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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

19 décembre 2013 (*)

«Renvoi préjudiciel – Droit des entreprises – Deuxième directive 77/91/CEE – Responsabilité d’une société anonyme pour violation de ses obligations en matière de publicité – Inexactitude des informations contenues dans un prospectus de souscription – Portée de la responsabilité – Réglementation d’un État membre prévoyant la restitution du prix que l’acquéreur a payé pour l’achat des actions»

Dans l’affaire C-174/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Handelsgericht Wien (Autriche), par décision du 26 mars 2012, parvenue à la Cour le 12 avril 2012, dans la procédure

Alfred Hirmann

contre

Immofinanz AG,

en présence de:

Aviso Zeta AG,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), G. Arestis, J.-C. Bonichot et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 avril 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Hirmann, par Mes S. Ganahl et J. Moyal, Rechtsanwälte,

–        pour Immofinanz AG, par Mes A. Zahradnik et B. Rieder, Rechtsanwälte,

–        pour Aviso Zeta AG, par Me A. Jank, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et D. Tavares, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. G. Braun et Mme R. Vasileva, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation:

–        des articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la deuxième directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article [48, deuxième alinéa, CE], en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO 1977, L 26, p. 1), telle que modifiée par la directive 92/101/CEE du Conseil, du 23 novembre 1992 (JO L 347, p. 64, ci-après la «deuxième directive»),

–        de l’article 14 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché) (JO L 96, p. 16, ci-après la «directive ‘abus de marché’»),

–        des articles 6 et 25 de la directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation, et modifiant la directive 2001/34/CE (JO L 345, p. 64, ci-après la «directive ‘prospectus’»),

–        des articles 7, 17 et 28 de la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2004, sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE (JO L 390, p. 38, ci-après la «directive ‘transparence’»),

–        des articles 12 et 13 de la directive 2009/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article [48, deuxième alinéa, CE], pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (JO L 258, p. 11).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Hirmann à Immofinanz AG (ci-après «Immofinanz») au sujet d’une demande d’annulation d’une opération d’acquisition d’actions de cette dernière.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le quatrième considérant de la deuxième directive est libellé comme suit:

«considérant qu’il y a lieu d’arrêter des prescriptions communautaires afin de préserver le capital, gage des créanciers, notamment en interdisant d’entamer celui-ci par des distributions indues aux actionnaires et en limitant la possibilité pour une société d’acquérir ses propres actions».

4        Les articles 12, 15, 16, 18 à 20 et 42 de la deuxième directive prévoient notamment:

«Article 12

Sous réserve des dispositions concernant la réduction du capital souscrit, les actionnaires ne peuvent pas être exemptés de l’obligation de fournir leur apport.

[...]

Article 15

1.      a)     Hors des cas de réduction du capital souscrit, aucune distribution ne peut être faite aux actionnaires lorsque, à la date de clôture du dernier exercice, l’actif net tel qu’il résulte des comptes annuels est, ou deviendrait à la suite d’une telle distribution, inférieur au montant du capital souscrit, augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer.

[...]

d)      Le terme ‘distribution’, tel qu’il figure sous a) et c), englobe notamment le versement des dividendes et celui d’intérêts relatifs aux actions.

[...]

Article 16

Toute distribution faite en contravention de l’article 15 doit être restituée par les actionnaires qui l’ont reçue, si la société prouve que ces actionnaires connaissaient l’irrégularité des distributions faites en leur faveur ou ne pouvaient l’ignorer compte tenu des circonstances.

[...]

Article 18

1.      Les actions d’une société ne peuvent être souscrites par celle-ci.

[...]

Article 19

1.      Lorsque la législation d’un État membre permet à une société d’acquérir ses propres actions soit par elle-même, soit par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société, elle soumet ces acquisitions au moins aux conditions suivantes:

a)      l’autorisation d’acquérir est accordée par l’assemblée générale, qui fixe les modalités des acquisitions envisagées, et notamment le nombre maximal d’actions à acquérir, la durée pour laquelle l’autorisation est accordée et qui ne peut excéder dix-huit mois et, en cas d’acquisition à titre onéreux, les contre-valeurs minimales et maximales. [...]

[...]

Article 20

1.      Les États membres peuvent ne pas appliquer l’article 19:

[...]

d)      aux actions acquises en vertu d’une obligation légale ou résultant d’une décision judiciaire [...]

[...]

Article 42

Pour l’application de la présente directive, les législations des États membres garantissent un traitement égal des actionnaires qui se trouvent dans des conditions identiques.»

