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ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

1 er mars 2012 ( * )

«Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure — Directive TVA — Régime particulier de taxation des agences de voyages — Fourniture aux agences de voyages d’un service de transport par autocars à l’exclusion de tout autre service»

Dans l’affaire C-220/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Nejvyšší správní soud (République tchèque), par décision du 28 avril 2011, parvenue à la Cour le 11 mai 2011, dans la procédure

Star Coaches s. r. o.

contre

Finanční ředitelství pro hlavní město Prahu,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. U. Lõhmus, président de chambre, MM. A. Arabadjiev et C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. A. Calot Escobar,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 306 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Star Coaches s. r. o. (ci-après «Star Coaches») au Finanční ředitelství pro hlavní město Prahu [Direction des finances pour la ville de Prague (République tchèque)] au sujet d’un avis de mise en recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») émis à son encontre au titre du mois de janvier de l’année 2008.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes de l’article 306 de la directive TVA, figurant dans le titre XII de celle-ci, chapitre 3, intitulé «Régime particulier des agences de voyages»:

«1.   Les États membres appliquent un régime particulier de la TVA aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l’égard du voyageur et lorsqu’elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d’autres assujettis.

Le présent régime particulier n’est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d’intermédiaire et auxquelles s’applique, pour calculer la base d’imposition, l’article 79, premier alinéa, point c).

2.   Aux fins du présent chapitre, les organisateurs de circuits touristiques sont considérés comme agences de voyages.»

4

L’article 307 de la même directive est libellé comme suit:

«Les opérations effectuées, dans les conditions prévues à l’article 306, par l’agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l’agence de voyages au voyageur.

La prestation unique est imposée dans l’État membre dans lequel l’agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services.»

5

L’article 308 de ladite directive prévoit:

«Pour la prestation de services unique fournie par l’agence de voyages, est considérée comme base d’imposition et comme prix hors TVA, au sens de l’article 226, point 8), la marge de l’agence de voyages, c’est-à-dire la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par l’agence de voyages pour les livraisons de biens et les prestations de services d’autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur.»

6

L’article 310 de la directive TVA dispose:

«Les montants de la TVA qui sont portés en compte à l’agence de voyages par d’autres assujettis pour les opérations qui sont visées à l’article 307 et qui profitent directement au voyageur ne sont ni déductibles, ni remboursables dans aucun État membre.»

Le droit tchèque

7

La loi no 235/2004 sur la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «loi sur la TVA») comporte un article 89, intitulé «Régime particulier pour les prestations de voyage», qui, dans sa version en vigueur en 2008, était libellé comme suit:

«1)

Le régime particulier doit être appliqué par le fournisseur d’une prestation de voyage qui agit à l’égard du client en son nom propre lorsqu’il fournit à ce dernier une prestation de voyage.

2)

Aux fins de la présente loi, on entend par:

a)

‘fournisseur de prestations de voyage’ l’assujetti qui fournit au client une prestation de voyage;

b)

‘client’ la personne à laquelle est fournie la prestation de voyage;

c)

‘prestation de voyage’ la fourniture au client d’un service qui inclut une combinaison de services de tourisme et, le cas échéant, de biens, si les services de tourisme et les biens individuels sont achetés auprès d’autres assujettis; la fourniture d’une prestation de voyage est considérée comme la fourniture d’un service unique bien que, pour la réalisation de la prestation de voyage, on utilise plusieurs services de tourisme et, le cas échéant, plusieurs biens achetés auprès d’autres assujettis; on qualifie également de prestation de voyage la fourniture au client d’un service qui inclut un seul service de tourisme acheté, consistant en un hébergement ou un transport.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

Star Coaches exerce une activité de transport de personnes par autocars en République tchèque et entre les États membres. Elle assure ce transport soit au moyen de ses propres autocars, soit en ayant recours à des sous-traitants, qui sont des sociétés de transport dont les opérations sont soumises à la TVA. Sa clientèle est exclusivement composée d’agences de voyages établies en République tchèque ou dans d’autres États membres. À l’égard de sa clientèle, Star Coaches agit toujours en son nom propre. Lorsque cette dernière fait appel à un sous-traitant, elle établit pour ses clients une facture mentionnant la TVA et sollicite un remboursement de l’excédent de taxe, sur le fondement du régime général de la TVA.

