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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

30 mai 2013 (*)

«TVA – Sixième directive 77/388/CEE – Article 5, paragraphe 8 – Notion de ‘transmission d’une universalité totale ou partielle de biens’ – Cession de 30 % des parts d’une société pour laquelle le cédant fournit des services soumis à la TVA»

Dans l’affaire C-651/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 2 décembre 2011, parvenue à la Cour le 19 décembre 2011, dans la procédure

Staatssecretaris van Financiën

contre

X BV,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. U. Lõhmus (rapporteur) et M. Safjan, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 novembre 2012,

considérant les observations présentées:

–        pour X BV, par Mme T. K. M. Rookmaker-Penners et M. C. A. Peeters, belastingadviseurs,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et B. Koopman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. S. Ossowski et A. Robinson, en qualité d’agents, assistés de MM. R. Hill et G. Peretz, barristers,

–        pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios ainsi que par MM. W. Roels et A. Cordewener, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 5, paragraphe 8, et 6, paragraphe 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux finances) à X BV (ci-après «X») au sujet d’un avis de redressement de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») qui lui a été adressé pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998.

 Le cadre juridique

 La sixième directive

3        Aux termes de l’article 5 de la sixième directive:

«1.      Est considéré comme ‘livraison d’un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.

[...]

3.      Les États membres peuvent considérer comme biens corporels:

[...]

c)      les parts d’intérêts et actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble.

[...]

8.      Les États membres peuvent considérer que, à l’occasion de la transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n’est intervenue et que le bénéficiaire continue la personne du cédant. Les États membres peuvent prendre, le cas échéant, les dispositions nécessaires pour éviter des distorsions de concurrence dans le cas où le bénéficiaire n’est pas un assujetti total.»

4        L’article 6, paragraphe 1, de cette directive dispose:

«Est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens de l’article 5.

Cette opération peut consister entre autres:

–        en une cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre,

[...]»

5        Conformément à l’article 6, paragraphe 5, de la même directive, l’article 5, paragraphe 8, de celle-ci s’applique «dans les mêmes conditions aux prestations de services».

6        L’article 13 de la sixième directive, intitulé «Exonérations à l’intérieur du pays», à sa section B, intitulée «Autres exonérations», dispose:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et [tout] abus éventuels:

[...]

d)      les opérations suivantes:

[...]

5.      les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres [...]»

 Le droit néerlandais

7        Le Royaume des Pays-Bas a fait usage de l’option ouverte par les articles 5, paragraphe 8, et 6, paragraphe 5, de la sixième directive et l’a reprise à l’article 31 de la loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting 1968), du 28 juin 1968 (Staatsblad 1968, n° 329), dans sa version applicable à l’affaire au principal. Cet article était libellé comme suit:

«À l’occasion de la transmission d’une entreprise, ou d’une partie d’une entreprise à celui qui la poursuit, il n’est, sous réserve du respect des conditions prévues par arrêté ministériel, pas prélevé de taxe sur les livraisons et prestations qui forment l’objet de la transmission.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        Au cours de l’année 1996, X détenait 30 % des parts de A BV (ci-après «A»), société qui exerçait des activités dans le domaine de l’automatisation. Le reste des parts de A étaient détenues par B Holding BV, X1 Beheer BV et C BV à hauteur, respectivement, de 20,01 %, 30 % et 19,99 %.

9        En tant que membre de l’organe dénommé «Management Board» (conseil d’administration), X exerçait, comme B Holding BV et XI Beheer BV, des activités de direction de A moyennant une rémunération déterminée par contrat.

10      À la fin de l’année 1996, X ainsi que les autres détenteurs des parts de A ont vendu leur participation à D plc. Dans le cadre de cette vente, il a été mis fin aux activités de direction en faveur de A et X s’est retirée du Management Board de ladite société.