5        L’article 14, paragraphe 1, de la directive «abus de marché» dispose:

«Sans préjudice de leur droit d’imposer des sanctions pénales, les États membres veillent à ce que, conformément à leur législation nationale, des mesures administratives appropriées puissent être prises ou des sanctions administratives appliquées à l’encontre des personnes responsables d’une violation des dispositions arrêtées en application de la présente directive. Les États membres garantissent que ces mesures sont effectives, proportionnées et dissuasives.»

6        Selon le considérant 10 de la directive «prospectus», celle-ci a pour objet de garantir la protection des investisseurs et l’efficacité des marchés.

7        Les articles 6 et 25, paragraphe 1, de ladite directive sont libellés comme suit:

«Article 6

Responsabilité concernant le prospectus

1.      Les États membres veillent à ce que la responsabilité des informations fournies dans un prospectus incombe au moins à l’émetteur ou à ses organes d’administration, de direction ou de surveillance, à l’offreur, à la personne qui sollicite l’admission à la négociation sur un marché réglementé ou au garant, selon le cas. Le prospectus identifie clairement les personnes responsables par leur nom et fonction, ou, dans le cas des personnes morales, par leur nom et siège statutaire, et [elles doivent] fournir une déclaration de leur part certifiant que, à leur connaissance, les données du prospectus sont conformes à la réalité et ne comportent pas d’omissions de nature à en altérer la portée.

[...]

Article 25

Sanctions

1.      Sans préjudice de leur droit d’appliquer des sanctions pénales ou de leur régime de responsabilité civile, les États membres veillent à ce que, conformément à leur droit national, les mesures ou les sanctions administratives appropriées puissent être prises à l’encontre des personnes responsables, lorsque les dispositions adoptées en application de la présente directive n’ont pas été respectées. Les États membres veillent à ce que ces mesures soient effectives, proportionnées et dissuasives.

[...]»

8        Les articles 7, 17, paragraphe 1, et 28, paragraphe 1, de la directive «transparence» sont libellés comme suit:

«Article 7

Responsabilité

Les États membres veillent à ce que la responsabilité des informations à élaborer et à publier conformément aux articles 4, 5, 6 et 16 incombe au moins à l’émetteur ou à ses organes d’administration, de direction ou de surveillance et à ce que leurs dispositions législatives, réglementaires et administratives en matière de responsabilité s’appliquent aux émetteurs, aux organes visés par le présent article ou aux personnes responsables au sein des émetteurs.

[...]

Article 17

Obligations d’information applicables aux émetteurs dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé

1.      L’émetteur d’actions admises à la négociation sur un marché réglementé assure l’égalité de traitement de tous les détenteurs d’actions qui se trouvent dans une situation identique.

[...]

Article 28

Sanctions

1.      Sans préjudice de leur droit d’imposer des sanctions pénales, les États membres veillent au moins, conformément à leur droit interne, à ce que des mesures administratives appropriées puissent être prises ou des sanctions civiles et/ou administratives infligées aux personnes responsables, lorsque les dispositions arrêtées en application de la présente directive n’ont pas été respectées. Les États membres veillent à ce que ces mesures soient effectives, proportionnées et dissuasives.

[...]»

9        Conformément au considérant 10 de la directive 2009/101, il est nécessaire, en vue d’assurer la sécurité juridique dans les rapports entre la société et les tiers ainsi qu’entre les associés, de limiter les cas de nullité ainsi que l’effet rétroactif de la déclaration de nullité et de fixer un délai bref pour la tierce opposition à cette déclaration.

10      Aux termes de l’article 12 de ladite directive:

«La législation des États membres ne peut organiser le régime des nullités des sociétés que dans les conditions suivantes:

a)      la nullité doit être prononcée par décision judiciaire;

b)      la nullité ne peut être prononcée que dans les seuls cas visés aux points i) à vi):

[...]

En dehors de ces cas de nullité, les sociétés ne sont soumises à aucune cause d’inexistence, de nullité absolue, de nullité relative ou d’annulabilité.»

11      L’article 13 de la même directive prévoit:

«1.      L’opposabilité aux tiers d’une décision judiciaire prononçant la nullité est réglée par l’article 3. La tierce opposition, lorsque le droit national la prévoit, n’est recevable que pendant un délai de six mois à compter de la publication de la décision judiciaire.

2.      La nullité entraîne la liquidation de la société, comme peut l’opérer la dissolution.

3.      La nullité ne porte pas atteinte par elle-même à la validité des engagements de la société ou de ceux pris envers elle, sans préjudice des effets de l’état de liquidation.

