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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

26 mars 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Principes de proportionnalité et de neutralité fiscale – Imposition d’une livraison d’un bien immobilier dans le cadre d’une procédure de vente forcée aux enchères – Réglementation nationale obligeant l’huissier de justice exécutant une telle vente à calculer et à payer la TVA sur une telle opération – Paiement du prix d’achat au tribunal compétent et nécessité que la TVA à payer soit transférée, par ce dernier, à l’huissier de justice – Responsabilité pécuniaire et pénale de l’huissier de justice en cas de non-paiement de la TVA – Différence entre le délai de droit commun pour le paiement de la TVA par un assujetti et le délai imposé à un tel huissier de justice – Impossibilité de déduire la TVA payée en amont»

Dans l’affaire C-499/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Pologne), par décision du 21 février 2013, parvenue à la Cour le 16 septembre 2013, dans la procédure

Marian Macikowski

contre

Dyrektor Izby Skarbowej w Gdańsku,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. S. Rodin, A. Borg Barthet (rapporteur), E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 septembre 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Macikowski, par M. M. Kalinowski, radca prawny,

–        pour le Dyrektor Izby Skarbowej w Gdańsku, par MM. T. Tratkiewicz et J. Kaute, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme A. Gawłowska, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes M. Owsiany-Hornung et L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des principes de proportionnalité et de neutralité fiscale ainsi que des articles 9, 193, 199, 206, 250 et 252 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Macikowski, huissier de justice, au Dyrektor Izby Skarbowej w Gdańsku au sujet du non-versement dans les délais de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») due au titre de la vente d’un bien immeuble réalisée par voie d’exécution forcée.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA dispose:

«Est considéré comme ‘assujetti’ quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme ‘activité économique’ toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence.»

4        L’article 193 de ladite directive est libellé comme suit:

«La TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, sauf dans les cas où la taxe est due par une autre personne en application des articles 194 à 199 et de l’article 202.»

5        L’article 199, paragraphe 1, sous g), de la même directive énonce:

«Les États membres peuvent prévoir que le redevable de la taxe est l’assujetti destinataire des opérations suivantes:

[...]

g)      les livraisons d’un bien immeuble vendu par le débiteur d’une créance exécutoire dans le cadre d’une procédure de vente forcée.»

6        L’article 204 de la directive TVA prévoit:

«1.      Lorsqu’en application des articles 193 à 197 et des articles 199 et 200, le redevable de la taxe est un assujetti qui n’est pas établi dans l’État membre dans lequel la TVA est due, les États membres peuvent lui permettre de désigner un représentant fiscal en tant que redevable.

En outre, lorsque l’opération imposable est effectuée par un assujetti qui n’est pas établi dans l’État membre dans lequel la TVA est due et qu’il n’existe, avec le pays du siège ou d’établissement de cet assujetti, aucun instrument juridique relatif à l’assistance mutuelle ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 76/308/CEE [...] et par le règlement (CE) no 1798/2003 [...], les États membres peuvent prendre des dispositions prévoyant que le redevable de la taxe est un représentant fiscal désigné par l’assujetti non établi.

Toutefois, les États membres ne peuvent pas appliquer l’option visée au deuxième alinéa aux assujettis non établis dans la Communauté tels que définis à l’article 358, point 1), qui ont choisi de relever du régime particulier des services fournis par voie électronique.

2      L’option prévue au paragraphe 1, premier alinéa, est soumise aux conditions et modalités fixées par chaque État membre.»

7        L’article 205 de la directive TVA dispose:

«Dans les situations visées aux articles 193 à 200 et aux articles 202, 203 et 204, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la TVA.»

8        L’article 206 de ladite directive énonce:

«Tout assujetti qui est redevable de la taxe doit payer le montant net de la TVA lors du dépôt de la déclaration de TVA prévue à l’article 250. Toutefois, les États membres peuvent fixer une autre échéance pour le paiement de ce montant ou percevoir des acomptes provisionnels.»

