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ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

19 juillet 2012(*)

«Deuxième et sixième directives TVA – Taxe payée en amont – Restitution de l’excédent – Versement d’intérêts – Modalités»

Dans l’affaire C-591/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), par décision du 25 novembre 2010, parvenue à la Cour le 14 décembre 2010, dans la procédure

Littlewoods Retail Ltd e.a.

contre

Her Majesty’s Commissioners of Revenue and Customs,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot et Mme A. Prechal, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, E. Juhász, G. Arestis, A. Borg Barthet (rapporteur), D. Šváby et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite à la suite de l’audience du 22 novembre 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour Littlewoods Retail Ltd e.a, par M. D. Anderson et Mme L. Rabinowitz, QC, ainsi que M. S. Elliott, barrister,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. Murell, en qualité d’agent, assistée de M. D. Wyatt, QC,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze, Mme K. Petersen et M. J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme N. Rouam, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement chypriote, par M. K. Lykourgos et Mme E. Symeonidou, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. M. Wissels, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. R. Lyal et Mme C. Soulay, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 janvier 2012,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du droit de l’Union en matière de réparation du préjudice financier subi par un assujetti en raison du versement par celui-ci d’un montant trop élevé de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant les sociétés du groupe Littlewoods (ci-après «Littlewoods») à Her Majesty’s Commissioners for Revenue and Customs (ci-après les «Commissioners») au sujet des modalités d’indemnisation du préjudice financier subi par Littlewoods en raison d’un trop payé de TVA.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 8 et l’annexe A, point 13, de la deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires - Structure et modalités d’application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 1967, 71, p. 1303), définissent la base d’imposition à la TVA notamment en ce qui concerne les livraisons et prestations de services.

4        L’article 11, C, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur les chiffres d’affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), dispose:

«En cas d’annulation, de résiliation, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.

Toutefois, en cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger à cette règle.»

 Le droit du Royaume-Uni

5        La loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée de 1994 (Value Added Tax Act 1994, ci-après, la «VATA 1994») contient les dispositions relatives à l’administration, à la perception et à la mise en œuvre de la TVA ainsi qu’aux recours devant une juridiction spécialisée. Cette loi permet aux Commissioners de recouvrer la TVA due mais non payée par les assujettis et, à ces derniers, de récupérer des sommes payées au titre de la TVA, alors qu’elles n’étaient pas dues. Elle comporte également des dispositions relatives au paiement d’intérêts sur les sommes dues par les assujettis aux Commissioners ainsi que sur les sommes dues par ces derniers aux assujettis.

6        La section 80 de la VATA 1994 dispose:

«Crédit au titre de la TVA surévaluée ou trop payée ou remboursement de la TVA surévaluée ou trop payée

1.            Lorsqu’un assujetti

a)      a déposé une déclaration de TVA auprès des Commissioners pour un exercice comptable donné (quelle que soit la date à laquelle il a pris fin), et

b)      ce faisant, a déclaré au titre de la taxe due en aval un montant qui n’était pas dû à ce titre,

les Commissioners créditent l’assujetti pour ce montant.

[...]

1B.            Lorsqu’une personne a, pour un exercice comptable donné (quelle que soit la date à laquelle il a pris fin) payé aux Commissioners, au titre de la TVA, un montant qui ne leur était pas dû, en dehors du cas

a)      de la déclaration au titre de la taxe due en aval d’un montant qui n’était pas dû à ce titre, [...]

[...]

les Commissioners remboursent à l’assujetti le montant ainsi payé.

2.               Les Commissioners ne créditent ou ne remboursent un montant au titre de la présente section que sur réclamation déposée à cette fin.

2A.               Lorsque

a)      du fait d’une réclamation au titre de la présente section, en vertu des sous-sections 1 ou 1A ci-dessus, un montant doit être crédité à un assujetti, et

b)      après compensation de toute somme au titre de la présente loi, tout ou partie de ce montant reste porté au crédit de l’assujetti,

les Commissioners versent (ou remboursent) à cet assujetti la totalité du montant restant au crédit de celui-ci.

[...]

7.      Hormis les cas prévus par les dispositions de la présente section, les Commissioners ne créditent ou ne remboursent pas les montants déclarés ou payés au titre de la TVA qui ne leur étaient pas dus à ce titre.»