9

Star Coaches a déduit de manière répétée des montants importants d’excédents de TVA. À cet égard, le Finanční úřad pro Prahu 5 (bureau des finances no 5 pour la ville de Prague) a estimé que cette société fournissait des prestations de voyage et qu’elle aurait dû appliquer non pas le régime général de la TVA, mais le régime particulier institué pour les agences de voyages prévu à l’article 89 de la loi sur la TVA. Le 25 juin 2008, il a émis un avis de mise en recouvrement de la TVA au titre du mois de janvier de l’année 2008.

10

Star Coaches a formé une réclamation contre cet avis de mise en recouvrement. Celle-ci ayant été rejetée par une décision du Finanční ředitelství pro hlavní město Prahu du 16 décembre 2008, elle a introduit un recours devant le Městský soud v Praze qui l’a rejeté par un jugement du 18 juin 2010. Star Coaches s’est alors pourvue en cassation devant le Nejvyšší správní soud.

11

La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à l’application du régime particulier des agences de voyages prévu à l’article 306 de la directive TVA.

12

Elle relève, en premier lieu, une différence entre la version tchèque de cette disposition et l’article 89 de la loi sur la TVA qui a transposé dans le droit national ladite disposition. Tandis que celle-ci vise les prestations fournies aux voyageurs, l’article 89 couvre celles fournies aux clients de l’agence de voyages, terme qui englobe non seulement les voyageurs, mais aussi d’autres personnes. La juridiction de renvoi souligne toutefois qu’il existe également des différences entre les versions linguistiques de l’article 306 de la directive TVA ainsi que celles de l’article 26 de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), qui était applicable avant l’entrée en vigueur de la directive TVA, certaines versions utilisant le terme «client» et d’autres celui de «voyageur». Elle précise que plusieurs États membres, dont la République tchèque, font d’ailleurs l’objet d’une action en manquement de la part de la Commission européenne pour avoir employé le terme «client» et visé ainsi, du point de vue de cette dernière, un cercle trop large de personnes.

13

La juridiction de renvoi se demande, en second lieu, pour le cas où la Cour jugerait que l’article 306 de la directive TVA s’étend aux clients d’une agence de voyages, si une entreprise telle que Star Coaches doit être qualifiée d’agence de voyages au sens de cette disposition. Elle indique que, selon elle, tel n’est pas le cas dans la mesure où cette entreprise fournit uniquement un service de transport à l’exclusion de tout autre service de tourisme. Il en résulterait que la présente affaire devrait être distinguée de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C-163/91, Rec. p. I-5723), dans laquelle, hormis l’hébergement, l’entreprise en cause fournissait aussi des services d’information, de conseil et de réservation de logement.

14

Considérant que l’interprétation de l’article 306 de la directive TVA est nécessaire pour la solution du litige dont il est saisi, le Nejvyšší správní soud a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 306 de la [directive TVA] s’applique-t-il uniquement aux prestations fournies par les agences de voyages aux consommateurs finaux d’une prestation de voyage (aux voyageurs) ou également aux prestations fournies à d’autres personnes (aux clients)?

2)

Doit-on qualifier d’agence de voyages, aux fins de l’article 306 de la [directive TVA], une société de transport qui se contente d’assurer le transport de personnes en fournissant un transport en autocars aux agences de voyages (et non pas directement aux voyageurs) et qui ne fournit aucun autre service (hébergement, information, conseil etc.)?»

Sur les questions préjudicielles

15

La juridiction de renvoi interroge la Cour, par sa première question, sur le champ d’application matériel du régime particulier de la TVA prévu aux articles 306 à 310 de la directive TVA et, par sa seconde question, sur le champ d’application personnel de ce régime.

16

Il convient de répondre en premier lieu à la seconde question, en vérifiant si ledit régime particulier s’applique à une entreprise telle que Star Coaches, avant d’examiner, en second lieu et le cas échéant, la première question relative à l’étendue du champ d’application matériel de ce régime.

Sur la seconde question

17

En vertu de l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence existante.

18

La Cour estime que tel est le cas dans la présente affaire. En effet, la réponse à la seconde question posée par la juridiction de renvoi peut être clairement déduite de la jurisprudence relative à l’article 26 de la sixième directive, disposition dont les termes sont repris à l’article 306 de la directive TVA. La jurisprudence relative à la notion d’agence de voyages au sens de cet article 26 est par conséquent transposable à cette même notion au sens de l’article 306 de la directive TVA.

