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Affaire C-499/10

Vlaamse Oliemaatschappij NV

contre

FOD Financiën

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le rechtbank van eerste aanleg te Brugge)

«Sixième directive TVA — Redevables de la taxe — Tiers solidairement responsable — Régime de l’entrepôt autre que douanier — Responsabilité solidaire de l’entrepositaire de biens et de l’assujetti propriétaire de ces biens — Bonne foi ou absence de faute ou de négligence de l’entrepositaire»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Redevables de la taxe — Faculté des États membres de tenir pour solidairement responsable du paiement de la taxe une personne autre que le redevable (article 21, paragraphe 3, de la sixième directive)

(Directive du Conseil 77/388, art. 21, § 3)

L’article 21, paragraphe 3, de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, telle que modifiée par la directive 2001/115, doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas aux États membres de prévoir que le gérant d’un entrepôt autre qu’un entrepôt douanier est tenu solidairement au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due à la suite d’une livraison de marchandises effectuée à titre onéreux, au départ de cet entrepôt, par le propriétaire de celles-ci assujetti à cette taxe, alors même que le gérant dudit entrepôt est de bonne foi ou qu’aucune faute ou négligence ne peut lui être reprochée.

En effet, des mesures nationales donnant de facto naissance à un système de responsabilité solidaire sans faute vont au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits du Trésor public. Faire peser la responsabilité du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée sur une personne autre que le redevable de celle-ci, alors même que cette personne est un entrepositaire fiscal agréé, sans lui permettre d’y échapper en rapportant la preuve qu’elle est totalement étrangère aux agissements de ce redevable doit, dès lors, être considéré comme incompatible avec le principe de proportionnalité. En effet, il serait manifestement disproportionné d’imputer, de manière inconditionnelle, à ladite personne la perte de recettes fiscales causées par les agissements d’un tiers assujetti sur lesquels elle n’a aucune influence.

Les circonstances que la personne autre que le redevable a agi de bonne foi en déployant toute la diligence d’un opérateur avisé, qu’elle a pris toute mesure raisonnable en son pouvoir et que sa participation à une fraude est exclue constituent des éléments à prendre en compte pour déterminer la possibilité d’obliger solidairement cette personne à acquitter la taxe sur la valeur ajoutée due.

(cf. points 24, 26, 28 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

21 décembre 2011 (*)

«Sixième directive TVA – Redevables de la taxe – Tiers solidairement responsable – Régime de l’entrepôt autre que douanier – Responsabilité solidaire de l’entrepositaire de biens et de l’assujetti propriétaire de ces biens – Bonne foi ou absence de faute ou de négligence de l’entrepositaire»

Dans l’affaire C-499/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank van eerste aanleg te Brugge (Belgique), par décision du 13 octobre 2010, parvenue à la Cour le 19 octobre 2010, dans la procédure

Vlaamse Oliemaatschappij NV

contre

FOD Financiën,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. G. Arestis (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 septembre 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour Vlaamse Oliemaatschappij NV, par Me T. Leeuwerck, advocaat,

–        pour le gouvernement belge, par Mme M. Jacobs et M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios et M. B. Burggraaf, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 21, paragraphe 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 2001/115/CE du Conseil, du 20 décembre 2001 (JO 2002, L 15, p. 24, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vlaamse Oliemaatschappij NV (ci-après «VOM») au FOD Financiën (Service public fédéral des Finances), au sujet du paiement par cette société de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») portant sur des livraisons de carburant effectuées, au départ de son entrepôt, par l’un de ses clients.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        En vertu de l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, B, premier alinéa, sous e), premier alinéa, de la sixième directive, dans sa version résultant de l’article 28 quater, titre E, point 1, premier tiret, de celle-ci, les États membres ont la faculté de ne pas soumettre à la TVA, sous certaines conditions, les livraisons de biens destinés à être placés sous un régime d’entrepôt autre que douanier.

4        Selon l’article 16, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette directive, dans sa version résultant de l’article 28 quater, titre E, point 1, premier tiret, de celle-ci, le redevable de la taxe due conformément au premier alinéa de ce paragraphe est la personne qui fait sortir les biens des régimes ou des situations énumérés audit paragraphe, par dérogation à l’article 21, paragraphe 1, sous a), premier alinéa, de ladite directive.

5        Sous l’intitulé «Redevables de la taxe envers le Trésor», l’article 21 de la sixième directive, dans sa version résultant de l’article 28 octies de celle-ci, dispose:

«1.      En régime intérieur, la taxe sur la valeur ajoutée est due:

a)      par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, à l’exception des cas visés aux points b) et c).

