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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

3 septembre 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Articles 24, paragraphe 1, 25, sous b), 62, paragraphe 2, 63 et 64, paragraphe 1 – Notion de ‘prestation de services’ – Contrat d’abonnement pour la fourniture de services de conseil – Fait générateur de la taxe – Nécessité de la preuve de la prestation effective des services – Exigibilité de la taxe»

Dans l’affaire C-463/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad - Varna (Bulgarie), par décision du 29 septembre 2014, parvenue à la Cour le 8 octobre 2014, dans la procédure

Asparuhovo Lake Investment Company OOD

contre

Direktor na Direktsia «Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika» Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juillet 2015,

considérant les observations présentées:

–        pour Asparuhovo Lake Investment Company OOD, par M. J. Fitsev,

–        pour le Direktor na Direktsia «Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika» Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite, par Mme A. Kirova, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement hellénique, par M. K. Georgiadis et Mme A. Magrippi, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et R. Campos Laires ainsi que par Mme A. Cunha, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. D. Roussanov et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 24, paragraphe 1, 25, sous b), 62, paragraphe 2, 63 et 64, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Asparuhovo Lake Investment Company OOD (ci-après «ALIC») au Direktor na Direktsia «Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika» Varna pri Tsentralno upravlenie na Natsionalnata agentsia za prihodite (Directeur de la direction «Recours et pratique en matière fiscale et de sécurité sociale» pour la Ville de Varna près l’administration centrale de l’Agence nationale des recettes publiques, ci-après le «Direktor») au sujet de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») ayant grevé en amont l’acquisition de services de conseil par abonnement.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 2 de la directive TVA prévoit:

«1.      Sont soumises à la TVA les opérations suivantes:

[...]

c)      les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel;

[...]»

4        L’article 9, paragraphe 1, de cette directive dispose:

«Est considéré comme ‘assujetti’ quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme ‘activité économique’ toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence.»

5        L’article 24, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit:

«Est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens.»

6        Aux termes de l’article 25 de la même directive:

«Une prestation de services peut consister, entre autres, en une des opérations suivantes:

[...]

b)      l’obligation de ne pas faire ou de tolérer un acte ou une situation;

[...]»

7        L’article 62 de la directive TVA dispose:

«Aux fins de la présente directive sont considérés comme:

1)      ‘fait générateur de la taxe’ le fait par lequel sont réalisées les conditions légales nécessaires pour l’exigibilité de la taxe;

2)      ‘exigibilité de la taxe’ le droit que le Trésor peut faire valoir aux termes de la loi, à partir d’un moment donné, auprès du redevable pour le paiement de la taxe, même si le paiement peut en être reporté.»

8        L’article 63 de cette directive prévoit:

«Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée.»

9        L’article 64, paragraphe 1, de ladite directive est rédigé comme suit:

«Lorsqu’elles donnent lieu à des décomptes ou à des paiements successifs, les livraisons de biens, autres que celles ayant pour objet la location d’un bien pendant une certaine période ou la vente à tempérament d’un bien visées à l’article 14, paragraphe 2, point b), et les prestations de services sont considérées comme effectuées au moment de l’expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou paiements se rapportent.»

10      L’article 66 de la directive TVA permet aux États membres de déroger «aux articles 63, 64 et 65 et de prévoir que la taxe devient exigible pour certaines opérations ou certaines catégories d’assujettis à un des moments suivants:

a)      au plus tard lors de l’émission de la facture;

b)      au plus tard lors de l’encaissement du prix;

c)      en cas d’absence d’émission ou d’émission tardive de la facture, dans un délai déterminé à compter de la date du fait générateur».

 Le droit bulgare

11      Conformément à l’article 2 de la loi relative à la TVA (Zakon za danâk vârhu dobavenata stoynost, DV n° 63, du 4 août 2006), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal (ci-après le «ZDDS»):

«Sont soumises à la [TVA]:

1.      toute livraison de biens et toute prestation de services effectuées à titre onéreux;

[...]»

12      L’article 8 du ZDDS prévoit:

«[U]n ‘service’ au sens de cette loi est tout ce qui a de la valeur, mais n’est ni une marchandise, ni de l’argent en circulation, ni une devise étrangère, utilisés en tant que moyen de paiement.»

13      Selon l’article 9 du ZDDS:

«1)      Est une ‘prestation de services’, le fait de fournir un service.

2)      Est également considéré comme une prestation de services:

[...]

2.      le respect d’un engagement de ne pas agir ou de ne pas exercer des droits;

[...]»

