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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

25 octobre 2012 (*)

«TVA – Directive 2006/112/CE – Articles 306 à 310 – Régime particulier des agences de voyages – Prestation de transport effectuée par une agence de voyages agissant en son propre nom – Notion de prestation unique – Article 98 – Taux réduit de la TVA»

Dans l’affaire C-557/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Pologne), par décision du 31 août 2011, parvenue à la Cour le 4 novembre 2011, dans la procédure

Maria Kozak

contre

Dyrektor Izby Skarbowej w Lublinie,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Rosas, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. U. Lõhmus et C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Kozak, par MM. A. Bartosiewicz et R. Kamiński, doradcy podatkowi,

–        pour le gouvernement polonais, par MM. M. Szpunar et B. Majczyna, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et K. Herrmann, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»), lu en combinaison avec l’annexe III de cette directive, ainsi que des articles 306 à 310 de ladite directive.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Kozak au Dyrektor Izby Skarbowej w Lublinie (directeur de la chambre fiscale de Lublin) au sujet d’une décision portant sur le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») applicable à son activité d’agence de voyages.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Sous la section 2 du chapitre 2 du titre VIII de la directive TVA, intitulée «Taux réduits», l’article 98 de cette directive énonce:

«1.      Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits.

2.      Les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III.

[...]»

4        L’annexe III de la directive TVA, intitulée «Liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits visés à l’article 98», prévoit:

«[...]

5)      le transport des personnes et des bagages qui les accompagnent;

[...]»

5        Sous le chapitre 3 du titre XII de la directive TVA, intitulé «Régime particulier des agences de voyages», les articles 306 à 310 de cette directive disposent:

 «Article 306

1.      Les États membres appliquent un régime particulier de la TVA aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l’égard du voyageur et lorsqu’elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d’autres assujettis.

[...]

2.      Aux fins du présent chapitre, les organisateurs de circuits touristiques sont considérés comme agences de voyages.

 Article 307

Les opérations effectuées, dans les conditions prévues à l’article 306, par l’agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l’agence de voyages au voyageur.

La prestation unique est imposée dans l’État membre dans lequel l’agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services.

 Article 308

Pour la prestation de services unique fournie par l’agence de voyages, est considérée comme base d’imposition et comme prix hors TVA, au sens de l’article 226, point 8), la marge de l’agence de voyages, c’est-à-dire la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par l’agence de voyages pour les livraisons de biens et les prestations de services d’autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur.

[...]

 Article 310

Les montants de la TVA qui sont portés en compte à l’agence de voyages par d’autres assujettis pour les opérations qui sont visées à l’article 307 et qui profitent directement au voyageur ne sont ni déductibles ni remboursables dans aucun État membre.»

 Le droit polonais

6        L’article 119, paragraphes 1, 5 et 6, de la loi relative à la taxe sur les biens et les services (ustawa o podatku od towarów i usług) du 11 mars 2004 (Dz. U no 54, position 535), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la «loi sur la TVA»), dispose:

«1.      La base d’imposition, lors de la fourniture d’un service touristique, est constituée par le montant de la marge, diminué du montant de la taxe due, sous réserve du paragraphe 5.

[...]

5.      Lorsque, dans le cadre de la prestation de service touristique, en plus des prestations acquises auprès d’autres assujettis et profitant directement au voyageur, l’assujetti fournit lui-même une partie des prestations, ci-après dénommées les ‘prestations propres’, la base d’imposition est établie différemment selon qu’il s’agit de prestations propres ou qu’il s’agit des prestations acquises auprès d’autres assujettis et profitant directement au voyageur. La base d’imposition des prestations propres est appliquée en procédant à une application mutatis mutandis des dispositions de l’article 29.

6.      Dans les cas visés au paragraphe 5, l’assujetti est tenu d’indiquer dans son registre quelle est la fraction, sur la somme acquittée au titre du service, qui relève des prestations acquises auprès d’autres assujettis et profitant directement au voyageur, et quelle est celle qui relève des prestations propres.

[...]»

7        Conformément à l’article 41, paragraphe 2, de la loi sur la TVA et au point 144 de l’annexe 3 de cette loi, les services de transport terrestre de passagers bénéficient du taux réduit de la TVA, à savoir 7 %, alors que le taux normal de la TVA est de 22 %.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

8        Mme Kozak gère une agence de voyages, établie en Pologne. Au cours de l’année 2007, elle a vendu directement aux voyageurs des séjours touristiques à forfait comprenant l’hébergement et la restauration, pour lesquels elle a eu recours aux services d’autres prestataires, ainsi que le transport qu’elle a assuré en utilisant sa propre flotte d’autocars.

9        Lors du calcul de la TVA, en ce qui concerne les prestations acquises auprès de tiers, Mme Kozak a appliqué le régime particulier prévu pour les opérations des agences de voyages en utilisant comme base d’imposition la marge de l’agence de voyages, conformément à l’article 308 de la directive TVA, en soumettant cette marge au taux normal de la TVA de 22 %. S’agissant des prestations de transport fournies en propre, elle a appliqué le régime de droit commun de la TVA, notamment en ce qui concerne la base d’imposition, et les a soumises au taux réduit de 7 % prévu pour les prestations de transport de personnes.

