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Affaire C-594/10

T.G. van Laarhoven

contre

Staatssecretaris van Financiën

(demande de décision préjudicielle,
introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)

«Sixième directive TVA — Droit à déduction de la taxe versée en amont — Limitation — Utilisation d’un bien mobilier affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti — Traitement fiscal de l’utilisation privée d’un bien appartenant au patrimoine de l’entreprise»

Sommaire de l’arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Opérations imposables — Base d’imposition — Utilisation par l’assujetti, à des fins tant professionnelles que privées, de véhicules affectés à son entreprise

[Directive du Conseil 77/388, art. 6, § 2, al. 1, a), et 11, A, § 1, c)]

L’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, telle que modifiée par la directive 95/7, lu en combinaison avec l’article 11, A, paragraphe 1, sous c), de la même directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation fiscale nationale qui autorise, dans un premier temps, un assujetti dont les véhicules automobiles sont utilisés à des fins tant professionnelles que privées à procéder à la déduction immédiate et intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée versée en amont, mais qui prévoit, dans un second temps, en ce qui concerne l’utilisation privée de ces véhicules, une taxation annuelle fondée, pour la détermination de la base d’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre d’un exercice donné, sur une méthode de calcul forfaitaire des dépenses afférentes à une telle utilisation qui ne tient pas compte, de manière proportionnelle, de l’importance réelle de celle-ci.

(cf. point 38 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

16 février 2012 (*)

«Sixième directive TVA — Droit à déduction de la taxe versée en amont — Limitation — Utilisation d’un bien mobilier affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti — Traitement fiscal de l’utilisation privée d’un bien appartenant au patrimoine de l’entreprise»

Dans l’affaire C-594/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 29 octobre 2010, parvenue à la Cour le 17 décembre 2010, dans la procédure

T. G. van Laarhoven

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. J. Malenovský, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász et D. Šváby, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 novembre 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour M. van Laarhoven, par lui-même,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. Bulterman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. Murrell, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios et M. W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 décembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L 102, p. 18, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. van Laarhoven au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) au sujet de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») due sur l’utilisation pour les besoins privés de l’assujetti de véhicules automobiles affectés au patrimoine de son entreprise.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 2 de la sixième directive «[s]ont soumises à la [TVA] [...] les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4        L’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de ladite directive assimile à une prestation de services effectuée à titre onéreux «l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la [TVA]».

5        Aux termes de l’article 11, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, la base d’imposition est constituée, «pour les opérations visées à l’article 6, paragraphe 2, par le montant des dépenses engagées par l’assujetti pour l’exécution de la prestation de services».

6        L’article 17 de la même directive, dans sa version résultant de l’article 28 septies de celle-ci, dispose:

«1.      Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2.      Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)      la [TVA] due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

[...]

6.      Au plus tard avant l’expiration d’une période de quatre ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la [TVA]. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

Jusqu’à l’entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l’entrée en vigueur de la présente directive.

[...]»

7        L’article 20, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive prévoit:

«1.      La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les États membres, notamment:

a)      lorsque la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer;

b)      lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus; toutefois, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 5, paragraphe 6. Toutefois, les États membres ont la faculté d’exiger la régularisation pour les opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol.

2.      En ce qui concerne les biens d’investissement, une régularisation est opérée pendant une période de cinq années, dont celle au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué. Chaque année, cette régularisation ne porte que sur le cinquième de la taxe dont ces biens ont été grevés. Cette régularisation est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction intervenues au cours des années suivantes, par rapport à celui de l’année au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué.

[...]»

 La réglementation néerlandaise

8        L’article 2 de la loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting 1968, ci-après la «loi relative à la TVA») dispose:

«Est déduite de la taxe due sur les livraisons de biens et prestations de services la taxe due au titre des livraisons de biens et prestations de services destinées à l’entrepreneur, des acquisitions intracommunautaires de biens réalisées par lui et des importations de biens qui lui sont destinés.»

9        L’article 15 de la loi relative à la TVA est libellé comme suit:

«1.      La taxe visée à l’article 2 qui est déduite par l’entrepreneur correspond:

a)      à la taxe qui a été portée en compte sur une facture établie conformément aux règles en vigueur par d’autres entrepreneurs, au cours de la période de déclaration, au titre de livraisons de biens et de prestations de services effectuées en faveur de l’entrepreneur;

[...]

