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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

8 mai 2013 (*)

«Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée – Sixième directive 77/388/CEE – Droit à déduction de la taxe en amont – Obligations de l’assujetti – Détention de factures irrégulières ou imprécises – Omission de mentions obligatoires – Refus du droit à déduction – Preuves postérieures de la réalité des opérations facturées – Factures rectificatives – Droit à restitution de la TVA – Principe de neutralité»

Dans l’affaire C-271/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour d’appel de Mons (Belgique), par décision du 25 mai 2012, parvenue à la Cour le 1er juin 2012, dans la procédure

Petroma Transports SA,

Martens Énergie SA,

Martens Immo SA,

Martens SA,

Fabian Martens,

Geoffroy Martens,

Thibault Martens

contre

État belge,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. G. Arestis (rapporteur), J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour Petroma Transports SA, Martens Énergie SA, Martens Immo SA, Martens SA, ainsi que pour MM. F. Martens, G. Martens et T. Martens, par Me O. Van Ermengem, avocat,

–        pour le gouvernement belge, par Mme M. Jacobs et M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. W. Roels et Mme C. Soulay, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 94/5/CE du Conseil, du 14 février 1994 (JO L 60, p. 16, ci-après la «sixième directive»), ainsi que du principe de neutralité.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Petroma Transports SA, Martens Énergie SA, Martens Immo SA, Martens SA, ainsi que MM. F. Martens, G. Martens et T. Martens, constituant ensemble le groupe Martens, à l’État belge au sujet du refus de ce dernier de leur octroyer le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») pour des prestations de services fournies au sein du groupe Martens.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        L’article 2, point 1, de la sixième directive soumet à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4        Sous le titre «Fait générateur et exigibilité de la taxe», l’article 10 de la sixième directive prévoit:

«1.      Sont considérés comme:

a)      fait générateur de la taxe: le fait par lequel sont réalisées les conditions légales, nécessaires pour l’exigibilité de la taxe;

b)      exigibilité de la taxe: le droit que le Trésor peut faire valoir aux termes de la loi, à partir d’un moment donné, auprès du redevable pour le paiement de la taxe, même si le paiement peut en être reporté.

2.      Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée. […]

[…]»

5        L’article 17 de la sixième directive, intitulé «Naissance et étendue du droit à déduction», dispose:

«1.      Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2.      Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)      la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti redevable de la taxe à l’intérieur du pays;

[…]»

6        L’article 18 de la sixième directive, relatif aux modalités d’exercice du droit à déduction, précise:

«1.      Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit:

a)      pour la déduction visée à l’article 17 paragraphe 2, sous a), détenir une facture établie conformément à l’article 22 paragraphe 3;

[…]

2.      La déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration, du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu du paragraphe 1, au cours de la même période.

[…]

3.      Les États membres fixent les conditions et modalités suivant lesquelles un assujetti peut être autorisé à procéder à une déduction à laquelle il n’a pas procédé conformément aux paragraphes 1 et 2.

[…]»

7        L’article 21, paragraphe 1, sous a) et c), de la sixième directive énonce:

«La taxe sur la valeur ajoutée est due:

1.      en régime intérieur:

a)      par l’assujetti effectuant une opération imposable autre que celles visées à l’article 9, paragraphe 2, sous e), et effectuées par un assujetti établi à l’étranger. […]

[…]

c)      par toute personne qui mentionne la [TVA] sur une facture ou tout document en tenant lieu […]»

8        L’article 22 de la sixième directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 nonies, prévoit:

«Obligations en régime intérieur

1.      a)     Tout assujetti doit déclarer le commencement, le changement et la cessation de son activité en qualité d’assujetti.

[…]

2.      a)     Tout assujetti doit tenir une comptabilité suffisamment détaillée pour permettre l’application de la taxe sur la valeur ajoutée et son contrôle par l’administration fiscale.

[…]

3.      a)     Tout assujetti doit délivrer une facture, ou un document en tenant lieu, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu’il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie. […]

[…]

b)      La facture doit mentionner, d’une façon distincte, le prix hors taxe et la taxe correspondante pour chaque taux différent ainsi que, le cas échéant, l’exonération.

[…]

c)      Les États membres fixent les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture.

