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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

12 décembre 2013 (*)

«Protection juridictionnelle – Principe d’effectivité – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Restitution de l’indu – Voies de recours – Législation nationale – Réduction du délai de prescription des voies de recours applicables sans préavis et de manière rétroactive»

Dans l’affaire C-362/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de 1’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom (Royaume-Uni), par décision du 25 juillet 2012, parvenue à la Cour le 30 juillet 2012, dans la procédure

Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation

contre

Commissioners of Inland Revenue,

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs,

LA COUR (troisième chambre),

composée M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. G. Fernlund (rapporteur), A. Ó Caoimh, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 juin 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation, par M. G. Aaronson, QC, assisté de MM. P. Freund et P. Farmer, barristers, mandaté par M. S. Whitehead, solicitor,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme H. Walker, en qualité d’agent, assistée de M. D. Ewart QC et de Mme K. Bacon, barrister,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et W. Mölls, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des principes d’effectivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation (ci-après «Test Claimants») aux Commissioners of Inland Revenue (ci-après les «Commissioners») et aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs, au sujet des voies de recours en matière de restitution de l’indu ouvertes aux contribuables à l’égard d’impôts déclarés incompatibles avec la liberté d’établissement et la libre circulation des capitaux.

 Le cadre juridique

3        À la date des faits au principal, le droit anglais prévoyait deux voies de recours fondées sur la «common law» en matière de restitution d’impôts sur les sociétés perçus en violation du droit de l’Union.

4        La première voie de recours, reconnue par la House of Lords dans son arrêt du 20 juillet 1992, Woolwich Equitable Building Society/Inland Revenue Commissioners ([1993] AC 70, ci-après l’«action Woolwich»), constitue une action en restitution de l’impôt perçu illégalement.

5        En vertu de l’article 5 de la loi de 1980 sur la prescription (Limitation Act 1980, ci-après la «loi de 1980»), le délai de prescription de cette action est de six ans à compter du fait générateur de celle-ci.

6        La seconde voie de recours, reconnue dans l’arrêt de la House of Lords du 29 octobre 1998, Kleinwort Benson/Lincoln City Council ([1999] 2 AC 349, ci-après l’«action Kleinwort Benson»), permet le remboursement des sommes versées à la suite d’une erreur de droit.

7        En vertu de l’article 32, paragraphe 1, sous c), de la loi de 1980, le délai de prescription de ce type de recours est de six ans à compter de la date à laquelle le demandeur a découvert l’erreur de droit ou aurait pu la découvrir avec une diligence raisonnable.

8        À partir de la fin des années 1990, certaines dispositions de la législation relative à l’imposition de sociétés résidant au Royaume-Uni ont été contestées au regard de leur compatibilité avec la liberté d’établissement et la libre circulation des capitaux.

9        La Cour a ainsi été saisie à titre préjudiciel pour statuer sur l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que certains aspects du régime de paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés («advance corporation tax», ci-après l’«ACT»), appliqué au Royaume-Uni au cours de la période allant de 1973 à 1999, étaient incompatibles avec lesdites libertés.

10      C’est dans le cadre de procédures ultérieures liées aux mêmes dispositions fiscales que la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, dans l’arrêt du 18 juillet 2003, Deutsche Morgan Grenfell/Inland Revenue Commissioners ([2003] 4 All ER 645), a déclaré, pour la première fois, que l’action Kleinwort Benson pouvait être invoquée pour obtenir la restitution d’un impôt payé à la suite d’une erreur de droit. Une telle voie de recours n’avait, jusqu’à cette date, pas été admise à l’encontre de l’administration fiscale.

11      Ainsi, cette juridiction a considéré que le délai de prescription applicable à ladite voie de recours était celui prévu à l’article 32, paragraphe 1, sous c), de la loi de 1980, à savoir six ans à compter de la date à laquelle le demandeur a découvert l’erreur de droit ou aurait pu la découvrir avec une diligence raisonnable.

