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ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

17 janvier 2012 ( *1 )

«Sécurité sociale des travailleurs migrants — Règlement (CEE) no 1408/71 — Travailleur employé sur une plateforme gazière située sur le plateau continental adjacent aux Pays-Bas — Assurance obligatoire — Refus du versement d’une allocation d’incapacité de travail»

Dans l’affaire C-347/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rechtbank Amsterdam (Pays-Bas), par décision du 5 juillet 2010, parvenue à la Cour le 8 juillet 2010, dans la procédure

A. Salemink

contre

Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts et J.-C. Bonichot, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann (rapporteur), E. Juhász, G. Arestis, D. Šváby et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juin 2011,

considérant les observations présentées:

pour M. Salemink, par M. R. E. Zalm, jurist,

pour le Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen, par Mme I. Eijkhout, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. M. Wissels et M. Noort, en qualité d’agents,

pour le gouvernement grec, par Mmes S. Vodina et E.-M. Mamouna ainsi que par M. G. Karipsiadis, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, initialement par Mme B. Plaza Cruz, puis par Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 39 CE et 299 CE ainsi que des titres I et II du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (JO L 209, p. 1, ci-après le «règlement no 1408/71»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Salemink, ressortissant néerlandais ayant travaillé sur une plateforme gazière située sur le plateau continental adjacent aux Pays-Bas et résidant en Espagne, au Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (conseil d’administration de l’Institut de gestion des assurances pour les salariés), au sujet du refus de ce dernier de lui octroyer une allocation d’incapacité de travail.

Le cadre juridique

Le droit international

3

La convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982, entrée en vigueur le 16 novembre 1994, ratifiée par le Royaume des Pays-Bas le 28 juin 1996 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 98/392/CE du Conseil, du 23 mars 1998 (JO L 179, p. 1, ci-après la «convention sur le droit de la mer»), dispose à son article 60, intitulé «Îles artificielles, installations et ouvrages dans la zone économique exclusive»:

«1.   Dans la zone économique exclusive, l’État côtier a le droit exclusif de procéder à la construction et d’autoriser et réglementer la construction, l’exploitation et l’utilisation:

a)

d’îles artificielles;

b)

d’installations et d’ouvrages affectés aux fins prévues à l’article 56 ou à d’autres fins économiques;

c)

d’installations et d’ouvrages pouvant entraver l’exercice des droits de l’État côtier dans la zone.

2.   L’État côtier a juridiction exclusive sur ces îles artificielles, installations et ouvrages, y compris en matière de lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires, de sécurité et d’immigration.

[…]»

4

L’article 77 de la convention sur le droit de la mer, intitulé «Droits de l’État côtier sur le plateau continental», prévoit:

«1.   L’État côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles.

2.   Les droits visés au paragraphe 1 sont exclusifs en ce sens que si l’État côtier n’explore pas le plateau continental ou n’en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles activités sans son consentement exprès.

3.   Les droits de l’État côtier sur le plateau continental sont indépendants de l’occupation effective ou fictive, aussi bien que de toute proclamation expresse.

[…]»

5

En vertu de l’article 80 de cette même convention, intitulé «Îles artificielles, installations et ouvrages sur le plateau continental»:

«L’article 60 s’applique, mutatis mutandis, aux îles artificielles, installations et ouvrages situés sur le plateau continental.»

La réglementation de l’Union

6

L’article 13 du règlement no 1408/71, intitulé «Règles générales», prévoit:

«1.   Sous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2.   Sous réserve des articles 14 à 17:

a)

la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre;

[…]»

La réglementation nationale

7

En vertu de l’article 3 de la loi sur l’assurance maladie (Ziektewet, ci-après la «ZW»):

«1.   Le travailleur salarié est la personne physique n’ayant pas atteint l’âge de 65 ans qui est employée sur la base d’une relation de droit privé ou de droit public.

2.   La personne dont l’emploi s’exerce en dehors des Pays-Bas n’est pas considérée comme un travailleur salarié, à moins qu’elle ne réside aux Pays-Bas et que son employeur ne réside également ou ne soit établi aux Pays-Bas.»