4.      La législation de chaque État membre peut régler les effets de la nullité entre associés.

5.      Les porteurs de parts ou d’actions demeurent tenus au versement du capital souscrit et non libéré, dans la mesure où les engagements pris envers les créanciers l’exigent.»

 Le droit autrichien

12      L’article 5 de la loi relative au marché des capitaux (Kapitalmarktgesetz), du 6 décembre 1991 (BGBl. 625/1991), prévoit:

«(1)      Si une offre soumise aux formalités de prospectus intervient sans publication préalable d’un prospectus ou des informations visées à l’article 6, les investisseurs, à savoir les consommateurs au sens de l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la loi sur la protection des consommateurs (Konsumentschutzgesetz), peuvent renoncer à leur offre ou au contrat.

[...]

(4)      Le droit de renonciation prévu au paragraphe 1 s’éteint à l’expiration d’un délai d’une semaine suivant le jour où le prospectus ou les informations visées à l’article 6 ont été publiées.»

13      L’article 6, paragraphe 2, de ladite loi dispose:

«Les investisseurs qui ont accepté d’acheter des valeurs mobilières ou des investissements ou d’y souscrire après la survenance d’un fait, d’une erreur ou d’une inexactitude visés au paragraphe 1, mais avant la publication du supplément qui s’y rapporte, ont le droit de retirer leur acceptation pendant deux jours ouvrables après la publication du supplément. L’article 5 est applicable par analogie. En revanche, si les investisseurs sont des consommateurs au sens de l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la [loi sur la protection des consommateurs], le délai visé à l’article 5, paragraphe 4, est également applicable.»

14      L’article 11, paragraphes 1 et 6, de la loi relative au marché des capitaux est libellé comme suit:

«(1)      Sont responsables du préjudice subi par tout investisseur en se fiant aux informations contenues dans le prospectus ou aux autres informations requises par la présente loi fédérale (article 6), qui sont déterminantes pour l’évaluation des valeurs mobilières ou des investissements,

1.      l’émetteur, pour les informations erronées ou incomplètes qui ont été transmises par sa faute ou celle de ses préposés, mandataires ou d’autres personnes, qui sont intervenus dans la rédaction du prospectus;

[...]

(6)      Si le comportement fautif n’était pas intentionnel, l’étendue de la responsabilité à l’égard de chacun des investisseurs est limitée au prix que ces derniers ont payé, augmenté des frais et des intérêts dus à compter du paiement du prix d’acquisition. [...]»

15      L’article 52 de la loi relative aux sociétés par actions (Aktiengesetz), du 6 septembre 1965 (BGBl. I, 98/1965, p. 1089), telle que modifiée par la loi du 22 septembre 2005 (BGBl. I, 2005, p. 2802), prévoit:

«Les apports ne sauraient être restitués aux actionnaires; pendant la durée de vie de la société, ils ont seulement le droit de percevoir les bénéfices de l’exercice pour autant que ceux-ci ne sont pas exclus de toute distribution par la loi ou par les statuts. N’est pas considérée comme une restitution des apports le paiement du prix d’acquisition en cas d’acquisition licite de ses propres actions (articles 65 et 66).»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

16      Le 7 janvier 2005, M. Hirmann a acheté des actions d’Immofinanz pour une valeur de 10 013,75 euros. L’acquisition, qui a été réalisée par l’intermédiaire d’Aviso Zeta AG (ci-après «Aviso Zeta»), qui est une société financière, a eu lieu sur le marché secondaire et non dans le cadre d’une augmentation de capital. Le prix de vente a été payé par l’acquéreur à Aviso Zeta et les actions en cause ont été enregistrées dans un compte-titres ouvert dans cette société au nom de M. Hirmann.

17      Dans le litige au principal, M. Hirmann reproche à Immofinanz d’avoir pris des mesures illégales destinées à soutenir le cours des actions de cette dernière. En effet, celles-ci auraient été achetées par l’intermédiaire de filiales du groupe Aviso Zeta, qui contrôlerait aussi Immofinanz, à des fins de manipulation du marché.

18      En outre, M. Hirmann affirme qu’il a acquis les actions en se fondant sur le prospectus d’Immofinanz relatif au marché des capitaux de l’époque. En effet, dans ce prospectus, cette société aurait expliqué que l’acquisition de ses actions constituait un investissement sûr et sans risques. Toutefois, ledit prospectus aurait comporté des informations incomplètes, fausses ou trompeuses. De ce fait, des poursuites pénales auraient été engagées contre les anciens membres du directoire d’Immofinanz et les procédures afférentes à celles-ci seraient actuellement pendantes.