12      Le 8 septembre 2003, le gouvernement du Royaume-Uni a annoncé une proposition législative relative aux recours en restitution d’impôts lorsque des versements ont été effectués à la suite d’une erreur de droit. Cette proposition a donné lieu à l’article 320 de la loi de finances de 2004, adoptée le 24 juin 2004 (Finance Act 2004, ci-après l’«article 320»).

13      Ledit article 320 prévoit:

«L’article 32, paragraphe 1, point c), [de la loi de] 1980 [...] (délai [plus long] pour former un recours en cas d’erreur) ne s’applique pas s’agissant d’une erreur de droit liée à une question fiscale relevant de la compétence des Commissioners [...].

Cette disposition s’applique à l’égard des actions introduites à compter du 8 septembre 2003.»

14      Par un arrêt du 4 février 2005, la Court of Appeal (England & Wales) a annulé l’arrêt de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, Deutsche Morgan Grenfell/Inland Revenue Commissioners, précité. Ledit arrêt de la Court of Appeal a été à son tour infirmé par la House of Lords le 25 octobre 2006. Cette dernière a rétabli l’arrêt de la High Court et confirmé que, afin de réclamer la restitution de l’impôt indûment payé, les contribuables pouvaient recourir soit à l’action Woolwich, fondée sur la perception d’un impôt indûment réclamé et soumise à un délai de prescription de six ans à compter de la date de paiement de l’impôt, soit à l’action Kleinwort Benson, fondée sur une erreur de droit et soumise à un délai de prescription de six ans à compter de la date à laquelle le demandeur a découvert l’erreur de droit ou aurait pu la découvrir avec une diligence raisonnable.

15      À la suite de l’arrêt de la House of Lords du 25 octobre 2006, précité, le gouvernement du Royaume-Uni a demandé à la Cour de rouvrir l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C-446/04, Rec. p. I-11753), pour obtenir une limitation des effets de cet arrêt dans le temps. Le 6 décembre 2006 la Cour a rejeté cette demande.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

16      La demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le cadre d’un recours collectif introduit devant les juridictions du Royaume-Uni par Test Claimants. Elle fait suite à deux précédentes demandes ayant donné lieu aux arrêts Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, et du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation (C-35/11), concernant la possible incompatibilité du traitement fiscal des dividendes versés à des sociétés mères établies au Royaume-Uni par des filiales qui n’étaient pas établies dans cet État membre, avec les libertés fondamentales inscrites dans le traité FUE, notamment la liberté d’établissement prévue à l’article 49 TFUE et la libre circulation des capitaux prévue à l’article 63 TFUE.

17      Les affaires choisies par la Supreme Court of the United Kingdom comme affaires pilotes aux fins de la présente demande de décision préjudicielle concernent des demandes de restitution de l’ACT, indûment versé, introduites par les membres du groupe de sociétés Aegis (ci-après «Aegis»). Elles portent sur une demande de restitution de paiements effectués plus de six ans avant qu’Aegis n’ait engagé son recours.

18      À la suite de l’arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, et de l’arrêt de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, Deutsche Morgan Grenfell/Inland Revenue Commissioners, précité, Aegis a, le 8 septembre 2003, introduit un recours en restitution au moyen de l’action Kleinwort Benson pour réclamer les montants de l’ACT indûment payés au cours de la période allant de 1973 à 1999.

19      En vertu de l’article 32, paragraphe 1, sous c), de la loi de 1980, le délai de prescription applicable à ce recours commençait à courir à partir de la découverte de l’erreur de droit à l’origine du paiement de l’impôt, en l’occurrence la date du prononcé de l’arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, à savoir le 8 mars 2001.

20      L’article 320 a eu pour effet d’exclure l’application du délai de prescription plus long prévu à l’article 32, paragraphe 1, sous c), de la loi de 1980 aux procédures visant le recouvrement de sommes versées dans le cadre d’une erreur de droit, lorsque le recours porte sur une question fiscale relevant de la compétence des Commissioners. Cet article, adopté le 24 juin 2004, est rétroactivement entré en vigueur le 8 septembre 2003, date correspondant à l’annonce de la proposition d’adoption dudit article ainsi qu’à l’introduction du recours d’Aegis.