8

La loi sur le travail et le revenu en fonction de la capacité de travail (Wet werk en inkomen naar arbeidsvermogen, ci-après la «WIA») entrée en vigueur le 1er janvier 2006 énonce, à son article 7, paragraphe 1, que «le travailleur salarié est obligatoirement assuré».

9

En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la WIA, «est considéré comme travailleur salarié au sens de la présente loi, le travailleur salarié au sens de la [ZW], à l’exception de celui qui tient son statut de l’article 4, paragraphe 1, sous g), de ladite loi».

10

Il ressort de l’article 18, paragraphes 1 et 2, de la WIA, que l’assurance volontaire est envisageable à l’égard de la personne n’ayant pas atteint l’âge de 65 ans qui n’est pas considérée comme un travailleur salarié, aux termes de l’article 3, deuxième et cinquième paragraphes, de la ZW, et dont l’assurance obligatoire a pris fin, qui réside en dehors des Pays-Bas et qui, directement après la fin de l’assurance obligatoire, se trouve dans les liens d’un contrat de travail d’une durée maximale de cinq ans avec un employeur résidant ou établi aux Pays-Bas.

11

En vertu de l’article 47, paragraphe 1, de la WIA, l’assuré qui tombe malade a droit à l’allocation d’incapacité de travail si le délai d’attente est écoulé, l’incapacité de travail est totale et de longue durée, et aucun motif d’exclusion ne lui est applicable.

12

En vertu de l’article 3 de la loi relative au travail minier en mer du Nord (Wet arbeid mijnbouw Noordzee):

«1.   Le présent article s’applique aux travailleurs qui ne sont pas assurés au titre de la [ZW] ni par aucun régime légal correspondant d’un État membre de l’Union européenne, et dont le contrat de travail est régi par la législation néerlandaise en matière de contrats de travail, à tout le moins ses dispositions contraignantes.

2.   Le travailleur qui, en raison d’une maladie, n’est pas en mesure d’effectuer le travail convenu a droit à la rémunération prévue à l’article 629, paragraphe 1, du livre 7 du code civil pendant 104 semaines, même si son contrat de travail a pris fin pendant cette période.»

Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

13

M. Salemink, de nationalité néerlandaise, a travaillé, à partir de 1996, comme infirmier, et partiellement comme radiographe, sur une plateforme de production de la société Nederlandse Aardolie Maatschappij. La plateforme en cause se situe en dehors des eaux territoriales néerlandaises, sur le plateau continental adjacent aux Pays-Bas, à une distance de 80 km environ de la côte néerlandaise.

14

Le 10 septembre 2004, M. Salemink a transféré sa résidence en Espagne.

15

Avant son départ pour l’Espagne, M. Salemink était assuré à titre obligatoire conformément à la ZW, dont l’article 3, paragraphe 2, énonce que la personne dont l’emploi s’exerce en dehors des Pays-Bas n’est pas considérée comme un travailleur salarié, à moins qu’elle ne réside aux Pays-Bas et que son employeur ne réside également ou ne soit établi dans cet État membre.

16

À partir de son déménagement en Espagne, M. Salemink a cessé de répondre à la condition de résidence prévue audit article 3, paragraphe 2, et, par conséquent, il s’est vu exclu de l’assurance à titre obligatoire, notamment contre l’incapacité de travail.

17

À compter du 4 octobre 2004, M. Salemink a été admis à l’assurance volontaire à laquelle toutefois, par la suite, il a été mis fin, faute de paiement des cotisations. Les tentatives ultérieures entreprises par M. Salemink, au cours de l’année 2006, pour être admis à l’assurance volontaire ont échoué en raison de la tardiveté de cette démarche.

18

Ayant fait état, le 24 octobre 2006, de sa condition de malade, M. Salemink a demandé, le 11 septembre 2007, une allocation d’incapacité de travail au titre de la WIA, à compter du 24 octobre 2008.

19

Cette demande a été refusée par l’Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Institut de gestion des assurances pour les salariés, ci-après l’«UWV») au motif que M. Salemink, à la date du début de l’incapacité de travail, soit le 24 octobre 2006, n’était pas assuré à titre obligatoire. M. Salemink résidant depuis le 10 septembre 2004 en dehors des Pays-Bas, l’UWV a considéré qu’il n’était plus assuré à titre obligatoire à partir de cette date.