19      Dans ces conditions, M. Hirmann a demandé à la juridiction de renvoi d’annuler le contrat portant sur l’achat des actions à titre de dommages et intérêts. À cette fin, il a conclu, en particulier, à ce que Immofinanz soit condamnée au remboursement d’un montant correspondant au prix d’acquisition initial des actions majoré d’intérêts en contrepartie de la restitution de celles-ci à cette société.

20      Selon Immofinanz, cette demande est contraire aux principes impératifs du droit national et du droit de l’Union régissant les sociétés anonymes, notamment quant à l’exigence du maintien du capital de ces dernières. La responsabilité de cette société à l’égard de M. Hirmann reviendrait à protéger un seul actionnaire au détriment de tous les autres et des créanciers de celle-ci.

21      Considérant que la solution du litige qui lui est soumis nécessite l’interprétation du droit de l’Union, le Handelsgericht Wien a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Une règle nationale prévoyant la responsabilité d’une société anonyme à l’égard d’un acquéreur d’actions, en tant qu’émettrice, sur le fondement d’une violation des obligations d’information imposées par le droit des marchés de capitaux au titre des dispositions suivantes contenues dans

–        les articles 6 et 25 de la [directive «prospectus»];

–        les articles 7, 17 et 28 de la [directive «transparence»];

–        l’article 14 de la [directive «abus de marché»],

est-elle compatible avec les articles 12, 15, 16, 19 et 42 de la [deuxième directive]?

2)      Les dispositions des articles 12, 15, 16 et, en particulier, des articles 18, 19 et 42 de la [deuxième directive] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale qui impose à une société anonyme, en vertu de la responsabilité visée [à la première question], de rembourser à l’acquéreur le prix d’acquisition et de reprendre les actions acquises?

3)      Les dispositions des articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la [deuxième directive] doivent-elles être interprétées en ce sens que la responsabilité de la société anonyme visée [à la première question]

–        peut s’étendre aux capitaux engagés de la société anonyme (capital souscrit augmenté des réserves au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous a), de la [deuxième directive]), et

–        peut également exister lorsqu’elle est susceptible d’entraîner l’insolvabilité de la société anonyme?

4)      Les dispositions des articles 12 et 13 de la directive 2009/101 […] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit une annulation rétroactive de l’acquisition de la participation, de sorte que l’on doit considérer, en cas d’annulation du contrat d’achat d’actions, que celle-ci produit des effets ex nunc [voir arrêt du 15 avril 2010, E. Friz, C-215/08, Rec. p. I-2947]?

5)      Les dispositions des articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la [deuxième directive] et des articles 12 et 13 de la directive 2009/101 […] doivent-elles être interprétées en ce sens que la responsabilité est limitée à la valeur des actions – si la société est cotée en Bourse, au cours des actions – au moment de la levée de l’option, de sorte que l’actionnaire récupère, dans certains cas, une somme inférieure au prix initialement payé pour ses actions?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

22      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande si les articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la deuxième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, dans le cadre de la transposition des directives «prospectus», «transparence» et «abus de marché», d’une part, prévoit la responsabilité d’une société anonyme, en qualité d’émettrice, à l’égard d’un acquéreur d’actions de la même société, sur le fondement d’une violation des obligations d’information prévues par ces dernières directives, et, d’autre part, impose, en raison de cette responsabilité, l’obligation de la société concernée de rembourser à l’acquéreur le montant correspondant au prix d’acquisition des actions et de reprendre celles-ci.

23      Les dispositions de la deuxième directive auxquelles se réfèrent les deux questions susmentionnées ont pour objectif, en substance, d’assurer le maintien du capital social des sociétés anonymes et l’égalité de traitement des actionnaires.

24      En ce qui concerne l’objectif du maintien du capital, le deuxième considérant de la deuxième directive énonce que, pour assurer une équivalence minimale dans la protection tant des actionnaires que des créanciers de ces sociétés, il importe tout particulièrement de coordonner les dispositions nationales concernant leur constitution, ainsi que le maintien, l’augmentation et la réduction de leur capital. Quant au quatrième considérant de la même directive, il indique que celle-ci vise à préserver le capital, gage des créanciers, notamment en interdisant d’entamer celui-ci par des distributions indues aux actionnaires et en limitant la possibilité pour une société d’acquérir ses propres actions. Cette dernière contrainte est justifiée, en particulier, par la nécessité d’assurer la protection des actionnaires et des créanciers contre des comportements de marché susceptibles de réduire le capital d’une société et de faire augmenter artificiellement le cours de ses actions.

