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ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

26 septembre 2013 (*)

«TVA – Directive 2006/112/CE – Articles 2, paragraphe 1, sous c), 26, 62 et 63 – Fait générateur – Prestations réciproques – Opérations à titre onéreux – Base d’imposition d’une opération en cas de contrepartie constituée de services – Attribution par une personne physique à une société du droit d’utiliser et de louer à des tiers des biens immobiliers en échange de services d’amélioration et d’ameublement de ces biens par cette société»

Dans l’affaire C-283/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Varna (Bulgarie), par décision du 29 mai 2012, parvenue à la Cour le 6 juin 2012, dans la procédure

Serebryannay vek EOOD

contre

Direktor na Direktsia «Obzhalvane i upravlenie na izpalnenieto» –Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalna agentsia za prihodite,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. E. Jarašiūnas (rapporteur), président de chambre, Mme C. Toader et M. C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement bulgare, par Mme E. Petranova et M. Y. Atanasov, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme C. Soulay et M. R. Lyal, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 1, sous c), 26, 62 et 63 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Serebryannay vek EOOD (ci-après «Serebryannay vek») au Direktor na Direktsia «Obzhalvane i upravlenie na izpalnenieto» – Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalna agentsia za prihodite (directeur de la direction «Recours et gestion de l’exécution» pour la ville de Varna, près l’administration centrale de l’Agence nationale des recettes publiques, ci-après le «Direktor») au sujet d’un avis d’imposition rectificatif soumettant Serebryannay vek au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») pour le mois de juillet 2010.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive TVA:

«Sont soumises à la TVA les opérations suivantes:

[...]

c)      les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel;

[...]»

4        L’article 26, paragraphe 1, de cette directive dispose:

«Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux les opérations suivantes:

a)      l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA;

b)      la prestation de services à titre gratuit effectuée par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.»

5        Aux termes de l’article 62 de ladite directive:

«Aux fins de la présente directive sont considérés comme:

1)      ‘fait générateur de la taxe’ le fait par lequel sont réalisées les conditions légales nécessaires pour l’exigibilité de la taxe;

2)      ‘exigibilité de la taxe’ le droit que le Trésor peut faire valoir aux termes de la loi, à partir d’un moment donné, auprès du redevable pour le paiement de la taxe, même si le paiement peut en être reporté.»

6        L’article 63 de la directive TVA dispose que «[l]e fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée».

7        Aux termes de l’article 65 de la même directive, «[e]n cas de versements d’acomptes avant que la livraison de biens ou la prestation de services ne soit effectuée, la taxe devient exigible au moment de l’encaissement, à concurrence du montant encaissé».

8        L’article 73 de la directive TVA prévoit:

«Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations.»

9        L’article 75 de la directive TVA dispose:

«Pour les prestations de services consistant en l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour des besoins privés et pour les prestations de services effectuées à titre gratuit, visées à l’article 26, la base d’imposition est constituée par le montant des dépenses engagées par l’assujetti pour l’exécution de la prestation de services.»

10      L’article 80, paragraphe 1, de cette directive prévoit que, afin de prévenir la fraude ou l’évasion fiscales, les États membres peuvent prendre des mesures pour que, pour les livraisons de biens et les prestations de services à des bénéficiaires avec lesquels il existe des liens familiaux ou d’autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d’affiliation, financiers ou juridiques tels que définis par l’État membre, la base d’imposition soit constituée par la valeur normale de l’opération dans les cas qu’il énumère.

 Le droit bulgare

11      L’article 2, paragraphe 1, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Zakon za danak varhu dobavenata stoynost, DV no 63, du 4 août 2006), dans sa version applicable à l’affaire au principal (ci-après le «ZDDS»), prévoit qu’est soumise à la TVA toute prestation de service effectuée à titre onéreux.

12      L’article 9 du ZDDS dispose:

«1)      Est une prestation de services le fait de fournir un service.

2)      Est également considérée comme une prestation de service:

[...]

4.      la prestation par le détenteur/utilisateur d’un service visant à réparer et/ou à améliorer un actif loué ou confié pour utilisation.

