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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

9 octobre 2014 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Libre circulation des capitaux — Article 63 TFUE — Imposition des revenus issus de fonds d’investissement — Obligations de communication et de publication de certaines informations par un fonds d’investissement — Imposition forfaitaire des revenus issus de fonds d’investissement qui ne se conforment pas aux obligations de communication et de publication»

Dans l’affaire C-326/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzgericht Düsseldorf (Allemagne), par décision du 3 mai 2012, parvenue à la Cour le 10 juillet 2012, dans la procédure

Rita van Caster,

Patrick van Caster

contre

Finanzamt Essen-Süd,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. S. Rodin, A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 octobre 2013,

considérant les observations présentées:

pour Mme et M. van Caster, par Me V. Heidelbach, Rechtsanwalt,

pour le Finanzamt Essen-Süd, par M. U. Weise, en qualité d’agent,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme A. Wiedmann, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. Murrell, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,

pour la Commission européenne, par MM. W. Roels et W. Mölls, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 novembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 63 TFUE et 65 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme van Caster et son fils (ci-après les «consorts van Caster»), résidant en Allemagne, au Finanzamt Essen-Süd (ci-après le «Finanzamt») au sujet de la détermination individualisée et uniforme de la base d’imposition de leurs revenus issus de fonds d’investissement non-résidents pour les exercices d’imposition 2004 à 2008.

Le cadre juridique allemand

3

La loi relative à l’imposition des investissements (Investmentsteuergesetz, ci-après l’«InvStG»), en vigueur à partir de l’année 2004, contient une section 1, sous laquelle figurent les articles 1er à 10 de celle-ci, consacrés aux dispositions communes pour les participations dans des investissements nationaux et internationaux.

4

L’article 2, paragraphe 1, de l’InvStG prévoit que les revenus de participations distribués, les revenus équivalents à une distribution et le bénéfice intermédiaire relèvent, sauf en ce qui concerne certaines exceptions, des revenus de capitaux de l’investisseur.

5

L’article 5 de cette loi, dans sa version du 15 décembre 2003 (BGBl. 2003 I, p. 2676), est rédigé dans ces termes:

«(Bases d’imposition)

(1)   Les articles 2 et 4 s’appliquent uniquement si

1.

la société d’investissement communique aux investisseurs, en langue allemande, pour chaque distribution de revenus en rapport avec une participation

a)

le montant de la distribution (avec au moins quatre chiffres après la virgule),

b)

le montant des revenus distribués (avec au moins quatre chiffres après la virgule),

c)

les sommes contenues dans la distribution, à savoir

aa)

les revenus des années précédentes équivalents à une distribution,

bb)

les plus-values de cessions exonérées au sens de l’article 2, paragraphe 3, point 1, première phrase,

cc)

les revenus au sens de l’article 3, point 40, de la loi relative à l’impôt sur le revenu [(Einkommensteuergesetz)],

dd)

les revenus au sens de l’article 8b, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt des sociétés [(Körperschaftsteuergesetz)],

ee)

les plus-values de cessions au sens de l’article 3, point 40, de la loi relative à l’impôt sur le revenu,

ff)

les plus-values de cessions au sens de l’article 8b, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt des sociétés,

gg)

les revenus au sens de l’article 2, paragraphe 3, point 1, deuxième phrase, pour autant qu’il ne s’agit pas de revenus du capital au sens de l’article 20 de la loi relative à l’impôt sur le revenu,

hh)

les plus-values de cessions exonérées au sens de l’article 2, paragraphe 3, point 2,

ii)

les revenus au sens de l’article 4, paragraphe 1,

jj)

les revenus au sens de l’article 4, paragraphe 2, pour lesquels il n’y a pas eu de déduction au titre du paragraphe 4,

kk)

les revenus au sens de l’article 4, paragraphe 2, qui, en vertu d’une convention préventive de la double imposition, ouvrent droit à imputation sur l’impôt sur le revenu ou des sociétés d’un impôt réputé acquitté,

d)

de la partie de la distribution ouvrant droit à imputation ou à remboursement de l’impôt sur les revenus du capital au sens de