11      En rapport avec cette vente de participation, plusieurs services ont été fournis à X avec mention de la TVA sur les factures. X a déduit cette taxe dans ses déclarations de TVA, en considérant que la cession de sa participation constitue la transmission d’une universalité de biens et de services et que les frais exposés par elle dans le cadre de cette transaction doivent être considérés comme faisant partie des frais généraux liés à l’ensemble de son activité économique et sont, par conséquent, entièrement déductibles.

12      L’Inspecteur, en tant qu’autorité compétente aux Pays-Bas en matière de perception de la TVA, a refusé cette déduction et a établi un avis de redressement. Il a ensuite rejeté la réclamation introduite par X contre cet avis, tout en réduisant le montant infligé.

13      Le Gerechtshof te ’s-Gravenhage (cour d’appel de La Haye) a déclaré fondé le recours formé par X contre la décision de l’Inspecteur et a annulé ledit avis de redressement. Selon cette juridiction, le transfert de la participation de X ne relevait pas du champ d’application de la TVA, parce qu’il n’était pas question d’une activité économique. Elle a, toutefois, considéré que la TVA payée en amont pouvait être déduite étant donné que la vente et le transfert de la participation étaient conjoints aux actes de X en tant qu’opérateur.

14      Le Staatssecretaris van Financiën s’est pourvu en cassation contre l’arrêt du Gerechtshof te ’s-Gravenhage devant le Hoge Raad der Nederlanden.

15      La juridiction de renvoi se réfère à l’arrêt du 29 octobre 2009, SKF (C-29/08, Rec. p. I-10413, points 32 à 34 et point 2 du dispositif), pour en déduire que la cession en cause de 30 % des parts de A qui s’est déroulée conjointement avec la cessation des activités de direction de cette société est une activité économique et devrait être exonérée conformément à l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive.

16      Cependant, la Cour aurait indiqué au point 41 de ce même arrêt qu’une cession de parts qui doit être considérée comme une activité économique n’est pas soumise à la TVA lorsque cette cession peut être assimilée à la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens et que l’État membre concerné a fait usage de la faculté prévue à l’article 5, paragraphe 8, première phrase, de ladite directive.

17      La juridiction de renvoi considère que le droit à déduction dépend de l’applicabilité de ladite disposition à une cession de participation telle que celle en cause dans l’affaire au principal.

18      Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La cession de 30 % des actions d’une société, pour laquelle celui qui opère le transfert de ces actions fournit des services soumis à la TVA, est-elle assimilable au transfert d’une universalité (partielle) de biens, au sens de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, et/ou de services, au sens de l’article 6, paragraphe 5, de la même directive?

2)      S’il convient de donner une réponse négative à la première question, la cession en cause dans cette question est-elle assimilable au transfert d’une universalité (partielle) de biens, au sens de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, et/ou de services, au sens de l’article 6, paragraphe 5, de la même directive, si les autres actionnaires, qui fournissaient également des services soumis à la TVA à la société dont les actions sont transférées, transfèrent (quasi) en même temps à la même personne le reste des actions de cette société?

3)      S’il convient de donner une réponse négative à la deuxième question également, la cession visée à la première question peut-elle alors être considérée comme le transfert (partiel) d’une entreprise, au sens des articles 5, paragraphe 8, et 6, paragraphe 5, de la sixième directive, tenant compte du fait que ce transfert est en étroite corrélation avec les activités de direction effectuées pour cette participation?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

19      La Commission européenne, sans soulever explicitement d’exception d’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle, émet néanmoins des doutes dans ses observations soumises à la Cour quant à la pertinence des questions déférées pour la solution du litige au principal. La Commission estime que la juridiction de renvoi est en mesure de statuer sur la déductibilité de la TVA sur la base des faits dont elle a connaissance. Selon elle, il est sans importance de déterminer si l’opération en cause au principal se trouve hors du champ d’application de la TVA ou si elle est exonérée en vertu de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive, la question pertinente étant celle de savoir si la TVA supportée par X sur les services qui lui ont été fournis est déductible ou non et, pour y répondre, il suffit d’examiner si les frais encourus par X peuvent être rattachés à la cession d’actions ou s’ils peuvent être rattachés aux autres activités de X, à savoir les services de direction fournis par cette dernière.