6.      Les modalités relatives à la déduction de la taxe sont fixées par arrêté ministériel lorsque les biens et services sont également utilisés par l’entrepreneur à des fins autres que ses opérations taxées [...]. Les modalités relatives à la déduction de la taxe sont fixées par arrêté ministériel lorsqu’une voiture est utilisée par l’entrepreneur également à des fins privées. Dans ce cadre, il est possible de prévoir que l’exclusion de marchandises utilisées par l’entrepreneur dans son entreprise ne soit pas prise en considération.

[...]»

10      L’article 15, paragraphe 1, de l’arrêté d’application de la loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Uitvoeringsbeschikking omzetbelasting 1968, ci-après l’«arrêté relatif à la TVA»), pris en exécution de l’article 15, paragraphe 6, de ladite loi, prévoit:

«La taxe qui pèse sur la détention — y compris l’acquisition — par l’opérateur d’un véhicule automobile utilisé également autrement que dans le cadre de l’entreprise (utilisation privée) est d’abord portée en déduction comme si le véhicule était exclusivement utilisé dans le cadre de l’entreprise; puis, eu égard à l’utilisation privée, un montant de taxe de 12 % est dû, annuellement, sur le montant des coûts qui, pour l’impôt sur le revenu, sont considérés comme prélèvement, si le véhicule, pour cet impôt, avait été comptabilisé dans le patrimoine de l’entreprise. À cet égard, l’utilisation du véhicule à des fins privées est établie sur la base de la différence entre le total des kilomètres parcourus avec le véhicule au cours d’un exercice et le total des kilomètres parcourus, lors de la perception de l’impôt sur le revenu, au profit de l’entreprise. Cette taxe est due au cours de la dernière période fiscale de l’exercice.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      M. van Laarhoven exploite un cabinet de conseil fiscal sous la forme d’une entreprise individuelle. En 2006, deux véhicules automobiles ont été successivement affectés au patrimoine de l’entreprise. M. van Laarhoven a utilisé les deux véhicules à des fins tant professionnelles que privées.

12      Au cours de ladite année, M. van Laarhoven a parcouru plus de 500 kilomètres à des fins privées avec ces véhicules. Dans sa déclaration de TVA concernant la période du 1er octobre au 31 décembre 2006, il a mentionné, eu égard à cette utilisation privée et compte tenu de l’article 15 de l’arrêté relatif à la TVA, un montant de 538 euros dû au titre de cette taxe et il s’est acquitté de celui-ci.

13      Toutefois, M. van Laarhoven a introduit une réclamation visant à obtenir le remboursement dudit montant. Cette réclamation ayant été rejetée par une décision de l’Inspecteur, il a formé un recours devant le Rechtbank te Breda contre cette décision de rejet. Ce dernier ayant rejeté ce recours comme non fondé par jugement du 3 mars 2008, le contribuable a alors introduit un pourvoi en cassation contre ce jugement devant le Hoge Raad der Nederlanden.

14      Ce dernier, en se fondant sur l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive, considère que le Royaume des Pays-Bas avait adopté une réglementation fiscale restreignant la déduction de la TVA pour les véhicules automobiles qui sont utilisés par un opérateur dans un cadre autre que celui de l’activité professionnelle de ce dernier. Cette réglementation, reprise à l’article 15, paragraphe 6, de la loi relative à la TVA, lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 1, de l’arrêté relatif à la TVA, prévoit que la TVA qui pèse sur l’acquisition de tels véhicules est, dans un premier temps, déduite comme si ceux-ci étaient utilisés exclusivement dans le cadre de l’activité professionnelle. L’opérateur est, dans un second temps, redevable annuellement d’un montant de TVA pour une telle utilisation privée. Ledit montant est calculé sur la base d’un pourcentage fixe du montant forfaitaire des frais qui, aux fins de la perception de l’impôt sur le revenu, sont censés n’avoir pas été exposés au profit de l’activité professionnelle. Ce montant forfaitaire est lui-même établi sur la base d’un pourcentage du prix figurant au catalogue ou de la valeur de chaque véhicule.