aa)

l’article 7, paragraphes 1 et 2,

bb)

l’article 7, paragraphe 3,

e)

le montant de l’impôt sur les revenus du capital à imputer ou à rembourser au sens de

aa)

l’article 7, paragraphes 1 et 2,

bb)

l’article 7, paragraphe 3,

f)

le montant des impôts étrangers afférents aux revenus au sens de l’article 4, paragraphe 2, contenus dans les sommes distribuées et

aa)

imputables en vertu de l’article 34c, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur le revenu ou d’une convention préventive de la double imposition,

bb)

déductibles en vertu de l’article 34c, paragraphe 3, de la loi relative à l’impôt sur le revenu s’il n’y a pas eu de déduction en application de l’article 4, paragraphe 4,

cc)

réputé acquitté en vertu d’une convention préventive de la double imposition,

g)

le montant de la déduction pour dépréciation ou diminution de substance en vertu de l’article 3, paragraphe 3, première phrase,

h)

le montant de la réduction de l’impôt des sociétés invoqué par la société distributrice en vertu de l’article 37, paragraphe 3, de la loi relative à l’impôt des sociétés;

2.

la société d’investissement communique aux investisseurs, en langue allemande, pour les revenus équivalents à une distribution, au plus tard quatre mois après l’expiration de l’exercice comptable au cours duquel ils sont réputés avoir été versés, les données correspondant au point 1, en rapport avec une participation dans un investissement;

3.

la société d’investissement communique les données citées dans les points 1 et 2 en liaison avec le rapport annuel au sens de l’article 45, paragraphe 1, et de l’article 122, paragraphes 1 et 2, de la loi sur les investissements [(Investmentgesetz)] dans le Bulletin fédéral électronique des annonces officielles; les indications doivent être accompagnées d’une attestation d’un professionnel habilité à fournir des services de conseil à titre commercial en vertu de l’article 3 de la loi relative à la profession de conseiller fiscal [(Steuerberatungsgesetz)], d’un organisme d’audit reconnu par l’administration ou un organisme comparable confirmant que les indications ont été établies selon les règles du droit fiscal allemand; l’article 323 du code de commerce [(Handelsgesetzbuch)] doit être appliqué mutatis mutandis. Si le relevé de compte n’est pas publié dans le Bulletin fédéral électronique des annonces officielles selon les dispositions de la loi sur les investissements, il convient également d’indiquer la référence sous laquelle le relevé de compte est publié en langue allemande;

4.

la société d’investissement étrangère calcule et communique, avec le prix de retrait, la somme des revenus réputés avoir été versés après le 31 décembre 1993 au titulaire des participations dans les investissements étrangers et non encore soumis à la perception de l’impôt;

5.

la société d’investissement étrangère démontre de manière complète à l’Office fédéral des finances, à la demande de celui-ci et dans un délai de trois mois, la véracité des données indiquées dans les points 1, 2 et 4. Si les certificats sont rédigés dans une langue étrangère, une traduction certifiée en langue allemande peut être exigée. Si la société d’investissement étrangère a fourni des indications quant à un montant inexact, elle doit tenir compte de la différence de montant de sa propre initiative ou à la demande de l’Office fédéral des finances, dans la publication pour l’exercice en cours.

Si les indications citées au point 1, sous c) ou f), ne sont pas disponibles, les revenus sont imposés en vertu de l’article 2, paragraphe 1, première phrase, et l’article 4 ne s’applique pas [...]»

6

L’article 6 de l’InvStG, intitulé «Imposition en l’absence de déclaration», prévoit, dans sa version en vigueur à compter du 9 décembre 2004 (BGBl. 2004 I, p. 3310):

«Si les conditions de l’article 5, paragraphe 1, ne sont pas remplies, l’investisseur doit être imposé sur les distributions de revenus des participations, le bénéfice intermédiaire ainsi que 70 % de la plus-value découlant de la différence entre le premier prix de retrait établi durant l’année civile et le dernier prix de retrait établi durant cette même année; l’imposition doit porter sur au moins 6 % du dernier prix de retrait établi durant l’année civile. Si un prix de retrait n’est pas fixé, le prix boursier ou prix du marché le remplace. [...]»