[…]

8.      Les États membres ont la faculté de prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

[…]»

 La réglementation belge

9        L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de l’arrêté royal n° 3, du 10 décembre 1969, relatif aux déductions pour l’application de la TVA (Moniteur belge du 12 décembre 1969), prévoit:

«1er.      Pour pouvoir exercer son droit à déduction, l’assujetti doit:

1)      pour la taxe grevant les biens et les services qui lui ont été fournis, détenir une facture établie conformément à l’article 5 de l’arrêté royal n° 1 du 29 décembre 1992[, relatif aux mesures tendant à assurer le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (Moniteur belge du 31 décembre 1992, p. 27976, ci-après l’«arrêté royal n° 1»)]»

10      Conformément à l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, de l’arrêté royal n° 1, la facture porte «les éléments nécessaires pour déterminer l’opération et le taux de la taxe due, notamment la dénomination usuelle des biens livrés et des services fournis et leur quantité ainsi que l’objet des services.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      MM. F. Martens, G. Martens et T. Martens sont les ayants droit de M. J.-P. Martens, lequel a exploité une entreprise unipersonnelle sous l’enseigne «Margaz». À partir de cette entreprise s’est développé le groupe Martens, dont les sociétés exerçaient diverses activités, telles que l’achat, la vente et le transport de produits pétroliers ainsi que des services de travaux immobiliers. Petroma Transports SA était la principale société du groupe Martens en termes de personnel et fournissait plusieurs services aux autres sociétés de ce groupe. Des contrats ont été conclus pour régir l’utilisation de ce personnel dans le cadre des services intragroupe. Ces contrats prévoyaient une rémunération de ces services sur la base des heures prestées par le personnel.

12      Lors des contrôles menés à partir de l’année 1997, l’administration fiscale belge a remis en question, tant en ce qui concerne les impôts directs que la TVA, les factures intragroupe et les déductions qui en résultaient depuis l’exercice d’imposition 1994, au motif principal que ces factures étaient incomplètes et qu’il ne pouvait être établi qu’elles correspondaient à des prestations réelles. La plupart desdites factures comportaient un montant global, sans indication du prix unitaire et du nombre d’heures prestées par les membres du personnel des sociétés prestataires de services, empêchant tout contrôle de l’exacte perception de la taxe par l’administration fiscale.

13      Celle-ci a ainsi rejeté les déductions opérées par les sociétés preneuses de services, notamment, pour non-conformité aux prescriptions prévues à l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, de l’arrêté royal n° 1 et à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de l’arrêté royal n° 3, du 10 décembre 1969, relatif aux déductions pour l’application de la TVA.

14      Par la suite, des informations additionnelles ont été apportées par lesdites sociétés, mais n’ont pas été retenues par l’administration fiscale comme base suffisante permettant l’exercice de la déduction des différents montants de TVA. Cette administration a, en effet, estimé qu’il s’agissait soit de contrats sous seing privé de prestations de services présentés tardivement après la réalisation des contrôles fiscaux et après la communication des régularisations que cette administration comptait effectuer, n’ayant ainsi pas de date certaine et n’étant pas opposables aux tiers, soit de factures qui ont été complétées après leur émission, au stade de la procédure administrative, de façon manuscrite par des mentions relatives au nombre d’heures prestées par les membres du personnel, au taux horaire de travail et à la nature des services rendus et qui, dès lors, selon l’administration fiscale, étaient dépourvues de toute force probante.

15      Le 2 février 2005, le tribunal de première instance de Mons a rendu plusieurs jugements. Si, pour certaines factures, il a donné gain de cause au contribuable, il a également confirmé le rejet de la déduction de la TVA dans le chef de sociétés preneuses de services.

16      À la suite de demandes nouvelles ayant pour objet la restitution des taxes payées par les prestataires de services, cette juridiction a décidé de rouvrir les débats. Par un jugement du 23 février 2010, le tribunal de première instance de Mons s’est prononcé sur les causes jointes et a rejeté les demandes en restitution comme non fondées. Ces prestataires ont alors interjeté appel de ce jugement.

17      C’est dans ces conditions que la cour d’appel de Mons a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Un État membre est-il en droit de refuser la déduction dans le chef d’assujettis, preneurs de services, qui détiennent des factures lacunaires mais complétées par la production d’informations visant à prouver la réalité, la nature et le montant des opérations facturées (contrats, reconstitution de chiffres sur base des déclarations à l’Office national de la sécurité sociale, informations sur le fonctionnement du groupe impliqué,...)?

2)      Un État membre qui refuse la déduction dans le chef d’assujettis preneurs de services sur la base de l’imprécision de factures ne doit-il pas constater que les factures seraient alors également trop imprécises pour permettre le [versement] de la TVA? Partant, un État membre n’est-il pas tenu d’accorder aux sociétés prestataires de services ainsi contestés la restitution de la TVA qui lui avait été versée afin d’assurer le principe de neutralité de la TVA?»

 Sur les questions préjudicielles

 Observations liminaires

18      Il y a lieu de relever que la juridiction de renvoi n’indique pas les dispositions du droit de l’Union dont elle sollicite l’interprétation.