3)      Sont équivalentes à une prestation de service effectuée à titre onéreux:

1.      la prestation d’un service pour les besoins privés de la personne physique assujettie, du propriétaire, des employés ou de tiers dès lors qu’est utilisé, pendant cette prestation, un objet pendant la fabrication, l’importation ou l’acquisition duquel l’impôt en amont a été déduit en totalité ou en partie;

2.      la prestation, sans contrepartie, d’un service pour les besoins privés de la personne physique assujettie, du propriétaire, des employés ou de tiers.

4)      Le paragraphe 3 ne s’applique pas en cas de:

[...]

2.      prestation de service effectuée à titre gratuit par un détenteur/utilisateur pour la réparation d’un élément de l’actif loué ou mis à disposition, dans les cas où l’élément d’actif a été loué ou mis à la disposition du détenteur/utilisateur, et a été effectivement utilisé de manière continue, pour une durée qui n’est pas inférieure à trois ans;

3.      prestation de service effectuée à titre gratuit par un concessionnaire en vue de l’amélioration de l’élément d’actif mis à disposition, lorsque celui-ci est une condition et/ou une obligation en vertu du contrat de concession;

[...]»

13      Aux termes de l’article 25 du ZDDS:

«1)      Sont des faits générateurs de la TVA au sens de la présente loi: la livraison de biens ou de services effectuée par un assujetti au sens de la présente loi [...]

2)      Le fait générateur intervient à la date à laquelle la propriété du bien est transférée ou à celle à laquelle le service est fourni.

3)      En dehors des cas de figure visés au paragraphe 2, le fait générateur de la taxe intervient:

[...]

6.      à la date du retour effectif de l’élément d’actif après réparation et/ou amélioration lors de la cessation du contrat ou de l’interruption de l’utilisation de l’élément d’actif dans l’hypothèse de l’exécution de services à titre gratuit par un détenteur/utilisateur en vue d’une réparation et/ou d’une amélioration d’un élément d’actif loué ou mis à disposition, lorsque les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 4, points 2 et 3, ne sont pas réunies.

[...]

6)      À la date d’intervention du fait générateur, conformément aux paragraphes 2, 3 et 4:

1.      la taxe au sens de la présente loi devient exigible pour les opérations imposables et l’obligation, pour l’assujetti enregistré, de liquider la taxe intervient.

[...]»

14      L’article 26 du ZDDS dispose:

«[...]

2)      La base d’imposition est déterminée sur la base de tout élément compris dans la rémunération que le fournisseur ou le prestataire a reçu de l’acquéreur ou du bénéficiaire ou d’un tiers dans le cadre de l’opération ou de la rémunération qui est due au fournisseur ou au prestataire, le montant de cette rémunération étant exprimé, net de TVA, en leva et stotinki. Ne sont pas considérés comme contrepartie les paiements d’intérêts et de clauses pénales ayant un caractère d’indemnité.

[...]

7)      Lorsque la contrepartie est prévue entièrement ou partiellement en biens ou en services (le paiement est effectué entièrement ou partiellement en biens ou en services), la base d’imposition de l’opération est constituée par la valeur normale du bien ou du service fourni, calculée à la date à laquelle la TVA est devenue exigible.»

15      L’article 27, paragraphe 3, du ZDDS prévoit:

«[...]

3)      La base d’imposition des prestations suivantes est constituée par le prix de marché:

1.      livraison entre personnes liées;

[...]

3.      livraison à titre gratuit au sens de l’article 9, paragraphe 2, point 4.»

16      Aux termes de l’article 130 du ZDDS:

«1)      Toute livraison ou prestation dont la contrepartie a été (totalement ou partiellement) fixée en biens ou en services est considérée comme représentant deux livraisons ou prestations corrélatives et chacun des fournisseurs ou prestataires est considéré comme vendeur de ce qu’il fournit et comme acheteur de ce qu’il reçoit.

2)      Le fait générateur de la TVA pour les livraisons visées au paragraphe 1 intervient conformément aux règles générales de la loi.

3)      La livraison visée au paragraphe 1, dont le fait générateur intervient à une date antérieure est réputée constituer un paiement anticipé (total ou partiel) de la seconde livraison.»