25      À cette fin, la deuxième directive prévoit en substance l’obligation des actionnaires de fournir leur apport (article 12), l’interdiction pour la société de les restituer (article 15), l’obligation pour les actionnaires de restituer les distributions effectuées en violation de l’article 15 de ladite directive (article 16), l’interdiction pour la société de détenir ses propres actions (article 18) ainsi que les conditions auxquelles peut être octroyée une dérogation à cette dernière interdiction (article 19).

26      S’agissant en outre de l’objectif d’égalité de traitement des actionnaires, l’article 42 de la deuxième directive dispose que, pour l’application de celle-ci, les législations des États membres garantissent un traitement égal des actionnaires qui se trouvent dans des conditions identiques.

27      Il ressort tant du libellé que de la finalité des dispositions mentionnées aux deux points précédents que celles-ci ont vocation à ne réglementer que les relations juridiques établies entre la société et ses actionnaires qui découlent exclusivement du contrat de société et visent les seuls rapports internes de la société concernée.

28      Il s’ensuit que, ainsi que le soutiennent M. Hirmann, les gouvernements autrichien et portugais ainsi que la Commission européenne, les dispositions en cause de la deuxième directive ne sont pas de nature à s’opposer à une réglementation nationale qui institue le principe de la responsabilité d’une société émettrice en raison de la divulgation d’informations inexactes en violation du droit des marchés de capitaux et qui prévoit que, au titre de cette responsabilité, cette société est tenue de rembourser à l’acquéreur un montant correspondant au prix d’acquisition des actions et de reprendre celles-ci.

29      En effet, dans un tel cas de figure, la responsabilité de la société concernée à l’égard des investisseurs, qui sont aussi ses actionnaires, en raison des irrégularités commises par cette société avant ou au moment de l’acquisition d’actions de celle-ci, ne découle pas du contrat de société et ne vise pas les seuls rapports internes de ladite société. Il s’agit dans une telle occurrence d’une responsabilité qui trouve sa source dans le contrat d’acquisition d’actions.

30      En outre, pour ce qui est du principe selon lequel les actionnaires doivent être traités de manière égale, énoncé à l’article 42 de la deuxième directive, il convient de relever que les actionnaires qui ont subi des préjudices en raison d’une faute de la société commise avant ou au moment de l’acquisition des actions de celle-ci ne se trouvent pas dans une situation identique à celle des actionnaires de la même société dont la situation juridique n’a pas été affectée par cette faute.

31      C’est précisément la raison pour laquelle l’article 20, paragraphe 1, sous d), de la deuxième directive permet à une société d’acquérir ses propres actions en vertu notamment d’une obligation légale. Une telle acquisition ne saurait être considérée comme ayant pour objet la réduction du capital de la société ou l’augmentation artificielle du cours des actions de celle-ci.

32      Dans ces conditions, un versement effectué par une société à un actionnaire en raison des irrégularités qu’elle a commises avant ou au moment de l’acquisition d’actions de celle-ci ne constitue pas une distribution de capital au sens de l’article 15 de la deuxième directive et, par conséquent, un tel versement ne doit pas être soumis aux conditions énoncées à cet article.

33      L’argument invoqué par Immofinanz lors de l’audience, selon lequel ledit article de la deuxième directive s’opposerait à une action en responsabilité civile introduite par un investisseur à l’encontre d’une société qui l’a induit en erreur en raison de la divulgation d’informations trompeuses, ne saurait donc être accueilli.

34      De même, le fait pour une société de reprendre les actions d’un investisseur qui les avait achetées sur le fondement d’informations erronées, dont la diffusion est imputable à cette société, n’est pas susceptible de relever du champ d’application de l’article 18 de la deuxième directive. Une telle acquisition par la société de ses propres actions résulte de l’obligation légale en vertu de laquelle cette société est tenue d’indemniser l’investisseur lésé, une telle obligation étant totalement étrangère à la ratio legis de cet article.

35      Par ailleurs, il ressort de la décision de renvoi et, plus particulièrement, du libellé des questions préjudicielles que la réglementation nationale en cause au principal vise à transposer dans l’ordre juridique national notamment les articles 6 et 25 de la directive «prospectus», 7, 17 et 28 de la directive «transparence» et 14 de la directive «abus de marché».

36      L’article 6, paragraphe 1, de la directive «prospectus» prévoit, en particulier, que les États membres veillent à ce que la responsabilité des informations fournies dans un prospectus incombe au moins à l’émetteur.