9        L’article 250, paragraphe 1, de la même directive est libellé comme suit:

«Tout assujetti doit déposer une déclaration de TVA dans laquelle figurent toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, et dans la mesure où cela est nécessaire pour la constatation de l’assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées.»

10      L’article 252, paragraphe 1, de la directive TVA prévoit:

«La déclaration de TVA doit être déposée dans un délai à fixer par les États membres. Ce délai ne peut dépasser de plus de deux mois le terme de chaque période imposable.»

11      L’article 273 de ladite directive dispose:

«Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3.»

 Le droit polonais

 La loi relative à la TVA

12      L’article 15, paragraphe 6, de la loi relative à la taxe sur les biens et les services (ustawa o podatku od towarów i usług), du 11 mars 2004 (Dz. U. no 54, position 535, ci-après la «loi relative à la TVA»), dispose:

«Ne sont pas considérés comme des assujettis les autorités publiques et les organes qui les servent, en ce qui concerne la réalisation des tâches qui leur ont été confiées conformément à d’autres dispositions du droit et pour l’exécution desquelles ils ont été institués, à l’exception des actes exécutés en vertu de contrats de droit civil.»

13      Aux termes de l’article 18 de cette loi:

«Les autorités d’exécution définies dans la loi du 17 juin 1966 relative à la procédure d’exécution en matière administrative [...] ainsi que les huissiers de justice assurant la mise en œuvre des actes d’exécution au sens du code de procédure civile [(ustawa Kodeks postępowania cywilnego), du 17 novembre 1964 (Dz. U. no 43, position 296), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le ‘code de procédure civile'),] sont les redevables de la taxe applicable à la livraison, réalisée par voie d’exécution forcée, des biens dont le débiteur est le propriétaire ou qui sont en sa possession en violation des dispositions de droit applicables.»

 Le code des impôts

14      L’article 8 de la loi portant code des impôts (ustawa – Ordynacja podatkowa), du 29 août 1997, dans sa version applicable aux faits au principal (Dz. U. de 2005, no 8, position 60, ci-après le «code des impôts»), prévoit:

«Le redevable est une personne physique, une personne morale ou une entité ne disposant pas de la personnalité morale, qui est tenue en vertu des dispositions du droit fiscal de calculer la taxe, de la percevoir auprès de l’assujetti, et de la verser à l’administration fiscale dans le délai applicable.»

15      L’article 30 du code des impôts dispose:

«1.      Le redevable qui n’a pas satisfait aux obligations définies à l’article 8 est responsable pour la taxe qui n’a pas été perçue ou pour la taxe qui a été perçue, mais qui n’a pas été versée.

[...]

3.      Le redevable ou l’encaisseur répond sur l’ensemble de ses biens des sommes dues, visées au paragraphe 1 ou 2.

[...]

4.      Si, dans une procédure fiscale, l’administration fiscale confirme l’existence de la situation visée au paragraphe 1 ou 2, cette administration rend une décision quant à la responsabilité fiscale du redevable ou de l’encaisseur, dans laquelle elle détermine le montant des sommes dues au titre de la taxe non perçue, ou de la taxe perçue mais non versée.

[...]»

 Le code de procédure civile

16      L’article 808, paragraphe 1, de la loi portant code de procédure civile énonce:

«Si une somme d’argent versée dans le cadre d’une procédure d’exécution n’est pas attribuée immédiatement, elle doit être déposée sur le compte de dépôt du tribunal. [...]»

17      L’article 998, paragraphe 1, du code de procédure civile dispose:

«Après que l’adjudication a acquis force de chose jugée et que l’acquéreur a satisfait aux conditions des enchères, ou après qu’une décision a été prise sur la fixation du prix d’acquisition et que la totalité du prix a été versée par le Trésor public, le tribunal rend une ordonnance prononçant l’attribution de la propriété.»

