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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

15 mai 2014 (*)

«Code des douanes communautaire – Champ d’application des articles 203 et 204, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) no 2913/92 – Régime du transit externe – Naissance de la dette douanière en raison de l’inexécution d’une obligation – Présentation tardive des marchandises au bureau de destination – Sixième directive TVA – Article 10, paragraphe 3 – Lien entre la naissance de la dette douanière et celle de la TVA – Notion d’opérations imposables»

Dans l’affaire C-480/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 12 octobre 2012, parvenue à la Cour le 25 octobre 2012, dans la procédure

Minister van Financiën

contre

X BV,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur), E. Levits, Mme M. Berger et M. S. Rodin, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 novembre 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour X BV, par M. A. Bal,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. S. Schillemans, C. Wissels et B. Koopman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes M. Tassopoulou et I. Pouli, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 février 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 203 et 204 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 648/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 (JO L 117, p. 13, ci-après le «code des douanes»), lus en combinaison avec les articles 356 et 859, point 2, sous c), du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 444/2002 de la Commission, du 11 mars 2002 (JO L 68, p. 11, ci-après le «règlement d’application»), ainsi que de l’article 7 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 2004/66/CE du Conseil, du 26 avril 2004 (JO L 168, p. 35, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Minister van Financiën à X BV (ci-après «X»), au sujet d’une demande de cette société, tendant au remboursement de droits de douane et de taxe sur le chiffre d’affaires dus en raison d’un dépassement du délai de présentation de la marchandise concernée.

 Le cadre juridique

  Le droit de l’Union

3        L’article 4 du code des douanes prévoit:

«Aux fins du présent code, on entend par:

[...]

13)       surveillance des autorités douanières: l’action menée au plan général par ces autorités en vue d’assurer le respect de la réglementation douanière et, le cas échéant, des autres dispositions applicables aux marchandises sous surveillance douanière;

14)       contrôles douaniers: des actes spécifiques accomplis par les autorités douanières pour garantir l’application correcte de la réglementation douanière et d’autres dispositions législatives régissant l’entrée, la sortie, le transit, le transfert et la destination particulière des marchandises circulant entre le territoire douanier de la Communauté et les pays tiers ainsi que la présence de marchandises n’ayant pas le statut de marchandises communautaires; ces actes peuvent comporter la vérification des marchandises, le contrôle des informations figurant dans la déclaration et de l’existence et de l’authenticité des documents électroniques ou écrits, l’examen de la comptabilité des entreprises et autres écritures, le contrôle des moyens de transport, le contrôle des bagages et des autres marchandises transportées par ou sur des personnes et l’exécution d’enquêtes administratives et d’autres actes similaires;

[...]»

4        Aux termes de l’article 37 de ce code:

«1.      Les marchandises qui sont introduites dans le territoire douanier de la Communauté sont, dès cette introduction, soumises à la surveillance douanière. Elles peuvent faire l’objet de contrôles douaniers conformément aux dispositions en vigueur.

2.      Elles restent sous cette surveillance aussi longtemps qu’il est nécessaire pour déterminer leur statut douanier et, s’agissant de marchandises non communautaires et sans préjudice de l’article 82 paragraphe 1, jusqu’à ce qu’elles, soit changent de statut douanier, soit sont introduites dans une zone franche ou un entrepôt franc, soit sont réexportées ou détruites conformément à l’article 182.»

5        L’article 50 dudit code prévoit:

«En attendant de recevoir une destination douanière, les marchandises présentées en douane ont, dès que cette présentation a eu lieu, le statut de marchandises en dépôt temporaire. Ces marchandises sont ci-après dénommées ‘marchandises en dépôt temporaire’.»

6        L’article 55 du même code énonce:

«Dès que des marchandises non communautaires qui ont circulé sous une régime de transit sont arrivées à destination dans le territoire douanier de la Communauté et ont fait l’objet d’une présentation en douane conformément aux dispositions en vigueur en matière de transit, les dispositions des articles 42 à 53 s’appliquent.»

