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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

4 juin 2015 (*)

«Manquement d’État – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 98, paragraphe 2 – Point 10 de l’annexe III – Taux réduit de TVA applicable à la livraison, à la construction, à la rénovation et à la transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale – Point 10 bis de l’annexe III – Taux réduit de TVA applicable à la rénovation et à la réparation de logements privés, à l’exclusion des matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni – Législation nationale appliquant un taux réduit de TVA aux prestations de services d’installation et aux livraisons de ‘matériaux permettant d’économiser l’énergie’»

Dans l’affaire C-161/14,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 4 avril 2014,

Commission européenne, représentée par Mmes M. Clausen et C. Soulay, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par MM. L. Christie et M. Holt, en qualité d’agents, assistés de M. P. Lasok, QC,

partie défenderesse,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J.-C. Bonichot (rapporteur), A. Arabadjiev, J. L. da Cruz Vilaça et C. Lycourgos, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 février 2015,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en appliquant un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») aux prestations de services d’installation de «matériaux permettant d’économiser l’énergie» et aux livraisons de tels matériaux par une personne qui installe lesdits matériaux dans un immeuble résidentiel:

–        dans la mesure où ces prestations et ces livraisons ne peuvent être considérées comme «la livraison, [la] construction, [la] rénovation et [la] transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale» aux fins du point 10 de l’annexe III de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2009/47/CE du Conseil, du 5 mai 2009 (JO L 116, p. 18, ci-après la «directive TVA»);

–        dans la mesure où lesdites prestations et lesdites livraisons n’entrent pas dans le cadre de «la rénovation et [de] la réparation de logements privés» aux fins du point 10 bis de l’annexe III de la directive TVA, et

–        dans la mesure où même lorsqu’elles relèvent de la rénovation et de la réparation de logements privés aux fins du point 10 bis de l’annexe III de la directive TVA, ces mêmes prestations et ces mêmes livraisons incluent des matériaux représentant une part importante de la valeur des services fournis,

le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 98 de la directive TVA, lues conjointement avec l’annexe III de cette directive.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        L’article 96 de la directive TVA dispose:

«Les États membres appliquent un taux normal de TVA fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services.»

3        L’article 98, paragraphes 1 et 2, de cette directive est libellé comme suit:

«1.      Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits.

2.      Les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III.

[...]»

4        L’article 110 de la directive TVA énonce:

«Les États membres qui, au 1er janvier 1991, accordaient des exonérations avec droit à déduction de la TVA payée au stade antérieur ou appliquaient des taux réduits inférieurs au minimum fixé à l’article 99 peuvent continuer à les appliquer.

Les exonérations et les taux réduits visés au premier alinéa doivent être en conformité avec la législation communautaire et avoir été adoptés pour des raisons d’intérêt social bien définies et en faveur de consommateurs finaux.»

5        L’annexe III de la directive TVA, intitulée «Liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits visés à l’article 98», mentionne à ses points 10 et 10 bis:

«10)      la livraison, construction, rénovation et transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale;

10 bis)      la rénovation et la réparation de logements privés, à l’exclusion des matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni».

 Le droit du Royaume-Uni

6        Selon l’article 29A de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée de 1994 (Value Added Tax Act 1994), dans sa version applicable en l’espèce (ci-après la «loi relative à la TVA»), les biens et les services visés à l’annexe 7A de cette loi sont taxés au taux réduit de TVA de 5 %.

7        Dans la partie 2 de l’annexe 7A de ladite loi, le groupe 2, intitulé «Installation de matériaux permettant d’économiser l’énergie», précise:

«1.      Les prestations de services d’installation de matériaux permettant d’économiser l’énergie dans

a)      un immeuble résidentiel, ou

b)      un bâtiment destiné à être utilisé uniquement à une fin caritative pertinente.

2.      Les livraisons de matériaux permettant d’économiser l’énergie par une personne qui installe lesdits matériaux dans

a)      un immeuble résidentiel, ou

b)      un bâtiment destiné à être utilisé uniquement à une fin caritative pertinente.

[...]»

 La procédure précontentieuse

8        Par lettre du 29 septembre 2011, la Commission a mis en demeure le Royaume-Uni de mettre fin à l’incompatibilité du système de taux réduits de TVA prévu à l’article 29A de la loi relative à la TVA, tel que précisé à la partie 2, groupe 2, de l’annexe 7A de cette loi, avec les dispositions de l’article 98 de la directive TVA, lues conjointement avec l’annexe III de ladite directive.