20      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union, posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, bénéficient d’une présomption de pertinence (voir arrêts du 7 octobre 2010, dos Santos Palhota e.a., C-515/08, Rec. p. I-9133, point 20, ainsi que du 5 avril 2011, Société fiduciaire nationale d’expertise comptable, C-119/09, Rec. p. I-2551, point 21).

21      Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C-94/04 et C-202/04, Rec. p. I-11421, point 25; du 7 décembre 2010, R., C-285/09, Rec. p. I-12605, point 32, ainsi que du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys, C-307/10, point 32 et jurisprudence citée).

22      Tel n’est pas le cas en l’occurrence. En effet, s’il ressort certes de la décision de renvoi que le litige au principal porte sur le refus d’accorder le droit à déduction de la TVA afférente à des prestations acquises en relation avec la cession d’actions et non pas le traitement fiscal de cette dernière opération, il n’en demeure pas moins que l’existence du droit à déduction est déterminée notamment en fonction du traitement fiscal des opérations en aval auxquelles les opérations en amont sont affectées (arrêt SKF, précité, point 60).

23      Par conséquent, l’interprétation du droit de l’Union sollicitée, afin de savoir quel traitement fiscal il convient d’accorder à une opération telle que celle en cause au principal, répond effectivement à un besoin objectif inhérent à la solution d’un contentieux pendant devant la juridiction de renvoi.

24      Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.

 Sur le fond

25      Par ses trois questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 5, paragraphe 8, et/ou 6, paragraphe 5, de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens que la cession de 30 % des actions d’une société, pour laquelle le cédant fournit des services soumis à la TVA, constitue la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens ou de services au sens de ces dispositions. Dans la négative, cette juridiction souhaite savoir si les conditions d’application desdites dispositions sont néanmoins remplies lorsque, d’une part, les autres actionnaires transfèrent pratiquement en même temps à la même personne le reste des actions de cette société et, d’autre part, ce transfert est en étroite corrélation avec les activités de direction effectuées pour la même société.

26      À titre liminaire, eu égard au fait que la juridiction de renvoi se réfère à deux dispositions de la sixième directive portant respectivement sur les livraisons de biens et sur les prestations de services, il convient de rappeler que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, une cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre est considérée comme une prestation de services. Il en résulte que c’est l’article 6, paragraphe 5, de ladite directive qui devrait, en principe, être considéré comme pertinent au vu des circonstances de l’affaire au principal.

27      Toutefois, l’article 5, paragraphe 3, sous c), de cette même directive donne aux États membres la faculté de considérer comme biens corporels les parts d’intérêts et les actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble (arrêt du 5 juillet 2012, DTZ Zadelhoff, C-259/11, point 31). Par conséquent, il ne saurait être exclu que l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive puisse éventuellement demeurer pertinent pour l’affaire au principal.

28      La Cour ne disposant pas d’informations suffisantes pour décider laquelle des deux dispositions visées dans les questions préjudicielles est applicable aux circonstances de l’affaire au principal, il convient d’interpréter l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, dès lors qu’il énonce le contenu de la règle de la non-livraison, et, le cas échéant, d’appliquer mutatis mutandis les éléments d’interprétation fournis au regard dudit article 5, paragraphe 8, à l’article 6, paragraphe 5, de la même directive.

29      En premier lieu, quant à la question de savoir si le transfert de 30 % des actions d’une société peut constituer une transmission d’une universalité totale ou partielle de biens, il y a lieu de rappeler que l’article 5, paragraphe 8, première phrase, de la sixième directive prévoit que les États membres peuvent considérer que, à l’occasion de la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n’est intervenue et que le bénéficiaire continue la personne du cédant. Il s’ensuit que, lorsqu’un État membre a fait usage de cette faculté, la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens n’est pas considérée comme une livraison de biens aux fins de la sixième directive et n’est pas soumise à la TVA en vertu de l’article 2 de celle-ci (voir arrêts du 22 février 2001, Abbey National, C-408/98, Rec. p. I-1361, point 30; du 27 novembre 2003, Zita Modes, C-497/01, Rec. p. I-14393, point 29; SKF, précité, point 36, et du 10 novembre 2011, Schriever, C-444/10, Rec. p. I-11071, point 20).