10      L’administration fiscale a considéré que les prestations de transport étaient indispensables à l’ensemble du service touristique offert par l’agence de voyages et qu’elles devaient être regardées comme indissociables de ce dernier. Par conséquent, et conformément à la loi sur la TVA, Mme Kozak n’aurait pas dû, selon cette administration, appliquer un taux réduit de la TVA à ses prestations de transport en les traitant comme un service indépendant, mais elle aurait dû les soumettre au même taux que les autres services, à savoir le taux normal de 22 %. Une décision a ainsi été prise constatant l’irrégularité du calcul de la TVA effectué par Mme Kozak pour les mois de mai à juin et d’octobre à décembre 2007.

11      Mme Kozak a contesté cette interprétation de la loi sur la TVA et a introduit un recours à l’encontre de cette décision devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Lublinie. Ce dernier a toutefois confirmé l’approche de l’administration fiscale. Mme Kozak a alors formé un pourvoi en cassation devant le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative).

12      Cette juridiction éprouve un doute sur la réponse apportée par le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Lublinie selon laquelle le taux de la TVA de 22 % doit être appliqué aux services de transport fournis en propre comme aux prestations acquises auprès de tiers, même si leur base d’imposition respective est différente. Elle se demande notamment s’il est pertinent d’utiliser la notion de «prestation unique» figurant au point 45 de l’arrêt du 15 mai 2001, Primback (C-34/99, Rec. p. I-3833), où la Cour a jugé que, dans l’hypothèse d’une opération qui se compose de plusieurs éléments, il y a prestation unique notamment lorsqu’un élément doit être considéré comme constituant la prestation principale alors qu’un autre élément doit être regardé comme une prestation accessoire partageant le sort fiscal de la prestation principale.

13      Nourrissant un doute sur l’interprétation des articles 306 à 310 de la directive TVA ainsi que sur l’interprétation de l’article 98 de cette directive, lu en combinaison avec le point 5 de l’annexe III de celle-ci, le Naczelny Sąd Administracyjny a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Lorsque, dans le cadre d’un service touristique fourni à un voyageur en contrepartie d’un prix forfaitaire imposé conformément aux articles 306 à 310 de la [directive TVA], lesquels établissent un régime particulier d’imposition de la TVA pour les agences de voyages, une agence de voyages fournit à ce voyageur une prestation propre de transport, constituant un élément indispensable à l’exécution du service touristique, cette prestation propre est-elle soumise au taux normal applicable aux services touristiques, ou est-elle soumise au taux réduit d’imposition applicable aux services de transport de personnes en vertu de l’article 98, lu en combinaison avec le [point 5] de l’annexe III de cette directive?»

 Sur la question préjudicielle

 Observations soumises à la Cour

14      Mme Kozak et la Commission font valoir que la notion de prestation de services unique de l’agence de voyages ne couvre que les services obtenus auprès de tiers selon l’article 306 de la directive TVA. Elle ne comprend pas les services fournis en propre par l’opérateur. Il s’ensuit que le régime commun de la TVA, y compris le taux d’imposition, s’applique à la prestation de transport fournie en propre et que, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, la prestation de transport doit être soumise au taux réduit de la TVA prévu par la réglementation nationale, conformément à l’article 98 de la directive TVA, lu en combinaison avec le point 5 de l’annexe III de cette directive.

15      Le gouvernement polonais soutient, pour sa part, que, lorsque la prestation de transport fournie en propre est indispensable à la prestation de services touristiques, elle doit être regardée comme un élément accessoire à cette dernière, laquelle constitue une prestation unique et principale, soumise au régime particulier de la TVA visé aux articles 306 à 310 de la directive TVA. La prestation de transport doit, à ce titre, partager le sort de la prestation principale et être soumise au régime particulier de la TVA visé auxdits articles, en ce qui concerne le lieu et le taux d’imposition, tout en étant soumise au régime commun de la TVA, s’agissant de la base d’imposition et du droit à déduction, puisque l’article 308 de cette directive ne s’applique pas aux prestations fournies en propre.

 Réponse de la Cour

16      Il convient de rappeler que le régime de la TVA applicable aux opérations des agences de voyages, qui figure aux articles 306 à 310 de la directive TVA, reprend en substance les dispositions de l’article 26 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffres d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1). Ce régime est un régime particulier qui contient des règles spécifiques à l’activité des agences de voyages, lesquelles dérogent au régime commun de la TVA.

17      Aux termes de l’article 306 de la directive TVA, les États membres appliquent ledit régime aux opérations des agences de voyages, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l’égard du voyageur et lorsqu’elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d’autres assujettis.

18      Il ressort du libellé même de cette disposition que les prestations de services concernées sont celles qui sont acquises auprès de tiers assujettis.