9        Par lettre du 29 novembre 2011, le Royaume-Uni a répondu qu’il ne partageait pas le point de vue de la Commission. Le Royaume-Uni a admis que sa législation était contraire au droit de l’Union, mais uniquement dans la mesure où elle prévoyait l’application d’un taux réduit de TVA aux livraisons de biens et aux prestations de services effectuées dans des bâtiments à vocation caritative. Dans ladite lettre, le Royaume-Uni a confirmé son intention de retirer du budget de l’année 2013 le taux réduit de TVA appliqué à l’installation de matériaux permettant d’économiser l’énergie dans les bâtiments destinés à être utilisés uniquement à une fin caritative pertinente.

10      Le 21 juin 2012, la Commission a adressé au Royaume-Uni un avis motivé réitérant sa position. Dans sa réponse du 16 août 2012, le Royaume-Uni a maintenu que sa législation respectait le droit de l’Union, dès lors que le taux réduit de TVA concernant les bâtiments à vocation caritative avait été supprimé.

11      N’étant pas satisfaite de la réponse du Royaume-Uni, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

12      Tout en retirant de l’objet de son recours le grief concernant l’application du taux réduit de TVA aux livraisons et aux prestations d’installation de matériaux permettant d’économiser l’énergie dans les bâtiments destinés à être utilisés à une fin caritative, la Commission confirme que, pour le reste, le droit national en cause ne respecte pas les conditions prévues pour l’application du taux réduit de TVA telles qu’elles ressortent des points 10 et 10 bis de l’annexe III de la directive TVA.

13      En effet, d’une part, selon la Commission, le point 10 de cette annexe, qui vise «la livraison, [la] construction, [la] rénovation et [la] transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale», ne couvre pas la livraison et l’installation de «matériaux permettant d’économiser l’énergie» telles que visées à la partie 2, groupe 2, de l’annexe 7A de la loi relative à la TVA. À cet égard, il ressortirait de la majorité des versions linguistiques de l’annexe III de la directive TVA que c’est la fourniture du logement en soi qui doit relever de la politique sociale pour que les services fournis bénéficient du taux réduit de TVA. La politique sociale poursuivie en matière de logement inclurait les interventions gouvernementales destinées à augmenter les possibilités de logement pour les personnes à faible revenu et à assurer un accès équitable au logement, notamment au moyen de la fourniture directe de logements sociaux.

14      Or, une politique promouvant l’utilisation de matériaux pour permettre d’économiser l’énergie dans le stock de logements en général ne constituerait pas une telle politique sociale. S’appliquant sans référence aux conditions sociales, le taux réduit en cause aurait été adopté par le Royaume-Uni non pas pour des raisons d’intérêt exclusivement social ou, à tout le moins, pour des raisons d’intérêt principalement social, mais pour servir, au bénéfice de l’ensemble de la société, des objectifs de politique environnementale ou énergétique sans lien avec une problématique du logement dans le cadre d’une politique sociale. En adoptant la directive 2009/47 le Conseil de l’Union européenne n’aurait précisément pas accepté une proposition de la Commission qui visait à étendre le champ d’application des taux réduits de TVA à tous les travaux de rénovation et de réparation destinés à économiser l’énergie.

15      D’autre part, la Commission maintient que les dispositions nationales en cause ne respectent pas la condition posée au point 10 bis de l’annexe III de la directive TVA selon laquelle un taux réduit de TVA ne peut s’appliquer qu’à la rénovation et à la réparation de logements privés, à l’exclusion des matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni.

16      S’agissant du champ d’application du point 10 de l’annexe III de la directive TVA, le Royaume-Uni soutient qu’il ressort des différentes versions linguistiques de cette disposition que les opérations à taux réduit de TVA doivent être justifiées par une politique sociale qui s’applique soit à ces opérations, soit aux logements en cause, soit aux deux.

17      Pour le Royaume-Uni, sa politique sociale dans le secteur du logement opère à deux niveaux, avec des initiatives qui visent d’une manière générale, compte tenu du problème du logement dans cet État membre, l’ensemble de la population et d’autres, plus spécifiques, qui visent une couche sociale donnée ou un groupe de couches sociales. L’application d’un taux réduit de TVA à des livraisons et à des prestations qui impliquent l’installation de matériaux permettant d’économiser l’énergie dans les logements réduirait le coût des améliorations apportées à ces derniers. Il serait ainsi permis aux ménages de maintenir leurs niveaux de vie en ce qui concerne le chauffage et l’électricité, ces deux éléments représentant des postes très importants dans les dépenses des ménages. Ce taux réduit répondrait donc à un besoin social évident.