7        Lorsqu’une réclamation déposée au titre de la section 80 de la VATA 1994 est accueillie, l’assujetti peut également réclamer des intérêts sur les sommes trop payées, calculés conformément aux dispositions de la section 78 de la VATA 1994. Cette section prévoit ce qui suit:

«Intérêts dans certains cas d’erreurs officielles

1.               Lorsque, en raison d’une erreur des Commissioners, un assujetti a

a)      déclaré aux Commissioners un montant au titre de la taxe due en aval dont il n’était pas redevable à ce titre, et que, de ce fait, les Commissioners sont tenus de lui verser (ou de lui rembourser) un montant donné conformément à la section 80, sous-section 2A, ou

b)      n’a pas demandé à bénéficier d’un crédit au titre de la section 25 pour un montant pour lequel il était en droit de réclamer un tel crédit et que les Commissioners sont par conséquent tenus de lui verser, ou

c)      [en dehors d’un cas relevant des points a) ou b) ci-dessus] a payé aux Commissioners au titre de la TVA un montant qui n’était pas dû à ce titre et que les Commissioners sont par conséquent tenus de lui rembourser, ou

d)      a subi un retard dans le versement d’un montant dû par les Commissioners en rapport avec la TVA,

les Commissioners, si et dans la mesure où ils ne sont pas tenus de le faire sans égard à la présente section, versent des intérêts à cet assujetti sur le montant donné, pour la période concernée, sous réserve des dispositions suivantes de la présente section.

[...]

3.       Les intérêts qui doivent être versés conformément à la présente section le sont au taux applicable en vertu de la section 197 de la loi de finance de 1996 [Finance Act 1996]. [...]»

8        Les intérêts payés au titre de la section 78 de la VATA 1994 sont calculés par référence à la section 197 de la loi de finance de 1996 et au règlement de 1998 relatif aux droits et aux autres taxes indirectes sur les passagers aériens [Air Passenger Duty and Other Indirect Taxes (Interest Rate) Regulations 1998]. En vertu de ces dispositions, aux fins de ladite section 78, les taux sont fixés, depuis l’année 1998, selon une formule qui fait référence au taux de base moyen des prêts octroyés par six banques de compensation, appelé «taux de référence». Pour la période correspondant aux années 1973 à 1998, les taux sont mentionnés dans le tableau 7 dudit règlement. Le taux applicable au titre de la section 78 de la VATA 1994 est le taux de référence diminué de 1 %. Cette section 78 définit la «période concernée», pour laquelle des intérêts sont dus. En ce qui concerne le litige au principal, cette période commence à la date à laquelle les Commissioners ont bénéficié du trop-perçu de TVA et se termine à la date à laquelle ils ont autorisé le remboursement du montant sur lequel les intérêts sont dus.

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

9        Selon la juridiction de renvoi, depuis l’introduction de la TVA au Royaume-Uni au cours de l’année 1973, les requérantes au principal, à l’exception de la société holding, Littlewoods Limited, ont exercé des activités de vente à domicile sur catalogue. Dans le cadre de ces dernières, ces sociétés distribuaient des catalogues et vendaient les produits figurant dans ceux-ci au moyen de réseaux d’«agents». Ces derniers recevaient une commission sur les ventes réalisées par eux ou par leur intermédiaire («achats par des tiers»). Cette commission, qui pouvait être prélevée en espèces, était appliquée sur les achats passés, effectués par les agents eux-mêmes, ou, selon un taux majoré, sur les achats futurs.

10      De l’année 1973 au mois d’octobre 2004, la commission sur les achats effectués par des tiers a été regardée à tort comme une contrepartie des services fournis par l’agent à Littlewoods. Elle aurait dû être considérée, tant du point de vue du droit de l’Union que du point de vue du droit national, comme une remise sur les achats passés, si elle avait été prélevée en espèces ou appliquée sur ces achats, ou, sur les achats futurs, si elle avait été appliquée au taux majoré sur les achats futurs. Littlewoods a donc payé un montant de TVA trop élevé sur certaines livraisons ou prestations, le montant imposable des biens fournis par elle ayant été considéré, de manière erronée, comme supérieur à ce qu’il était réellement.

11      La juridiction de renvoi considère ainsi que les sommes trop payées n’étaient pas légalement dues au titre de la directive 67/228, s’agissant des exercices antérieurs à l’année 1978, et de la directive 77/388, à partir de ladite année.