20

Devant le Rechtbank Amsterdam, M. Salemink a soutenu qu’il était en mesure de pouvoir bénéficier d’une allocation d’incapacité de travail sur le fondement du règlement no 1408/71 qui, selon lui, s’applique sur le plateau continental adjacent aux Pays-Bas, lequel devrait être considéré comme faisant partie du territoire néerlandais.

21

À cet égard, il invoque la politique préconisée par la Sociale Verzekeringsbank (Banque d’assurances sociales, ci-après la «SVB»), à partir du 1er janvier 2006, qui s’inspire de l’arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Aldewereld (C-60/93, Rec. p. I-2991), et qui vise à considérer les travailleurs salariés travaillant sur le plateau continental adjacent aux Pays-Bas comme assurés au titre de la sécurité sociale néerlandaise.

22

La juridiction de renvoi décrit cette politique comme suit:

«La SVB part du principe que le titre II du règlement [no 1408/71] s’applique si un travailleur salarié réside sur le territoire de la Communauté mais travaille en dehors de celui-ci, pour un employeur établi dans la Communauté. À cet égard, la SVB tire des [motifs des arrêts de la Cour du 12 juillet 1984,] Prodest [, 237/83, Rec. p. 3153] et Aldewereld [, précité,] la condition selon laquelle le travailleur salarié doit avoir été assuré, immédiatement avant de travailler en dehors de la Communauté, dans l’État membre où son employeur est établi ou être assuré sur la base de la législation nationale de cet État membre lorsqu’il travaille en dehors de la Communauté. Si une de ces conditions est remplie, la SVB considère que c’est la législation de l’État membre de l’employeur qui est applicable durant la période de travail en dehors de la Communauté.»

23

Or, l’UWV a considéré que, après son déménagement en Espagne, M. Salemink ne remplissait plus les conditions d’affiliation à l’assurance obligatoire.

24

La juridiction de renvoi fait part de ses doutes quant à l’extension de l’applicabilité du règlement no 1408/71 au plateau continental en question. Elle se demande s’il n’y a pas lieu de faire une distinction entre, d’une part, le territoire sur lequel un État membre est souverain et, d’autre part, le territoire sur lequel il est compétent pour exercer des droits souverains limités, mais où il dispose également de la compétence de ne pas les exercer — comme l’a fait, de l’avis de la juridiction de renvoi, l’État néerlandais en ce qui concerne la législation de la sécurité sociale sur le plateau continental. Ainsi, la question se pose de savoir si un État membre est en droit de traiter différemment, dans les limites de la compétence fonctionnelle qu’il exerce sur le plateau continental, les salariés y travaillant et ceux travaillant sur le territoire de cet État.

25

La juridiction de renvoi admet que le refus de l’UWV peut être incompatible avec le principe de libre circulation des travailleurs, eu égard au fait que M. Salemink a perdu un avantage dont il bénéficiait lorsqu’il résidait aux Pays-Bas. Toutefois, elle se demande si cette incompatibilité pourrait être atténuée par le fait que M. Salemink a été en mesure de s’assurer volontairement et qu’il a fait usage de cette possibilité.

26

En conclusion, la juridiction de renvoi observe que la condition de résidence énoncée à l’article 3, paragraphe 2, de la ZW est un critère problématique en ce qu’elle peut potentiellement aboutir à une discrimination en raison de la nationalité.

27

Dans ces circonstances, le Rechtbank Amsterdam a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les règles du droit communautaire européen qui visent à instaurer la libre circulation des travailleurs, et en particulier les règles énoncées aux titres I et II du règlement no 1408/71, ainsi que les articles 39 CE et 299 CE [...] font-ils obstacle à ce que le travailleur salarié exerçant ses activités professionnelles en dehors du territoire néerlandais sur une installation fixe située sur le plateau continental adjacent aux Pays-Bas, pour un employeur établi aux Pays-Bas, ne soit pas assuré au titre de la législation nationale d’assurances sociales, pour la seule raison qu’il ne réside pas aux Pays-Bas, mais dans un autre État membre (en l’espèce, l’Espagne), même s’il possède la nationalité néerlandaise et même si la possibilité lui est offerte de s’assurer à titre volontaire à des conditions identiques en substance à celles de l’assurance obligatoire?»