18      Le Royaume-Uni admet que, pour le cas où la Cour considérerait que les dispositions nationales en cause ne relèveraient pas de la catégorie visée au point 10 de l’annexe III de la directive TVA, ce qu’il conteste à titre principal, mais relèveraient de celle visée au point 10 bis de la même annexe, ces dispositions ne respectent pas l’exclusion prévue par cette disposition, pour ce qui concerne les matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni. Il soutient cependant que «l’installation» de matériaux que visent les dispositions nationales en cause consiste en une transformation équivalant à une «rénovation» ou à une «réparation» d’une habitation existante, telles que visées audit point 10 bis. Contrairement à ce que fait valoir la Commission, le taux réduit de TVA prévu par ces dispositions nationales ne s’appliquerait donc pas à la «livraison» et à la «construction» de logements privés, pour lesquelles, en outre, s’appliquerait le taux zéro en vertu de l’annexe 8 de la loi relative à la TVA.

 Appréciation de la Cour

 Sur le grief relatif à la méconnaissance du point 10 de l’annexe III de la directive TVA

19      Il convient de relever que, comme l’observent les parties, les diverses versions linguistiques du point 10 de l’annexe III de la directive TVA utilisent des formulations différentes susceptibles d’affecter le sens de cette disposition.

20      En effet, d’une part, il ressort de la version de ce point 10, notamment en langue anglaise («provision, construction, renovation and alteration of housing, as part of a social policy»), que ce sont les services fournis qui pourraient être considérés comme devant s’inscrire dans le cadre d’une politique sociale pour pouvoir bénéficier du taux réduit de TVA, alors qu’il ressort, notamment de la version en langue française dudit point 10 («livraison, construction, rénovation et transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale») ou des versions en langues espagnole («Suministro, construcción, renovación y transformación de viviendas proporcionadas en el marco de la política social») et italienne («cessione, costruzione, restauro e trasformazione di abitazioni fornite nell’ambito della politica sociale») de celui-ci que ce sont les logements qui doivent être fournis dans le cadre d’une politique sociale pour pouvoir bénéficier de ce taux réduit. Quant à la version en langue allemande de ce même point 10 («Lieferung, Bau, Renovierung und Umbau von Wohnungen im Rahmen des sozialen Wohnungsbaus»), elle fait ressortir que ledit taux réduit est réservé aux opérations portant sur des logements sociaux.

21      Selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Une telle approche serait en effet incompatible avec l’exigence d’uniformité d’application du droit de l’Union. En cas de divergence entre les diverses versions linguistiques, la disposition en cause doit ainsi être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, notamment, arrêt Commission/Pays-Bas, C-41/09, EU:C:2011:108, point 44).

22      En ce qui concerne l’économie générale de la réglementation relative à la TVA, il importe de rappeler que l’article 96 de la directive TVA prévoit que le même taux de TVA, à savoir le taux normal, est applicable aux livraisons de biens et aux prestations de services. Par dérogation à ce principe, l’article 98, paragraphe 1, de cette directive reconnaît aux États membres la faculté d’appliquer un ou deux taux réduits de TVA. Aux termes du paragraphe 2, premier alinéa, de cet article, les taux réduits de TVA peuvent uniquement être appliqués aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III de la directive TVA (arrêts K, C-219/13, EU:C:2014:2207, points 21 et 22, ainsi que Commission/France, C-479/13, EU:C:2015:141, point 25).

23      Il convient, en outre, de relever que ladite annexe III mentionne à son point 10, quelle qu’en soit la version linguistique, dans la catégorie des prestations pouvant faire l’objet de taux réduits de TVA, non pas toute livraison, construction, rénovation et transformation de logements, mais seulement de telles opérations si elles se rapportent à des logements ou à des services fournis dans le cadre de la politique sociale ou à des logements sociaux. Il ressort ainsi des termes mêmes de cette disposition qu’elle s’oppose à des mesures nationales qui reviendraient à appliquer le taux réduit de TVA à la livraison, à la construction, à la rénovation et à la transformation de tous logements, sans tenir compte de la restriction afférente au contexte social dans lequel doivent s’inscrire de telles opérations.

24      Il doit en effet être déduit de l’ensemble des dispositions de la directive TVA relatives au régime des taux que le taux réduit de TVA ne peut être décidé par les États membres que pour les seules opérations pour lesquelles le législateur de l’Union européenne en a autorisé l’emploi et, par conséquent, dans le strict respect des conditions qu’il a posées à cet effet. En l’occurrence les dispositions en cause de la directive TVA s’opposent donc à des mesures nationales qui étendraient le régime du taux réduit de TVA à des situations étrangères au contexte social dans lequel doivent s’inscrire les opérations, seules visées par ces dispositions, de livraison, de construction, de rénovation et de transformation de logements.