15      La juridiction de renvoi indique également qu’un certain nombre d’amendements ont été adoptés, après l’entrée en vigueur de la sixième directive, qui ont modifié l’article 15, paragraphe 1, de l’arrêté relatif à la TVA. D’une part, le pourcentage fixe susmentionné a été modifié à plusieurs reprises et, d’autre part, le montant du prélèvement auquel ce pourcentage fixe est appliqué a été relevé. Ces modifications dudit arrêté auraient généralement eu une incidence négative pour l’assujetti quant au montant pris en considération au titre de l’utilisation privée d’un véhicule affecté au patrimoine de l’entreprise et, par voie de conséquence, sur le montant de la déduction de TVA.

16      Eu égard à ces considérations, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 17, paragraphe 6, second alinéa, de la sixième directive fait-il obstacle à des modifications apportées à une réglementation limitant les possibilités de déduction telle que celle en cause, dans le cadre de laquelle un État membre a voulu faire usage de la possibilité d’exclure (ou de maintenir l’exclusion de) la déduction eu égard à certains biens ou services, si à la suite de ces modifications le montant dont la déduction est exclue a augmenté dans la plupart des cas, mais que l’idée directrice et l’économie de la réglementation limitant les possibilités de déduction n’ont pas été modifiées?

2)      Si la réponse à la première question est positive, le juge national doit-il écarter l’application de la réglementation limitant les possibilités de déduction dans son ensemble ou peut-il se contenter d’écarter l’application de la réglementation dans la mesure où cette réglementation a étendu la portée de l’exclusion ou de la limitation existantes au moment de l’entrée en vigueur de la sixième directive?»

 Sur les questions préjudicielles

 Observations liminaires

17      Il y a lieu de constater que la question, telle que posée par la juridiction de renvoi, porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive.

18      La juridiction nationale se réfère à ladite disposition de la sixième directive, étant donné qu’elle considère que la réglementation fiscale néerlandaise ayant donné lieu au litige au principal, à savoir l’article 15, paragraphe 1, de l’arrêté relatif à la TVA, constitue une règle qui restreint le droit à déduction de la TVA versée en amont lors de l’acquisition d’un véhicule automobile qui est affecté au patrimoine de l’entreprise par l’assujetti concerné, mais qui est également utilisé à des fins privées par ce dernier.

19      Au regard de cette considération et compte tenu du fait que la réglementation fiscale en cause au principal a été modifiée à plusieurs reprises depuis l’entrée en vigueur de la sixième directive aux Pays-Bas, la juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité de l’article 15, paragraphe 1, de l’arrêté relatif à la TVA avec l’article 17, paragraphe 6, de cette directive.

20      Il convient de rappeler, à cet égard, que l’article 17, paragraphe 6, second alinéa, de la sixième directive, qui est de nature dérogatoire, autorise les États membres à maintenir leur législation existante en matière d’exclusion du droit à déduction, à la date d’entrée en vigueur de la sixième directive, jusqu’à ce que le Conseil arrête les dispositions prévues à ce même paragraphe 6, premier alinéa (voir arrêts du 14 juin 2001, Commission/France, C-345/99, Rec. p. I-4493, point 19, ainsi que du 11 décembre 2008, Danfoss et AstraZeneca, C-371/07, Rec. p. I-9549, point 28).

21      La juridiction de renvoi considère que les modifications successives de la réglementation fiscale néerlandaise ont pu entraîner une restriction du droit à déduction encore plus importante que celle résultant des dispositions applicables à la date de l’entrée en vigueur de la sixième directive, une telle limitation étant susceptible d’excéder la faculté octroyée aux États membres, en vertu dudit article 17, paragraphe 6, second alinéa.

22      Il importe, toutefois, de relever que, conformément à l’article 15, paragraphe 1, première partie de la première phrase, de l’arrêté relatif à la TVA, la taxe acquittée au moment de l’acquisition d’un véhicule automobile utilisé dans un cadre autre que celui de l’entreprise est portée de façon immédiate et intégrale en déduction, comme si ledit véhicule était exclusivement utilisé à des fins professionnelles. Ce n’est que par la suite que, en application de la seconde partie de ladite phrase, l’utilisation privée du véhicule est soumise à une taxation à caractère forfaitaire.