18      L’article 999, paragraphe 1, dudit code prévoit:

«L’ordonnance ayant acquis force de chose jugée et prononçant l’attribution de la propriété emporte le transfert de la propriété à l’acquéreur, et constitue le titre sur le fondement duquel le droit de propriété sera transféré à l’acquéreur par une inscription au cadastre immobilier et par une inscription au registre foncier, ou par le dépôt des documents au registre des documents immobiliers. L’ordonnance définitive de l’attribution de la propriété constitue également un titre exécutoire permettant à l’acquéreur d’entrer en possession du bien immeuble.»

19      L’article 1023, paragraphe 1, du même code est libellé comme suit:

«Les autorités d’exécution établissent un plan pour le partage, entre les créanciers, de la somme obtenue à la suite de l’exécution forcée opérée sur le bien immeuble.»

20      L’article 1024, paragraphe 1, du code de procédure civile énonce:

«Dans le plan de partage, il convient de mentionner:

1)      la somme soumise au partage;

2)      les créances et les droits des personnes participant au partage;

3)      la somme revenant à chacun des participants au partage;

4)      les sommes à verser ainsi que les sommes laissées sur le compte de dépôt du tribunal, avec indication des raisons justifiant la suspension de leur versement.

[...]»

21      L’article 1035 du même code dispose:

«À la suite du dépôt de la somme soumise au partage sur le compte de dépôt du tribunal, l’huissier établit immédiatement un projet de plan de partage de la somme obtenue à la suite de l’exécution forcée, et le dépose au tribunal. Le tribunal modifie ou complète ce plan, si nécessaire, ou, si tel n’est pas le cas, le confirme.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

22      M. Macikowski est huissier de justice auprès du Sąd Rejonowy w Chojnicach (tribunal d’arrondissement de Chojnice).

23      Il a engagé, à la demande d’un créancier, une procédure d’exécution contre Royal sp. z o.o. (ci-après «Royal») qui était assujettie à la TVA.

24      Dans le cadre de cette procédure, M. Macikowski a procédé à la saisie d’un bien immeuble appartenant à Royal.

25      La vente aux enchères du bien immeuble en cause s’est déroulée le 16 février 2007. Par ordonnance rendue le 22 mars 2007 et devenue définitive le 22 août 2007, le Sąd Rejonowy w Chojnicach a attribué la propriété de ce bien immeuble aux époux Babinski pour un montant d’adjudication s’élevant à 1 424 201 zlotys polonais (PLN). L’intégralité de cette somme a été versée par les acquéreurs sur le compte de ce tribunal.

26      Par décision du 27 octobre 2008, M. Macikowski a établi un projet de plan de partage de ladite somme, dans lequel il a notamment indiqué qu’un montant de TVA de 256 823,13 PLN devait être versé sur le compte du bureau fiscal de Chojnice.

27      Le 26 janvier 2009, M. Macikowski a saisi le Sąd Rejonowy w Chojnicach pour obtenir le versement sur son compte de la somme de 256 823,13 PLN, afin que, en qualité de redevable, il puisse s’acquitter de la TVA due au titre du transfert de la propriété, par vente aux enchères, du bien immeuble de Royal.

28      Le Sąd Rejonowy w Chojnicach a versé ladite somme sur le compte de M. Macikowski après que le plan de partage a acquis force de chose jugée. En conséquence, celui-ci a établi une facture incluant la TVA pour la vente dudit bien immeuble le 31 août 2009 et, le 2 septembre 2009, a informé l’administration fiscale du paiement de la taxe.

29      Le directeur du bureau fiscal de Chojnice, sur le fondement notamment de l’article 18 de la loi relative à la TVA, lu en combinaison avec les articles 8 et 30, paragraphes 1, 3 et 4, du code des impôts, a retenu la responsabilité de M. Macikowski, en qualité de redevable de la TVA d’un montant de 256 823,13 PLN, cette taxe due au titre de la vente du bien immeuble de Royal ayant été perçue, mais n’ayant pas été versée dans les délais. Le bureau fiscal de Chojnice a considéré que, en assurant la mise en œuvre de la procédure d’exécution, M. Macikowski était tenu, au mois de novembre 2007, d’établir au nom du débiteur, à savoir Royal, et au titre de la vente du bien immeuble de cette société, une facture incluant la TVA pour un montant brut de 1 424 201 PLN incluant une taxe de 256 823,13 PLN ainsi que de verser cette taxe avant le 25 décembre 2007 sur le compte de l’administration fiscale compétente.