30      Il est constant que le Royaume des Pays-Bas a fait usage de la faculté prévue à ladite disposition.

31      En l’absence de renvoi exprès dans la sixième directive au droit des États membres pour déterminer le sens et la portée de la notion de transmission d’une universalité totale ou partielle de biens, celle-ci constitue une notion autonome du droit de l’Union et doit, par conséquent, recevoir une interprétation uniforme afin d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA dans les États membres (arrêts précités Zita Modes, points 32 et 35, ainsi que Schriever, point 22).

32      La Cour a interprété ladite notion en ce sens qu’elle couvre le transfert d’un fonds de commerce ou d’une partie autonome d’une entreprise comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d’une entreprise susceptible de poursuivre une activité économique autonome, mais qu’elle ne couvre pas la simple cession de biens, telle que la vente d’un stock de produits (voir arrêts précités Zita Modes, point 40; SKF, point 37, et Schriever, point 24). Il importe également, pour l’application de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, que le cessionnaire ait l’intention d’exploiter le fonds de commerce ou la partie de l’entreprise transmis et non simplement de liquider immédiatement l’activité concernée (arrêts précités Zita Modes, point 44, et Schriever, point 37).

33      Ainsi que le relève la juridiction de renvoi, il ressort, certes, des points 38 et 40 de l’arrêt SKF, précité, que la Cour n’a pas exclu que la cession d’une participation de 100 % puisse, dans certaines circonstances, être assimilée à la transmission d’une universalité totale ou partielle des biens pour autant qu’une telle cession ait pour conséquence la cession totale ou partielle des actifs des entreprises concernées. Toutefois, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la Cour ne disposait pas d’éléments nécessaires pour prendre position sur l’applicabilité de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive à une opération telle que celle en cause dans cette affaire et a laissé à la juridiction de renvoi le soin de l’examiner.

34      Au point 25 de l’arrêt Schriever, précité, la Cour a souligné que, pour que le transfert d’un fonds de commerce ou d’une partie autonome d’une entreprise au sens de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive soit constaté, il faut que l’ensemble des éléments transférés soit suffisant pour permettre la poursuite d’une activité économique autonome.

35      À cet égard, il y a lieu de relever que la détention des actions d’une entreprise ne suffit pas, à la différence de la détention des actifs de celle-ci, pour permettre de poursuivre une activité économique autonome.

36      En effet, conformément à la jurisprudence de la Cour, la simple acquisition, la seule détention et la simple vente de parts sociales ne constituent pas, en elles-mêmes, une activité économique au sens de la sixième directive, dès lors que la simple prise de participations financières dans d’autres entreprises ne constitue pas une exploitation d’un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence. L’éventuel dividende, fruit de cette participation, résulte de la simple propriété du bien (voir, en ce sens, arrêts du 20 juin 1991, Polysar Investments Netherlands, C-60/90, Rec. p. I-3111, point 13; du 14 novembre 2000, Floridienne et Berginvest, C-142/99, Rec. p. I-9567, points 17 et 22; du 27 septembre 2001, Cibo Participations, C-16/00, Rec. p. I-6663, point 19, ainsi que du 6 septembre 2012, Portugal Telecom, C-496/11, point 32 et jurisprudence citée).

37      Il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d’une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés où s’est opérée la prise de participation, si celle-ci implique la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques (voir, en ce sens, arrêts précités Polysar Investments Netherlands, point 14; Floridienne et Berginvest, points 18 et 19; Cibo Participations, points 20 et 21, ainsi que Portugal Telecom, points 33 et 34).