37      En outre, l’article 7 de la directive «transparence» dispose que les États membres veillent à ce que la responsabilité des informations à élaborer et à publier conformément à cette directive incombe au moins à l’émetteur. Selon l’article 17, paragraphe 1, de cette directive, ledit émetteur assure l’égalité de traitement de tous les détenteurs d’actions qui se trouvent dans une situation identique.

38      Force est de constater qu’une réglementation nationale prévoyant la responsabilité d’une société anonyme, en qualité d’émettrice de valeurs mobilières, à l’égard d’un investisseur en cas de manquement aux obligations d’information qui s’imposent à cette société satisfait aux exigences énoncées aux articles 6, paragraphe 1, de la directive «prospectus» et 7 de la directive «transparence», sans mettre en cause le principe d’égalité de traitement consacré à l’article 17, paragraphe 1, de cette dernière directive.

39      En outre, les articles 25, paragraphe 1, de la directive «prospectus», 28, paragraphe 1, de la directive «transparence» et 14, paragraphe 1, de la directive «abus de marché», qui sont rédigés en des termes similaires, disposent notamment que, sans préjudice de leur droit d’appliquer des sanctions pénales, les États membres veillent à ce que, conformément à leur droit national, les mesures ou les sanctions administratives appropriées puissent être prises à l’encontre des personnes responsables, lorsque les dispositions adoptées en application de ces directives n’ont pas été respectées, de telles mesures devant être effectives, proportionnées et dissuasives.

40      S’il est vrai que, contrairement à l’article 25, paragraphe 1, de la directive «prospectus», les articles 28, paragraphe 1, de la directive «transparence» et 14, paragraphe 1, de la directive «abus de marché» ne se référent pas expressément aux régimes de responsabilité civile des États membres, il n’en demeure pas moins que la Cour a déjà jugé que, en ce qui concerne l’allocation de dommages et intérêts et une éventuelle possibilité d’accorder des indemnités ayant un caractère de sanction, en l’absence de dispositions du droit de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les critères permettant de déterminer l’étendue de la réparation, pour autant que les principes de l’équivalence et d’effectivité sont respectés (voir, par analogie, arrêts du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C-295/04 à C-298/04, Rec. p. I-6619, point 92, ainsi que du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a., C-536/11, points 25 à 27).

41      Il résulte donc de ce qui précède que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix des sanctions appliquées en raison de la violation par les sociétés émettrices des obligations découlant desdites directives, sous réserve du respect du droit de l’Union.

42      Il en résulte également que, lorsque la responsabilité d’un émetteur d’actions est engagée, le choix d’une mesure civile de réparation incombe aux États membres.

43      En l’espèce, le régime de responsabilité civile prévu dans la réglementation nationale en cause au principal constitue un remède adéquat au préjudice subi par l’investisseur ainsi qu’au manquement à l’obligation d’information de cet émetteur. En outre, il est de nature à dissuader les émetteurs d’induire les investisseurs en erreur.

44      L’institution d’un tel régime de responsabilité s’inscrit donc dans le cadre de la marge d’appréciation conférée aux États membres et n’est pas contraire au droit de l’Union.

45      Il convient dès lors de répondre aux première et deuxième questions que les articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la deuxième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, dans le cadre de la transposition des directives «prospectus», «transparence» et «abus de marché», d’une part, prévoit la responsabilité d’une société anonyme, en qualité d’émettrice, à l’égard d’un acquéreur d’actions de la même société, sur le fondement d’une violation des obligations d’information prévues par ces dernières directives, et, d’autre part, impose, en raison de cette responsabilité, l’obligation de la société concernée de rembourser à l’acquéreur le montant correspondant au prix d’acquisition des actions et de reprendre celles-ci.

 Sur la troisième question

46      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si les articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la deuxième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que la réglementation nationale prévoie que l’obligation de la société émettrice de rembourser à l’acquéreur le montant correspondant au prix d’acquisition des actions et de reprendre celles-ci peut s’étendre aux capitaux engagés de la société (capital souscrit augmenté des réserves) et entraîner l’insolvabilité de cette dernière.

47      Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 84 de ses conclusions, cette question présente un caractère purement hypothétique, dès lors que, dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi n’a pas expliqué la raison pour laquelle la réponse à ladite question pourrait lui être utile en vue de la résolution du litige au principal et s’est limitée à faire référence, en termes généraux, au risque d’une insolvabilité potentielle de la société émettrice.

48      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.