19

Il convient ainsi de rappeler, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, que l’objectif du régime particulier de la TVA institué par l’article 26 de la sixième directive est d’adapter les règles applicables au caractère spécifique de l’activité des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques. Les services fournis par ces entreprises se caractérisent par le fait que, le plus souvent, ils se composent de multiples prestations, notamment en matière de transport et d’hébergement, qui se réalisent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire de l’État membre où l’entreprise a son siège ou un établissement stable. L’application des règles de droit commun concernant le lieu d’imposition, la base d’imposition et la déduction de la taxe en amont se heurterait, en raison de la multiplicité et de la localisation des prestations fournies, à des difficultés pratiques pour ces entreprises, qui seraient de nature à entraver l’exercice de leur activité (voir arrêts Van Ginkel, précité, points 13 à 15; du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin, C-308/96 et C-94/97, Rec. p. I-6229, point 18, ainsi que du 19 juin 2003, First Choice Holidays, C-149/01, Rec. p. I-6289, points 23 et 24).

20

Néanmoins, la circonstance que l’agence de voyages se borne à fournir un logement de vacances au voyageur n’est pas suffisante pour exclure cette prestation du champ d’application de l’article 26 de la sixième directive. En effet, la prestation offerte par l’agence peut, même dans un tel cas, ne pas se réduire à une prestation unique, puisqu’elle peut comprendre, outre la location du logement, des prestations comme les informations et conseils au moyen desquels l’agence de voyages propose un éventail de choix pour les vacances et la réservation du logement (arrêt Van Ginkel, précité, point 24).

21

En outre, la Cour a considéré que, indépendamment de la qualité formelle de l’opérateur économique, les raisons sous-jacentes au régime particulier applicable aux agences de voyages et aux organisateurs de circuits touristiques sont également valables dans l’hypothèse où cet opérateur n’est pas une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques au sens généralement donné à ces termes, mais où il effectue, dans le cadre d’une autre activité, des opérations identiques à celles exercées par ces derniers (voir arrêts Madgett et Baldwin, précité, points 20 et 21, ainsi que du 13 octobre 2005, ISt, C-200/04, Rec. p. I-8691, point 22).

22

Il n’est donc pas exclu que les services d’un transporteur de passagers par autocars, qui, lorsqu’il n’utilise pas ses propres autocars, a recours aux prestations de transport de sous-traitants assujettis à la TVA, soient soumis au régime particulier visé à l’article 306 de la directive TVA. La circonstance que de tels services n’incluent pas des prestations de logement ne saurait suffire à exclure qu’ils relèvent du champ d’application de cette disposition.

23

Toutefois, conformément à l’approche retenue par la Cour dans l’arrêt Van Ginkel, précité, encore faudrait-il que ces services ne se réduisent pas à une prestation unique et qu’ils comportent, outre le transport, d’autres prestations telles que les informations et conseils portant sur un éventail de choix pour les vacances et la réservation du voyage en autocar. La Cour a en effet jugé qu’il ne saurait être inféré de cet arrêt Van Ginkel que toute prestation isolée fournie par une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques relève du régime particulier prévu à l’article 26 de la sixième directive (arrêt du 9 décembre 2010, Minerva Kulturreisen, C-31/10, Rec. p. I-12889, point 19). Cette considération s’applique de la même manière à un opérateur économique qui ne constitue pas une agence de voyages ni un organisateur de circuits touristiques au sens généralement donné à ces termes.

24

Or, s’agissant de Star Coaches, la juridiction de renvoi indique qu’elle fournit uniquement un service de transport à des agences de voyages à l’exclusion de tout autre service. Cette juridiction ajoute expressément que ladite société ne fournit aucun service tel que l’hébergement, une activité de guide ou de conseils.

25

Il s’ensuit que les prestations fournies par Star Coaches ne sont nullement identiques à celles offertes par une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques.

26

Il convient par conséquent de répondre à la seconde question qu’une société de transport qui se contente d’assurer le transport de personnes en fournissant un transport en autocars aux agences de voyages et qui ne fournit aucun autre service, tel que l’hébergement, une activité de guide ou de conseils, n’effectue pas des opérations qui relèvent du régime particulier des agences de voyages visé à l’article 306 de la directive TVA.

Sur la première question

27

Eu égard à la réponse de la Cour à la seconde question, il n’y a pas lieu pour cette dernière de répondre à la première question.

Sur les dépens

28

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

 

Une société de transport qui se contente d’assurer le transport de personnes en fournissant un transport en autocars aux agences de voyages et qui ne fournit aucun autre service, tel que l’hébergement, une activité de guide ou de conseils, n’effectue pas des opérations qui relèvent du régime particulier des agences de voyages visé à l’article 306 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

 

Signatures


( * )   Langue de procédure: le tchèque.