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ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

9 décembre 2011 (*)

«Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure – Sixième directive TVA – Article 11, A, paragraphe 1, sous a) – Base d’imposition – Frais non facturés par l’assujetti»

Dans l’affaire C-69/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank van eerste aanleg te Brugge (Belgique), par décision du 7 février 2011, parvenue à la Cour le 16 février 2011, dans la procédure

Connoisseur Belgium BVBA

contre

Belgische Staat,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme A. Prechal, président de chambre, MM. L. Bay Larsen et E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Connoisseur Belgium BVBA (ci-après «Connoisseur Belgium») à l’administration fiscale belge au sujet de la base d’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») pour la période du 1er janvier 2005 au 31 octobre 2006.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 11, A, paragraphe 1, de la sixième directive, relatif à la base d’imposition de la TVA à l’intérieur du pays, énonce:

«La base d’imposition est constituée:

a)       pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations;

[…]»

 Le droit national

4        L’article 26 du code de la taxe sur la valeur ajoutée, dans sa version applicable à l’affaire au principal, dispose:

«Pour les livraisons de biens et les prestations de services, la taxe est calculée sur tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur du bien ou par le prestataire du service de la part de celui à qui le bien ou le service est fourni, ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations.

Sont notamment comprises dans la base d’imposition, les sommes que le fournisseur du bien ou le prestataire du service porte en compte, pour frais de commission, d’assurance et de transport, à celui à qui le bien ou le service est fourni, que ces frais fassent ou non l’objet d’un document de débit séparé ou d’une convention séparée.

Sont également à comprendre dans la base d’imposition les impôts, droits, prélèvements et taxes».

 Le litige au principal et la question préjudicielle

5        Connoisseur Belgium est inscrite en Belgique en tant qu’assujettie à la TVA pour son activité de location de bateaux de plaisance.

6        Cette société prend en location des bateaux de plaisance de la société Porter & Haylett, établie au Royaume-Uni, et donne ensuite ces bateaux en location à des voyageurs soit directement, soit par l’intermédiaire de la société irlandaise Prestige Boating Holidays Ltd (ci-après «Prestige Boating Holidays»), appartenant avec les deux autres sociétés au même groupe. Dans ce cas, Connoisseur Belgium met les bateaux de plaisance à la disposition de la société intermédiaire qui les loue aux voyageurs; elle intervient en outre pour la vente de carburant, de guides de navigation, ainsi que pour la location de bicyclettes et de places de stationnement.

7        Dans le premier cas, Connoisseur Belgium établit pour son client une facture comprenant la TVA belge. Dans le second cas, elle n’établit pas de facture à l’intention du client, mais facture annuellement à Prestige Boating Holidays la mise à disposition des bateaux, incluant la TVA belge.

8        Le 15 janvier 2003, Connoisseur Belgium et Prestige Boating Holidays ont conclu un accord de répartition des coûts («cost sharing agreement», ci-après l’«accord»). Cet accord prévoit que le montant à facturer par Connoisseur Belgium à Prestige Boating Holidays est calculé sur la base des frais qui ont été exposés l’année précédente, en proportion du nombre de semaines pendant lesquelles les bateaux ont été loués par l’intermédiaire de Prestige Boating Holidays, corrigés par un taux d’inflation convenu chaque année (entre 1 et 3 %) et par le taux d’augmentation ou de diminution du nombre de bateaux que Connoisseur Belgium a réellement exploités en comparaison avec l’année qui précède. L’accord détermine également les frais devant être inclus dans le calcul du montant à facturer (entre autres, les amortissements des bateaux et l’équipement de ceux-ci, les charges financières, les loyers, les frais d’exploitation des bases, à l’exception des frais directs relatifs aux biens qui sont vendus directement par Connoisseur Belgium aux voyageurs, et les frais généraux).

9        Le 31 octobre 2006, Connoisseur Belgium a émis, à l’intention de Prestige Boating Holidays, une facture d’un montant de 264 227,78 euros, outre 55 487,83 euros de TVA, pour la mise à la disposition de celle-ci des bateaux de plaisance.

10      En 2008, l’administration fiscale belge a procédé à un contrôle auprès de Connoisseur Belgium pour la période allant du 1er janvier 2005 au 31 octobre 2006. Le 25 novembre 2009, elle a établi un procès-verbal, constatant que, premièrement, Connoisseur Belgium n’avait pas réclamé la TVA sur tout ce que l’assujetti devait obtenir de son cocontractant à titre de contrepartie de ses prestations, deuxièmement, Connoisseur Belgium avait repris tardivement une partie de la TVA due dans sa déclaration périodique et, troisièmement, Connoisseur Belgium avait payé tardivement une partie de la TVA due. Elle a, en outre, indiqué dans ce procès-verbal les montants dont Connoisseur Belgium était redevable au titre de la TVA, d’amendes et d’intérêts.