7

Selon les indications du gouvernement allemand, les articles 5 et 6 de l’InvStG ont par la suite été modifiés plusieurs fois, sans toutefois que ces modifications aient eu une incidence sur le litige au principal.

Le litige au principal et la question préjudicielle

8

Les consorts van Caster possèdent des participations dans des fonds d’investissement de capitalisation non-résidents, placées en dépôt auprès d’une banque belge.

9

À partir de l’année 2003, les revenus découlant de ces placements de capitaux ont été déterminés de manière individualisée et uniforme dans le chef des consorts van Caster et imputés pour moitié à chacun de ceux-ci.

10

Durant les années de revenus 2003 à 2006, toutes les participations détenues par les consorts van Caster étaient soit des participations dans des fonds dits «noirs», dont l’imposition était réglée jusqu’à l’année 2003 à l’article 18, paragraphe 3, de la loi relative à la vente de participations dans des investissements étrangers et relative à l’imposition des revenus des participations dans des investissements étrangers (Gesetz über den Vertrieb ausländischer Investmentanteile und über die Besteuerung der Erträge aus ausländischen Investmentanteilen, BGBl. 1998 I, p. 2820), soit des participations dans des fonds dits «non transparents», dont l’imposition relève de l’article 6 de l’InvStG.

11

Au cours des années de revenus 2007 et 2008, les consorts van Caster ont déclaré des bénéfices issus de participations dans six fonds d’investissement, dont trois étaient des fonds non transparents.

12

Les consorts van Caster ont déclaré les revenus de leurs participations dans ces fonds d’investissement par voie d’estimation ou par évaluation, sur la base de justifications jointes à leurs déclarations ou d’informations tirées d’un journal boursier. Pour les années 2003 à 2008, ils ont ainsi déclaré des revenus à hauteur, respectivement, de 8 435,43 euros, de 10 500,94 euros, de 12 318,18 euros, de 13 263,04 euros, de 12 672,46 euros et de 14 272,88 euros, soit une somme totale de 71 462,93 euros.

13

Le Finanzamt a déterminé les revenus des fonds non transparents de manière forfaitaire conformément à la règle de l’article 6 de l’InvStG. Selon le calcul du Finanzamt, les revenus perçus par les consorts van Caster au cours des années 2003 à 2008 s’élevaient, respectivement, à 38 503,53 euros, 32691,41 euros, 63603,62 euros, 49463,21 euros, 37045,03 euros et 25 139,27 euros, soit une somme totale de 246 446,07 euros.

14

Les consorts van Caster ont contesté cette décision du Finanzamt devant le Finanzgericht Düsseldorf (tribunal des finances de Düsseldorf). Dans le cadre de cette procédure, les parties au principal se sont entendues sur le fait que les revenus de l’année 2003 devaient être estimés à 4 % du prix de retrait établi au 31 décembre 2003, soit à hauteur de 19 848,07 euros.

15

Concernant les années de revenus 2004 à 2008, les consorts van Caster demandent que les avis d’imposition soient modifiés et que les revenus du capital afférents à ces années soient déterminés d’après les montants déclarés, les intéressés soutenant que l’article 6 de l’InvStG est contraire aux dispositions du traité FUE sur la libre circulation des capitaux.

16

La juridiction de renvoi indique que, bien que le mécanisme d’imposition forfaitaire prévu à l’article 6 de l’InvStG soit indistinctement applicable aux fonds d’investissement résidents et non-résidents non transparents, cette disposition pourrait conduire à une discrimination indirecte des fonds non-résidents non transparents, dans la mesure où les fonds résidents remplissent généralement les exigences de l’article 5, paragraphe 1, de l’InvStG, tandis que tel ne serait généralement pas le cas des fonds non-résidents.