Sur la question préjudicielle

28

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions du règlement no 1408/71 et l’article 39 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un travailleur, qui exerce ses activités professionnelles sur une installation fixe située sur le plateau continental adjacent à un État membre, ne soit pas assuré à titre obligatoire dans cet État membre en vertu de la législation nationale d’assurances sociales au seul motif qu’il réside non pas dans celui-ci mais dans un autre État membre.

29

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71, la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre.

30

Toutefois, l’applicabilité dudit article 13, paragraphe 2, sous a), ainsi que du droit de l’Union en général, est, dans une affaire telle que celle au principal, contestée tant par le gouvernement néerlandais que par l’UWV dans la mesure où l’activité professionnelle en question est exercée sur une plateforme gazière située sur le plateau continental adjacent aux Pays-Bas, en dehors des eaux territoriales néerlandaises. Le gouvernement néerlandais et l’UWV ont soutenu à cet égard que la portée territoriale du règlement no 1408/71 est limitée au seul territoire national. La juridiction de renvoi émet également des doutes quant à l’applicabilité du droit de l’Union au plateau continental en cause.

31

À cet égard, il importe de se référer aux règles et aux principes du droit international relatifs au régime juridique du plateau continental.

32

Dans son arrêt du 20 février 1969 (affaires dites «du plateau continental de la mer du Nord», Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, 1969, p. 3, paragraphe 19), la Cour internationale de justice a été amenée à se prononcer sur les droits de l’État riverain sur le plateau continental qui constitue un prolongement naturel de son territoire sous la mer. Elle a jugé que lesdits droits existent ipso facto et ab initio en vertu de la souveraineté de l’État sur ce territoire et par une extension de cette souveraineté sous la forme de l’exercice de droits souverains aux fins de l’exploration du lit de la mer et de l’exploitation de ses ressources naturelles.

33

Il ressort de l’article 77 de la convention sur le droit de la mer que l’État côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles. Ces droits sont exclusifs en ce sens que, si l’État côtier n’explore pas le plateau continental ou n’en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles activités sans son consentement exprès.

34

Quant aux îles artificielles, aux installations et aux ouvrages situés sur le plateau continental, en vertu de l’article 80 de la convention sur le droit de la mer, lu en combinaison avec l’article 60 de cette même convention, l’État côtier a le droit exclusif de procéder à leur construction ainsi que d’autoriser et de réglementer leur construction, leur exploitation et leur utilisation. L’État côtier a juridiction exclusive sur ces îles artificielles, ces installations et ces ouvrages.

35

Dès lors que le plateau continental adjacent à un État membre relève de sa souveraineté, bien que fonctionnelle et limitée (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2007, Aktiebolaget NN, C-111/05, Rec. p. I-2697, point 59), un travail accompli sur des installations fixes ou flottantes situées sur ledit plateau continental, dans le cadre d’activités d’exploration et/ou d’exploitation des ressources naturelles, doit être considéré, pour l’application du droit de l’Union, comme accompli sur le territoire dudit État (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2002, Weber, C-37/00, Rec. p. I-2013, point 36, et du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni, C-6/04, Rec. p. I-9017, point 117).

36

L’État membre qui tire profit des prérogatives économiques d’exploration et/ou d’exploitation des ressources exercées sur la partie du plateau continental qui lui est adjacente ne saurait ainsi se soustraire à l’application des dispositions du droit de l’Union visant à garantir la libre circulation des travailleurs exerçant leur activité professionnelle sur de telles installations.

37

L’applicabilité du droit de l’Union et, plus particulièrement, du règlement no 1408/71 au plateau continental adjacent à un État membre étant établie, il convient d’examiner si ledit règlement et les dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des travailleurs s’opposent à ce qu’une personne dans la situation de M. Salemink soit exclue du régime d’assurance obligatoire à la suite du transfert de sa résidence vers l’Espagne.

38

Il importe de souligner, à cet égard, que l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71 a pour seul objet de déterminer la législation nationale applicable aux personnes exerçant une activité salariée sur le territoire d’un État membre. En tant que telle, cette disposition n’a pas pour objet de déterminer les conditions de l’existence du droit ou de l’obligation de s’affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche d’un pareil régime. Ainsi que la Cour l’a indiqué à plusieurs reprises dans sa jurisprudence, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer ces conditions (voir, notamment, arrêts du 23 septembre 1982, Koks, 275/81, Rec. p. 3013, et du 7 juillet 2005, van Pommeren-Bourgondiën, C-227/03, Rec. p. I-6101, point 33).