14      L’article 25 du ZDDS dispose:

«1)      Dans le cadre de la présente loi, on désigne par ‘fait générateur’ de la TVA la livraison de biens ou la prestation de services réalisée par un assujetti au sens de la présente loi, l’acquisition intracommunautaire de biens et l’importation de biens conformément à l’article 16.

2)      Le fait générateur intervient à la date à laquelle la propriété du bien est transférée ou à celle à laquelle le service est fourni.

[...]

4)      S’agissant d’une livraison intervenant de manière périodique, par étapes ou de manière continue, à l’exclusion des livraisons visées à l’article 6, paragraphe 2, chaque période ou étape pour laquelle un paiement est convenu est, prise individuellement, considérée comme une livraison et le fait générateur de la taxe la concernant intervient à la date à laquelle le paiement devient exigible.

[...]

6)      C’est à la date de l’intervention du fait générateur de la taxe conformément aux paragraphes 2, 3 et 4:

1.      que la taxe au sens de la présente loi devient exigible pour une livraison taxable et que l’obligation, pour l’assujetti enregistré, de facturer la taxe intervient, [...]

[...]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      ALIC est une société bulgare dont l’activité a pour principal objet l’agriculture, l’horticulture, l’élevage et des activités auxiliaires.

16      Le 1er août 2011, cette société a conclu des contrats d’abonnement portant sur des services de conseil avec quatre autres sociétés, à savoir «Krestan Bulmar - Korporativni finansi» EOOD, «Krestan Bulmar - Biznes razvitie» EOOD, «Krestan Bulmar - Legakonsult» EOOD et «Biznes Ekspres» EOOD (ci-après, ensemble, les «prestataires»), respectivement dans les domaines du financement d’entreprises, du développement commercial, des conseils juridiques et de la sécurité de l’information. Ces sociétés de conseil étaient toutes représentées par une même personne. Les parties ont mis fin à ces contrats à compter du 5 mars 2012.

17      Dans le cadre desdits contrats, les prestataires se sont engagés:

–        à se tenir à la disposition d’ALIC pour des conseils, des réunions et des engagements chaque jour ouvrable de 9 à 18 heures et, en cas de besoin, en dehors des heures de bureau, y compris le dimanche et les jours fériés;

–        le cas échéant, à assurer, le temps nécessaire, la présence physique d’une personne compétente auprès d’ALIC et/ou d’un tiers ayant des relations avec cette dernière, y compris en dehors des heures de bureau, le dimanche et les jours fériés;

–        à obtenir et à échanger la documentation ainsi que les informations nécessaires entre les parties en vue d’assurer la protection la plus complète et efficace possible des intérêts d’ALIC, et

–        à transmettre, en temps utile, au preneur, pour consultation, concertation et signature, tous les documents nécessaires relatifs à la protection de ses intérêts.

18      Les prestataires ont déclaré ne pas avoir conclu de contrat similaire avec des tiers ayant des intérêts opposés à ceux d’ALIC et/ou étant en concurrence directe avec cette dernière. Ils se sont également engagés à s’abstenir de conclure de tels contrats.

19      En contrepartie, ALIC s’est engagée à leur verser une rémunération hebdomadaire, payée tous les lundis de la semaine qui suit celle pour laquelle elle est due. ALIC a déduit la TVA indiquée sur les factures émises par les prestataires.

20      ALIC a fait l’objet d’un contrôle fiscal pour la période s’étendant du mois d’août au mois d’octobre 2011. Lors de ce contrôle, l’administration fiscale a constaté que les factures avaient été émises dans le délai indiqué dans les contrats, dûment comptabilisées dans les livres des prestataires ainsi que dans ceux d’ALIC et avaient fait l’objet d’une déclaration de TVA. L’administration fiscale a également relevé que les factures établies par les prestataires avaient été honorées par des paiements effectués par voie bancaire. Il a, en outre, été établi que les prestataires disposaient d’un personnel suffisamment qualifié pour l’exécution des services convenus.

21      En ce qui concerne les modalités d’exécution de ces services, les prestataires ont déclaré que les parties n’avaient pas prévu de constater formellement, au moyen de documents, la commande et la fourniture desdits services. Les tâches et les problèmes courants étaient examinés lors de réunions, par téléphone ou par courrier électronique. Les personnes concrètement chargées de l’exécution desdits services ont précisé que le responsable de la communication avec le client leur attribuait, par voie de communications électroniques, les différentes tâches à effectuer pour ALIC.