7        L’article 91 du code des douanes dispose:

«1.       Le régime du transit externe permet la circulation d’un point à un autre du territoire douanier de la Communauté:

a)       de marchandises non communautaires sans que ces marchandises soient soumises aux droits à l’importation et aux autres impositions ni aux mesures de politique commerciale;

[...]

2.       La circulation visée au paragraphe 1 s’effectue:

a)      soit sous le régime du transit communautaire externe,

[...]»

8        L’article 92 de ce code prévoit:

«1.       Le régime du transit externe prend fin et les obligations du titulaire du régime sont remplies lorsque les marchandises placées sous le régime et les documents requis sont présentés au bureau de douane de destination, conformément aux dispositions du régime concerné.

2.       Les autorités douanières apurent le régime du transit externe lorsqu’elles sont en mesure d’établir, sur la base de la comparaison des données disponibles au bureau de départ et de celles disponibles au bureau de douane de destination, que le régime a pris fin correctement.»

9        Aux termes de l’article 96 dudit code:

«1.       Le principal obligé est le titulaire du régime de transit communautaire externe. Il est tenu:

a)       de présenter en douane les marchandises intactes au bureau de douane de destination, dans le délai prescrit et en ayant respecté les mesures d’identification prises par les autorités douanières;

b)       de respecter les dispositions relatives au régime du transit communautaire.

[...]»

10      L’article 203 du même code dispose:

«1.       Fait naître une dette douanière à l’importation:

–        la soustraction d’une marchandise passible de droits à l’importation à la surveillance douanière.

2.       La dette douanière naît au moment de la soustraction de la marchandise à la surveillance douanière.

3.       Les débiteurs sont:

–        la personne qui a soustrait la marchandise à la surveillance douanière,

–        les personnes qui ont participé à cette soustraction en sachant ou en devant raisonnablement savoir qu’il s’agissait d’une soustraction de la marchandise à la surveillance douanière,

–        celles qui ont acquis ou détenu la marchandise en cause et qui savaient ou devaient raisonnablement savoir au moment où elles ont acquis ou reçu cette marchandise qu’il s’agissait d’une marchandise soustraite à la surveillance douanière

ainsi que

–        le cas échéant, la personne qui doit exécuter les obligations qu’entraîne le séjour en dépôt temporaire de la marchandise ou l’utilisation du régime douanier sous lequel cette marchandise a été placée.»

11      L’article 204 du code des douanes prévoit:

«1.       Fait naître une dette douanière à l’importation:

a)       l’inexécution d’une des obligations qu’entraîne pour une marchandise passible de droits à l’importation son séjour en dépôt temporaire ou l’utilisation du régime douanier sous lequel elle a été placée

ou

b)       l’inobservation d’une des conditions fixées pour le placement d’une marchandise sous ce régime ou pour l’octroi d’un droit à l’importation réduit ou nul en raison de l’utilisation de la marchandise à des fins particulières,

dans des cas autres que ceux visés à l’article 203, à moins qu’il ne soit établi que ces manquements sont restés sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct du dépôt temporaire ou du régime douanier considéré.

2.       La dette douanière naît soit au moment où cesse d’être remplie l’obligation dont l’inexécution fait naître la dette douanière, soit au moment où la marchandise a été placée sous le régime douanier considéré lorsqu’il apparaît a posteriori que l’une des conditions fixées pour le placement de ladite marchandise sous ce régime ou pour l’octroi du droit à l’importation réduit ou nul en raison de l’utilisation de la marchandise à des fins particulières n’était pas réellement satisfaite.

3.       Le débiteur est la personne qui doit, selon le cas, soit exécuter les obligations qu’entraîne le séjour en dépôt temporaire d’une marchandise passible de droits à l’importation ou l’utilisation du régime douanier sous lequel cette marchandise a été placée, soit respecter les conditions fixées pour le placement de la marchandise sous ce régime.»