23      Ledit article 15, paragraphe 1, opère, dès lors, une distinction entre la déduction immédiate et intégrale de la TVA versée en amont et la prise en compte fiscalement de l’utilisation privée du véhicule à un stade ultérieur, à savoir dans le cadre du calcul de l’impôt sur le revenu de l’opérateur concerné à la fin de la dernière période fiscale de l’exercice en cause.

24      Il s’ensuit que le mécanisme fiscal faisant l’objet du litige au principal ne porte nullement atteinte au droit à déduction de la TVA en ce qui concerne l’acquisition d’un véhicule automobile utilisé à des fins tant professionnelles que privées par un opérateur et ne saurait donc être qualifié de limitation du droit à déduction de la TVA acquittée lors de l’acquisition de ce véhicule.

25      Ledit mécanisme peut être considéré comme étant conforme à la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, en cas d’utilisation d’un bien d’investissement à des fins tant professionnelles que privées, l’assujetti a le choix, pour les besoins de la TVA, soit d’affecter ce bien dans sa totalité au patrimoine de son entreprise, soit de le conserver dans sa totalité dans son patrimoine privé en l’excluant ainsi complètement du système de la TVA, soit encore de ne l’intégrer dans son entreprise qu’à concurrence de l’utilisation professionnelle effective (voir arrêts du 14 juillet 2005, Charles et Charles-Tijmens, C-434/03, Rec. p. I-7037, point 23 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 septembre 2006, Wollny, C-72/05, Rec. p. I-8297, point 21).

26      Si l’assujetti choisit de traiter un bien d’investissement utilisé à la fois à des fins professionnelles et à des fins privées comme un bien de l’entreprise, la TVA due en amont sur l’acquisition de ce bien est en principe intégralement et immédiatement déductible (voir arrêts précités Charles et Charles-Tijmens, point 24, ainsi que Wollny, point 22).

27      Cependant, dans un tel cas, le droit à la déduction complète et immédiate de la TVA acquittée lors de l’acquisition entraîne l’obligation correspondante de payer la TVA sur l’utilisation privée du bien de l’entreprise (voir arrêts précités Charles et Charles-Tijmens, point 30, ainsi que Wollny, point 24). À cette fin, l’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la sixième directive assimile l’utilisation à des fins privées à une prestation de services effectuée à titre onéreux, de sorte que l’assujetti doit, conformément à l’article 11, A, paragraphe 1, sous c), de la même directive, verser la TVA sur les dépenses afférentes à cette utilisation (voir arrêt du 8 mai 2003, Seeling, C-269/00, Rec. p. I-4101, points 42 et 43).

28      Ainsi, dans ces conditions et compte tenu de la jurisprudence visée aux trois points précédents, il y a lieu de comprendre les questions posées par la juridiction de renvoi comme visant à savoir de quelle manière doivent être interprétées les dispositions de la sixième directive relatives à la taxation de l’utilisation privée d’un véhicule automobile affecté au patrimoine d’une entreprise.

29      La circonstance que la juridiction nationale, sur le plan formel, a formulé les questions préjudicielles en se référant à une disposition de la sixième directive applicable à des cas de figure différents ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2010, Pannon Gép Centrum, C-368/09, Rec. p. I-7467, point 33 et jurisprudence citée).

 Sur les questions préjudicielles

30      Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que, par ses deux questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la sixième directive, lu en combinaison avec l’article 11, A, paragraphe 1, sous c), de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation fiscale nationale qui autorise, dans un premier temps, un assujetti dont les véhicules automobiles sont utilisés à des fins tant professionnelles que privées, à procéder à la déduction immédiate et intégrale de la TVA versée en amont, mais qui prévoit, dans un second temps, en ce qui concerne l’utilisation privée de ces véhicules, une taxation annuelle fondée, pour la détermination de la base d’imposition de la TVA due au titre d’un exercice donné, sur une méthode de calcul forfaitaire des dépenses afférentes à une telle utilisation.

31      En ce qui concerne ladite taxation et ainsi qu’il a été rappelé au point 27 du présent arrêt, l’article 11, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive prévoit que l’imposition doit être effectuée sur la base du montant des dépenses engagées par l’assujetti pour l’exécution de la prestation de services en cause (voir arrêts Charles et Charles-Tijmens, précité, point 25, ainsi que du 23 avril 2009, Puffer, C-460/07, Rec. p. I-3251, point 41).