30      Par jugement du 10 octobre 2011, le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Gdańsku (tribunal administratif de voïvodie de Gdańsk) a rejeté le recours de M. Macikowski contre la décision du 23 novembre 2009 par laquelle le Dyrektor Izby Skarbowej w Gdańsku a retenu la responsabilité fiscale du redevable en raison du non-versement dans les délais de la TVA perçue au titre de la vente du bien immeuble de Royal réalisée par voie d’exécution forcée. Cette juridiction a souligné dans sa motivation que, dans cette affaire, elle était liée par l’interprétation du Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) et que ce dernier n’avait pas remis en cause le bien-fondé de ladite décision et avait estimé qu’il était juridiquement possible à M. Macikowski de se conformer aux obligations lui incombant au titre de l’article 18 de la loi relative à la TVA.

31      M. Macikowski a saisi le Naczelny Sąd Administracyjny d’un pourvoi contre ledit jugement. Il fait valoir, comme moyen de cassation, que ce même jugement a procédé à une interprétation erronée de l’article 18 de la loi relative à la TVA en ne prenant pas en compte les dispositions de droit de l’Union applicables à l’organisation de la TVA, à savoir les dispositions de la directive TVA.

32      Dans ces conditions, le Naczelny Sąd Administracyjny, considérant que l’examen dudit pourvoi nécessitait de procéder à une interprétation de dispositions du droit de l’Union, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le système de TVA résultant de la directive TVA, et en particulier de son article 9, de son article 193, lus en combinaison avec l’article 199, paragraphe 1, sous g), s’oppose-t-il à une disposition de droit national telle que l’article 18 de la loi relative à la TVA, qui prévoit des exceptions aux règles générales applicables à cette taxe pour ce qui est des opérateurs tenus de calculer et de percevoir ladite taxe, par la désignation d’un redevable, c’est-à-dire d’un opérateur tenu, à la place de l’assujetti, de calculer le montant de la taxe, de percevoir cette taxe auprès de l’assujetti, et de la verser dans les délais à l’administration fiscale?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question:

a)      Le principe de proportionnalité, principe général du droit de l’Union, s’oppose-t-il à une disposition de droit national telle que l’article 18 de la loi relative à la TVA, dont il résulte notamment que la taxe sur la livraison, réalisée par voie d’exécution forcée, de biens immeubles dont le débiteur est propriétaire ou qui sont en sa possession en violation des dispositions de droit applicables, est calculée, perçue et versée par l’huissier de justice qui assure la mise en œuvre des actes d’exécution, et qui assume, en qualité de redevable, la responsabilité de l’inexécution de cette obligation?

b)      Les articles 206, 250 et 252 de la directive TVA, ainsi que le principe de neutralité résultant de cette dernière, s’opposent-ils à une disposition de droit national, telle que l’article 18 de la loi relative à la TVA, en application de laquelle le redevable désigné par cette disposition est tenu de calculer, de percevoir et de verser le montant de la TVA due au titre de la livraison, réalisée par voie d’exécution forcée, de biens dont le débiteur est propriétaire ou qui sont en sa possession en violation des dispositions de droit applicables, et de s’acquitter de cette obligation au cours de la période imposable applicable à l’assujetti, pour une somme qui constitue le produit entre le revenu provenant de la vente du bien, duquel la TVA est retranchée, et le taux applicable à cet impôt, sans que soit déduit de cette somme le montant de la taxe payée en amont durant la période courant dès le début de la période imposable jusqu’à la date de la perception de la taxe auprès de l’assujetti?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

33      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 9, 193 et 199, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition du droit national, telle que celle en cause au principal, qui, dans le cadre d’une vente d’un bien immeuble par voie d’exécution forcée, met à la charge d’un opérateur, à savoir l’huissier de justice ayant procédé à ladite vente, les obligations de calcul, de perception et de paiement de la TVA due sur le produit de cette opération dans les délais requis.