22      L’administration fiscale a estimé qu’aucune preuve n’avait été apportée quant au type, à la quantité et à la nature des services réellement fournis, notamment aucun document de première main relatif au nombre d’heures exécutées, et qu’aucune information n’avait été donnée sur la façon dont les prix des services avaient été fixés. Le 1er août 2013, l’administration fiscale a émis un avis d’imposition rectificatif refusant à ALIC le droit de déduire la TVA facturée par les prestataires et portant sur un montant de 33 349 leva bulgares (BGN), soit environ 17 000 euros.

23      ALIC a contesté l’avis rectificatif devant le Direktor. Ce dernier ayant confirmé ledit avis par décision du 4 novembre 2013, ALIC a introduit un recours devant la juridiction de renvoi.

24      Cette juridiction fait observer que les contrats conclus par ALIC déterminaient uniquement le domaine des services de conseil et n’indiquaient aucun résultat concret à atteindre concernant l’objet, le délai d’exécution, le mode de réception et le prix unitaire de ces services. Ladite juridiction ajoute que la décision des parties de rémunérer les services fournis par les prestataires au moyen de sommes forfaitaires payées à des échéances régulières démontre que ces parties n’avaient pas lié l’exigibilité de la rémunération à un résultat concret, de telle sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner si de tels résultats ont effectivement été atteints.

25      La juridiction de renvoi précise que l’administration fiscale n’a jamais soutenu que les prestations de services, sur la base desquelles ALIC réclame un droit à déduction de la TVA en amont, étaient entachées de fraude et que cette administration n’a pas davantage apporté d’éléments de preuve en ce sens.

26      Cette juridiction indique qu’elle nourrit néanmoins des doutes sur le point de savoir si un contrat d’abonnement, tel que celui en cause au principal, peut constituer une «prestation de services», au sens des articles 24, paragraphe 1, et 25, sous b), de la directive TVA, ou si seule la prestation de services concrets de conseil est susceptible de constituer une telle prestation et de donner naissance au droit à déduction de la TVA. Dans le premier cas, elle se demande également si le fait générateur de la taxe et l’exigibilité de celle-ci interviennent à l’expiration de la période pour laquelle le paiement a été convenu.

27      C’est dans ces conditions que l’Administrativen sad - Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les articles 24, paragraphe 1, et 25, sous b), de la directive [TVA] doivent-ils être interprétés en ce sens que la notion de ‘prestation de services’ comprend également les contrats d’abonnement pour la fourniture de services de conseil tels que ceux en cause au principal, dans le cadre desquels le prestataire qui dispose d’un personnel qualifié pour la prestation des services s’est mis à la disposition du preneur pour la durée du contrat et s’est engagé à s’abstenir de conclure des contrats ayant un objet similaire avec des concurrents du preneur?

2)      Les articles 63 et 64, paragraphe 1, de la directive [TVA] doivent-ils être interprétés en ce sens que le fait générateur de la taxe pour la prestation de services de conseil par abonnement intervient à l’expiration de la période pour laquelle le paiement a été convenu, indépendamment du fait de savoir si le preneur a fait appel aux services que le conseiller lui a proposés et du nombre de fois qu’il l’a fait?

3)      L’article 62, paragraphe 2, de la directive [TVA] doit-il être interprété en ce sens qu’un prestataire désigné dans un contrat de prestation de services par abonnement est tenu d’acquitter la TVA afférente à ladite prestation à l’expiration de la période pour laquelle il a été stipulé une rémunération dans le contrat d’abonnement, ou bien cette obligation ne prend-elle naissance que si le preneur a fait appel aux services du conseiller au cours de la période d’imposition correspondante?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité

28      Lors de l’audience devant la Cour, le Direktor a soutenu que les questions posées à la Cour étaient irrecevables au motif que l’affaire au principal ne soulevait aucune question de droit, toutes les parties concernées étant d’accord sur l’interprétation des dispositions de la directive TVA en cause au principal, mais uniquement des questions de faits relatifs à l’existence de preuves tendant à établir la réalité des services de conseil fournis par les prestataires.

29      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Il incombe en outre aux juridictions nationales de fournir à la Cour les éléments de fait nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt Rosado Santana, C-177/10, EU:C:2011:557, points 32 et 33).

30      Or, selon la juridiction de renvoi, l’absence de réalité des services de conseil en cause au principal de même que l’existence d’une fraude qui en découlerait n’ont pas été démontrées. De plus, cette juridiction éprouve un doute sur l’application de la TVA à des contrats d’abonnement portant sur des services de conseil.