32      Il découle de ce qui précède que, pour pouvoir fournir à la juridiction de renvoi des indications utiles, il convient d’interpréter la notion de «montant des dépenses engagées par l’assujetti pour l’exécution de la prestation de services», énoncée audit article 11, A, paragraphe 1, sous c).

33      À cet égard, il importe de relever, d’une part, que, ainsi que Mme l’avocat général l’a fait aux points 28 et 29 de ses conclusions, si les États membres disposent d’une certaine marge d’appréciation en ce qui concerne les principes régissant la détermination du montant desdites dépenses, une telle marge autorisant, dans une certaine mesure, des méthodes de calcul forfaitaire, il doit toutefois être garanti qu’une éventuelle forfaitisation des modalités de calcul de la TVA due par l’assujetti satisfait notamment au principe de proportionnalité, en ce sens qu’une telle détermination forfaitaire doit nécessairement être proportionnelle à l’importance de l’utilisation privée du bien en cause.

34      En effet, tout en bénéficiant d’une telle marge d’appréciation, les États membres sont tenus de respecter la finalité qui sous-tend l’article 11, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, c’est-à-dire déterminer la base d’imposition correspondant à l’utilisation privée de ces biens.

35      D’autre part, la détermination du montant des dépenses engagées par l’assujetti doit éviter de procurer à ce dernier, qui utilise également à des fins privées un bien affecté à son entreprise, un avantage économique injustifié par rapport à un consommateur final, lequel résulterait du fait que cet assujetti a procédé à des déductions de TVA auxquelles il n’avait pas droit (voir, en ce sens, arrêt Wollny, précité, point 35).

36      Dans ces conditions, il incombe à la juridiction nationale, seule compétente pour interpréter le droit national, d’apprécier, au regard des éléments ainsi fournis par la Cour, si les modalités de calcul de la base d’imposition de la TVA due en raison de l’utilisation privée du bien affecté au patrimoine de l’entreprise, prévues par la réglementation fiscale néerlandaise, peuvent être considérées comme conformes à la notion de «montant des dépenses engagées pour l’exécution de la prestation de services», au sens de l’article 11, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive.

37      À cette fin, il appartient à la juridiction de renvoi d’interpréter, dans toute la mesure du possible, son droit interne à la lumière du texte et de la finalité de ladite disposition de la sixième directive aux fins d’atteindre les résultats poursuivis par cette dernière, en privilégiant l’interprétation des règles nationales la plus conforme à cette finalité pour aboutir ainsi à une solution compatible avec les dispositions de ladite directive et en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la loi nationale (voir arrêt du 22 décembre 2008, Magoora, C-414/07, Rec. p. I-10921, point 44 et jurisprudence citée).

38      Au vu des observations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la sixième directive, lu en combinaison avec l’article 11, A, paragraphe 1, sous c), de la même directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation fiscale nationale qui autorise, dans un premier temps, un assujetti dont les véhicules automobiles sont utilisés à des fins tant professionnelles que privées, à procéder à la déduction immédiate et intégrale de la TVA versée en amont, mais qui prévoit, dans un second temps, en ce qui concerne l’utilisation privée de ces véhicules, une taxation annuelle fondée, pour la détermination de la base d’imposition de la TVA due au titre d’un exercice donné, sur une méthode de calcul forfaitaire des dépenses afférentes à une telle utilisation qui ne tient pas compte, de manière proportionnelle, de l’importance réelle de celle-ci.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, lu en combinaison avec l’article 11, A, paragraphe 1, sous c), de la même directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation fiscale nationale qui autorise, dans un premier temps, un assujetti dont les véhicules automobiles sont utilisés à des fins tant professionnelles que privées, à procéder à la déduction immédiate et intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée versée en amont, mais qui prévoit, dans un second temps, en ce qui concerne l’utilisation privée de ces véhicules, une taxation annuelle fondée, pour la détermination de la base d’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre d’un exercice donné, sur une méthode de calcul forfaitaire des dépenses afférentes à une telle utilisation qui ne tient pas compte, de manière proportionnelle, de l’importance réelle de celle-ci.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.