12      L’article 356 du règlement d’application dispose:

«1.       Le bureau de départ fixe la date limite à laquelle les marchandises doivent être présentées au bureau de destination en tenant compte du trajet à suivre, des dispositions de la réglementation régissant le transport et des autres réglementations applicables et, le cas échéant, des éléments communiqués par le principal obligé.

2.       Le délai ainsi prescrit par le bureau de départ lie les autorités douanières des États membres dont le territoire est emprunté au cours de l’opération de transit communautaire et ne peut pas être modifié par ces autorités.

3.       Lorsque les marchandises sont présentées au bureau de destination après l’expiration du délai prescrit par le bureau de départ et que le non-respect de ce délai est dû à des circonstances dûment justifiées à la satisfaction du bureau de destination et non imputables au transporteur ou au principal obligé, ce dernier est réputé avoir observé le délai prescrit.»

13      Aux termes de l’article 859 de ce règlement:

«Sont considérés comme restés sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct du dépôt temporaire ou du régime douanier considéré au sens de l’article 204 paragraphe 1 du code [des douanes] les manquements suivants pour autant:

–        qu’ils ne constituent pas de tentative de soustraction à la surveillance douanière de la marchandise,

–        qu’ils n’impliquent pas de négligence manifeste de la part de l’intéressé,

–        que toutes les formalités nécessaires pour régulariser la situation de la marchandise soient accomplies a posteriori:

1)      le dépassement du délai dans lequel la marchandise doit avoir reçu l’une des destinations douanières prévues dans le cadre du dépôt temporaire ou du régime douanier considéré lorsqu’une prolongation de délai aurait été accordée si elle avait été demandée à temps;

2)      s’agissant d’une marchandise placée sous un régime de transit, l’inexécution d’une des obligations qu’entraîne l’utilisation du régime lorsque les conditions suivantes sont remplies:

a)       la marchandise placée sous le régime a effectivement été présentée intacte au bureau de destination;

b)       le bureau de destination a été en mesure de garantir que cette même marchandise a reçu une destination douanière ou a été placée en dépôt temporaire à l’issue de l’opération de transit, et

c)       lorsque le délai fixé conformément à l’article 356 n’a pas été respecté et que le paragraphe 3 dudit article n’est pas applicable, la marchandise a néanmoins été présentée au bureau de destination dans un délai raisonnable;

[...]»

14      L’article 860 dudit règlement prévoit:

«Les autorités douanières considèrent une dette douanière comme née conformément à l’article 204 paragraphe 1 du code [des douanes], à moins que la personne susceptible d’être débiteur n’établisse que les conditions de l’article 859 soient remplies.»

15      Aux termes de l’article 865 du même règlement:

«Sont considérées comme soustraction d’une marchandise à la surveillance douanière, au sens de l’article 203 paragraphe 1 du code [des douanes], la déclaration en douane de cette marchandise, tout autre acte ayant les mêmes effets juridiques ainsi que la présentation au visa des autorités compétentes d’un document, dès lors que ces faits ont pour conséquence de conférer faussement à cette marchandise le statut douanier de marchandise communautaire.

[...]»

16      L’article 866 du règlement d’application prévoit:

«Sans préjudice du respect des dispositions prévues en matière de prohibition ou de restriction éventuellement applicables à la marchandise concernée, lorsqu’une dette douanière à l’importation est née en vertu des dispositions des articles 202, 203, 204 ou 205 du code et que les droits à l’importation ont été acquittés, cette marchandise est considérée comme communautaire sans qu’il soit nécessaire de faire une déclaration de mise en libre pratique.»

17      L’article 2 de la sixième directive disposait:

«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée [(ci-après la ‘TVA’)]:

[...]

2.       les importations de biens.»

18      L’article 7 de la sixième directive énonçait:

«1.       Est considérée comme ‘importation d’un bien’:

a)       l’entrée à l’intérieur de la Communauté d’un bien qui ne satisfait pas aux conditions prévues aux articles [23 CE et 24 CE] ou, s’il s’agit d’un bien relevant du [traité CECA], qui n’est pas en libre pratique;

b)       l’entrée à l’intérieur de la Communauté d’un bien en provenance d’un territoire tiers, autre qu’un bien visé au point a).