12      Littlewoods a déposé, auprès des Commissioners, des réclamations tendant au remboursement de la TVA trop payée. Depuis le mois d’octobre 2004, les Commissioners ont remboursé à Littlewoods un montant de TVA trop payée de 204 774 763 GBP. Ce remboursement a été effectué conformément à la section 80 de la VATA 1994.

13      Ledit remboursement a également été assorti, en vertu de la section 78 de la VATA 1994, du versement d’intérêts simples pour un montant de 268 159 135 GBP.

14      Dans les recours pendants devant la juridiction de renvoi, Littlewoods réclame d’autres sommes, dont le montant cumulé s’élève à environ 1 milliard de GBP. Elle soutient que ce montant correspond à l’avantage dont a bénéficié le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en raison de l’utilisation qu’il a faite des montants en principal de la taxe trop payée. Littlewoods fait valoir que ledit montant a été calculé par référence au taux des intérêts composés applicable aux emprunts effectués par le gouvernement du Royaume-Uni au cours de la période en cause. Le même montant tiendrait compte des intérêts simples déjà payés.

15      Dans le cadre des affaires au principal, Littlewoods invoque deux voies de recours tirées du droit national, à savoir une action en restitution de l’impôt perçu illégalement, communément appelée «action Woolwich» («Woolwich claim»), et une action en restitution des sommes payées en raison d’une erreur de droit («mistake-based claim»).

16      À cet égard, la juridiction de renvoi souligne que le délai de prescription applicable à une action Woolwich est de six ans à partir de la date de versement de la taxe trop payée, tandis que le délai de prescription d’une action en restitution fondée sur l’erreur de droit est de six ans, à partir de la date à laquelle la personne intéressée a découvert l’erreur ou aurait pu la découvrir en faisant preuve d’une diligence raisonnable.

17      Ladite juridiction considère que ces délais de prescription prévus par le droit national sont conformes aux exigences du droit de l’Union.

18      Dans les affaires au principal, il est constant que:

–        de l’année 1973 au mois d’octobre 2004, les Commissioners ont perçu les montants de TVA litigieux en violation du droit de l’Union et du droit national;

–        Littlewoods a droit au remboursement de la TVA trop payée, conformément au droit de l’Union et au droit national, dès lors que les montants correspondants ont été versés aux Commissioners;

–        des intérêts simples, calculés conformément aux dispositions du droit national ont également été payés à Littlewoods, en vertu de ces dispositions, et

–        les conditions d’une action en responsabilité civile dirigée contre l’État, pour violation du droit de l’Union, ne sont pas remplies.

19      Selon la juridiction de renvoi, aucune des voies de recours invoquées par Littlewoods n’a vocation à s’appliquer en l’occurrence. Ladite juridiction considère que la TVA trop payée ne pouvait être récupérée que par la voie d’une réclamation au titre de la section 80 de la VATA 1994 et que Littlewoods ne pouvait réclamer des intérêts que sur le fondement de la section 78 de cette loi. Par conséquent, les demandes présentées par celle-ci devraient, s’il était fait application du seul droit national, être rejetées en application desdites sections 78 et 80.

20      Cette même juridiction éprouve toutefois des doutes quant à la question de savoir si une telle solution est conforme au droit de l’Union.

21      C’est dans ces conditions que la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Lorsqu’un assujetti a payé un montant de TVA trop élevé, perçu par l’État membre en violation des exigences de la législation de l’Union [...] en matière de TVA, le mode de réparation prévu par cet État membre est-il conforme au droit de l’Union [...] si la réparation en question consiste en un remboursement des sommes principales trop payées et un versement d’intérêts simples sur ces sommes conformément à une législation nationale, telle que la section 78 de la [VATA] 1994?

2)      Si tel n’est pas le cas, le droit de l’Union [...] exige-t-il que le mode de réparation instauré par l’État membre prévoie le remboursement des sommes en principal trop payées et le paiement d’intérêts composés à titre d’équivalent de la valeur d’utilisation des sommes trop payées entre les mains de l’État membre et/ou de la perte de la valeur d’utilisation de la somme pour l’assujetti?

3)      Si les réponses tant à la première qu’à la deuxième question sont négatives, quel mode de réparation le droit de l’Union exige-t-il que l’État membre prévoie, en sus du remboursement des sommes en principal trop payées, eu égard à la valeur d’utilisation de la somme trop payée et/ou des intérêts?