25      Quant à la finalité desdites dispositions, il doit être rappelé que, en établissant l’annexe III de la directive TVA, le législateur de l’Union a souhaité que les biens essentiels ainsi que les biens et les services correspondant à des objectifs sociaux ou culturels, pour autant qu’ils ne présentent pas ou peu de risques de distorsion de la concurrence, puissent faire l’objet d’un taux réduit de TVA (voir, en ce sens, arrêt Commission/Pays-Bas, C-41/09, EU:C:2011:108, point 52).

26      Il est vrai que la directive TVA ne définit ni ce que sont les services correspondant à des objectifs sociaux ni davantage ce que sont les services fournis dans le cadre de la politique sociale. Il en résulte que la définition de tels objectifs ou de ce cadre relève en principe des choix politiques des États membres et ne peut faire l’objet d’un contrôle de l’Union que dans la mesure où, par une dénaturation de ces notions, elle aboutirait à des mesures qui se situeraient, par leurs effets et leurs objectifs véritables, en dehors desdits objectifs ou dudit cadre (voir arrêts Commission/Royaume-Uni, 416/85, EU:C:1988:321, point 14, et Commission/Irlande, C-108/11, EU:C:2013:161, point 37).

27      La Cour a déjà jugé qu’il découle du texte de l’article 110 de la directive TVA que les États membres peuvent invoquer des raisons d’intérêt social pour autant que celles-ci sont «bien définies» et que la notion d’intérêt social n’est pas dénaturée, c’est-à-dire utilisée à des fins autres que sociales (voir arrêt Commission/Irlande, C-108/11, EU:C:2013:161, point 38). Rien ne permet de considérer que la Cour doive s’écarter d’une telle appréciation s’agissant de l’application des dispositions combinées de l’article 98 de la directive TVA et du point 10 de l’annexe III de celle-ci.

28      Il est constant que les objectifs sociaux susceptibles de justifier l’adoption du taux réduit de TVA pour des opérations relatives au logement ne sont pas explicités dans la législation du Royaume-Uni. Ne peuvent donc pas être déduits de cette législation les éléments permettant de vérifier que le taux réduit en question a été adopté pour des raisons d’intérêt exclusivement social ou, du moins, pour des raisons d’intérêt principalement social (voir, en ce sens, arrêt Commission/Irlande, C-108/11, EU:C:2013:161, point 42).

29      À cet égard, le Royaume-Uni fait valoir en substance que, en adoptant le taux réduit de TVA pour les prestations de services d’installation de matériaux permettant d’économiser l’énergie et pour les livraisons de tels matériaux, il a entendu contribuer à l’amélioration du confort des logements pour les personnes qui les occupent, conformément à son droit légitime de définir une politique sociale complète en vue notamment de préserver la santé de ces personnes.

30      Toutefois, pour légitime que soit ce droit, et s’il peut être vrai qu’une telle politique d’amélioration des logements est susceptible de produire des effets sociaux, il y a lieu de constater que l’extension du champ d’application du taux réduit de TVA en cause à tous les immeubles résidentiels ne revêt pas un caractère essentiellement social, comme l’exigent pourtant les dispositions combinées de l’article 98 de la directive TVA et du point 10 de l’annexe III de celle-ci.

31      En effet, en prévoyant l’application du taux réduit de TVA à toutes les prestations de services d’installation de matériaux permettant d’économiser l’énergie et aux livraisons de tels matériaux, quels que soient les logements concernés et sans distinguer aucunement les catégories de personnes qui les occupent, sans égard notamment au niveau de leurs revenus, à leur âge ou à d’autres critères visant à favoriser celles qui ont plus de difficultés pour satisfaire les besoins énergétiques de leur logement, les dispositions nationales en cause ne peuvent pas être regardées comme adoptées pour des raisons d’intérêt exclusivement social ni même pour des raisons d’intérêt principalement social, au sens du droit de l’Union.

32      Ces dispositions nationales reviennent ainsi à appliquer le taux réduit de TVA à la livraison, à la construction, à la rénovation et à la transformation de tous logements, sans tenir compte de la restriction afférente au contexte social dans lequel doivent s’inscrire de telles opérations, conformément aux exigences de la directive TVA.

33      Il résulte de ce qui précède que le grief relatif à la méconnaissance du point 10 de l’annexe III de la directive TVA est fondé.