 Sur la quatrième question

49      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 12 et 13 de la directive 2009/101 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, prévoit l’annulation rétroactive du contrat d’achat d’actions.

50      L’article 12, premier alinéa, sous a) et b), de la directive 2009/101 énumère, de manière exhaustive, les conditions dans lesquelles la nullité des sociétés peut être prononcée par décision judiciaire. Le second alinéa de cet article dispose que, en dehors des cas de nullité prévus au premier alinéa, les sociétés ne sont soumises à aucune cause d’inexistence, de nullité absolue, de nullité relative ou d’annulabilité.

51      Quant à l’article 13 de ladite directive, il détermine notamment les conséquences du prononcé d’une telle nullité.

52      Il convient de rappeler que la réglementation nationale en cause au principal institue le principe de la responsabilité d’une société émettrice en raison de la divulgation d’informations inexactes en violation du droit des marchés de capitaux et prévoit que, au titre de cette responsabilité, cette société est obligée de rembourser à l’acquéreur un montant correspondant au prix d’acquisition des actions et de reprendre celles-ci.

53      Une telle réglementation vise, notamment, à assurer que la personne lésée soit replacée dans la situation qui était la sienne avant l’intervention de l’acte qui lui a causé des préjudices, en exigeant, d’une part, la restitution à l’acquéreur d’un montant correspondant au prix qu’il a payé pour l’acquisition des actions, augmenté des intérêts, et, d’autre part, que celles-ci soient maintenues dans le capital social de la société concernée au même titre que les autres actions.

54      Il s’ensuit qu’un régime de responsabilité applicable aux sociétés en raison d’une violation de certaines dispositions du droit des marchés de capitaux est totalement étranger aux procédures de nullité des sociétés, telles qu’elles résultent des articles 12 et 13 de la directive 2009/101.

55      Par conséquent, l’annulation rétroactive du contrat d’achat d’actions en cause au principal n’étant pas susceptible d’entraîner la nullité de la société, les articles 12 et 13 de la directive 2009/101 sont sans incidence sur la quatrième question posée par la juridiction de renvoi.

56      La juridiction de renvoi s’interroge en particulier sur l’éventuelle applicabilité, en l’espèce, de la jurisprudence issue de l’arrêt E. Friz, précité.

57      Dans cet arrêt, la Cour était appelée à se prononcer sur la compatibilité avec la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31), d’une réglementation nationale qui n’attachait que des effets ex nunc à une renonciation d’un consommateur à son adhésion à un fonds immobilier constitué sous la forme d’une société de personnes.

58      Après avoir rappelé, au point 44 de l’arrêt E. Friz, précité, que la protection du consommateur garantie par la directive 85/577 n’était pas absolue, la Cour a jugé, au point 50 de cet arrêt, que cette directive ne s’opposait pas à ce que la résolution du contrat fût prononcée avec effets ex nunc.

59      À cet égard, il convient de relever que les faits à l’origine du litige ayant donné lieu à l’arrêt E. Friz, précité, n’étaient pas comparables à ceux de l’affaire au principal.

60      En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt E. Friz, précité, la renonciation du consommateur au contrat qu’il avait signé en vue d’adhérer à un fonds immobilier était fondée non pas sur un comportement fautif du cocontractant, mais uniquement sur l’exercice d’un droit, conféré à tous les consommateurs par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 85/577, leur permettant de renoncer aux contrats conclus lors d’une visite d’un commerçant chez eux.

61      Dans ces conditions, la Cour a pu considérer, aux points 46 à 48 de l’arrêt E. Friz, précité, que la directive 85/577 ne s’opposait pas à la règle nationale en cause au principal dès lors que celle-ci visait à assurer, conformément aux principes généraux du droit civil, un équilibre satisfaisant ainsi qu’une répartition des risques équitable entre les différentes parties intéressées. Au demeurant, la Cour avait déjà jugé qu’il résultait tant de l’économie générale que du libellé de plusieurs dispositions de cette directive que la protection des consommateurs était soumise à certaines limites (voir arrêt du 10 avril 2008, Hamilton, C-412/06, Rec. p. I-2383, points 39 et 40).

62      En revanche, dans l’affaire au principal, il est constant que l’annulation du contrat d’achat d’actions est uniquement fondée sur des irrégularités commises par la société émettrice qui ont causé des préjudices à l’acquéreur. Dans ce cas, il n’est pas justifié de recourir, en tant qu’instrument d’appréciation de la compatibilité d’une règle nationale avec le droit de l’Union, au critère d’un équilibre satisfaisant et d’une répartition des risques équitable entre les différentes parties intéressées, tel qu’il est évoqué dans l’arrêt E. Friz, précité.