17      Le paragraphe 1, point 8, des dispositions complémentaires du ZDDS prévoit qu’une prestation est effectuée «à titre gratuit» lorsqu’elle ne fait l’objet d’aucune contreprestation ou bien lorsque sa valeur dépasse plusieurs fois celle de la contreprestation.

18      La loi sur l’impôt sur les sociétés et sur le revenu (Zakon za korporativnoto i podohodno oblagane) dispose à son article 51:

«1)      Les actifs immatériels immobilisés taxables sont:

1.      les ressources non financières acquises, qui:

a)       n’ont pas de substance physique;

b)       sont utilisés pendant plus de 12 mois;

c)       ont une durée de vie limitée;

d)       ont une valeur égale ou supérieure à la plus petite des valeurs suivantes:

aa)       la valeur minimale des actifs immatériels immobilisés fixée par la politique comptable de l’assujetti;

bb)       700 BGN;

[...]

3.      les sommes facturées au titre d’opérations économiques, entraînant une augmentation de l’avantage économique des actifs loués ou fournis à un utilisateur; lesdites sommes ne constituent pas des actifs matériels immobilisés, aux fins de l’impôt.

[...]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

19      Serebryannay vek est une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée de droit bulgare appartenant à M. Bodzuliak, qui en est également le gérant. Selon le registre du commerce, elle a notamment pour objet la location immobilière, le tourisme et l’hôtellerie.

20      Au mois de juin 2009, M. Bodzuliak a acheté, à titre personnel, un appartement se trouvant dans un appart-hôtel situé à Varna. Il a également acquis un second appartement dans la même ville. Ces appartements sont déclarés comme détenus en copropriété par M. Bodzuliak et son épouse (ci-après les «propriétaires»).

21      Le 8 avril 2009, M. Bodzuliak, en son nom, a conclu deux contrats d’un contenu identique avec Serebryannay vek, en vertu desquels il a accordé à celle-ci un «droit réel d’usufruit» sur son patrimoine immobilier en l’état de gros œuvre, et notamment les deux appartements en cause, pour une durée de cinq ans, avec possibilité de prolongation. Il était prévu que Serebryannay vek donnerait lesdits appartements en location à des tiers.

22      En vertu de ces contrats, Serebryannay vek ne doit pas verser de loyer aux propriétaires pendant la durée de ceux-ci. En revanche, elle s’est engagée à exécuter en son nom, à ses frais et selon son appréciation, des travaux de remise en état et de montage en vue de l’achèvement et de la mise en service des appartements aux fins de leur exploitation, notamment achat et fourniture de planchers, ameublement, décoration, sanitaires. Il est prévu que, à la fin desdits contrats, les propriétaires récupéreront les appartements concernés avec les aménagements qui s’y trouveront.

23      L’administration des recettes fiscales a effectué un contrôle le 21 octobre 2010 et a émis un avis d’imposition rectificatif pour le mois de juillet 2010. Elle a considéré que Serebryannay vek avait effectué une prestation de services à titre gratuit en faveur des propriétaires et que la base d’imposition de cette prestation correspondait à la valeur des dépenses encourues par cette société aux fins de ladite prestation.

24      Serebryannay vek a formé un recours administratif contre ledit avis devant le Direktor. Par décision du 10 juin 2011, ce dernier a annulé ce même avis et a renvoyé le dossier à l’administration des recettes fiscales afin qu’il soit procédé à une nouvelle vérification. Il a considéré, en substance, qu’il y avait eu échange de prestations, car Serebryannay vek avait reçu les appartements concernés en location en tant que rémunération pour ses services de remise en état et d’ameublement de ceux-ci. Eu égard à cette interprétation, le Direktor a estimé, sur la base de l’article 26, paragraphe 7, du ZDDS, que la base d’imposition des services de remise en état et d’ameublement desdits appartements était constituée par le prix du marché de ces services, et devait être déterminée lors d’une nouvelle vérification.