34      Afin de répondre à cette question, il convient de constater, d’une part, que l’article 199, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA autorise les États membres à designer, en cas de livraison d’un bien immeuble vendu dans le cadre d’une procédure de vente forcée, l’acquéreur du bien immeuble comme redevable de la taxe, à condition que celui-ci ait la qualité d’assujetti, afin d’assurer l’exacte perception de la TVA et d’éviter la fraude.

35      D’autre part, il résulte de l’article 273 de la directive TVA que les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude.

36      À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de juger que, étant donné que, en dehors des limites qu’elles fixent, les dispositions des articles 90, paragraphe 1, et 273 de la directive TVA ne précisent ni les conditions ni les obligations que les États membres peuvent prévoir, ces dispositions confèrent aux États membres une marge d’appréciation (voir arrêt Kraft Foods Polska, C-588/10, EU:C:2012:40, point 23).

37      Cependant, les mesures que les États membres ont la faculté d’adopter, en vertu de l’article 273 de la directive TVA, afin d’assurer l’exacte perception de la taxe et d’éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et ne doivent pas remettre en cause la neutralité de la TVA (voir arrêts Nidera Handelscompagnie, C-385/09, EU:C:2010:627, point 49, et Klub, C-153/11, EU:C:2012:163, point 50).

38      En l’occurrence, premièrement, il ressort des observations présentées par le gouvernement polonais que le système d’intermédiaire mis en place par la réglementation nationale en cause au principal, aux termes de laquelle l’huissier est chargé du calcul, de la perception et du paiement de la TVA due sur le fruit d’une vente par exécution forcée, vise à éviter que l’assujetti, eu égard à sa situation financière, ne contrevienne à son obligation fiscale de paiement de la TVA.

39      Partant, une telle réglementation est susceptible de relever de l’article 273 de la directive TVA, dès lors que la République de Pologne juge une telle mesure nécessaire pour assurer l’exacte perception de la TVA.

40      Deuxièmement, ni l’article 193 ni l’article 199, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA ne s’oppose à une telle réglementation.

41      En effet, s’il est vrai que ces dispositions prévoient, en substance, que la taxe ne peut qu’être due par l’assujetti effectuant une livraison de biens imposable ou, dans certaines circonstances, par l’acquéreur du bien immeuble, la fonction de l’huissier de justice en tant qu’intermédiaire en charge de la perception de ladite taxe ne relève pas de ces dispositions.

42      Ainsi, l’article 18 de la loi relative à la TVA définit la fonction de l’huissier effectuant une vente par voie d’exécution forcée comme celle d’un intermédiaire se limitant à garantir la perception du montant de la taxe et son versement à l’administration fiscale au nom de l’assujetti par lequel il est dû, dans le délai fixé. Dans cette situation, l’obligation de l’huissier de justice ne présente pas le caractère d’une obligation fiscale, car celle-ci incombe toujours à l’assujetti.

43      Ce faisant, d’une part, l’huissier de justice n’empiète sur aucune compétence ni obligation de l’assujetti et se borne à veiller à ce que le montant de la TVA correspondant à une opération particulière soit versé à l’administration fiscale.

44      D’autre part, la réglementation en cause au principal ne prévoit pas que l’huissier soit solidairement tenu d’acquitter la TVA avec ledit assujetti. En outre, il n’est pas un représentant fiscal de l’assujetti au sens de l’article 204 de la directive TVA.

45      Il résulte de ces considérations que les articles 9, 193 et 199, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition du droit national, telle que celle en cause au principal, qui, dans le cadre d’une vente d’un bien immeuble par voie d’exécution forcée, met à la charge d’un opérateur, à savoir l’huissier de justice ayant procédé à ladite vente, les obligations de calcul, de perception et de paiement de la TVA due sur le produit de cette opération dans les délais requis.