38      Dès lors, ainsi que le fait valoir le gouvernement allemand, la transmission des actions d’une société ne peut, indépendamment de l’importance de la participation, être assimilée à la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens, au sens de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, que si la participation fait partie d’une unité indépendante qui permet l’exercice d’une activité économique indépendante et que cette activité est poursuivie par l’acquéreur. Or, une simple cession d’actions qui n’est pas accompagnée de la transmission d’actifs ne permet pas au cessionnaire de poursuivre une activité économique indépendante en tant qu’ayant droit du cédant.

39      En effet, les actionnaires ne sont pas propriétaires des actifs de l’entreprise dans laquelle ils détiennent leur participation, mais sont propriétaires de la participation et ont, à ce titre, un droit au dividende, à la communication d’informations et sont impliqués dans l’adoption des décisions importantes pour la gestion de l’entreprise. S’agissant d’une participation de 30 % dans une société, force est de constater que celle-ci ne représente un droit sur cette société que dans une mesure limitée.

40      Il résulte de ce qui précède que le transfert de 30 % des actions d’une société ne peut pas être assimilé à la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens au sens de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive.

41      Ce constat n’est nullement remis en cause par la finalité de ladite disposition. Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’objectif spécifique de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive est de faciliter les transferts d’entreprises ou de parties d’entreprises, en les simplifiant et en évitant de grever la trésorerie du bénéficiaire d’une charge fiscale démesurée qu’il aurait, en tout état de cause, récupérée ultérieurement par une déduction de la TVA acquittée en amont (voir arrêts précités Zita Modes, point 39, et Schriever, point 23).

42      À cet égard, la Cour a considéré qu’un traitement spécial est justifié notamment en raison du fait que le montant de la TVA à avancer au titre du transfert est susceptible d’être particulièrement important par rapport aux ressources de l’exploitation concernée (arrêt Zita Modes, précité, point 41).

43      Or, cette difficulté ne se présente pas dans le cadre de la transmission d’une participation, quelle que soit son importance. En effet, ainsi qu’il ressort des points 36 et 37 du présent arrêt, la vente d’actions soit ne constitue pas une activité économique soumise à la TVA, soit est exonérée en vertu de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive si elle est effectuée pour réaliser une immixtion directe ou indirecte dans la gestion de la société dans laquelle est opérée la prise de participation (arrêt du 20 juin 1996, Wellcome Trust, C-155/94, Rec. p. I-3013, point 35). Dans l’un ou l’autre cas, l’acquéreur des actions ne supporte pas de charge de TVA.

44      Il convient, en deuxième lieu, d’examiner si la réponse donnée serait différente s’il était tenu compte du fait que l’ensemble des actionnaires vendent leur participation à un même acheteur pratiquement en même temps, avec pour conséquence que ce dernier devient propriétaire de 100 % des actions de l’entreprise concernée.

45      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon le principe fondamental inhérent au système de la TVA, cette taxe s’applique à chaque transaction de production ou de distribution, déduction faite de la TVA qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix (voir, notamment, arrêts du 8 juin 2000, Midland Bank, C-98/98, Rec. p. I-4177, point 29, et Abbey National, précité, point 27).

46      En outre, il importe de souligner que le libellé de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive utilise le terme «cédant» au singulier, ce qui implique que l’application de ladite disposition n’est pas prévue dans le cas où plusieurs cédants vendent leur participation à un même cessionnaire.

47      Il en résulte que chaque opération doit être appréciée de manière individuelle et indépendante.

48      Il est certes vrai que la Cour a considéré, au point 79 de l’arrêt SKF, précité, que la circonstance que la cession d’actions se déroule en plusieurs opérations successives n’affecte pas son analyse quant au traitement fiscal qu’il convient d’accorder à cette cession.

49      Cependant, ainsi qu’il a été relevé au point 33 du présent arrêt, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SKF, précité, la Cour ne disposait pas d’éléments suffisants pour décider si l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive était applicable à l’opération en cause au principal et a répondu en interprétant l’article 13, B, sous d), point 5, de cette directive.