2.       L’importation d’un bien est effectuée dans l’État membre sur le territoire duquel le bien se trouve au moment où il entre à l’intérieur de la Communauté.

3.       Par dérogation au paragraphe 2, lorsqu’un bien visé au paragraphe 1 point a) est placé depuis son entrée à l’intérieur de la Communauté sous l’un des régimes visés à l’article 16 paragraphe 1 titre B points a), b), c) et d), sous un régime d’admission temporaire en exonération totale de droits à l’importation ou de transit externe, l’importation de ce bien est effectuée dans l’État membre sur le territoire duquel le bien sort de ces régimes.

De même, lorsqu’un bien visé au paragraphe 1 point b) est placé depuis son entrée à l’intérieur de la Communauté sous l’un des régimes prévus à l’article 33 bis paragraphe 1 point b) ou c), l’importation de ce bien est effectuée dans l’État membre sur le territoire duquel le bien sort de ces régimes.»

19      L’article 10, paragraphe 3, de la sixième directive disposait:

«Le fait générateur a lieu et la taxe devient exigible au moment où l’importation du bien est effectuée. Lorsque des biens sont placés depuis leur entrée à l’intérieur de la Communauté sous l’un des régimes visés à l’article 7 paragraphe 3, le fait générateur et l’exigibilité de la taxe n’interviennent qu’au moment où les biens sortent de ces régimes.

[...]»

20      L’article 16, paragraphe 1, de la sixième directive prévoyait:

«1.       Sans préjudice des autres dispositions fiscales communautaires, les États membres ont la faculté, sous réserve de la consultation prévue à l’article 29, de prendre des mesures particulières afin de ne pas soumettre à la [TVA] les opérations suivantes ou certaines d’entre elles, à la condition qu’elles ne visent pas à une utilisation et/ou à une consommation finales et que le montant de la [TVA], perçu lors de la mise à la consommation, corresponde au montant de la taxe qui aurait dû être perçu si chacune [de] ces opérations avait été taxée à l’importation ou à l’intérieur du pays:

A.       les importations de biens destinés à être placés sous un régime d’entrepôt autre que douanier;

B.       les livraisons de biens destinés à être:

a)       conduits en douane et placés, le cas échéant, en dépôt temporaire;

b)       placés dans une zone franche ou un entrepôt franc;

c)       placés sous un régime d’entrepôt douanier ou sous un régime de perfectionnement actif;

[...]»

 Le droit néerlandais

21      L’article 1er de la loi portant remplacement de la taxe existante sur le chiffre d’affaires par une taxe sur le chiffre d’affaires selon le système de taxe sur la valeur ajoutée (Wet houdende vervanging van de bestaande omzetbelasting door een omzetbelasting volgens het stelsel van heffing over de toegevoegde waarde), du 28 juin 1968, dispose:

«Une taxe dénommée ‘taxe sur le chiffre d’affaires’ est perçue sur:

[...]

d)       les importations de marchandises.»

22      L’article 18 de cette loi prévoit:

«1.       On entend par ‘importation de marchandises’:

a)       l’entrée aux Pays-Bas de marchandises qui ne satisfont pas aux conditions prévues aux articles 23 [CE] et 24 [CE];

b)       l’entrée aux Pays-Bas de marchandises en provenance d’un pays tiers, autres que celles visées sous a);

c)       la fin d’un régime douanier aux Pays-Bas ou la sortie, aux Pays-Bas, de marchandises d’un régime douanier;

[...]

2.       Aux fins de l’application du présent article, on entend par ‘régime douanier’:

a)       le dépôt temporaire au sens de l’article 50 du code des douanes [...];

[...]

c)       les régimes douaniers au sens de l’article 4, paragraphe 16, sous b), c), d), e), et, dans le cas d’une exonération totale des droits à l’importation, f), du code des douanes [...].