39

Toutefois, si les États membres conservent leur compétence pour aménager les conditions d’affiliation à leurs systèmes de sécurité sociale, ils doivent néanmoins, dans l’exercice de cette compétence, respecter le droit de l’Union et, en particulier, les dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs (voir, en ce sens, arrêts du 3 mai 1990, Kits van Heijningen, C-2/89, Rec. p. I-1755, point 20, et du 23 novembre 2000, Elsen, C-135/99, Rec. p. I-10409, point 33).

40

Par conséquent, d’une part, ces conditions ne peuvent avoir pour effet d’exclure du champ d’application d’une législation nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, les personnes auxquelles, en vertu du règlement no 1408/71, cette même législation est applicable et, d’autre part, les régimes d’affiliation aux assurances obligatoires doivent être compatibles avec les dispositions de l’article 39 CE (voir, en ce sens, arrêts précités Kits van Heijningen, point 20, et van Pommeren-Bourgondiën, point 39).

41

Or, l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71 dispose expressément que la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État «même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre». Cette disposition ne serait pas respectée si la condition de résidence imposée par la législation de l’État membre sur le territoire duquel l’activité salariée est exercée, afin d’être admis au régime de l’assurance obligatoire qu’elle prévoit, était opposable aux personnes visées audit article 13, paragraphe 2, sous a). En ce qui concerne ces personnes, cette disposition a pour effet de substituer à la condition de résidence une condition fondée sur l’exercice de l’activité salariée sur le territoire de l’État membre visé (voir arrêt Kits van Heijningen, précité, point 21).

42

Ainsi, s’avère contraire à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71 une législation nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, en vertu de laquelle c’est en fonction du critère de résidence qu’un travailleur exerçant son activité sur une plateforme gazière située sur le plateau continental adjacent à un État membre pourra ou non bénéficier d’une assurance à titre obligatoire dans ce même État.

43

En outre, force est de constater qu’une telle législation nationale place les travailleurs non-résidents, comme M. Salemink, dans une situation moins favorable que les travailleurs résidents au regard de leur couverture sociale aux Pays-Bas et porte, de ce fait, atteinte au principe de liberté de circulation garanti par l’article 39 CE.

44

Alors même que la Cour, au point 40 de l’arrêt van Pommeren-Bourgondiën, précité, n’a pas exclu que la condition de résidence pour continuer à relever de l’affiliation obligatoire à certaines branches de la sécurité sociale puisse être compatible avec l’article 39 CE, la possibilité ouverte à M. Salemink d’une affiliation à titre volontaire n’est pas susceptible d’infirmer la constatation faite au point du présent arrêt. En effet, les démarches que les travailleurs non-résidents souhaitant s’assurer à titre volontaire doivent entreprendre de leur propre initiative, ainsi que les contraintes liées à une assurance de ce type, telles que le respect de délais pour l’introduction d’une demande d’assurance, constituent des éléments qui placent les travailleurs non-résidents, qui ne disposent que d’une possibilité d’assurance à titre volontaire, dans une situation moins favorable par rapport aux résidents, lesquels sont couverts par une assurance obligatoire.

45

En conséquence, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71 et l’article 39 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un travailleur qui exerce les activités professionnelles sur une installation fixe située sur le plateau continental adjacent à un État membre ne soit pas assuré à titre obligatoire dans cet État membre en vertu de la législation nationale d’assurances sociales, au seul motif qu’il réside non pas dans celui-ci mais dans un autre État membre.

Sur les dépens

46

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

 

L’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, et l’article 39 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un travailleur qui exerce les activités professionnelles sur une installation fixe située sur le plateau continental adjacent à un État membre ne soit pas assuré à titre obligatoire dans cet État membre en vertu de la législation nationale d’assurances sociales, au seul motif qu’il réside non pas dans celui-ci mais dans un autre État membre.

 

Signatures


( *1 )   Langue de procédure: le néerlandais.