25      L’administration des recettes fiscales a alors effectué un second contrôle et a constaté qu’il y avait eu échange de prestations, à savoir des services de remise en état et d’ameublement de la part de Serebryannay vek et un service de location de la part des propriétaires, au sens de l’article 130 du ZDDS, aux motifs que M. Bodzuliak possède les appartements en question en copropriété avec son épouse, qu’il est le titulaire unique du capital de Serebryannay vek et qu’il n’avait été convenu d’aucun loyer.

26      L’administration des recettes fiscales a estimé que la date de l’autorisation d’exploitation de l’hôtel dans lequel se situe le premier appartement mentionné au point 2 du présent arrêt, à savoir le 29 juin 2010, était la date d’exécution des services de remise en état et d’ameublement. En ce qui concerne le second appartement mentionné au même point, c’est la date du protocole de livraison finale, soit le 30 juin 2010, qui a été retenue comme étant la date de prestation desdits services.

27      Eu égard à ces dates, l’administration des recettes fiscales a considéré que Serebryannay vek aurait dû émettre, au plus tard le 5 juillet 2010, une facture concernant les prestations de remise en état et d’ameublement qu’elle avait effectuées.

28      Les opérations ayant été effectuées entre personnes liées, il a été considéré que la base d’imposition des services fournis par Serebryannay vek devait être constituée par le prix du marché desdits produits et services. La valeur globale des deux appartements en cause a, lors d’une expertise, été établie à 558 000 leva bulgares (BGN). Sur cette base, l’administration des recettes fiscales a, le 14 décembre 2011, émis un nouvel avis d’imposition rectificatif constatant que Serebryannay vek était, pour le mois de juillet 2010, redevable d’une dette de TVA de 111 600 BGN, majorée d’intérêts de retard s’élevant à 6 341,55 BGN.

29      Serebryannay vek a introduit un recours administratif contre cet avis devant le Direktor qui, par décision du 12 mars 2012, a rejeté ce recours. Elle a formé un recours contentieux contre cette décision devant la juridiction de renvoi. À l’appui de ce recours, ladite société soutient qu’il n’y a pas eu échange de prestations, mais qu’elle a fourni une prestation de services à titre gratuit, au sens de l’article 9, paragraphe 2, point 4, du ZDDS. Elle estime que le fait générateur de la TVA sur cette prestation interviendra à la date du retour effectif de l’élément d’actif après amélioration lors de la cessation du contrat ou de l’interruption de l’utilisation du bien, conformément à l’article 25, paragraphe 3, point 6, du ZDDS.

30      À titre subsidiaire, Serebryannay vek fait valoir que la TVA aurait dû être prélevée au titre du mois de juin 2010, c’est-à-dire pour la période pendant laquelle les services en cause sont réputés avoir été réalisés, et non au titre du mois de juillet 2010. Cette société considère également que la base d’imposition aurait dû être la valeur du service reçu, et non celle des services effectués.

31      Par ailleurs, selon Serebryannay vek, la législation bulgare est incompatible avec les articles 2, paragraphe 1, sous c), et 26 de la directive TVA au motif que seules les opérations à titre onéreux peuvent être soumises à l’impôt.

32      La juridiction de renvoi considère que, pour trancher le litige dont elle est saisie, il lui appartient de déterminer s’il y a eu un échange de prestations de services et, si oui, quelles sont les règles applicables aux fins de la détermination de la base d’imposition des deux prestations. En revanche, s’il ne s’agit pas d’un échange, la juridiction de renvoi se demande si les services fournis par Serebryannay vek constituent une prestation taxée et, dans ce cas, à quel moment intervient le fait générateur de la TVA pour lesdits services et comment en déterminer la base d’imposition.

33      La juridiction de renvoi estime que l’administration des recettes fiscales a qualifié à tort la mise à disposition des appartements en cause par les propriétaires à Serebryannay vek de location. Une location serait une opération à titre onéreux, ce qui, selon cette juridiction, n’est pas le cas dans l’affaire au principal, puisque les contrats en cause prévoient expressément qu’aucun loyer n’est dû. Dès lors, il s’agirait d’une opération à titre gratuit consistant en un prêt à usage. Considérer les services fournis par Serebryannay vek comme étant équivalents au versement d’un loyer serait, pour cette juridiction, contraire à la volonté des parties.