63      Il convient dès lors de répondre à la quatrième question que les articles 12 et 13 de la directive 2009/101 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, prévoit l’annulation rétroactive d’un contrat d’achat d’actions.

 Sur la cinquième question

64      Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande si les articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la deuxième directive ainsi que 12 et 13 de la directive 2009/101 doivent être interprétés en ce sens que la responsabilité instituée par la réglementation nationale en cause au principal est limitée à la valeur des actions, calculée selon le cours de celles-ci si la société est cotée en Bourse, au moment de la levée de l’option.

65      En ce qui concerne, en premier lieu, les articles 12 et 13 de la directive 2009/101, il suffit de rappeler que, au point 54 du présent arrêt, la Cour a jugé qu’un régime de responsabilité applicable aux sociétés en raison d’une violation de certaines dispositions du droit des marchés de capitaux est totalement étranger aux procédures de nullité des sociétés.

66      Il en découle que lesdits articles, qui ne portent que sur la nullité du contrat de société, ne sont pas pertinents en vue de l’appréciation de la question relative à la portée de la responsabilité de telles sociétés. Leur interprétation ne peut en aucun cas conforter la thèse d’Immofinanz selon laquelle, dans l’affaire au principal, la responsabilité de la société devrait nécessairement être limitée à la valeur de ses actions, calculée selon le cours de celles-ci si la société est cotée en Bourse, au moment de la levée de l’option.

67      S’agissant, en second lieu, des articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la deuxième directive, il importe de relever que l’interprétation de ceux-ci à laquelle la Cour s’est livrée dans le cadre des deux premières questions préjudicielles a permis de constater, au point 28 du présent arrêt, que ces articles ne sont pas de nature à s’opposer à une réglementation nationale qui institue le principe de la responsabilité d’une société émettrice en raison de la divulgation d’informations inexactes en violation du droit des marchés de capitaux et qui prévoit que, au titre de cette responsabilité, ladite société est tenue de rembourser à l’acquéreur un montant correspondant au prix d’acquisition des actions et de reprendre celles-ci.

68      Par ailleurs, la Cour a conclu, au point 44 du présent arrêt, que l’institution d’un tel régime de responsabilité civile s’inscrit dans le cadre de la marge d’appréciation conférée aux États membres par les directives «prospectus», «transparence» et «abus de marché» et n’est pas contraire au droit de l’Union.

69      Dans ces conditions, force est de constater que le choix entre un régime de responsabilité civile qui prévoit la restitution à l’acquéreur d’un montant correspondant au prix d’achat des actions, augmenté des intérêts, et un régime qui limite cette responsabilité au paiement du prix des actions au moment de l’introduction de la demande d’indemnisation relève de la compétence des États membres.

70      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la cinquième question que les articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la deuxième directive ainsi que 12 et 13 de la directive 2009/101 doivent être interprétés en ce sens que la responsabilité instituée par la réglementation nationale en cause au principal n’est pas nécessairement limitée à la valeur des actions, calculée selon le cours de celles-ci si la société est cotée en Bourse, au moment de la levée de l’option.

 Sur les dépens

71      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la deuxième directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article [48, deuxième alinéa, CE], en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital, telle que modifiée par la directive 92/101/CEE du Conseil, du 23 novembre 1992, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, dans le cadre de la transposition des directives

–        2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation, et modifiant la directive 2001/34/CE,

–        2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2004, sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE,

–        et 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché),

d’une part, prévoit la responsabilité d’une société anonyme, en qualité d’émettrice, à l’égard d’un acquéreur d’actions de la même société, sur le fondement d’une violation des obligations d’information prévues par ces dernières directives, et, d’autre part, impose, en raison de cette responsabilité, l’obligation de la société concernée de rembourser à l’acquéreur un montant correspondant au prix d’acquisition des actions et de reprendre celles-ci.

2)      Les articles 12 et 13 de la directive 2009/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article [48, deuxième alinéa, CE], pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, prévoit l’annulation rétroactive d’un contrat d’achat d’actions.

3)      Les articles 12, 15, 16, 18, 19 et 42 de la deuxième directive 77/91, telle que modifiée par la directive 92/101, ainsi que 12 et 13 de la directive 2009/101 doivent être interprétés en ce sens que la responsabilité instituée par la réglementation nationale en cause au principal n’est pas nécessairement limitée à la valeur des actions, calculée selon le cours de celles-ci si la société est cotée en Bourse, au moment de la levée de l’option.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.