19      Cela étant, il ressort de la décision de renvoi et du contexte dans lequel s’inscrit le litige au principal que les questions préjudicielles portent sur l’interprétation des dispositions de la sixième directive ainsi que du principe de neutralité fiscale.

20      Dans la mesure où il ressort également de ladite décision que les premières factures litigieuses sont datées du 31 mars 1994, il convient d’interpréter les dispositions en cause dans leur version applicable à cette date.

 Sur la première question

21      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions de la sixième directive doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le droit à déduction de la TVA peut être refusé à des assujettis, preneurs de services, qui détiennent des factures incomplètes, lorsque ces dernières sont ensuite complétées par la production d’informations visant à prouver la réalité, la nature et le montant des opérations facturées.

22      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le droit à déduction est un principe fondamental du système commun de la TVA qui ne peut, en principe, être limité et qui s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Bonik, C-285/11, points 25 et 26 ainsi que jurisprudence citée).

23      Le régime des déductions ainsi établi vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit de cette manière la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir arrêts du 29 avril 2004, Faxworld, C-137/02, Rec. p. I-5547, point 37, et du 22 décembre 2010, Dankowski, C-438/09, Rec. p. I-14009, point 24).

24      Il résulte ainsi de l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive que tout assujetti a le droit de déduire les montants qui lui sont facturés au titre de la TVA pour les services qui lui sont rendus, dans la mesure où ces services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, PARAT Automotive Cabrio, C-74/08, Rec. p. I-3459, point 17 et jurisprudence citée).

25      S’agissant des modalités d’exercice du droit à déduction, l’article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive prévoit que l’assujetti doit détenir une facture établie conformément à l’article 22, paragraphe 3, de cette directive.

26      Aux termes de l’article 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, la facture doit mentionner, d’une façon distincte, le prix hors taxe et la taxe correspondante pour chaque taux différent ainsi que, le cas échéant, l’exonération. Le même paragraphe 3, sous c), dudit article 22 habilite les États membres à fixer les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture. En outre, le paragraphe 8 du même article 22 permet aux États membres de prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude.

27      Il en résulte que, en ce qui concerne l’exercice du droit à déduction, la sixième directive se limite à exiger une facture contenant certaines mentions et que les États membres ont la faculté de prévoir des mentions supplémentaires afin d’assurer l’exacte perception de la TVA ainsi que son contrôle par l’administration fiscale (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1988, Jeunehomme et EGI, 123/87 et 330/87, Rec. p. 4517, point 16).

28      L’exigence, pour l’exercice du droit à déduction, d’autres mentions sur la facture que celles énoncées à l’article 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive doit cependant être limitée à ce qui est nécessaire pour assurer la perception de la TVA et son contrôle par l’administration fiscale. En outre, de telles mentions ne doivent pas, par leur nombre ou leur technicité, rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à déduction (arrêt Jeunehomme et EGI, précité, point 17).

29      S’agissant de la réglementation nationale en cause au principal, il y a lieu de relever que l’État belge a fait usage de la faculté prévue à l’article 22, paragraphe 8, de la sixième directive, puisque, conformément à l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, de l’arrêté royal n° 1, la facture doit porter les éléments nécessaires pour déterminer l’opération et le taux de la taxe due, notamment la dénomination usuelle des biens livrés et des services fournis, leur quantité ainsi que leur objet.

30      À cet égard, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les mentions supplémentaires imposées par ladite réglementation sont conformes aux exigences énoncées au point 28 du présent arrêt.

31      Par ailleurs, si au point 41 de l’arrêt du 15 juillet 2010, Pannon Gép Centrum (C-368/09, Rec. p. I-7467), la Cour a jugé qu’il n’est pas loisible aux États membres de lier l’exercice du droit à déduction de la TVA au respect de conditions relatives au contenu des factures, qui ne sont pas expressément prévues par les dispositions de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), il y a lieu de relever que, dans l’affaire en cause au principal, les dispositions alors en vigueur permettaient aux États membres de fixer les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture.

32      Il ressort de la décision de renvoi que l’exercice du droit à déduction de la TVA a été refusé aux assujettis, preneurs de services, au motif que les factures en cause au principal n’étaient pas suffisamment précises et complètes. En particulier, la juridiction de renvoi relève que la plupart de ces factures n’indiquaient pas le prix unitaire et le nombre d’heures prestées par les membres du personnel des sociétés prestataires de services, empêchant tout contrôle de l’exacte perception de la taxe par l’administration fiscale.

33      Les requérants au principal font valoir que l’absence sur les factures de certaines mentions requises par la réglementation nationale n’est pas de nature à remettre en cause l’exercice du droit à déduction de la TVA lorsque la réalité, la nature et l’étendue des transactions ont été démontrées postérieurement à l’administration fiscale.