50      En tout état de cause, les circonstances de cette dernière affaire diffèrent de celles en cause dans l’affaire au principal dans la mesure où il n’était pas question de pluralité de vendeurs ayant effectué des opérations successives en faveur du même acheteur.

51      Par conséquent, la cession en faveur d’une même personne de la totalité des actions d’une société par tous les actionnaires de celle-ci n’est pas assimilable au transfert d’une universalité de biens, au sens de l’article 5, paragraphe 8, de la sixième directive.

52      En ce qui concerne, en troisième lieu, la pertinence, pour la réponse donnée, de la circonstance que le transfert de 30 % des actions est en étroite corrélation avec les activités de direction effectuées par le vendeur pour la société dans laquelle il détenait sa participation, il convient de relever, à l’instar des gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni, que la cessation des activités de direction semble être la conséquence directe et logique de la vente de la participation de X.

53      Il n’en serait autrement que si les activités de direction du vendeur avaient constitué une partie autonome de sa propre entreprise dont l’exploitation pouvait être reprise par le cessionnaire de manière indépendante et pour laquelle ce dernier aurait payé une contrepartie distincte du prix des actions. Toutefois, dans un tel cas, la transmission d’une universalité de biens couvrirait uniquement les activités de direction et non pas la cession d’actions au motif que ces deux transactions portent sur des entreprises différentes.

54      Il convient dès lors de considérer que la circonstance que le transfert des actions est fait simultanément avec la cessation des activités de direction est sans incidence pour la réponse donnée aux questions préjudicielles.

55      Enfin, en vue de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile au regard du fait que la réponse aux questions préjudicielles lui est nécessaire afin de décider de l’existence du droit à déduction dans les circonstances du litige au principal, il y a lieu de rappeler que le droit à déduction existe dans le cas où les opérations effectuées en amont se trouvent en lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction. Si tel n’est pas le cas, il y a lieu d’examiner si les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services en amont font partie des frais généraux liés à l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti. Dans l’un ou l’autre cas, l’existence d’un lien direct et immédiat présuppose que le coût des prestations en amont est incorporé respectivement dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l’assujetti dans le cadre de ses activités économiques (arrêts Cibo Participations, précité, points 31 et 33; SKF, précité, point 60; du 16 février 2012, Eon Aset Menidjmunt, C-118/11, point 48, ainsi que du 21 février 2013, Becker, C-104/12, points 19 et 20).

56      La cession d’actions en cause au principal devant être qualifiée d’opération exonérée au titre de l’article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive, le droit à déduction ne peut être admis que si le coût des services fournis à X en rapport avec ladite cession fait partie des frais généraux afférents à l’ensemble de son activité économique sans être incorporé dans le prix de vente desdites actions.

57      Il appartient donc à la juridiction de renvoi de vérifier le respect de ladite condition, en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause au principal.

58      Il ressort de l’ensemble de ces considérations qu’il convient de répondre aux questions posées que les articles 5, paragraphe 8, et/ou 6, paragraphe 5, de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens que la cession de 30 % des actions d’une société, pour laquelle le cédant fournit des services soumis à la TVA, ne constitue pas la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens ou de services au sens de ces dispositions, indépendamment du fait que les autres actionnaires transfèrent pratiquement en même temps à la même personne le reste des actions de cette société et que ce transfert soit en étroite corrélation avec les activités de direction effectuées pour la même société.

 Sur les dépens

59      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit:

Les articles 5, paragraphe 8, et/ou 6, paragraphe 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doivent être interprétés en ce sens que la cession de 30 % des actions d’une société, pour laquelle le cédant fournit des services soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, ne constitue pas la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens ou de services au sens de ces dispositions, indépendamment du fait que les autres actionnaires transfèrent pratiquement en même temps à la même personne le reste des actions de cette société et que ce transfert soit en étroite corrélation avec les activités de direction effectuées pour la même société.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.