21      Dans son pourvoi devant la juridiction de renvoi, Aegis a, en substance, fait valoir qu’il découle de l’arrêt du 11 juillet 2002, Marks & Spencer (C-62/00, Rec. p. I-6325), que l’article 320 est contraire aux principes d’effectivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime prévus par le droit de l’Union.

22      Selon Aegis, la violation de ces principes réside dans le fait que l’exclusion sans préavis et de manière rétroactive de l’application du délai de prescription de l’action Kleinwort Benson aux recours fondés sur une erreur de droit liée à une question fiscale relevant de la compétence des Commissioners, introduite par l’article 320, l’a privé de la possibilité d’introduire un recours qui aurait, sinon, été introduit dans les délais impartis, rendant ainsi l’exercice des droits qu’il tire du droit de l’Union excessivement difficile, voire impossible.

23      Les Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs ont fait valoir, en substance, que le droit de l’Union exige seulement l’existence d’une voie de recours effective en vue d’invoquer les droits tirés du droit de l’Union. Cette exigence serait satisfaite par l’action Woolwich. À condition qu’une telle action demeure accessible, il ne serait pas important que l’article 320 ait supprimé le délai de prescription plus long applicable à une voie de recours nationale subsidiaire, de manière à le mettre en conformité avec le délai de prescription afférent à l’action Woolwich.

24      Nourrissant des doutes sur la compatibilité de l’article 320 avec le droit de l’Union, la Supreme Court of the United Kingdom a décidé de sursoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Lorsque, aux termes de la législation d’un État membre, un contribuable peut choisir entre deux causes d’action alternatives afin de demander la restitution de taxes perçues contrairement aux articles 49 TFUE et 63 TFUE et que l’une de ces causes bénéficie d’un délai de prescription plus long, est-il compatible avec les principes d’effectivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime que cet État membre adopte une législation réduisant ce délai de prescription plus long sans préavis et rétroactivement à la date de publication de la nouvelle législation proposée?

2)      Le fait que, au moment où le contribuable a présenté son recours en invoquant la cause qui bénéficiait du délai de prescription plus long, la possibilité d’utiliser cette cause en vertu du droit national ait été seulement reconnue i) récemment et ii) par une juridiction inférieure et n’ait été définitivement confirmée qu’ultérieurement par la plus haute autorité judiciaire exerce-t-il une quelconque incidence sur la réponse à la première question?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

25      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans une situation où les contribuables, conformément au droit national, ont le choix entre deux voies de recours possibles en matière de restitution d’un impôt perçu en violation du droit de l’Union, l’une d’elles bénéficiant d’un délai de prescription plus long, les principes d’effectivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’opposent à ce qu’une législation nationale réduise ce délai de prescription sans préavis et de manière rétroactive.

26      À cet égard, le gouvernement du Royaume-Uni estime que le droit de l’Union n’exige pas que des voies de recours supplémentaires en matière de restitution de trop-perçu d’impôt, prévues par le droit national, prises isolément, satisfassent au principe d’effectivité. En particulier, les principes qui découlent de l’arrêt Marks & Spencer, précité, ne seraient pas applicables à l’affaire au principal. L’exclusion de l’application du délai de prescription de l’action Kleinwort Benson aux recours fondés sur une erreur de droit liée à une question fiscale n’aurait en aucune manière affecté le délai de prescription applicable à l’action Woolwich, qui en soi satisferait au principe d’effectivité et à laquelle Aegis aurait eu un droit ininterrompu de recourir pour récupérer des impôts perçus en violation du droit de l’Union.

27      Le gouvernement du Royaume-Uni ajoute que la possibilité de récupérer des impôts perçus sur le fondement d’une erreur de droit n’est devenue certaine qu’avec l’arrêt de la House of Lords du 25 octobre 2006, précité, soit après qu’Aegis eut introduit son recours. Dans une telle situation, les personnes raisonnablement avisées ne sauraient avoir estimé qu’elles récupéreraient le trop perçu, en se fondant sur le délai de prescription plus long applicable à l’action Kleinwort Benson. Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime n’auraient donc pas été violés.