31      Par conséquent, il convient de considérer que les questions posées sont recevables.

 Sur la première question

32      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 24, paragraphe 1, et 25, sous b), de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que la notion de «prestation de services» comprend les contrats d’abonnement pour la fourniture de services de conseil, notamment d’ordre juridique, commercial et financier, dans le cadre desquels le prestataire s’est mis à la disposition du preneur pendant la durée du contrat et s’est engagé à s’abstenir de conclure des contrats ayant un objet similaire avec des concurrents du preneur.

33      À titre liminaire, il convient de rappeler que, tout comme la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), la directive TVA assigne un champ d’application très large à la TVA en visant, à son article 2 relatif aux opérations imposables, outre les importations de biens, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel (arrêt Future Health Technologies, C-86/09, EU:C:2010:334, point 25).

34      Les dispositions figurant sous le titre IX de la directive TVA exonèrent certaines activités de la TVA. La fourniture de services de conseil, notamment les conseils juridiques, commerciaux et financiers, ne font pas partie de ces exonérations. Par conséquent, des services de conseil, tels que ceux en cause au principal, sont inclus dans le champ d’application de la directive TVA.

35      Il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la base d’imposition d’une prestation de services est constituée par tout ce qui est reçu en contrepartie du service fourni et qu’une prestation de services n’est dès lors taxable que s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contrepartie reçue. Par conséquent, une prestation n’est taxable que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêts Tolsma, C-16/93, EU:C:1994:80, points 13 et 14, ainsi que Kennemer Golf, C-174/00, EU:C:2002:200, point 39).

36      Il convient, dès lors, de déterminer si le versement forfaitaire effectué dans le cadre d’un contrat d’abonnement pour la fourniture de services de conseil, tel que celui au principal, constitue la contrepartie des prestations de services convenues comprenant l’engagement d’être en permanence à la disposition du preneur ainsi que de s’abstenir de conclure des contrats avec ses concurrents et s’il existe un lien direct entre les services rendus et la contrepartie reçue.

37      À cet égard, dans le cadre, respectivement, de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kennemer Golf (C-174/00, EU:C:2002:200) et de celle ayant donné lieu à l’arrêt Le Rayon d’Or (C-151/13, EU:C:2014:185), la Cour a déjà examiné l’application de la TVA, d’une part, à une cotisation annuelle de nature forfaitaire versée à une association sportive en vue de l’utilisation d’installations sportives comprenant un parcours de golf et, d’autre part, à un versement forfaitaire pour des services de soins à des personnes dépendantes.

38      Au point 40 de l’arrêt Kennemer Golf (C-174/00, EU:C:2002:200) et au point 36 de l’arrêt Le Rayon d’Or (C-151/13, EU:C:2014:185), la Cour a jugé, en substance, que, lorsque la prestation de services en cause se caractérise, notamment, par la disponibilité permanente du prestataire de services en vue de fournir, le moment venu, les prestations requises par le preneur, il n’est pas nécessaire, pour constater l’existence d’un lien direct entre ladite prestation et la contrepartie obtenue, d’établir qu’un paiement se rapporte à une prestation individualisée et ponctuelle effectuée à la demande d’un preneur. Dans chacune des affaires ayant donné lieu à ces arrêts, il existait une prestation de services taxables, à laquelle se rapportait le forfait, indépendamment du nombre de prestations fournies et reçues, en l’occurrence, respectivement, du nombre de parcours de golf effectués ou de la quantité de soins fournis.

39      La circonstance que les prestations ne soient ni définies à l’avance ni individualisées et que la rémunération soit versée sous la forme d’un forfait n’est pas de nature à affecter le lien direct existant entre la prestation de services effectuée et la contrepartie reçue, dont le montant est déterminé à l’avance et selon des critères bien établis (arrêt Le Rayon d’Or, C-151/13, EU:C:2014:185, point 37).

40      Ces considérations sont applicables à un contrat d’abonnement portant sur des services de conseil, tel que celui en cause au principal, dont il appartient néanmoins à la juridiction nationale de vérifier la réalité, dans le cadre duquel le client s’est engagé à payer des sommes forfaitaires au titre de la rémunération convenue entre les parties, indépendamment de la quantité et de la nature des services de conseil effectivement fournis pendant la période sur laquelle porte cette rémunération.

41      La circonstance que le client verse non pas un seul montant forfaitaire mais effectue plusieurs versements périodiques ne saurait affecter cette constatation, dès lors que la différence relative à ces versements concerne non pas la nature taxable de l’activité mais uniquement les modalités de paiement du forfait.