17

Dans ces conditions, le Finanzgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’imposition forfaitaire des revenus de fonds d’investissement (nationaux et) étrangers dits ‘non transparents’ au titre de l’article 6 de [l’InvStG] viole-t-elle le droit de l’Union [article 63 TFUE] parce qu’elle constitue une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux [article 65, paragraphe 3, TFUE]?»

Sur la question préjudicielle

Observations liminaires

18

Il ressort du dossier soumis à la Cour que, en fonction de la manière dont la société d’investissement satisfait aux obligations prévues à l’article 5, paragraphe 1, de l’InvStG, les investisseurs sont soumis à trois régimes d’imposition distincts.

19

Si la société d’investissement présente l’ensemble des informations visées à l’article 5, paragraphe 1, de l’InvStG dans les formes et selon le délai prescrits, les revenus des parts d’investissement sont soumis au régime général d’imposition dite «transparente», conformément aux articles 2, paragraphe 1, première phrase, et 4 de l’InvStG.

20

Si la société d’investissement n’a ni publié ni déclaré les informations prévues à l’article 5, paragraphe 1, point 1, sous c) et f), de l’InvStG, les participations dans les fonds peuvent, conformément à l’article 5, paragraphe 1, seconde phrase, de cette loi, être soumises au régime d’imposition dite «semi-transparente». Ce mode de calcul implique que les avantages au sujet desquels certaines informations n’ont pas été fournies ne sont pas pris en compte dans la base d’imposition des revenus du contribuable.

21

Si les conditions de l’article 5, paragraphe 1, de l’InvStG ne sont pas remplies, les participations dans les fonds d’investissement sont imposées de manière forfaitaire, au titre de l’article 6 de l’InvStG, et le contribuable est tenu de s’acquitter de l’impôt sur un montant déterminé conformément aux modalités de calcul fixées par cet article.

22

L’article 5, paragraphe 1, de l’InvStG établit, d’une part, à ses points 1 à 3, des obligations relatives à la communication aux actionnaires, en langue allemande, des informations prévues par ledit article et à leur publication dans le Bulletin fédéral électronique des annonces officielles, accompagnée d’une attestation, délivrée par un professionnel légalement habilité à fournir des services de conseiller fiscal, confirmant que les indications ont été établies selon les règles du droit fiscal allemand, applicables à toutes les sociétés d’investissement, résidentes et non-résidentes, ainsi que, d’autre part, à ses points 4 et 5, des obligations supplémentaires, applicables aux seules sociétés d’investissement non-résidentes.

23

La juridiction de renvoi ne précise pas les obligations qui n’ont pas été observées par les fonds d’investissement non-résidents en cause dans l’affaire au principal, mais il découle des motifs de la demande de décision préjudicielle qu’elle s’interroge en particulier sur la compatibilité avec le principe de la libre circulation des capitaux des dispositions de la législation allemande indistinctement applicables aux fonds d’investissement résidents et non-résidents.

24

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que la non-observation par un fonds d’investissement non-résident des obligations de communication et de publication de certaines informations prévues par cette législation, indistinctement applicables aux fonds résidents et non-résidents, donne lieu à l’imposition forfaitaire des revenus que le contribuable tire dudit fonds d’investissement.

Sur l’existence d’une restriction

25

Selon une jurisprudence constante de la Cour, les mesures interdites par l’article 63, paragraphe 1, TFUE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d’en faire dans d’autres États (voir arrêts Santander Asset Management SGIIC e.a., C-338/11 àC-347/11, EU:C:2012:286, point 15 et jurisprudence citée, ainsi que Bouanich,C-375/12, EU:C:2014:138, point 43).

26

En l’espèce, il y a lieu de relever que la réglementation nationale en cause au principal est caractérisée par le fait que les conséquences de l’inobservation par les fonds d’investissement des obligations de communication et de publication prévues à l’article 5, paragraphe 1, de l’InvStG sont subies par les contribuables qui investissent dans ces fonds.

27

L’imposition forfaitaire, appliquée en cas de non-observation de ces obligations, consiste à calculer une base d’imposition minimale correspondant à 6 % du prix de retrait au terme de l’année civile, indépendamment du fait de savoir si la valeur de la part d’investissement a baissé ou augmenté au cours de l’année concernée.