 Sur la seconde question, sous a)

46      Par sa seconde question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de proportionnalité doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition du droit national, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un huissier de justice doit répondre sur l’ensemble de ses biens du montant de la TVA due sur le produit de la vente d’un bien immeuble réalisée par voie d’exécution forcée dans le cas où il ne s’acquitte pas de son obligation de perception et de versement de cette taxe.

47      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les directives de l’Union, les États membres doivent respecter les principes généraux du droit qui font partie de l’ordre juridique de l’Union, dont notamment les principes de sécurité juridique et de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêts Schloßstrasse, C-396/98, EU:C:2000:303, point 44, et «Goed Wonen», C-376/02, EU:C:2005:251, point 32).

48      En ce qui concerne plus particulièrement le principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler que, s’il est légitime que les mesures adoptées par les États membres, sur le fondement des dispositions de la directive TVA, tendent à préserver le plus efficacement possible les droits du Trésor public, elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin (voir, en ce sens, arrêts Molenheide e.a., C-286/94, C-340/95, C-401/95 et C-47/96, EU:C:1997:623, point 47, ainsi que Federation of Technological Industries e.a., C-384/04, EU:C:2006:309, point 30).

49      En particulier, ne saurait être considérée comme étant proportionnelle une réglementation qui tiendrait un huissier de justice pour responsable d’un comportement qui ne lui est pas personnellement imputable.

50      À cet égard, ledit huissier devrait disposer des moyens juridiques pour l’accomplissement de sa tâche, sans que la mise en jeu de sa responsabilité dépende d’éléments sur lesquels il n’aurait aucune influence, y inclus les actions ou les omissions imputables à des tiers.

51      Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre du système de coopération judiciaire établi à l’article 267 TFUE, de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales ni de juger ou de vérifier si l’interprétation qu’en donne la juridiction de renvoi est correcte. En effet, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre cette dernière et les juridictions nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (arrêts Fundación Gala-Salvador Dalí et VEGAP, C-518/08, EU:C:2010:191, point 21 et jurisprudence citée, ainsi que Logstor ROR Polska, C-212/10, EU:C:2011:404, point 30).

52      Ainsi, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que les huissiers de justice disposent de tout moyen juridique pour s’acquitter dans les délais de l’obligation de percevoir et de payer la TVA due au titre de la vente d’un bien réalisée par voie d’exécution forcée, pour autant qu’ils remplissent leurs obligations de manière correcte et conforme au droit.

53      Par conséquent, il convient de répondre à la seconde question, sous a), que le principe de proportionnalité doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition du droit national, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un huissier de justice doit répondre sur l’ensemble de ses biens du montant de la TVA due sur le produit de la vente d’un bien immeuble réalisée par voie d’exécution forcée dans le cas où il ne s’acquitte pas de son obligation de perception et de versement de cette taxe, à condition que l’huissier de justice concerné dispose en réalité de tout moyen juridique pour s’acquitter de cette obligation, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur la seconde question, sous b)

54      Par sa seconde question, sous b), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 206, 250 et 252 de la directive TVA ainsi que le principe de neutralité fiscale doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition du droit national, telle que celle en cause au principal, en application de laquelle le payeur désigné par cette disposition est tenu de calculer, de percevoir et de verser le montant de la TVA dû au titre de la vente de biens réalisée par voie d’exécution forcée sans pouvoir déduire le montant de la TVA payée en amont par le fournisseur durant la période allant du début de la période imposable jusqu’à la date de la perception de la taxe auprès de l’assujetti.

55      Il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le droit à déduction prévu aux articles 167 et suivants de la directive TVA fait partie intégrante du système de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, notamment, arrêts Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, EU:C:2000:145, point 43; Kittel et Recolta Recycling, C-439/04 et C-440/04, EU:C:2006:446, point 47; Mahagében et Dávid, C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373, point 38, ainsi que Gran Via Moineşti, C-257/11, EU:C:2012:759, point 21).

