünermund e.a., C-292/92, Rec. p. I-6787, point 8, ainsi que Centro Europa 7, précité, point 50).

17      Il y a lieu, dès lors, de comprendre les demandes de décision préjudicielle comme visant, en substance, à savoir si la sixième directive s’oppose à une législation nationale telle que celle en cause au principal, laquelle ne prévoit pas la déductibilité de la TVA sur les achats effectués par des assujettis dans le cadre d’opérations exonérées de la TVA.

18      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure instituée par l’article 234 CE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit communautaire qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1992, Meilicke, C-83/91, Rec. p. I-4871, point 22, et du 5 février 2004, Schneider, C-380/01, Rec. p. I-1389, point 20, ainsi que ordonnance du 13 juin 2007, Blanco Pérez et Chao Gómez, C-72/07 et C-111/07, point 15).

19      Dans le cadre de cette coopération, il appartient à la juridiction nationale saisie du litige, qui seule possède une connaissance directe des faits à l’origine de celui-ci et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’elle pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59, et Schneider, précité, point 21, ainsi que ordonnance du 9 avril 2008, RAI, C-305/07, point 15).

20      Néanmoins, la Cour a relevé à maintes reprises que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour la juridiction nationale exige que celle-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’elle pose ou que, à tout le moins, elle explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (voir, notamment, arrêts du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a., C-320/90 à C-322/90, Rec. p. I-393, point 6, et Centro Europa 7, précité, point 57, ainsi que ordonnance Investitionsbank Sachsen-Anhalt, précitée, point 29).

21      La Cour insiste également sur l’importance de l’indication, par la juridiction nationale, des raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation du droit communautaire et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour (voir, notamment, arrêt du 6 décembre 2005, ABNA e.a., C-453/03, C-11/04, C-12/04 et C-194/04, Rec. p. I-10423, point 46, ainsi que ordonnances précitées Blanco Pérez et Chao Gómez, point 18, et Investitionsbank Sachsen-Anhalt, point 30).

22      Ainsi, la Cour a jugé qu’il est indispensable que la juridiction nationale explicite, dans la décision de renvoi elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions communautaires dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (voir, notamment, arrêts du 19 avril 2007, Asemfo, C-295/05, Rec. p. I-2999, point 33, et Centro Europa 7, précité, point 54, ainsi que ordonnance du 17 septembre 2009, Canon Kabushiki Kaisha, C-181/09, point 10).

23      Il importe de souligner, en outre, que les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés [voir, notamment, arrêts du 1er avril 1982, Holdijk e.a., 141/81 à 143/81, Rec. p. 1299, point 6, et du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine, C-176/96, Rec. p. I-2681, point 23, ainsi que ordonnance du 28 juin 2000, Laguillaumie, C-116/00, Rec. p. I-4979, point 14; voir également la note informative de la Cour de justice sur l’introduction de procédures préjudicielles par les juridictions nationales (JO 2005, C 143, p. 1, point 22)].

24      Or, en l’occurrence, force est de constater que les présentes demandes de décision préjudicielle ne répondent manifestement pas à ces exigences.

25      Tout d’abord, la juridiction de renvoi ne définit pas le cadre factuel dans lequel s’insèrent les demandes de décision préjudicielle. Elle n’explicite pas non plus les hypothèses factuelles sur lesquelles lesdites demandes sont fondées. Ladite juridiction s’est en effet bornée à indiquer qu’elle avait été saisie des recours formés contre des refus de l’Agenzia delle Entrate – Ufficio di Parma d’accorder aux requérants au principal le remboursement de la TVA au titre de l’année 2005.

26      Ensuite, la juridiction de renvoi ne fournit pas des indications suffisamment circonstanciées sur le cadre juridique national qui permettraient aux parties intéressées de présenter des observations et à la Cour de fournir des réponses utiles. En particulier, elle se limite à exposer brièvement les dispositions nationales visées par les demandes de décision préjudicielle, sans préciser de manière suffisante le contenu concret desdites dispositions.

27      Enfin, la juridiction de renvoi n’explique nullement les raisons précises pour lesquelles l’interprétation du droit communautaire sollicitée lui semble nécessaire aux fins de la solution des litiges au principal. Faute de décrire la situation factuelle des requérants au principal et donc d’indiquer si cette situation est susceptible de relever du champ d’application des dispositions du droit communautaire dont elle demande l’interprétation, la juridiction de renvoi n’a pu établir les raisons du choix desdites dispositions ni le lien entre ces dernières et ladite situation ou la législation nationale applicable aux litiges au principal.

28      Par ailleurs, il convient de relever que les demandes de décision préjudicielle ne permettent pas de discerner avec certitude quelles sont précisément les dispositions de droit communautaire dont la juridiction de renvoi demande l’interprétation. En effet, tout en mentionnant, d’abord, l’article 13, B, sous c), de la sixième directive, ladite juridiction se réfère, ensuite, afin d’étayer la motivation desdites demandes, uniquement à deux arrêts de la Cour qui portent sur l’interprétation d’une autre disposition de ladite directive, à savoir l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de celle-ci, sans le citer, alors même que la Cour s’est déjà prononcée plusieurs fois sur l’interprétation de la première disposition. Cette ambiguïté aurait certainement été dissipée si la juridiction de renvoi avait présenté les questions préjudicielles elles-mêmes dans une partie distincte et clairement identifiée desdites demandes, conformément au point 24 de la note citée au point 23 de la présente ordonnance, au lieu de se borner à renvoyer à l’exposé des motifs de ces dernières.

29      Dans ces conditions, il convient, dès ce stade de la procédure, de constater, en application des articles 92, paragraphe 1, et 103, paragraphe 1, du règlement de procédure, que les présentes demandes de décision préjudicielle sont manifestement irrecevables.

 Sur les dépens

30      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

Les demandes de décision préjudicielle introduites par la Commissione tributaria provinciale di Parma (Italie), par décisions des 9 et 17 juin 2009, sont manifestement irrecevables.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.