28      La Commission considère, en revanche, qu’il y a une grande similitude entre l’affaire au principal et celle ayant donné lieu à l’arrêt Marks & Spencer, précité. Elle estime que, même si l’action Woolwich, en soi, constitue une voie de recours effective, cela ne signifie pas que l’action Kleinwort Benson puisse être supprimée sans préavis et de manière rétroactive.

29      Selon la Commission, même si, à la date des faits au principal, l’application de l’action Kleinwort Benson au domaine fiscal pouvait susciter un débat, il était raisonnable, pour les contribuables, de considérer que la portée de cette action en cas d’erreur de droit était générale et, par conséquent, également applicable en matière fiscale. Dès lors, l’article 320 serait contraire au principe d’effectivité de même qu’aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Pour se conformer à ces principes, il aurait fallu accorder un délai raisonnable entre l’annonce de la proposition d’adoption de l’article 320 et son entrée en vigueur, de façon à permettre aux éventuels demandeurs de faire valoir leurs droits.

 Sur le principe d’effectivité

30      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit d’obtenir le remboursement d’impôts perçus dans un État membre en violation du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux contribuables par les dispositions du droit de l’Union telles qu’elles ont été interprétées par la Cour. Un État membre est ainsi tenu, en principe, de rembourser les impôts perçus en violation du droit de l’Union (voir arrêt du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a., C-591/10, point 24 et jurisprudence citée).

31      En l’absence de réglementation de l’Union en matière de restitution d’impôts nationaux indûment perçus, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre, en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les contribuables tirent du droit de l’Union. Les États membres ont toutefois la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits (voir arrêt du 27 juin 2013, Agrokonsulting-04, C-93/12, point 35 et jurisprudence citée).

32      Les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les contribuables tirent du droit de l’Union ne doivent ainsi pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de droit interne (principe d’équivalence) ni aménagées de manière à rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêt du 18 mars 2010, Alassini e.a., C-317/08 à C-320/08, Rec. p. I-2213, point 48 et jurisprudence citée, ainsi que arrêt Agrokonsulting-04, précité, point 36).

33      En ce qui concerne ce dernier principe, la Cour a reconnu la compatibilité avec le droit de l’Union de la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le contribuable et l’administration concernés. En effet, de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union. Cependant, pour remplir sa fonction d’assurer la sécurité juridique, un délai de prescription doit être fixé à l’avance (arrêt Marks & Spencer, précité, points 35 et 39 ainsi que jurisprudence citée).

34      En matière de restitution d’impôts nationaux indûment perçus, la Cour a déjà jugé qu’un délai national de forclusion de trois ans qui court à compter de la date du paiement contesté apparaît raisonnable (voir arrêts du 17 novembre 1998, Aprile, C-228/96, Rec. p. I-7141, point 19, et du 24 septembre 2002, Grundig Italiana, C-255/00, Rec. p. I-8003, point 34). Ainsi, un délai de prescription de six ans, tel que celui appliqué à l’action Woolwich, qui court à compter de la date du paiement d’impôts indus apparaît, en soi, raisonnable.

35      Le principe d’effectivité n’interdit pas non plus, dans l’absolu, une application rétroactive d’un nouveau délai d’action plus court et, le cas échéant, plus restrictif pour les contribuables que le délai précédemment applicable, dans la mesure où une telle application concerne les actions en restitution d’impôts nationaux contraires au droit de l’Union non encore engagées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau délai, mais portant sur des sommes versées alors que l’ancien délai était d’application (arrêt Grundig Italiana, précité, point 35).

36      En effet, dès lors que les modalités de restitution des impôts nationaux indûment perçus relèvent du droit national, la question de la possibilité d’une application rétroactive de telles modalités relève également de ce droit tant que cette éventuelle application rétroactive ne compromet pas le respect du principe d’effectivité (arrêt Grundig Italiana, précité, point 36).

