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ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

31 janvier 2013 (*)

«Législation fiscale – Transfert de résidence fiscale – Liberté d’établissement – Article 49 TFUE – Imposition des plus-values non réalisées – Taxe de sortie immédiate»

Dans l’affaire C-301/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 16 juin 2011,

Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et W. Roels, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme C. Wissels, M. J. Langer et Mme M. de Ree, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par:

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

Royaume d’Espagne, représenté par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. G. Arestis (rapporteur), président de chambre, MM. A. Arabadjiev et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ayant adopté et maintenu en vigueur une réglementation nationale prévoyant l’imposition des plus-values non réalisées lors du transfert d’une entreprise ou lors du transfert du siège social statutaire ou réel d’une société dans un autre État membre, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 TFUE.

 Le cadre juridique

2        L’article 3.60 de la loi de 2001 relative à l’impôt sur le revenu (Wet Inkomstenbelasting 2001), intitulé «Transfert d’éléments d’actif à l’étranger», dispose:

«Si des éléments d’actif d’une entreprise exploitée aux Pays-Bas ou une partie autonome d’une entreprise, dont le contribuable tire un bénéfice, sont transférés à une entreprise exploitée en dehors des Pays-Bas dont le contribuable tire un bénéfice et que ledit contribuable cesse simultanément ou ultérieurement d’être assujetti aux Pays-Bas, ces éléments, au moment précédant immédiatement la fin de l’assujettissement du contribuable aux Pays-Bas et pour autant qu’ils fassent encore partie des actifs de l’entreprise, sont réputés avoir été cédés à la juste valeur marchande.»

3        Aux termes de l’article 3.61 de la loi de 2001 relative à l’impôt sur le revenu, intitulé «Décompte final»:

«Les gains d’une entreprise qui n’ont pas encore été comptabilisés à un autre titre sont ajoutés au bénéfice de l’année civile durant laquelle le contribuable cesse de tirer un bénéfice de cette entreprise aux Pays-Bas. Dans un tel cas, les marchandises sont, pour l’application de la reprise de la déductibilité, réputées avoir été soustraites à l’entreprise.»

4        L’article 15c de la section 2.10, intitulée «Décompte final», de la loi de 1969 relative à l’impôt des sociétés (Wet Vennootschapsbelasting 1969) se lit comme suit:

«1.       Si un contribuable, aux fins de l’application de la présente loi, d’une convention préventive de double imposition ou de la loi établissant le cadre fiscal du Royaume des Pays-Bas, n’est plus considéré comme résidant aux Pays-Bas, les éléments d’actif dont les gains ne sont plus, de ce fait, compris dans le bénéfice imposable, sont réputés avoir été cédés à la juste valeur marchande au moment précédant immédiatement la fin de la résidence visée ci-dessus.

2.       Le paragraphe 1 s’applique aussi aux éléments d’actif qui, dans une unité fiscale, proviennent d’une filiale si une circonstance telle que visée au paragraphe 1 se présente en rapport avec ladite filiale.»

5        L’article 15d de la loi de 1969 relative à l’impôt des sociétés énonce:

«Les gains qui n’ont pas encore été comptabilisés à un autre titre sont ajoutés au bénéfice de l’année durant laquelle le contribuable cesse de percevoir un bénéfice imposable aux Pays-Bas. Dans ce cas, les éléments de ses actifs sont réputés, pour l’application de la reprise de la déductibilité, avoir été cédés à la juste valeur marchande.»

 La procédure précontentieuse

6        Le 23 septembre 2008, la Commission a adressé au Royaume des Pays-Bas une mise en demeure dans laquelle elle attirait l’attention de cet État membre sur l’éventuelle incompatibilité avec l’article 49 TFUE de certaines dispositions de la législation fiscale néerlandaise relatives à l’imposition des plus-values non réalisées lors du transfert d’une entreprise ou lors du transfert du siège social statutaire ou réel d’une société dans un autre État membre.

7        Par lettre du 22 janvier 2009, le Royaume des Pays-Bas a répondu à cette mise en demeure qu’il considérait que la législation litigieuse était compatible avec l’article 49 TFUE.

8        Le 22 mars 2010, la Commission a adressé au Royaume des Pays-Bas un avis motivé.

9        En réponse à cet avis motivé, le Royaume des Pays-Bas a transmis à la Commission, le 15 juillet 2010, une lettre dans laquelle il a déclaré notamment qu’il ne partageait pas l’avis de la Commission.

10      N’ayant pas été convaincue par cette réponse, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 La procédure devant la Cour

11      Par ordonnance du président de la Cour du 23 novembre 2011, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne et la République portugaise ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Royaume des Pays-Bas.