42      S’agissant de l’engagement du prestataire de s’abstenir d’offrir des services à un concurrent du preneur, celui-ci s’apparente à une clause d’exclusivité, laquelle s’insère dans le contrat d’abonnement portant sur des services de conseil et ne saurait être de nature à modifier le caractère taxable dudit contrat. Par conséquent, il n’y a pas lieu de répondre à la première question en tenant compte de l’article 25, sous b), de la directive TVA relatif à une «obligation de ne pas faire».

43      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question posée que l’article 24, paragraphe 1, de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la notion de «prestation de services» comprend les contrats d’abonnement pour la fourniture de services de conseil à une entreprise, notamment d’ordre juridique, commercial et financier, dans le cadre desquels le prestataire s’est mis à la disposition du preneur pendant la durée du contrat.

 Sur les deuxième et troisième questions

44      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, s’agissant de contrats d’abonnement portant sur des services de conseil, tels que ceux en cause au principal, les articles 62, paragraphe 2, 63 et 64, paragraphe 1, de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que le fait générateur de la taxe et l’exigibilité de celle-ci interviennent à l’expiration de la période pour laquelle le paiement a été convenu, indépendamment du fait de savoir si le preneur a fait appel aux services du prestataire et du nombre de fois qu’il l’a fait.

45      La réponse à cette question découle pour partie de la réponse à la première question.

46      S’agissant du fait générateur de la taxe, celui-ci est défini à l’article 62, paragraphe 1, de la directive TVA comme étant le fait par lequel sont réalisées les conditions légales nécessaires pour l’exigibilité de la taxe. Aux termes de l’article 63 de la directive TVA, ce fait générateur intervient et la taxe devient, partant, exigible au moment où la prestation de services est effectuée.

47      Or, ainsi qu’il a été exposé aux points 40 et 41 du présent arrêt, dans le cadre de l’affaire au principal, l’objet de la prestation de services n’étant pas de fournir des conseils bien définis, mais d’être à la disposition de son client pour lui fournir des conseils, la prestation de services est effectuée par le prestataire du fait même de cette mise à disposition au cours de la période déterminée dans le contrat d’abonnement, indépendamment de la quantité et de la nature des services de conseil effectivement fournis pendant la période sur laquelle porte cette rémunération.

48      Selon l’article 64, paragraphe 1, de la directive TVA, lorsqu’elles donnent lieu à des paiements successifs, les prestations de services sont considérées comme effectuées au moment de l’expiration des périodes auxquelles ces paiements se rapportent.

49      Ainsi, une prestation telle que celle en cause au principal, consistant essentiellement à être en permanence à la disposition de son client pour lui fournir des services de conseil et rémunérée au moyen de sommes forfaitaires versées périodiquement, doit être considérée comme effectuée au cours de la période à laquelle se rapporte le paiement, que le prestataire ait ou non effectivement fourni des conseils à son client pendant cette période.

50      C’est à la fin de chaque période à laquelle se rapportent les paiements que la prestation doit être considérée comme ayant été effectuée, au sens de l’article 64, paragraphe 1, de la directive TVA. Le fait générateur et l’exigibilité de la taxe dépendant du moment où la prestation de services est fournie, conformément à l’article 63 de cette directive, il s’ensuit que c’est également à la fin de chacune de ces périodes qu’interviennent ces deux évènements.

51      Il y a lieu, par conséquent, de répondre aux deuxième et troisième questions posées que, s’agissant de contrats d’abonnement portant sur des services de conseil, tels que ceux en cause au principal, les articles 62, paragraphe 2, 63 et 64, paragraphe 1, de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que le fait générateur de la taxe et l’exigibilité de celle-ci interviennent à l’expiration de la période pour laquelle le paiement a été convenu, indépendamment du fait de savoir si le preneur a effectivement fait appel aux services du prestataire et du nombre de fois qu’il l’a fait.

 Sur les dépens

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que la notion de «prestation de services» comprend les contrats d’abonnement pour la fourniture de services de conseil à une entreprise, notamment d’ordre juridique, commercial et financier, dans le cadre desquels le prestataire s’est mis à la disposition du preneur pendant la durée du contrat.

2)      S’agissant de contrats d’abonnement portant sur des services de conseil, tels que ceux en cause au principal, les articles 62, paragraphe 2, 63 et 64, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que le fait générateur de la taxe et l’exigibilité de celle-ci interviennent à l’expiration de la période pour laquelle le paiement a été convenu, indépendamment du fait de savoir si le preneur a effectivement fait appel aux services du prestataire et du nombre de fois qu’il l’a fait.

Signatures


* Langue de procédure: le bulgare.