34      La juridiction de renvoi, considérant que Serebryannay vek a acquis un actif immatériel immobilisé en contrepartie de dépenses qu’elle a engagées pour l’amélioration des appartements en cause, se demande si l’acquisition d’un tel actif peut être considérée comme le paiement des services d’amélioration. Dans l’affirmative, il s’agirait, selon elle, d’une opération à titre onéreux, pour laquelle la détermination de la date du fait générateur et de la base d’imposition aux fins de la TVA ne poserait pas de difficulté. Dans la négative, il s’agirait d’une prestation de services à titre gratuit qui, dans les circonstances de l’espèce, ne pourrait pas être assimilée à une prestation à titre onéreux, car cette prestation aurait été effectuée aux fins de l’activité économique de Serebryannay vek. La juridiction de renvoi a toutefois des doutes quant à la compatibilité avec les articles 2, paragraphe 1, sous c), 26, 62 et 63 de la directive TVA des dispositions nationales concernant notamment le caractère taxable, la base d’imposition et le moment auquel se produit le fait générateur pour de telles prestations réalisées à titre gratuit.

35      C’est dans ces circonstances que l’Administrativen sad Varna a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La disposition de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive [TVA] peut-elle être interprétée en ce sens que l’acquisition d’un actif immatériel immobilisé en contrepartie de dépenses engagées pour l’amélioration d’un bien loué ou laissé en usage constitue le paiement du service d’amélioration, indépendamment du fait que, en vertu du contrat, le propriétaire du bien ne doit pas verser de rémunération?

2)      Les dispositions de l’article 2, paragraphe 1, sous c), et de l’article 26 de la directive [TVA] s’opposent-elles à une disposition nationale qui, dans tous les cas, considère comme taxable une prestation de services à titre gratuit consistant à effectuer des améliorations d’un bien loué ou laissé en usage? Aux fins de la réponse à la deuxième question, et dans des circonstances comme celles de la procédure au principal, importe-t-il que:

–        le prestataire du service à titre gratuit a exercé son droit à déduction de la TVA pour les produits et les services employés afin d’effectuer l’amélioration, droit qui ne lui avait pas encore été refusé par un avis d’imposition rectificatif entré en vigueur, et que:

–        au moment de la vérification, la société n’a pas encore commencé à utiliser les immeubles pour des prestations taxables, mais les contrats n’ont pas encore expiré?

3)      Les dispositions des articles 62 et 63 de la directive [TVA] s’opposent-elles à une disposition nationale selon laquelle le fait générateur de l’impôt sur la prestation se produit non pas à la date de la prestation du service (en l’espèce, lorsque l’amélioration est effectuée), mais à la date de la restitution effective de l’élément d’actif ayant reçu les améliorations, restitution qui a lieu lors de l’expiration du contrat ou de la cessation de l’usage?

4)      En cas de réponse négative aux première et deuxième questions, selon quelle règle du titre VII de la directive [TVA] doit-on déterminer la base d’imposition de la TVA, dans le cas où la prestation à titre gratuit n’entre pas dans le champ d’application de l’article 26 de cette directive?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

36      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’une prestation de services de remise en état et d’ameublement d’un appartement doit être considérée comme effectuée à titre onéreux lorsque, en vertu d’un contrat conclu avec le propriétaire de cet appartement, le prestataire desdits services, d’une part, s’engage à effectuer cette prestation de services à ses frais et, d’autre part, obtient le droit de disposer dudit appartement afin de l’utiliser pour son activité économique pendant la durée de ce contrat, sans être tenu de payer un loyer, tandis que le propriétaire récupère l’appartement aménagé à la fin dudit contrat.

37      À cet égard, il convient de rappeler, premièrement, que la possibilité de qualifier une opération d’opération à titre onéreux suppose uniquement l’existence d’un lien direct entre la livraison de biens ou la prestation de services et une contrepartie réellement reçue par l’assujetti (voir arrêts du 20 janvier 2005, Hotel Scandic Gåsabäck, C-412/03, Rec. p. I-743, point 22, et du 9 juin 2011, Campsa Estaciones de Servicio, C-285/10, Rec. p. I-5059, point 25). Un tel lien direct est établi lorsqu’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire (voir, notamment, arrêts du 3 septembre 2009, RCI Europe, C-37/08, Rec. p. I-7533, point 24, et du 3 mai 2012, Lebara, C-520/10, point 27).