19      L’objectif essentiel des règles afférentes au régime particulier de la TVA applicable aux opérations des agences de voyages est d’éviter les difficultés qui découleraient pour les opérateurs économiques des principes généraux de la directive TVA relatifs aux opérations impliquant la fourniture de prestations acquises auprès de tiers (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin, C-308/96 et C-94/97, Rec. p. I-6229, point 33). En effet, l’application des règles de droit commun concernant le lieu d’imposition, la base d’imposition et la déduction de la taxe acquittée en amont se heurterait, en raison de la multiplicité et de la localisation des prestations fournies, à des difficultés pratiques pour ces entreprises, qui seraient de nature à entraver l’exercice de leur activité (voir arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel, C-163/91, Rec. p. I-5723, point 14).

20      En tant qu’exception au régime commun de la directive TVA, le régime prévu aux articles 306 à 310 de celle-ci ne doit être appliqué que dans la mesure nécessaire pour atteindre son objectif (arrêt Madgett et Baldwin, précité, point 34).

21      La Cour a ainsi précédemment jugé que le régime particulier de la TVA applicable aux opérations des agences de voyages s’applique uniquement aux prestations acquises auprès de tiers (voir arrêt Madgett et Baldwin, précité, point 35).

22      Cette même ligne de raisonnement a conduit la Cour à juger que ledit régime ne concerne pas les prestations de transport effectuées sans intermédiaire, qui relèvent des dispositions générales applicables aux entreprises de transport (arrêt du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne, C-74/91, Rec. p. I-5437, point 26).

23      La Cour en a déduit que, lorsqu’un opérateur économique soumis aux dispositions du régime particulier de la TVA applicable aux opérations des agences de voyages effectue, contre le paiement d’un prix forfaitaire, des opérations composées de prestations de services fournies en partie par lui-même et en partie par d’autres assujettis, ce régime particulier s’applique uniquement aux prestations de services fournies par des tiers (voir, en ce sens, arrêt Madgett et Baldwin, précité, point 47).

24      C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la notion de «prestation de services unique» figurant aux articles 307 et 308 de la directive TVA. Cette notion ne vise que les services qui ont été acquis auprès de tiers assujettis. Par ailleurs, la règle sur la prestation unique évoquée par la juridiction de renvoi et mentionnée au point 12 du présent arrêt, laquelle s’applique dans le domaine du droit commun de la TVA, ne saurait affecter l’appréciation de ladite notion dans le contexte du régime particulier de la TVA applicable aux opérations des agences de voyages.

25      Ainsi, la circonstance évoquée par la juridiction de renvoi que les prestations de transport fournies en propre sont indispensables au service touristique global fourni par l’agence de voyages au voyageur ne change rien aux considérations qui précèdent. Que ces prestations soient indispensables ou non par rapport à ce service touristique global, il n’en résulte pas qu’elles doivent être regardées comme formant avec celui-ci une «prestation unique» au sens des articles 307 et 308 de la directive TVA ni, par voie de conséquence, qu’elles doivent partager le même sort fiscal que ledit service.

26      Il s’ensuit que, s’agissant de prestations de transport fournies en propre par une agence de voyages, telles que celles assurées par Mme Kozak elle-même, ces prestations ne sauraient être soumises au régime particulier de la TVA applicable aux opérations des agences de voyages ni pour la détermination de la base d’imposition ni pour l’application des autres règles relatives au calcul de la TVA. En ce qui concerne le taux d’imposition, les règles figurant au titre VIII de la directive TVA sont applicables. Conformément à l’article 98, paragraphe 2, de cette directive, lu en combinaison avec le point 5 de l’annexe III de celle-ci, les États membres sont libres de prévoir un taux réduit pour le transport des personnes et des bagages qui les accompagnent. Ainsi qu’il ressort du point 7 du présent arrêt, la République de Pologne a fait usage de cette faculté en appliquant le taux de 7 % audit service.

27      Il convient, dès lors, de répondre à la question posée que les articles 306 à 310 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que, lorsque dans le cadre d’un service touristique fourni à un voyageur en contrepartie d’un prix forfaitaire imposé conformément à ces dispositions, une agence de voyages fournit à ce voyageur une prestation propre de transport constituant l’un des éléments de ce service touristique, cette prestation est soumise au régime commun de la TVA, notamment en ce qui concerne le taux d’imposition, et non pas au régime particulier de la TVA applicable aux opérations des agences de voyages. Conformément à l’article 98 de cette directive, si les États membres ont prévu un taux réduit de la TVA en matière de services de transport, ce taux réduit est applicable à ladite prestation.

 Sur les dépens

28      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

Les articles 306 à 310 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que, lorsque dans le cadre d’un service touristique fourni à un voyageur en contrepartie d’un prix forfaitaire imposé conformément à ces dispositions, une agence de voyages fournit à ce voyageur une prestation propre de transport constituant l’un des éléments de ce service touristique, cette prestation est soumise au régime commun de la taxe sur la valeur ajoutée, notamment en ce qui concerne le taux d’imposition, et non pas au régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux opérations des agences de voyages. Conformément à l’article 98 de cette directive, si les États membres ont prévu un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée en matière de services de transport, ce taux réduit est applicable à ladite prestation.

Signatures


* Langue de procédure: le polonais.