3.       Ne constitue pas une importation l’entrée aux Pays-Bas de marchandises au sens du paragraphe 1, sous a) et b), auxquelles s’applique un régime douanier ou qui, après leur entrée aux Pays-Bas, sont placées sous un régime douanier. N’est pas non plus considérée comme équivalent à une importation la fin, aux Pays-Bas, d’un régime douanier lorsque celle-ci est suivie par l’application d’un autre régime douanier.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

23      Le 26 octobre 2005, X a effectué, par voie électronique, une déclaration de placement d’un moteur diesel sous le régime douanier du transit communautaire externe. La date limite à laquelle ce moteur devait être présenté au bureau de destination était fixée au 28 octobre 2005.

24      Ledit moteur n’a été présenté à ce bureau que le 14 novembre 2005, soit 17 jours après l’expiration du délai prescrit, et il a été placé sous le régime douanier du perfectionnement actif, avec application du système du rembours. Le bureau de douane concerné, après avoir accepté cette déclaration, a constaté qu’il n’avait pas été dûment mis fin au régime douanier précédent, à savoir le régime du transit communautaire externe, et a invalidé ce placement.

25      Après avoir informé X de cette situation, l’inspecteur compétent (ci-après l’«inspecteur») a donné à cette société la possibilité de rapporter la preuve de ce qu’il avait été mis fin audit régime douanier de manière régulière, preuve qu’elle n’a pas pu fournir. L’inspecteur a donc conclu que le moteur en cause au principal avait été soustrait à la surveillance douanière, au sens de l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes. Sur ce fondement, il a réclamé à X le paiement de droits de douane et de taxe sur le chiffre d’affaires.

26      X a introduit un recours devant le Rechtbank te Haarlem, qui a déclaré celui-ci fondé et a invité l’inspecteur à rembourser le montant des droits de douane et de la taxe sur le chiffre d’affaires qui avait été acquitté. L’inspecteur a interjeté appel du jugement rendu par cette juridiction devant le Gerechtshof te Amsterdam, qui a confirmé la décision du Rechtbank te Haarlem.

27      Le Minister van Financiën a formé un pourvoi devant le Hoge Raad der Nederlanden.

28      La juridiction de renvoi s’interroge sur les conséquences juridiques qu’il convient de tirer du dépassement du délai fixé sur la base de l’article 356, paragraphe 1, du règlement d’application. En particulier, se pose, selon cette juridiction, la question de savoir si le non-respect de ce délai doit être purement et simplement considéré comme une soustraction à la surveillance douanière, au sens de l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes, de sorte que des droits de douane seraient dus, ou si est en cause le non-respect de l’une des obligations qui découlent de l’utilisation du régime douanier concerné, auquel cas il y aurait lieu de renoncer à la perception de ces droits s’il était constaté un manquement sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct de ce régime douanier, ainsi que le prévoit l’article 204, paragraphe 1, dernier membre de phrase, du code des douanes, lu en combinaison avec l’article 859 du règlement d’application. En outre, ladite juridiction relève que, dans le cas où il serait décidé qu’une dette douanière est née sur la base de l’article 204, paragraphe 1, du code des douanes, se pose la question de savoir si sont dus non seulement des droits de douane, mais également des droits de taxe sur le chiffre d’affaires.

29      C’est dans ces conditions que le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)       a)      Les articles 203 et 204 du code des douanes, lus en combinaison avec l’article 859 [en particulier son point 2, sous c),] du règlement d’application, doivent-ils être interprétés en ce sens que le (seul) dépassement du délai de transit fixé conformément à l’article 356, paragraphe 1, du règlement d’application conduit non pas à une dette douanière pour soustraction à la surveillance douanière au sens de l’article 203 du code des douanes, mais à une dette douanière sur la base de l’article 204 du code des douanes?

b)       Est-il requis, pour une réponse affirmative à la première question, sous a), que les intéressés fournissent aux autorités douanières des informations sur les causes de dépassement du délai, ou à tout le moins expliquent aux autorités douanières où les marchandises se sont trouvées pendant la période qui s’est écoulée entre le délai fixé conformément à l’article 356 du règlement d’application et le moment où a été effectuée la présentation effective au bureau de douane de destination?