37      Cependant, ainsi que la Cour l’a jugé au point 38 de l’arrêt Marks & Spencer, précité, si le principe d’effectivité ne s’oppose pas à ce qu’une législation nationale réduise le délai pendant lequel peut être demandé le remboursement de sommes versées en violation du droit de l’Union, c’est à la condition non seulement que le nouveau délai fixé présente un caractère raisonnable, mais également que cette nouvelle législation comporte un régime transitoire permettant aux justiciables de disposer d’un délai suffisant, après l’adoption de celle-ci, pour pouvoir introduire les demandes de remboursement qu’ils étaient en droit de présenter sous l’empire de l’ancienne législation. Un tel régime transitoire est nécessaire dès lors que l’application immédiate à ces demandes d’un délai de prescription plus court que celui précédemment en vigueur aurait pour effet de priver rétroactivement de leur droit à remboursement certains justiciables ou de ne leur laisser qu’un délai trop bref pour faire valoir ce droit.

38      Il s’ensuit que le principe d’effectivité s’oppose à une législation nationale qui réduit, avec effet rétroactif et sans régime transitoire, le délai dans lequel pouvait être demandé le remboursement de sommes versées en violation du droit de l’Union (voir en ce sens arrêt Marks & Spencer, précité, point 47).

39      Le fait que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Marks & Spencer, précité, le contribuable ne disposait que d’une voie de recours, tandis que, dans l’affaire en cause au principal, le contribuable dispose de deux voies de recours, ne saurait, dans des circonstances telles que celles portées devant la juridiction de renvoi, conduire à un résultat différent.

40      En l’occurrence, il convient d’examiner les droits conférés aux contribuables en vertu de leur droit national avant l’adoption de la modification législative en cause et les conséquences d’une telle modification sur l’exercice du droit de restitution qui leur est conféré par le droit de l’Union.

41      Il ressort du dossier soumis à la Cour que, jusqu’à l’adoption de l’article 320, les contribuables avaient la possibilité d’introduire des recours fondés sur une erreur de droit, sous la forme d’une action Kleinwort Benson, en vue de demander la restitution d’impôts indûment versés, pendant une période de six ans à compter de la découverte de l’erreur à l’origine du paiement dudit impôt. L’adoption dudit article a eu pour conséquence de les priver de cette possibilité, de manière rétroactive et sans régime transitoire, dès lors que cet article prévoit que le délai plus long pour former un recours en cas d’erreur de droit ne s’applique pas s’agissant d’une erreur de droit liée à une question fiscale relevant de la compétence des Commissioners. Leur demande en restitution de l’indu ne pouvait donc plus porter que sur la période allant de 1997 à 1999.

42      Or, si le principe d’effectivité ne s’oppose pas à ce qu’une législation nationale réduise le délai pendant lequel peut être demandée la restitution de l’indu et qu’un délai de prescription de six ans qui court à compter de la date du paiement d’impôts indus, ainsi qu’il ressort du point 34 du présent arrêt, apparaît en soi raisonnable, il faut également, conformément à la jurisprudence rappelée au point 37 du présent arrêt, que la nouvelle législation prévoie un régime transitoire permettant aux contribuables de disposer d’un délai suffisant, après l’adoption de celle-ci, pour pouvoir introduire les demandes qu’ils étaient en droit de présenter sous l’empire de l’ancienne législation.

43      Une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui a pour effet de réduire la période pendant laquelle peuvent être introduits des recours en vue de demander la restitution de l’indu, de six ans à compter de la découverte de l’erreur à l’origine du paiement de l’impôt indu à six ans à compter du jour du paiement de celui-ci, en prévoyant qu’un tel effet s’applique immédiatement à toutes les demandes introduites après la date d’adoption de cette législation ainsi qu’aux demandes introduites entre cette dernière date et une date antérieure, correspondant en l’occurrence à la date à laquelle la proposition d’adoption de cette législation a été annoncée, qui constitue la date d’entrée en vigueur de ladite législation, ne satisfait pas à l’exigence d’un régime transitoire. Une telle législation rend impossible en pratique l’exercice d’un droit au remboursement d’impôts indûment versés dont les contribuables disposaient précédemment. Il s’ensuit qu’une législation nationale telle que celle en cause au principal doit être considérée comme étant incompatible avec le principe d’effectivité.