 Sur le grief relatif à la méconnaissance du point 10 bis de l’annexe III de la directive TVA

34      Il convient de rappeler que, selon le point 10 bis de l’annexe III de la directive TVA, peuvent bénéficier du taux réduit de TVA la rénovation et la réparation de logements privés, à l’exclusion des matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni.

35      À cet égard, il est constant, d’une part, que, comme le reconnaît d’ailleurs le Royaume-Uni, en prévoyant que les prestations de services d’installation de matériaux permettant d’économiser l’énergie dans un immeuble résidentiel et les livraisons des mêmes matériaux peuvent bénéficier du taux réduit de TVA, sans en exclure les matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni, la partie 2, groupe 2, de l’annexe 7A de la loi relative à la TVA ne respecte pas les conditions d’application de la directive TVA, lue en combinaison avec le point 10 bis de l’annexe III de celle-ci. Le premier argument invoqué par la Commission à l’appui du second grief est dès lors fondé.

36      D’autre part, pour contester le second argument de la Commission selon lequel la partie 2, groupe 2, de l’annexe 7A de la loi relative à la TVA ne se limite pas non plus à prévoir l’application du taux réduit de TVA aux seules opérations de rénovation et de réparation de logements privés telles que visées par le point 10 bis de l’annexe III de la directive TVA, et l’admet donc pour les opérations de livraison et de construction de ces logements, le Royaume-Uni fait valoir que, pour ces dernières opérations, c’est le système dit «du taux zéro» qui est applicable.

37      Toutefois, les seules pièces du dossier soumis à la Cour ne permettent pas de regarder pour établi cet argument, invoqué pour la première fois par le Royaume-Uni dans son mémoire en duplique, et de considérer que ledit système demeurerait, conformément à l’article 110 de la directive TVA, effectivement applicable à de telles opérations et viserait l’intégralité de celles-ci. Ledit argument ne suffit dès lors pas à remettre en cause le grief de la Commission selon lequel la législation nationale en cause, pour ce qui concerne l’application des taux réduits de TVA dans les conditions prévues à l’article 98 de la directive TVA, lu en combinaison avec le point 10 bis de l’annexe III de celle-ci, ne se limite pas à viser les opérations de rénovation et de réparation de logements privés.

38      Il résulte de ce qui précède que le grief relatif à la méconnaissance du point 10 bis de l’annexe III de la directive TVA est fondé.

39      Dans ces conditions, le recours introduit par la Commission doit être considéré comme fondé.

40      Par conséquent, il convient de constater que, en appliquant un taux réduit de TVA aux prestations de services d’installation de «matériaux permettant d’économiser l’énergie» et aux livraisons de tels matériaux par une personne qui installe lesdits matériaux dans un immeuble résidentiel:

–        dans la mesure où ces prestations et livraisons ne peuvent être considérées comme «la livraison, [la] construction, [la] rénovation et [la] transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale» aux fins du point 10 de l’annexe III de la directive TVA;

–        dans la mesure où lesdites prestations et livraisons n’entrent pas dans le cadre de «la rénovation et [de] la réparation de logements privés» aux fins du point 10 bis de l’annexe III de ladite directive, et

–        dans la mesure où même lorsqu’elles relèvent de la rénovation et de la réparation de logements privés aux fins du point 10 bis de l’annexe III de cette directive, ces mêmes prestations et livraisons incluent des matériaux représentant une part importante de la valeur des services fournis,

le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 98 de la directive TVA, lues conjointement avec l’annexe III de ladite directive.

 Sur les dépens

41      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume-Uni et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      En appliquant un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux prestations de services d’installation de «matériaux permettant d’économiser l’énergie» et aux livraisons de tels matériaux par une personne qui installe lesdits matériaux dans un immeuble résidentiel:

–        dans la mesure où ces prestations et livraisons ne peuvent être considérées comme «la livraison, [la] construction, [la] rénovation et [la] transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale» aux fins du point 10 de l’annexe III de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2009/47/CE du Conseil, du 5 mai 2009;

–        dans la mesure où lesdites prestations et livraisons n’entrent pas dans le cadre de «la rénovation et [de] la réparation de logements privés» aux fins du point 10 bis de l’annexe III de ladite directive, et

–        dans la mesure où même lorsqu’elles relèvent de la rénovation et de la réparation de logements privés aux fins du point 10 bis de l’annexe III de cette directive, ces mêmes prestations et livraisons incluent des matériaux représentant une part importante de la valeur des services fournis,

le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 98 de la directive 2006/112, telle que modifiée par la directive 2009/47, lues conjointement avec l’annexe III de ladite directive.

2)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord est condamné aux dépens

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.