2)      La sixième directive, en particulier l’article 7 de celle-ci, doit-elle être interprétée en ce sens que la TVA est due si une dette douanière naît exclusivement sur la base de l’article 204 du code des douanes?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

30      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la présentation de marchandises au bureau de destination, après l’expiration du délai prévu, a pour effet de faire naître une dette douanière en application de l’article 203 du code des douanes ou de l’article 204 de ce dernier. Elle se demande également si, pour qu’une dette douanière puisse naître au titre de cet article 204, les intéressés doivent fournir des informations sur les raisons du dépassement du délai de transit fixé à l’article 356, paragraphe 1, du règlement d’application ou sur la localisation des marchandises durant la période concernée.

31      En vue de répondre à la première question ainsi reformulée, il convient de relever, à titre liminaire, que les articles 203 et 204 du code des douanes ont des champs d’application distincts. En effet, alors que le premier vise les comportements ayant pour résultat une soustraction de la marchandise à la surveillance douanière, le second a pour objet des manquements aux obligations et des inobservations de conditions liées aux différents régimes douaniers qui sont restés sans effet sur la surveillance douanière (arrêt Hamann International, C-337/01, EU:C:2004:90, point 28).

32      Il ressort du libellé de l’article 204 du code des douanes que cette disposition ne trouve à s’appliquer que dans les cas qui ne relèvent pas de l’article 203 de ce code (arrêt Hamann International, EU:C:2004:90, point 29).

33      Il s’ensuit que, pour déterminer quel est celui de ces deux articles sur le fondement duquel une dette douanière à l’importation est née, il faut, en priorité, examiner si les faits en cause constituent une soustraction à la surveillance douanière, au sens de l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes. Ce n’est que lorsque la réponse à cette question est négative que les dispositions de l’article 204 du code des douanes peuvent trouver à s’appliquer (arrêt Hamann International, EU:C:2004:90, point 30).

34      En ce qui concerne plus particulièrement la notion de soustraction à la surveillance douanière, figurant à l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, cette notion doit être entendue comme comprenant tout acte ou omission qui a pour résultat d’empêcher, ne serait-ce que momentanément, l’autorité douanière compétente d’accéder à une marchandise sous surveillance douanière et d’effectuer les contrôles prévus à l’article 37, paragraphe 1, du code des douanes (arrêts D. Wandel, C-66/99, EU:C:2001:69, point 47; Liberexim, C-371/99, EU:C:2002:433, point 55, et Hamann International, EU:C:2004:90, point 31).

35      Eu égard à cette interprétation, force est de constater que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 42 et 43 de ses conclusions, bien que l’absence de localisation de la marchandise en cause au principal ait duré plus de deux semaines et puisse constituer une impossibilité d’accéder à celle-ci qui n’est pas que momentanée, il n’en demeure pas moins que, selon la jurisprudence, l’application de l’article 203 du code des douanes est justifiée lorsque la disparition de la marchandise présentait un risque d’intégration dans le circuit économique de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêts Liberexim, EU:C:2002:433, point 56, et Honeywell Aerospace, C-300/03, EU:C:2005:43, point 20).

36      En effet, la présence, sur le territoire douanier de l’Union, de marchandises non communautaires comporte le risque que ces marchandises finissent par être intégrées sans être dédouanées dans le circuit économique des États membres, risque que l’article 203 du code des douanes contribue à prévenir (voir, par anologie, arrêt DSV Road, C-234/09, EU:C:2010:435, point 31).

37      Or, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la marchandise en cause au principal a bien été présentée au bureau de destination, avec un retard de 17 jours. Partant, il est constant que cette marchandise n’a pas été intégrée dans le circuit économique sans être dédouanée. Il s’ensuit que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il semble exclu que l’article 203 du code des douanes s’applique aux faits en cause au principal.

38      Dans ces circonstances, il convient, dès lors, de vérifier si les faits au principal sont susceptibles de relever de l’article 204, paragraphe 1, sous a), du code des douanes.