11      Selon l’administration fiscale belge, Connoisseur Belgium n’a pas correctement appliqué l’accord en ne prenant pas en compte un certain nombre de frais prévus par celui-ci (frais de bureau, gaz, blanchisserie, frais d’informatique, frais juridiques et de planification, audit et comptabilité, poste, amortissement) ni le taux d’inflation.

12      Sur la base de ce procès-verbal, une contrainte a été notifiée à Connoisseur Belgium par pli recommandé du 8 décembre 2009. Contestant une partie des sommes réclamées, Connoisseur Belgium a saisi le rechtbank van eerste aanleg te Brugge (tribunal de première instance de Bruges).

13      La juridiction de renvoi relève que Connoisseur Belgium ne conteste pas les faits. Elle expose que, selon l’administration fiscale belge, la base d’imposition est constituée par tout ce que l’assujetti doit obtenir du cocontractant à titre de contrepartie et, en l’espèce, la valeur réelle de la contrepartie à obtenir est déterminée par l’accord, ce qui conduit, en tenant compte des frais déterminés dans celui-ci, à majorer la base imposable d’un montant de 36 219,61 euros. Connoisseur Belgium, quant à elle, fait valoir, en invoquant le principe de neutralité fiscale, que la base d’imposition comprend uniquement ce qui a été réellement réclamé.

14      C’est dans ces conditions que le rechtbank van eerste aanleg te Brugge a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 26 du code de la [taxe sur la valeur ajoutée] viole-t-il l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive […], actuellement repris à l’article 73 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée [(JO L 347, p. 1)], ainsi que le principe de neutralité de la TVA, si cette disposition doit être interprétée en ce sens que la TVA est due sur des frais ou montants qui peuvent contractuellement être portés en compte au cocontractant, mais qui ne lui sont pas portés en compte?»

 Sur la question préjudicielle

15      Conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence en cause.

16      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

17      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la TVA est due sur les frais ou sur les montants qui auraient pu être contractuellement facturés par l’assujetti à son cocontractant, mais qui ne l’ont pas été.

18      À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la base d’imposition à l’intérieur du pays est constituée, pour les livraisons de biens ou les prestations de services, par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers.

19      Or, selon une jurisprudence constante, conformément à cette disposition de la sixième directive, la base d’imposition pour la livraison d’un bien ou la prestation d’un service, effectuée à titre onéreux, est constituée par la contrepartie réellement reçue à cet effet par l’assujetti. Cette contrepartie constitue donc la valeur subjective, à savoir réellement perçue, et non la valeur estimée selon des critères objectifs (voir, notamment, arrêts du 5 février 1981, Coöperatieve Aardappelenbewaarplaats, 154/80, Rec. p. 445, point 13; du 16 octobre 1997, Fillibeck, C-258/95, Rec. p. I-5577, point 13; du 20 janvier 2005, Hotel Scandic Gåsabäck, C-412/03, Rec. p. I-743, point 21, et du 9 juin 2011, Campsa Estaciones de Servicio, C-285/10, non encore publié au Recueil, point 28).

20      Il se déduit clairement de cette jurisprudence que, en vertu de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la base d’imposition de la TVA ne comprend pas les montants qui auraient pu être contractuellement facturés par l’assujetti à son cocontractant, mais qui ne l’ont pas été.

21      Cette interprétation est conforme au principe de neutralité fiscale inhérent au système de la TVA qui vise à grever uniquement le consommateur final et tend à garantir aux assujettis une égalité de traitement. En vertu de ce principe, la base d’imposition de la TVA à percevoir par les autorités fiscales ne peut pas être supérieure à la contrepartie effectivement payée par le consommateur final et sur laquelle a été calculée la TVA qui pèse en définitive sur ce consommateur (voir arrêt du 24 octobre 1996, Elida Gibbs, C-317/94, Rec. p. I-5339, point 19). Ledit principe serait en effet méconnu, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, si l’assujetti était redevable de la TVA sur des montants qui n’ont pas été facturés à son client.

22      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la TVA n’est pas due sur les frais ou sur les montants qui auraient pu être contractuellement facturés par l’assujetti à son cocontractant, mais qui ne l’ont pas été.

 Sur les dépens

23      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:

L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la taxe sur la valeur ajoutée n’est pas due sur les frais ou sur les montants qui auraient pu être contractuellement facturés par l’assujetti à son cocontractant, mais qui ne l’ont pas été.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.