 Sur les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

44      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique, qui a pour corollaire celui de la protection de la confiance légitime, exige qu’une législation entraînant des conséquences défavorables à l’égard des particuliers soit claire et précise et que son application soit prévisible pour les justiciables (voir, notamment, arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a., C-17/03, Rec. p. I-4983, point 80). Ainsi qu’il a été rappelé au point 33 du présent arrêt, un délai de prescription doit être fixé à l’avance pour remplir sa fonction d’assurer la sécurité juridique.

45      La Cour a également jugé que le principe de protection de la confiance légitime s’oppose à ce qu’une modification de la législation nationale prive un contribuable, avec effet rétroactif, du droit dont il disposait antérieurement à ladite modification d’obtenir le remboursement d’impôts perçus en violation du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Marks & Spencer, précité, point 46).

46      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 41 du présent arrêt, avant l’adoption de l’article 320, les contribuables, en vue de demander le remboursement d’impôts indûment versés, avaient le droit de recourir à l’action Kleinwort Benson devant les juridictions nationales et pouvaient s’attendre à ce que la question de savoir si leurs recours étaient justifiés ou non soit tranchée par ces juridictions.

47      Or, l’adoption de l’article 320 a eu pour conséquence de les priver de ce droit de manière rétroactive et sans régime transitoire. Cette législation a ainsi introduit un changement qui a affecté négativement leur situation sans qu’ils aient pu s’y préparer.

48      Il s’ensuit qu’une telle modification législative porte atteinte aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

49      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que, dans une situation où les contribuables, conformément au droit national, ont le choix entre deux voies de recours possibles en matière de restitution d’un impôt perçu en violation du droit de l’Union, l’une d’elles bénéficiant d’un délai de prescription plus long, les principes d’effectivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’opposent à ce qu’une législation nationale réduise ce délai de prescription sans préavis et de manière rétroactive.

 Sur la seconde question préjudicielle

50      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la circonstance que, au moment où le contribuable a présenté son recours, la possibilité d’utiliser la voie de recours offrant le délai de prescription le plus long n’ait été reconnue que récemment par une juridiction inférieure et qu’elle n’ait été définitivement confirmée qu’ultérieurement par la plus haute autorité juridictionnelle exerce une quelconque incidence sur la réponse apportée à la première question.

51      Il y a lieu de relever que de telles circonstances ne sont pas pertinentes. Ce qui importe est que, ainsi que la juridiction de renvoi l’a indiqué, à la date des faits au principal, les contribuables disposaient, en vertu du droit national, du droit d’introduire une action en restitution de l’indu en se fondant sur une telle voie de recours.

52      Il convient, par conséquent, de répondre à la seconde question que la circonstance que, au moment où le contribuable a présenté son recours, la possibilité d’utiliser la voie de recours offrant le délai de prescription le plus long n’ait été reconnue que récemment par une juridiction inférieure et n’ait été définitivement confirmée qu’ultérieurement par la plus haute autorité juridictionnelle n’exerce aucune incidence sur la réponse apportée à la première question.

 Sur les dépens

53      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      Dans une situation où les contribuables, conformément au droit national, ont le choix entre deux voies de recours possibles en matière de restitution d’un impôt perçu en violation du droit de l’Union, l’une d’elles bénéficiant d’un délai de prescription plus long, les principes d’effectivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’opposent à ce qu’une législation nationale réduise ce délai de prescription sans préavis et de manière rétroactive.

2)      La circonstance que, au moment où le contribuable a présenté son recours, la possibilité d’utiliser la voie de recours offrant le délai de prescription le plus long n’ait été reconnue que récemment par une juridiction inférieure et n’ait été définitivement confirmée qu’ultérieurement par la plus haute autorité juridictionnelle n’exerce aucune incidence sur la réponse apportée à la première question.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.