56      En outre, il résulte des articles 206 et 250 de la directive TVA que le montant de la TVA versé au Trésor public doit être un montant net, c’est-à-dire un montant qui tient compte des déductions à opérer et que toutes les déductions doivent être effectuées par rapport à la période d’imposition au cours de laquelle elles sont nées.

57      Dans l’affaire au principal, c’est l’assujetti propriétaire des biens vendus aux enchères par l’huissier de justice, et non le payeur, qui est tenu de déposer une déclaration de TVA tenant compte de l’opération de vente de ses biens. C’est aussi l’assujetti, et non le payeur, qui dispose du droit de déduire de la TVA due en raison de cette opération la TVA payée en amont. Cette déduction concerne la période d’imposition au cours de laquelle ladite opération a eu lieu.

58      Si le payeur procède au versement de la TVA due en raison de cette même opération après le dépôt de la déclaration par l’assujetti, une telle situation peut se justifier en vertu de l’article 206, seconde phrase, de la directive TVA qui autorise les États membres à percevoir des acomptes provisionnels.

59      Dans le cas du mécanisme mis en place par l’article 18 de la loi relative à la TVA, le fournisseur ne dispose pas du montant de la TVA dû au titre d’une opération réalisée par voie d’exécution forcée. Pour cette raison, il ne peut utiliser ce montant pour déduire la TVA payée en amont, mais il conserve le droit à cette déduction. Ainsi, si la TVA payée en amont par l’assujetti, propriétaire des biens vendus aux enchères, en raison d’opérations réalisées durant la période d’imposition concernée, à la déduction de laquelle il a droit, est supérieure à la TVA due en raison de la vente de ces biens, l’assujetti peut éventuellement obtenir le remboursement d’un trop-perçu de la part de l’administration fiscale.

60      Il convient donc de constater qu’un tel mécanisme est conforme aux dispositions de la directive TVA et que, en particulier, il ne porte pas atteinte aux dispositions des articles 250 et 252 de cette directive.

61      Par conséquent, il convient de répondre à la seconde question, sous b), que les articles 206, 250 et 252 de la directive TVA ainsi que le principe de neutralité fiscale doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition du droit national, telle que celle en cause au principal, en application de laquelle le payeur désigné par cette disposition est tenu de calculer, de percevoir et de verser le montant de la TVA dû au titre de la vente de biens réalisée par voie d’exécution forcée, sans pouvoir déduire le montant de la TVA payée en amont durant la période allant du début de la période imposable jusqu’à la date de la perception de la taxe auprès de l’assujetti.

 Sur les dépens

62      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 9, 193 et 199, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition du droit national, telle que celle en cause au principal, qui, dans le cadre d’une vente d’un bien immeuble par voie d’exécution forcée, met à la charge d’un opérateur, à savoir l’huissier de justice ayant procédé à ladite vente, les obligations de calcul, de perception et de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due sur le produit de cette opération dans les délais requis.

2)      Le principe de proportionnalité doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition du droit national, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un huissier de justice doit répondre sur l’ensemble de ses biens du montant de la taxe sur la valeur ajoutée due sur le produit de la vente d’un bien immeuble réalisée par voie d’exécution forcée dans le cas où il ne s’acquitte pas de son obligation de perception et de versement de cette taxe, à condition que l’huissier de justice concerné dispose en réalité de tout moyen juridique pour s’acquitter de cette obligation, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

3)      Les articles 206, 250 et 252 de la directive 2006/112 ainsi que le principe de neutralité fiscale doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition du droit national, telle que celle en cause au principal, en application de laquelle le payeur désigné par cette disposition est tenu de calculer, de percevoir et de verser le montant de la taxe sur la valeur ajoutée dû au titre de la vente de biens réalisée par voie d’exécution forcée, sans pouvoir déduire le montant de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont durant la période allant du début de la période imposable jusqu’à la date de la perception de la taxe auprès de l’assujetti.

Signatures


* Langue de procédure: le polonais.