Lorsque la livraison de biens ou la prestation de services imposable est effectuée par un assujetti qui n’est pas établi à l’intérieur du pays, les États membres peuvent, dans les conditions qu’ils fixent, prévoir que le redevable de la taxe est le destinataire de la livraison de biens ou de la prestation de services imposable;

b)      par le preneur assujetti de services visés à l’article 9, paragraphe 2, point e), ou par le preneur, qui est identifié à la taxe sur la valeur ajoutée à l’intérieur du pays, de services couverts par l’article 28 ter, titres C, D, E et F, si les services sont effectués par un assujetti non établi à l’intérieur du pays;

c)      par le destinataire de la livraison de biens, lorsque les conditions suivantes sont réunies:

–        l’opération imposable est une livraison de biens effectuée dans les conditions prévues à l’article 28 quater, titre E, paragraphe 3,

–        le destinataire de cette livraison de biens est un autre assujetti ou une personne morale non assujettie identifié(e) à la taxe sur la valeur ajoutée à l’intérieur du pays,

–        la facture délivrée par l’assujetti non établi à l’intérieur du pays est conforme à l’article 22, paragraphe 3.

Toutefois, les États membres peuvent prévoir une dérogation à cette obligation, lorsque l’assujetti non établi à l’intérieur du pays a désigné un représentant fiscal dans ce pays;

d)      par toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture;

e)      par la personne effectuant une acquisition intracommunautaire de biens imposable.

2.      Par dérogation aux dispositions du paragraphe 1:

a)      lorsque, en application des dispositions du paragraphe 1, le redevable de la taxe est un assujetti non établi à l’intérieur du pays, les États membres peuvent lui permettre de désigner un représentant fiscal en tant que redevable. Cette option est soumise aux conditions et aux modalités fixées par chaque État membre;

b)      lorsque l’opération imposable est effectuée par un assujetti non établi à l’intérieur du pays et qu’il n’existe, avec le pays du siège ou d’établissement de cet assujetti, aucun instrument juridique relatif à l’assistance mutuelle ayant une portée similaire à celle prévue par les directives 76/308/CEE et 77/799/CEE et par le règlement (CEE) n° 218/92 du Conseil du 27 janvier 1992 concernant la coopération administrative dans le domaine des impôts indirects (TVA), les États membres peuvent prendre des dispositions prévoyant que le redevable de la taxe est un représentant fiscal désigné par l’assujetti non établi.

3.      Dans les situations visées au paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la taxe.

4.      À l’importation, la taxe sur la valeur ajoutée est due par la ou les personnes désignées ou reconnues comme redevables par l’État membre d’importation.»

6        L’article 4, sous b), de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1), définit la notion d’«entrepôt fiscal» comme étant «tout lieu où sont produites, transformées, détenues, reçues ou expédiées par l’entrepositaire agréé dans l’exercice de sa profession, en suspension de droits d’accises, des marchandises soumises à accise sous certaines conditions fixées par les autorités compétentes de l’État membre où est situé cet entrepôt fiscal».

 La réglementation nationale

7        L’article 51 bis, paragraphe 3, du code belge de la TVA prévoit:

«Dans le régime de l’entrepôt autre que douanier, l’entreposeur des biens, la personne qui se charge du transport des biens hors de l’entrepôt ainsi que son mandant éventuel sont solidairement tenus au paiement de la taxe envers l’État avec la personne qui en est redevable […]»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

8        VOM est un prestataire de services qui assure, pour ses clients, le déchargement, le stockage dans des entrepôts et le transbordement sur des camions de produits pétroliers qui arrivent par bateau. Les clients stockent les produits dans ces entrepôts jusqu’à ce qu’ils soient vendus aux clients finals, principalement des stations de distribution de carburants au détail. Pour ces services, VOM facture des «frais de services» qui sont fonction du nombre de litres traités.

9        Ainsi, VOM exploite un «entrepôt fiscal» au sens de l’article 4, sous b), de la directive 92/12. En cette qualité d’entrepositaire, elle est titulaire, depuis le 7 septembre 1999, d’une autorisation lui permettant de gérer un entrepôt autre que douanier pour le stockage d’huiles minérales.

10      En vertu d’une telle autorisation, les produits déposés dans cet entrepôt, en application du régime de l’entrepôt autre que douanier, sont placés sous un régime suspensif de TVA. Lorsque ces produits sont retirés de cet entrepôt et soit ne sont plus sous le régime de l’entrepôt autre que douanier, soit font l’objet d’une livraison à titre onéreux, la TVA devient exigible à leur égard.

11      Ghebra NV (ci-après «Ghebra») exerçait une activité de commerce en gros de carburants et entreposait ses produits pétroliers dans l’entrepôt de VOM. Le 20 juin 2003, Ghebra a été déclarée en faillite.