28

Un tel calcul forfaitaire peut donner lieu à une surévaluation des revenus réels du contribuable, surtout, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions, lorsque les taux d’intérêt se maintiennent à de bas niveaux sur une longue période. Le gouvernement allemand admet d’ailleurs lui-même que la base d’imposition minimale correspondant à 6 % du prix de retrait sera, dans une conjoncture de taux d’intérêt bas, souvent supérieure à celle fondée sur les revenus effectifs procurés par le fonds concerné.

29

Certes, il ne saurait être exclu que, au cours des années où les fonds d’investissement génèrent des revenus particulièrement élevés, l’imposition forfaitaire pourrait être plus favorable que le régime général d’imposition transparente, ni que des revenus ainsi calculés pourraient en moyenne être réalisés durant une période de détention longue, ainsi que le font valoir, respectivement, le Finanzamt et le gouvernement allemand.

30

Toutefois, force est de relever, d’une part, que l’application de l’imposition forfaitaire ne varie pas en fonction de la durée de la détention de la participation.

31

D’autre part, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour qu’un traitement fiscal défavorable contraire à une liberté fondamentale ne saurait être justifié par l’existence d’autres avantages fiscaux, à supposer même que de tels avantages existent (voir arrêt Lakebrink et Peters-Lakebrink,C-182/06, EU:C:2007:452, point 24 et jurisprudence citée).

32

Il y a lieu, dès lors, de considérer qu’une imposition forfaitaire, telle que celle résultant de l’application de l’article 6 de l’InvStG, est susceptible d’être désavantageuse pour le contribuable.

33

Or, dans de telles circonstances, il ressort de la législation en cause au principal qu’un contribuable ayant investi dans un fonds qui ne satisfait pas aux obligations prévues à l’article 5, paragraphe 1, de l’InvStG ne peut pas fournir des éléments ou des informations permettant de démontrer ses revenus effectifs.

34

Une telle imposition forfaitaire est, par conséquent, susceptible de dissuader un tel contribuable d’investir dans des fonds qui ne remplissent pas les obligations prévues par cette disposition de droit national.

35

Ainsi que l’a indiqué le gouvernement allemand lors de l’audience, le choix de se conformer ou non à ces obligations appartient aux fonds d’investissement et dépend, notamment, de leur souhait d’obtenir des clients en Allemagne.

36

Dès lors, de par leur nature, ces obligations ne seront vraisemblablement pas observées par un fonds d’investissement qui n’opère pas sur le marché allemand et qui ne vise pas activement ce marché. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 42 de ses conclusions, un tel fonds n’a guère d’intérêt à se plier à de telles exigences.

37

De tels fonds étant généralement des fonds non-résidents, il convient de constater que la législation nationale en cause au principal est susceptible de dissuader un investisseur allemand de souscrire des parts dans un fonds d’investissement non-résident, dans la mesure où un tel investissement est susceptible de l’exposer à une imposition forfaitaire désavantageuse, sans lui offrir la possibilité de fournir des éléments ou des informations pouvant démontrer la hauteur de ses revenus effectifs.

38

Une telle législation constitue, dès lors, une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63 TFUE.

Sur la justification de la restriction à la libre circulation des capitaux

39

Il résulte, toutefois, d’une jurisprudence de la Cour bien établie que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité peuvent néanmoins être admises à condition qu’elles poursuivent un objectif d’intérêt général, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de celui-ci et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (voir, notamment, arrêt Commission/Belgique,C-296/12, EU:C:2014:24, point 32 et jurisprudence citée).

40

Selon le Finanzamt et le gouvernement allemand, la législation en cause au principal est justifiée, en premier lieu, par la nécessité de sauvegarder une répartition équilibrée des pouvoirs d’imposition entre les États membres.