4)      Si la réponse à la première question est négative, le principe d’effectivité du droit de l’Union [...] exige-t-il d’un État membre qu’il écarte l’application des restrictions de droit national (telles que les sections 78 et 80 de la [VATA]) à l’égard des actions ou à des modes de réparation quels qu’ils soient, qui seraient, à défaut de ces restrictions, à la disposition de l’assujetti pour faire valoir le droit tiré du droit de l’Union [...] établi dans la réponse de la Cour aux première à troisième questions, ou suffit-il que la juridiction nationale écarte l’application de ces restrictions eu égard seulement à l’une de ces actions ou à l’un de ces modes de réparation?

Quels sont les autres principes qui doivent guider la juridiction nationale, s’agissant de donner effet à ce droit tiré du droit de l’Union [...] de façon à se conformer au principe d’effectivité du droit de l’Union [...]?»

 Sur les questions préjudicielles

22      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, s’il est conforme au droit de l’Union, dans une situation telle que celle en cause dans les affaires au principal, dans laquelle un montant de TVA trop perçu en raison du non-respect du droit de l’Union a été restitué à l’assujetti concerné, que le droit national prévoie le versement, sur cette somme, d’intérêts simples, ou si le droit de l’Union exige que le droit national prévoie le versement d’intérêts composés, à titre d’équivalent de la valeur d’utilisation des sommes trop payées et/ou de la perte de la valeur d’utilisation de celles-ci, ou encore un autre mode de réparation qu’il est, le cas échéant, demandé à la Cour de préciser. En cas d’incompatibilité de la norme nationale applicable avec le droit de l’Union, la juridiction de renvoi demande quelles sont les conséquences qu’elle devrait tirer d’une telle incompatibilité.

23      À cet égard, il convient, à titre liminaire, de relever que, ainsi qu’il découle de la décision de renvoi, dans le cadre du litige au principal, Littlewoods a exercé non pas une action en indemnisation fondée sur la violation, par le Royaume-Uni, du droit de l’Union, mais une action en remboursement de la TVA perçue en violation de ce droit.

24      Il ressort d’une jurisprudence constante que le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union telles qu’elles ont été interprétées par la Cour (voir, notamment, arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, Rec. p. 3595, point 12, ainsi que du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 84). Les États membres sont donc tenus, en principe, de rembourser les taxes perçues en violation du droit de l’Union (arrêts du 14 janvier 1997, Comateb e.a., C-192/95 à C-218/95, Rec. p. I-165, point 20; Metallgesellschaft e.a., précité, point 84; du 2 octobre 2003, Weber’s Wine World e.a., C-147/01, Rec. p. I-11365, point 93, ainsi que du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, Rec. p. I-11753, point 202).

25      Il convient de rappeler, en outre, que la Cour a jugé que, lorsqu’un État membre a prélevé des taxes en violation des règles du droit de l’Union, les justiciables ont droit au remboursement non seulement de l’impôt indûment perçu, mais également des montants payés à cet État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt. Cela comprend également les pertes constituées par l’indisponibilité de sommes d’argent à la suite de l’exigibilité prématurée de l’impôt (voir arrêts précités Metallgesellschaft e.a, points 87 à 89, ainsi que Test Claimants in the FII Group Litigation, point 205).

26      Il ressort de cette jurisprudence que le principe de l’obligation faite aux États membres de restituer avec des intérêts les montants des taxes prélevées en violation du droit de l’Union découle de ce dernier droit.

27      En l’absence de législation de l’Union, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de prévoir les conditions dans lesquelles de tels intérêts doivent être versés, notamment le taux et le mode de calcul de ces intérêts (intérêts simples ou intérêts composés). Ces conditions doivent respecter les principes d’équivalence et d’effectivité, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des réclamations semblables fondées sur des dispositions de droit interne ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêts San Giorgio, précité, point 12; du 2 octobre 2003, Weber’s Wine World e.a., précité, point 103; ainsi que du 6 octobre 2005, MyTravel, C-291/03, Rec. p. I-8477, point 17).

28      Ainsi, selon une jurisprudence constante, le principe d’effectivité interdit à un État membre de rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (voir arrêts du 7 janvier 2004, Wells, C-201/02, Rec. p. I-723, point 67, ainsi que du 19 septembre 2006, i-21 Germany et Arcor, C-392/04 et C-422/04, Rec. p. I-8559, point 57).