39      Conformément à cette disposition, une dette douanière à l’importation naît de l’inexécution de l’une des obligations qu’entraîne pour une marchandise passible de droits à l’importation l’utilisation du régime douanier sous lequel elle a été placée, à moins qu’il ne soit établi que ce manquement est resté sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct de ce régime. Tout cas qui ne relève pas de cette exception tombe dans le champ d’application de l’article 204 du code des douanes (voir arrêt Döhler Neuenkirchen, C-262/10, EU:C:2012:559, point 35).

40      Il convient de rappeler que l’article 859 du règlement d’application, lu en combinaison avec l’article 860 de ce dernier, met en place un régime prévoyant de manière exhaustive dix manquements, au sens de l’article 204, paragraphe 1, sous a), du code des douanes, qui «sont considérés comme restés sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct du dépôt temporaire ou du régime douanier considéré».

41      Il y a lieu également de souligner que l’article 859, point 2, sous c), du règlement d’application prévoit expressément que, lorsque le délai fixé conformément à l’article 356 de ce règlement n’a pas été respecté et que la présentation tardive de la marchandise ne peut être justifiée conformément au paragraphe 3 de ce dernier article, le dépassement du délai de présentation est considéré comme étant resté sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct du dépôt temporaire ou du régime douanier considéré, dans la mesure où la marchandise a néanmoins été présentée au bureau de destination dans un délai raisonnable. À cet égard, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier les justifications apportées dans le cadre de l’application des articles 356, paragraphe 3, et 859, point 2, sous c), du règlement d’application.

42      En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 46 de ses conclusions, dès lors que le dépassement du délai de présentation est expressément prévu à l’article 859 du règlement d’application, lequel ne s’applique qu’aux cas visés par l’article 204 du code des douanes, cette disposition serait inopérante si le dépassement de ce délai devait relever de la notion de «soustraction», visée à l’article 203 de ce code.

43      En ce qui concerne le point de savoir si, pour qu’une dette douanière puisse naître au titre de cet article 204, les intéressés doivent fournir des informations sur les raisons du dépassement du délai de transit fixé à l’article 356, paragraphe 1, du règlement d’application ou sur la localisation des marchandises durant la période concernée, force est de constater que l’article 356, paragraphe 3, du règlement d’application prévoit que, lorsque les marchandises sont présentées au bureau de destination après l’expiration du délai prescrit par le bureau de départ et que le non-respect de ce délai est dû à des circonstances dûment justifiées à la satisfaction du bureau de destination et non imputables au transporteur ou au principal obligé, ce dernier est réputé avoir observé le délai prescrit.

44      Ainsi, les renseignements devant être fournis par les intéressés sur les causes du dépassement de ce délai ou sur la localisation de la marchandise concernée durant la période concernée ont pour objectif d’éviter de faire naître une dette douanière en application de l’article 204 du code des douanes et ne servent aucunement à mettre en œuvre cet article.

45      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 203 et 204 du code des douanes, lus en combinaison avec l’article 859, point 2, sous c), du règlement d’application, doivent être interprétés en ce sens que le seul dépassement du délai de présentation, fixé conformément à l’article 356, paragraphe 1, du règlement d’application, conduit non pas à une dette douanière pour soustraction des marchandises concernées à la surveillance douanière, au sens de l’article 203 du code des douanes, mais à une dette douanière ayant pour fondement l’article 204 de ce code et qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’une dette douanière naisse au titre de cet article 204, que les intéressés fournissent aux autorités douanières des informations sur les causes du dépassement du délai fixé conformément à l’article 356 du règlement d’application ou sur le lieu où les marchandises concernées se sont trouvées pendant la période qui s’est écoulée entre l’expiration de ce délai et la présentation effective de ces marchandises au bureau de douane de destination.

 Sur la seconde question

46      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7 de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la TVA est due dans le cas où une dette douanière est née exclusivement sur la base de l’article 204 du code des douanes.