41

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la préservation de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres est un objectif légitime reconnu par la Cour (voir arrêt National Grid Indus,C-371/10, EU:C:2011:785, point 45 et jurisprudence citée), pouvant être admis en tant que justification d’une restriction dès lors, notamment, que le régime en cause vise à prévenir des comportements de nature à compromettre le droit d’un État membre d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire (voir, notamment, arrêts Santander Asset Management SGIIC e.a., EU:C:2012:286 , point 47, ainsi que Argenta Spaarbank,C-350/11, EU:C:2013:447, point 53 et jurisprudence citée).

42

La législation nationale en cause au principal vise, ainsi que le font valoir le Finanzamt et le gouvernement allemand, à garantir le traitement uniforme, du point de vue de l’imposition, d’une part, entre les contribuables allemands ayant effectué des investissements directement dans des actions ou des obligations et ceux qui souscrivent des parts dans les fonds d’investissement ainsi que, d’autre part, entre les contribuables allemands ayant investi dans des fonds résidents et ceux ayant investi dans des fonds non-résidents, en respectant le principe de l’égalité devant l’impôt.

43

Cette législation nationale n’a pas pour objet de prévenir des comportements de nature à compromettre la compétence de la République fédérale d’Allemagne d’imposer les activités exercées sur son territoire ou d’imposer les revenus de ses résidents acquis dans un autre État membre.

44

Dès lors, en ce qui concerne les conditions d’application de ladite législation nationale, la question d’une quelconque répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres ne se pose pas.

45

En second lieu, le Finanzamt ainsi que les gouvernements allemand et du Royaume-Uni estiment que la législation nationale en cause au principal est justifiée par la nécessité d’assurer l’efficacité du contrôle fiscal. Le gouvernement allemand précise que cette législation trouve également une justification dans la nécessité d’assurer un recouvrement efficace des impôts.

46

Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, constituent des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à l’exercice des libertés de circulation garanties par le traité tant la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux (voir en ce sens, notamment, arrêts A,C-101/05, EU:C:2007:804, point 55; X et Passenheim-van Schoot, C-155/08 etC-157/08, EU:C:2009:368, point 55; Meilicke e.a.,C-262/09, EU:C:2011:438, point 41, ainsi que SIAT,C-318/10, EU:C:2012:415, point 36) que celle de garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt (voir, en ce sens, arrêts Commission/Espagne,C-269/09, EU:C:2012:439, point 64; X,C-498/10, EU:C:2012:635, point 39, ainsi que Strojírny Prostějov et ACO Industries Tábor, C-53/13 etC-80/13, EU:C:2014:2011, point 46).

47

Il est inhérent au principe de l’autonomie fiscale des États membres que ces derniers déterminent les informations qui doivent être fournies ainsi que les conditions matérielles et formelles qui doivent être respectées, afin de permettre à l’administration fiscale d’établir correctement l’impôt dû sur les revenus tirés de fonds d’investissement (voir, par analogie, arrêt Meilicke e.a., EU:C:2011:438 , point 37).

48

En ce qui concerne l’affaire au principal, la législation nationale en cause repose sur le principe que seuls les fonds d’investissement eux-mêmes sont susceptibles de fournir les informations nécessaires à la détermination de la base d’imposition des contribuables ayant souscrit des parts dans ces fonds, ces informations pouvant uniquement prendre la forme d’une publication dans le Bulletin fédéral électronique des annonces officielles, accompagnée d’une attestation, délivrée par un professionnel légalement habilité à fournir des services de conseiller fiscal, confirmant que les indications ont été établies selon les règles du droit fiscal allemand.

49

Or, la législation d’un État membre qui empêche de manière absolue les contribuables ayant souscrit des parts dans des fonds d’investissements non-résidents de fournir des éléments de preuve répondant à d’autres critères, notamment de présentation, que ceux prévus pour les investissements nationaux par la législation du premier État membre va au-delà de ce qui est nécessaire afin de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux (voir, en ce sens, arrêt Meilicke e.a., EU:C:2011:438 , point 43).

50

En effet, il ne saurait être exclu, a priori, que lesdits contribuables soient en mesure de fournir des pièces justificatives pertinentes permettant aux autorités fiscales de l’État membre d’imposition de vérifier, de façon claire et précise, les informations requises pour établir correctement l’imposition des revenus des fonds d’investissement (voir, par analogie, arrêt Meilicke e.a., EU:C:2011:438 , point 44).