29      En l’espèce, il convient de constater que ce principe exige que les règles nationales relatives notamment au calcul des intérêts éventuellement dus, n’aboutissent pas à priver l’assujetti d’une indemnisation adéquate de la perte occasionnée par le paiement indu de la TVA.

30      Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si tel est le cas en l’espèce au principal, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal. À cet égard, il convient de relever qu’il résulte de la décision de renvoi que, en vertu des dispositions de la section 78 de la VATA 1994, les Commissioners ont versé à Littlewoods des intérêts sur la TVA perçue en violation du droit de l’Union. En application de ces dispositions, Littlewoods a obtenu le versement d’intérêts simples, pour un montant de 268 159 135 GBP, correspondant aux intérêts dus sur environ 30 années, lequel montant dépasse de plus de 23 % celui de la somme en principal, qui s’élève à 204 774 763 GBP.

31      S’agissant de vérifier si, dans l’affaire au principal, le principe d’équivalence est respecté dans l’affaire au principal, il convient de rappeler que le respect de ce principe suppose que la règle nationale en cause s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux fondés sur la méconnaissance du droit interne ayant un objet et une cause semblables. Toutefois, le principe d’équivalence ne saurait être interprété comme obligeant un État membre à étendre son régime interne le plus favorable à l’ensemble des actions introduites dans un certain domaine du droit. Afin de s’assurer du respect de ce principe, il appartient à la juridiction de renvoi, qui est seule à avoir une connaissance directe des modalités des recours en restitution dirigés contre l’État, de vérifier si les modalités destinées à assurer, en droit interne, la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union sont conformes audit principe et d’examiner tant l’objet que les éléments essentiels des recours prétendument similaires de nature interne. À ce titre, la juridiction nationale doit vérifier la similitude des recours concernés sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 2009, Pontin, C-63/08, Rec. p. I-10467, point 45 et jurisprudence citée).

32      Selon la juridiction de renvoi, l’application de la section 78 de la VATA 1994 a pour effet d’écarter deux actions prévues par le «common law», à savoir l’action Woolwich et l’action en restitution fondée sur une erreur de droit. En substance, la juridiction de renvoi demande si, en cas de constatation de la non-conformité au droit de l’Union des sections 78 et 80 de la VATA 1994, la non-application à l’égard de l’action Woolwich de la restriction que contiennent ces dispositions pourrait aboutir, dans le litige au principal, à un versement d’intérêts conforme au droit de l’Union ou s’il conviendrait, à cet effet, d’écarter l’application de cette restriction à l’égard de toutes les actions ou modes de réparation prévus par le «common law».

33      Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, face à une norme de droit incompatible avec le droit de l’Union directement applicable, le juge national est tenu d’écarter l’application de cette norme nationale, étant entendu que cette obligation ne limite pas le pouvoir des juridictions nationales compétentes d’appliquer, parmi les divers procédés de l’ordre juridique interne, ceux qui sont appropriés pour sauvegarder les droits individuels conférés par le droit de l’Union (en ce sens, voir notamment, arrêts du 27 octobre 1993, van Gemert-Derks, C-337/91, Rec. p. I-5435, point 33, du 22 octobre 1998, IN. CO. GE. 90 e.a., C-10/97 à C-22/97, Rec. p. I-6307, point 21 et du 19 novembre 2009, Filipiak, C-314/08, Rec. p. I-11049, point 83).

34      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il exige que l’assujetti qui a payé un montant trop élevé de TVA, lequel a été perçu par l’État membre concerné en violation de la législation de l’Union en matière de TVA, ait droit à la restitution de la taxe perçue en violation du droit de l’Union ainsi qu’au versement d’intérêts sur le montant de celle-ci. Il appartient au droit national de déterminer, dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence, si la somme en principal doit porter intérêts selon un régime d’intérêts simples, ou selon un régime d’intérêts composés ou un autre régime d’intérêts.

 Sur les dépens

35      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il exige que l’assujetti qui a payé un montant trop élevé de taxe sur la valeur ajoutée, lequel a été perçu par l’État membre concerné en violation de la législation de l’Union en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ait droit à la restitution de la taxe perçue en violation du droit de l’Union ainsi qu’au versement d’intérêts sur le montant de celle-ci. Il appartient au droit national de déterminer, dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence, si la somme en principal doit porter intérêts selon un régime d’intérêts simples, un régime d’intérêts composés ou un autre régime d’intérêts.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.