 Sur le recours

12      La Commission considère que le prélèvement par le Royaume des Pays-Bas d’un impôt immédiat sur les plus-values latentes lors du transfert d’une entreprise dans un autre État membre lorsque la personne qui exploite l’entreprise cesse d’être assujettie aux Pays-Bas ou lors du transfert du siège social statutaire ou réel d’une société dans un autre État membre constitue une entrave à la liberté d’établissement consacrée par l’article 49 TFUE.

13      La Commission ne conteste pas le droit des États membres d’imposer des plus-values générées au cours de la période durant laquelle le contribuable était soumis, en tant que résident, à une imposition sur son revenu au niveau mondial.

14      Toutefois, elle relève que les articles 3.60 et 3.61 de la loi de 2001 relative à l’impôt sur le revenu ont pour effet que, lorsqu’une entreprise exploitée par une personne physique est transférée dans un autre État membre et que ladite personne physique cesse d’être assujettie aux Pays-Bas, les plus-values non réalisées sont imposées, tandis qu’une entreprise qui n’est pas transférée dans un autre État membre n’est pas soumise à cet impôt sur les plus-values non réalisées. L’entreprise qui reste active aux Pays-Bas ne serait, en effet, imposée sur ses plus-values que lorsque celles-ci sont réalisées. Cette même conclusion s’imposerait au sujet de la réglementation relative à l’impôt sur les sociétés, telle que prévue aux articles 15c et 15d de la loi de 1969 relative à l’impôt des sociétés.

15      À la suite du prononcé de l’arrêt du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C-371/10, non encore publié au Recueil), le Royaume des Pays-Bas n’a pas contesté, dans son mémoire en duplique, que la réglementation nationale en cause soit disproportionnée et a indiqué qu’il procédera à la modification législative nécessaire afin de se conformer au droit de l’Union dans le sens proposé dans ledit arrêt.

16      Pour rappel, la Cour a dit pour droit dans cet arrêt que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens que:

–        il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle le montant de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes à des éléments du patrimoine d’une société est fixé définitivement, sans prise en considération des moins-values non plus que des plus-values susceptibles d’être réalisées ultérieurement, au moment où la société, en raison du transfert de son siège de direction effective dans un autre État membre, cesse de percevoir des bénéfices taxables dans le premier État membre, étant précisé qu’il est indifférent à cet égard que les plus-values latentes imposées se rapportent à des gains de change qui ne peuvent être exprimés dans l’État membre d’accueil compte tenu du régime fiscal qui y est en vigueur;

–        il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui impose le recouvrement immédiat de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes aux éléments de patrimoine d’une société transférant son siège de direction effective dans un autre État membre au moment même dudit transfert.

17      À cet égard, le Royaume des Pays-Bas indique que la réglementation néerlandaise qui fait l’objet du présent recours et celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt National Grid Indus, précité, n’étant pas différentes sur le plan de leur contenu, les conclusions que la Cour tire de cet arrêt sont applicables en l’espèce.

18      Cet État membre reconnaît ainsi qu’il va devoir adapter la réglementation nationale en matière d’imposition du décompte final en ce qui concerne le recouvrement de l’imposition lors du transfert d’une entreprise ou lors du transfert du siège social statutaire ou réel d’une société dans un autre État membre. Il indique son intention de procéder à cette adaptation dans les plus brefs délais.

19      Il y a lieu de relever, d’une part, que, ce faisant, le Royaume des Pays-Bas ne conteste pas le manquement allégué.

20      D’autre part, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêts du 27 septembre 2007, Commission/Espagne, C-465/06, point 8, et du 28 février 2012, Commission/France, C-119/11, point 35).

21      Il s’ensuit que, à la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, le Royaume des Pays-Bas n’avait pas pris les mesures nécessaires afin de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 TFUE.

22      Dans ces conditions, le recours de la Commission doit être considéré comme fondé.

23      Par conséquent, il convient de constater que, en ayant adopté et maintenu en vigueur une réglementation nationale prévoyant l’imposition des plus-values non réalisées lors du transfert d’une entreprise ou lors du transfert du siège social statutaire ou réel d’une société dans un autre État membre, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 TFUE.

 Sur les dépens

24      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume des Pays-Bas et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

25      L’article 140, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne et la République portugaise supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

1)      En ayant adopté et maintenu en vigueur une réglementation nationale prévoyant l’imposition des plus-values non réalisées lors du transfert d’une entreprise ou lors du transfert du siège social statutaire ou réel d’une société dans un autre État membre, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 TFUE.

2)      Le Royaume des Pays-Bas est condamné aux dépens.

3)      La République fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne et la République portugaise supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.