34      Or, il convient de rappeler que le système commun de la TVA n’interdit pas de procéder à la rectification de factures erronées. Ainsi, lorsque l’ensemble des conditions matérielles nécessaires pour pouvoir bénéficier du droit à déduction de la TVA sont remplies et que, avant l’adoption de la décision par l’autorité concernée, l’assujetti a fourni à cette dernière une facture rectifiée, le bénéfice de ce droit ne saurait, en principe, lui être refusé au motif que la facture initiale comportait une erreur (voir, en ce sens, arrêt Pannon Gép Centrum, précité, points 43 à 45).

35      Toutefois, force est de constater que, s’agissant du litige au principal, les informations nécessaires visant à compléter et à régulariser les factures ont été présentées après que l’administration fiscale eut adopté sa décision de refus du droit à déduction de la TVA, de sorte que, avant l’adoption de cette décision, les factures fournies à ladite administration n’avaient pas encore été rectifiées pour permettre à celle-ci d’assurer l’exacte perception de la TVA ainsi que son contrôle.

36      Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question que les dispositions de la sixième directive doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le droit à déduction de la TVA peut être refusé à des assujettis, preneurs de services, qui détiennent des factures incomplètes, même si ces dernières sont complétées par la production d’informations visant à prouver la réalité, la nature et le montant des opérations facturées après l’adoption d’une telle décision de refus.

 Sur la seconde question

37      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de neutralité fiscale doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que l’administration fiscale refuse la restitution de la TVA acquittée par une société prestataire de services alors que l’exercice du droit à déduction de la TVA ayant grevé lesdits services a été refusé aux sociétés preneuses de ces services du fait des irrégularités constatées dans les factures émises par ladite société prestataire de services.

38      Se pose, dès lors, la question de savoir si, afin d’assurer le principe de neutralité fiscale, l’exigibilité de la TVA dans le chef du prestataire de services est susceptible d’être conditionnée par l’exercice effectif de la déduction de la TVA dans le chef du preneur de ces services.

39      Conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive, les livraisons de biens ou les prestations de services sont soumises à la TVA dès lors qu’elles sont effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel. Il ressort de l’article 10, paragraphe 2, de cette directive que le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée.

40      Il est de jurisprudence constante que la TVA est perçue sur chaque prestation de services et sur chaque livraison de biens, effectuées à titre onéreux par un assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 2009, SKF, C-29/08, Rec. p. I-10413, point 46 et jurisprudence citée).

41      Force est donc de constater que, ainsi que l’indiquent à juste titre l’État belge et la Commission européenne dans leurs observations écrites, il résulte desdites dispositions de la sixième directive que le système commun de la TVA ne subordonne pas l’exigibilité de celle-ci dans le chef de l’assujetti, prestataire de services, à l’exercice effectif du droit à déduction de la TVA dans le chef de l’assujetti, preneur de services.

42      Il ressort du point 13 du présent arrêt que l’exercice du droit à déduction de la TVA ayant grevé les prestations de services en cause au principal, dont auraient normalement bénéficié les preneurs de celles-ci, leur a été refusé du fait de l’absence de certaines mentions obligatoires sur les factures émises par le prestataire de services.

43      Dès lors que, dans le litige au principal, la réalité des prestations de services soumises à la TVA a été confirmée, la TVA afférente à ces opérations était exigible et a été à bon droit versée à l’administration fiscale. Dans ce contexte, le principe de neutralité fiscale ne saurait être invoqué pour justifier la restitution d’une TVA dans une situation telle que celle du litige au principal. Toute autre interprétation serait de nature à favoriser des situations susceptibles d’empêcher l’exacte perception de la TVA, ce que l’article 22 de la sixième directive vise précisément à éviter.

44      Par conséquent, au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que le principe de neutralité fiscale ne s’oppose pas à ce que l’administration fiscale refuse la restitution de la TVA acquittée par une société prestataire de services alors que l’exercice du droit à déduction de la TVA ayant grevé ces services a été refusé aux sociétés preneuses desdits services du fait des irrégularités constatées dans les factures émises par ladite société prestataire de services.

 Sur les dépens

45      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      Les dispositions de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 94/5/CE du Conseil, du 14 février 1994, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée peut être refusé à des assujettis, preneurs de services, qui détiennent des factures incomplètes, même si ces dernières sont complétées par la production d’informations visant à prouver la réalité, la nature et le montant des opérations facturées après l’adoption d’une telle décision de refus.

2)      Le principe de neutralité fiscale ne s’oppose pas à ce que l’administration fiscale refuse la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par une société prestataire de services alors que l’exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces services a été refusé aux sociétés preneuses desdits services du fait des irrégularités constatées dans les factures émises par ladite société prestataire de services.

Signatures


* Langue de procédure: le français.