12      À la suite d’un contrôle effectué par l’administration fiscale, un procès-verbal a été dressé en date du 7 février 2006, duquel il ressort que des livraisons de carburant à titre onéreux ont été effectuées, au départ de l’entrepôt de VOM, par Ghebra au cours des mois de mars et d’avril de l’année 2003. Ces livraisons, ayant mis un terme au régime de l’entrepôt autre que douanier, sont soumises à la TVA, le montant dû à ce titre s’élevant à 2 133 005 euros.

13      Après avoir été informé par le curateur de la faillite de Ghebra que l’État belge n’obtiendrait pas le paiement de la TVA due, en raison de l’insuffisance de l’actif, l’administration fiscale a émis, le 11 avril 2006, un commandement de payer à l’encontre de VOM, conformément à l’article 51 bis, paragraphe 3, du code belge de la TVA.

14      Le 31 mai 2006, VOM a fait opposition à ce commandement devant le rechtbank van eerste aanleg te Brugge.

15      À l’appui de son recours, VOM soutient, notamment, que la responsabilité solidaire de l’entrepositaire pour le paiement de la TVA due, par l’utilisateur de l’entrepôt, par application de l’article 51 bis, paragraphe 3, du code belge de la TVA, est incompatible avec les principes généraux de sécurité juridique et de proportionnalité, qui font partie de l’ordre juridique de l’Union, car elle s’applique indépendamment de la bonne foi ou non de l’entrepositaire. Elle ajoute, à cet égard, que l’entrepositaire joue un rôle passif dans le cadre du régime de la TVA applicable aux entrepôts, puisqu’il se limite à mettre son entrepôt à la disposition de ses clients en vue de permettre le stockage de marchandises et ne dispose d’aucun moyen juridique ou fiscal pour contrôler ou imposer le paiement effectif de la TVA par ceux-ci. Invoquant la jurisprudence de la Cour, VOM estime que, en ne prenant pas en considération la connaissance que pouvait avoir une personne autre que le redevable initial d’une taxe de l’exigibilité de celle-ci pour la tenir solidairement responsable du paiement de cette taxe, et donc en excluant tout critère relatif à la bonne foi des conditions auxquelles une personne peut être tenue solidairement au paiement de ladite taxe, la réglementation nationale excéderait les limites de ce qui est nécessaire et approprié pour atteindre l’objectif qu’elle poursuit.

16      Le FOD Financiën considère que l’article 51 bis, paragraphe 3, du code belge de la TVA est conforme au principe de proportionnalité, qu’il incombe au juge national de contrôler le respect de ce principe et que la responsabilité solidaire est une mesure appropriée et proportionnée dans le secteur des produits pétroliers.

17      Le rechtbank van eerste aanleg te Brugge, estimant nécessaire d’obtenir une réponse quant au point de savoir si l’article 51 bis, paragraphe 3, du code belge de la TVA est compatible avec le droit de l’Union et, notamment, avec les principes de sécurité juridique et de proportionnalité, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’[article 21, paragraphe 3, de la sixième directive], combiné avec [l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, B, premier alinéa, sous e), premier alinéa, ainsi qu’avec l’article 16, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette directive], permet-il aux États membres de prévoir que le gérant d’un entrepôt autre qu’un entrepôt douanier est inconditionnellement tenu solidairement au paiement de la taxe due à la suite d’une livraison effectuée à titre onéreux par le propriétaire des marchandises assujetti à la taxe, même si le gérant de l’entrepôt est de bonne foi ou si aucune faute ou négligence ne peut lui être reprochée […]?»

 Sur la question préjudicielle

18      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 21, paragraphe 3, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il permet aux États membres de prévoir que le gérant d’un entrepôt autre qu’un entrepôt douanier est tenu solidairement au paiement de la TVA due à la suite d’une livraison de marchandises effectuée à titre onéreux, au départ de cet entrepôt, par le propriétaire de celles-ci assujetti à cette taxe, alors même que le gérant dudit entrepôt est de bonne foi ou qu’aucune faute ou négligence ne peut lui être reprochée.

19      Il convient de rappeler que l’article 21, paragraphe 3, de la sixième directive permet, en principe, aux États membres d’adopter des mesures en vertu desquelles une personne est solidairement tenue d’acquitter une somme au titre de la TVA due par une autre personne désignée comme redevable par une des dispositions des paragraphes 1 et 2 dudit article (voir arrêt du 11 mai 2006, Federation of Technological Industries e.a., C-384/04, Rec. p. I-4191, point 28).