47      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2 de la sixième directive, sont soumises à la TVA les importations de biens ainsi que les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

48      Il y a lieu de vérifier, dans un premier temps, si une marchandise telle que celle en cause au principal a fait l’objet d’une importation au sens de l’article 2, point 2, de la sixième directive (arrêt Profitube, C-165/11, EU:C:2012:692, point 41).

49      En vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, est considérée comme une «importation d’un bien» l’entrée à l’intérieur de la Communauté d’un bien qui ne satisfait pas aux conditions prévues aux articles 23 CE et 24 CE.

50      Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 3, de la sixième directive précise que, lorsqu’un tel bien est placé depuis son entrée à l’intérieur de la Communauté sous l’un des régimes visés à l’article 16, paragraphe 1, B, sous a), b), c) et d), de cette directive, ou sous le régime du transit externe, son importation est effectuée dans l’État membre sur le territoire duquel le bien sort de ces régimes.

51      En outre, il ressort de l’article 866 du règlement d’application que, lorsqu’une dette douanière à l’importation est née en vertu des dispositions, notamment, des articles 203 ou 204 du code des douanes, et que les droits à l’importation ont été acquittés, cette marchandise est considérée comme communautaire sans qu’il soit nécessaire de faire une déclaration de mise en libre pratique.

52      En l’occurrence, il incombera, par conséquent, à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte des considérations figurant au point 45 du présent arrêt, si la marchandise en cause au principal, est ou non sortie du régime du transit communautaire externe, en donnant lieu, le cas échéant, à la naissance d’une dette douanière en vertu des articles 203 ou 204 du code des douanes.

53       Dans l’hypothèse où cette juridiction conclurait que, en ce qui concerne cette marchandise, aucune dette douanière n’est née en vertu des dispositions susmentionnées, il conviendrait de considérer que cette marchandise a été placée, depuis son entrée à l’intérieur de l’Union, sous les régimes visés aux articles 7, paragraphe 3, et 16, paragraphe 1, B, sous a), de la sixième directive. Dans ce cas, la TVA ne serait, par conséquent, pas due.

54      Toutefois, dans l’hypothèse où ladite marchandise serait déjà sortie de ces régimes à la date de sa réexportation en raison de la naissance d’une dette douanière, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, elle devrait être considérée comme ayant fait l’objet d’une «importation», au sens de l’article 2, point 2, de la sixième directive.

55      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 7, paragraphe 3, premier alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la TVA est due lorsque les marchandises concernées sont sorties des régimes douaniers prévus à cet article, même si une dette douanière est née exclusivement sur le fondement de l’article 204 du code des douanes.

 Sur les dépens

56      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 203 et 204 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 648/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, lus en combinaison avec l’article 859, point 2, sous c), du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement (CE) no 444/2002 de la Commission, du 11 mars 2002, doivent être interprétés en ce sens que le seul dépassement du délai de présentation, fixé conformément à l’article 356, paragraphe 1, du règlement no 2454/93, tel que modifié par le règlement no 444/2002, conduit non pas à une dette douanière pour soustraction des marchandises concernées à la surveillance douanière, au sens de l’article 203 du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 648/2005, mais à une dette douanière ayant pour fondement l’article 204 de ce dernier règlement et qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’une dette douanière naisse au titre de cet article 204, que les intéressés fournissent aux autorités douanières des informations sur les causes du dépassement du délai fixé conformément à l’article 356 du règlement no 2454/93, tel que modifié par le règlement no 444/2002, ou sur le lieu où les marchandises se sont trouvées pendant la période qui s’est écoulée entre l’expiration de ce délai et la présentation effective de ces marchandises au bureau de douane de destination.

2)      L’article 7, paragraphe 3, premier alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 2004/66/CE du Conseil, du 26 avril 2004, doit être interprété en ce sens que la taxe sur la valeur ajoutée est due lorsque les marchandises concernées sont sorties des régimes douaniers prévus à cet article, même si une dette douanière est née exclusivement sur le fondement de l’article 204 du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 648/2005.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.