38      Deuxièmement, la contrepartie d’une livraison de biens peut consister en une prestation de services et en constituer la base d’imposition au sens de l’article 73 de la directive TVA, à condition toutefois qu’il existe un lien direct entre la livraison de biens et la prestation de services et que la valeur de cette dernière puisse être exprimée en argent (arrêt du 3 juillet 2001, Bertelsmann, C-380/99, Rec. p. I-5163, point 17 et jurisprudence citée). Il en va de même lorsqu’une prestation de services est échangée contre une autre prestation de services, dès lors que ces mêmes conditions sont remplies.

39      Troisièmement, les contrats d’échange, dans lesquels la contrepartie est par définition en nature, et les opérations pour lesquelles la contrepartie est monétaire sont, du point de vue économique et commercial, deux situations identiques (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 1997, Goldsmiths, C-330/95, Rec. p. I-3801, points 23 à 25, et du 19 décembre 2012, Orfey, C-549/11, point 35).

40      Il s’ensuit que, lorsque, en vertu d’un contrat conclu avec le propriétaire d’un appartement, le prestataire de services de remise en état et d’ameublement de cet appartement, d’une part, s’engage à effectuer cette prestation de services à ses frais et, d’autre part, obtient le droit de disposer dudit appartement afin de l’utiliser pour son activité économique pendant la durée de ce contrat, sans être tenu de payer un loyer, tandis que le propriétaire récupère l’appartement aménagé à la fin dudit contrat, cette prestation de services de remise en état et d’ameublement relève de la catégorie des prestations de services à titre onéreux au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA. En effet, il existe alors un lien direct entre ladite prestation et la contrepartie réellement reçue en échange par le prestataire de celle-ci, à savoir le droit de disposer de l’appartement en cause, aux fins de son activité économique, pendant la durée du même contrat.

41      La circonstance que la prestation de services en cause ne bénéficiera au propriétaire de l’appartement concerné qu’après l’expiration du contrat ne change rien à cet égard, puisque, dès la conclusion de celui-ci, les parties à un tel contrat synallagmatique s’engagent l’une envers l’autre à effectuer des prestations réciproques (voir, par analogie, arrêts du 21 mars 2002, Kennemer Golf, C-174/00, Rec. p. I-3293, point 40, et RCI Europe, précité, points 31 et 33).

42      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’une prestation de services de remise en état et d’ameublement d’un appartement doit être considérée comme effectuée à titre onéreux lorsque, en vertu d’un contrat conclu avec le propriétaire de cet appartement, le prestataire desdits services, d’une part, s’engage à effectuer cette prestation de services à ses frais et, d’autre part, obtient le droit de disposer dudit appartement afin de l’utiliser pour son activité économique pendant la durée de ce contrat, sans être tenu de payer un loyer, tandis que le propriétaire récupère l’appartement aménagé à la fin dudit contrat.

 Sur les deuxième à quatrième questions

43      Il ressort du libellé des deuxième à quatrième questions qu’elles n’ont été posées que dans l’hypothèse où il résulterait de la réponse donnée à la première question qu’une prestation de services telle que celle décrite dans cette première question ne relève pas de la catégorie des prestations de services effectuées à titre onéreux au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA.

44      Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième à quatrième questions.

 Sur les dépens

45      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:

L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu’une prestation de services de remise en état et d’ameublement d’un appartement doit être considérée comme effectuée à titre onéreux lorsque, en vertu d’un contrat conclu avec le propriétaire de cet appartement, le prestataire desdits services, d’une part, s’engage à effectuer cette prestation de services à ses frais et, d’autre part, obtient le droit de disposer dudit appartement afin de l’utiliser pour son activité économique pendant la durée de ce contrat, sans être tenu de payer un loyer, tandis que le propriétaire récupère l’appartement aménagé à la fin dudit contrat.

Signatures


* Langue de procédure: le bulgare.