51

S’il est vrai que les contribuables allemands peuvent ne pas disposer eux-mêmes de l’ensemble des informations requises par l’InvStG, il ne saurait être exclu qu’ils puissent les obtenir auprès des fonds d’investissement non-résidents concernés et de les communiquer aux autorités fiscales allemandes.

52

Le contenu, la forme et le degré de précision auxquels doivent satisfaire les informations soumises par le contribuable allemand ayant souscrit des parts dans un fonds d’investissement non-résident afin de bénéficier de l’imposition transparente doivent être déterminés par l’administration fiscale afin de lui permettre l’application correcte de l’impôt (voir, par analogie, arrêt Meilicke e.a., EU:C:2011:438 , point 45).

53

Certes, ainsi que le soutiennent le Finanzamt et le gouvernement allemand, la publication des informations relatives aux bases d’imposition ainsi que leur vérification par un professionnel légalement habilité à fournir des services de conseiller fiscal confirmant que les indications ont été établies selon les règles du droit fiscal allemand garantissent l’imposition uniforme des contribuables ayant souscrit des parts dans un même fonds d’investissement.

54

Toutefois, ainsi que le fait valoir la Commission européenne, une telle uniformité pourrait être assurée par un échange interne des informations au sein de l’administration fiscale allemande.

55

En outre, les autorités fiscales de l’État membre d’imposition disposent de la faculté de s’adresser, en vertu de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et des taxes sur les primes d’assurance (JO L 336, p. 15), telle que modifiée par la directive 2004/106/CE du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO L 359, p. 30), en vigueur au moment des faits du litige au principal, ainsi que de la directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799 (JO L 64, p. 1), aux autorités d’un autre État membre pour obtenir tout renseignement qui s’avère nécessaire à l’établissement correct de l’impôt d’un contribuable (voir, en ce sens, arrêts Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C-436/08 etC-437/08, EU:C:2011:61, point 101, ainsi que Meilicke e.a., EU:C:2011:438 , point 51).

56

Quant à la charge administrative qu’impliquerait, pour l’administration fiscale de l’État membre d’imposition, la possibilité accordée aux contribuables de fournir les informations afin de démontrer leurs revenus, il y a lieu de relever que les inconvénients administratifs ne sont pas à eux seuls suffisants pour justifier un obstacle à la libre circulation des capitaux (voir, en ce sens, arrêts Commission/France,C-334/02, EU:C:2004:129, point 29; Centro di Musicologia Walter Stauffer,C-386/04, EU:C:2006:568, point 48, et Papillon,C-418/07, EU:C:2008:659, point 54).

57

Par conséquent, une législation nationale, telle que celle en cause au principal, ne saurait être justifiée par la nécessité d’assurer l’efficacité du contrôle fiscal et de garantir le recouvrement efficace des impôts, dans la mesure où elle ne permet pas au contribuable de fournir des éléments ou des informations pouvant démontrer ses revenus effectifs.

58

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que la non-observation par un fonds d’investissement non-résident des obligations de communication et de publication de certaines informations prévues par cette législation, indistinctement applicables aux fonds résidents et non-résidents, donne lieu à l’imposition forfaitaire des revenus que le contribuable tire dudit fonds d’investissement, dans la mesure où ladite législation ne permet pas à ce contribuable de fournir des éléments ou des informations de nature à établir la hauteur effective de ces revenus.

Sur les dépens

59

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

 

L’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que la non-observation par un fonds d’investissement non-résident des obligations de communication et de publication de certaines informations prévues par cette législation, indistinctement applicables aux fonds résidents et non-résidents, donne lieu à l’imposition forfaitaire des revenus que le contribuable tire dudit fonds d’investissement, dans la mesure où ladite législation ne permet pas à ce contribuable de fournir des éléments ou des informations de nature à établir la hauteur effective de ces revenus.

 

Signatures


( * )   Langue de procédure: l’allemand.