20      Toutefois, dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les directives de l’Union, les États membres doivent respecter les principes généraux du droit qui font partie de l’ordre juridique de l’Union, au nombre desquels figurent notamment les principes de sécurité juridique et de proportionnalité (voir, notamment, arrêts Federation of Technological Industries e.a., précité, point 29, ainsi que du 21 février 2008, Netto Supermarkt, C-271/06, Rec. p. I-771, point 18).

21      En ce qui concerne plus particulièrement le principe de proportionnalité, la Cour a déjà jugé que, conformément à ce principe, les États membres doivent avoir recours à des moyens qui, tout en permettant d’atteindre efficacement l’objectif poursuivi par le droit interne, portent le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation de l’Union en cause (voir, notamment, arrêts du 27 septembre 2007, Teleos e.a., C-409/04, Rec. p. I-7797, point 52, ainsi que Netto Supermarkt, précité, point 19).

22      Ainsi, s’il est légitime que les mesures adoptées par les États membres tendent à préserver le plus efficacement possible les droits du Trésor public, elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin (voir, notamment, arrêts précités Federation of Technological Industries e.a., point 30, ainsi que Netto Supermarkt, point 20).

23      À cet égard, la disposition nationale en cause au principal prévoit que, dans le régime de l’entrepôt autre que douanier, l’entrepositaire des biens, la personne qui se charge du transport des biens hors de l’entrepôt ainsi que son mandant éventuel sont solidairement tenus au paiement de la taxe due à l’État avec la personne qui en est redevable. Ainsi, en application de cette disposition, le gérant d’un entrepôt autre qu’un entrepôt douanier est solidairement tenu d’acquitter la TVA avec le redevable initial de celle-ci, à savoir le client de ce gérant. Cette obligation solidaire est libellée de manière inconditionnelle, de telle sorte qu’elle s’applique à l’entrepositaire même lorsque celui-ci est de bonne foi ou qu’aucune faute ou négligence ne peut lui être reprochée.

24      Or, la Cour a déjà jugé que des mesures nationales donnant de facto naissance à un système de responsabilité solidaire sans faute vont au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits du Trésor public (voir arrêt Federation of Technological Industries e.a., précité, point 32). Faire peser la responsabilité du paiement de la TVA sur une personne autre que le redevable de celle-ci, alors même que cette personne est un entrepositaire fiscal agréé tenu aux obligations spécifiques visées dans la directive 92/12, sans lui permettre d’y échapper en rapportant la preuve qu’elle est totalement étrangère aux agissements de ce redevable doit, dès lors, être considéré comme incompatible avec le principe de proportionnalité. En effet, il serait manifestement disproportionné d’imputer, de manière inconditionnelle, à ladite personne la perte de recettes fiscales causée par les agissements d’un tiers assujetti sur lesquels elle n’a aucune influence (voir, en ce sens, arrêt Netto Supermarkt, précité, point 23).

25      En revanche, il n’est pas contraire au droit de l’Union d’exiger que la personne autre que le redevable prenne toute mesure pouvant raisonnablement être requise d’elle pour s’assurer que l’opération qu’elle effectue ne la conduit pas à participer à une fraude fiscale (voir, en ce sens, arrêts précités Federation of Technological Industries e.a., point 33; Teleos e.a., point 65, ainsi que Netto Supermarkt, point 24).

26      Dès lors, les circonstances que la personne autre que le redevable a agi de bonne foi en déployant toute la diligence d’un opérateur avisé, qu’elle a pris toute mesure raisonnable en son pouvoir et que sa participation à une fraude est exclue constituent des éléments à prendre en compte pour déterminer la possibilité d’obliger solidairement cette personne à acquitter la TVA due (voir arrêts précités Teleos e.a., point 66, ainsi que Netto Supermarkt, point 25).

27      Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si ces circonstances sont remplies dans l’affaire au principal.

28      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 21, paragraphe 3, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas aux États membres de prévoir que le gérant d’un entrepôt autre qu’un entrepôt douanier est tenu solidairement au paiement de la TVA due à la suite d’une livraison de marchandises effectuée à titre onéreux, au départ de cet entrepôt, par le propriétaire de celles-ci assujetti à cette taxe, alors même que le gérant dudit entrepôt est de bonne foi ou qu’aucune faute ou négligence ne peut lui être reprochée.

 Sur les dépens

29      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

L’article 21, paragraphe 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 2001/115/CE du Conseil, du 20 décembre 2001, doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas aux États membres de prévoir que le gérant d’un entrepôt autre qu’un entrepôt douanier est tenu solidairement au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due à la suite d’une livraison de marchandises effectuée à titre onéreux, au départ de cet entrepôt, par le propriétaire de celles-ci assujetti à cette taxe, alors même que le gérant dudit entrepôt est de bonne foi ou qu’aucune faute ou négligence ne peut lui être reprochée.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.