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ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

16 juin 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Déduction de la taxe payée en amont – Article 173, paragraphe 1 – Biens et services utilisés à la fois pour les opérations imposables et pour les opérations exonérées (biens et services à usage mixte) – Détermination du montant de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée – Prorata de déduction – Article 174 – Prorata de déduction calculé en appliquant une clé de répartition selon le chiffre d’affaires – Article 173, paragraphe 2 – Régime dérogatoire – Article 175 – Règle d’arrondissement du prorata de déduction – Articles 184 et 185 – Régularisation des déductions »

Dans l’affaire C-186/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzgericht Münster (tribunal des finances de Münster, Allemagne), par décision du 17 mars 2015, parvenue à la Cour le 24 avril 2015, dans la procédure

Kreissparkasse Wiedenbrück

contre

Finanzamt Wiedenbrück,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. D. Šváby, président de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur) et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour la Kreissparkasse Wiedenbrück, par M. O. Peters, Steuerberater,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. M. Wasmeier et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 173, paragraphe 2, de l’article 175, paragraphe 1, et de l’article 184 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Kreissparkasse Wiedenbrück (ci-après la « Kreissparkasse ») au Finanzamt Wiedenbrück (service des impôts de Wiedenbrück, Allemagne) au sujet du calcul du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) due ou acquittée lors de l’acquisition de biens et de services utilisés pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction (ci-après les « biens et services à usage mixte »).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La sixième directive

3        Sous l’intitulé « Naissance et étendue du droit à déduction », l’article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive »), prévoyait, à son paragraphe 5 :

« En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

Ce prorata est déterminé pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti conformément à l’article 19.

Toutefois, les États membres peuvent :

a)      autoriser l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité, si des comptabilités distinctes sont tenues pour chacun de ces secteurs ;

b)      obliger l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité et à tenir des comptabilités distinctes pour chacun de ces secteurs ;

c)      autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services ;

d)      autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction, conformément à la règle prévue au premier alinéa, pour tous les biens et services utilisés pour toutes les opérations y visées ;

[...] »

4        L’article 19 de la sixième directive, intitulé « Calcul du prorata de déduction », disposait, à son paragraphe 1 :

« Le prorata de déduction, prévu par l’article 17 paragraphe 5 premier alinéa, résulte d’une fraction comportant :

–        au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, conformément à l’article 17 paragraphes 2 et 3,

–        au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit à déduction. Les États membres ont la faculté d’inclure également dans le dénominateur le montant des subventions autres que celles visées à l’article 11, sous A, paragraphe 1 sous a).

Le prorata est déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l’unité supérieure. »

5        Ladite directive a été abrogée par la directive 2006/112, entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

 La directive 2006/112

6        Le considérant 3 de la directive 2006/112 énonce :

« Pour assurer que les dispositions sont présentées d’une façon claire et rationnelle, compatible avec le principe de mieux légiférer, il est opportun de procéder à la refonte de la structure et du libellé de la directive bien que cela ne doive, en principe, pas provoquer des changements de fond dans la législation existante. Un petit nombre d’amendements substantiels est néanmoins inhérent à l’exercice de refonte et devrait, en tout état de cause, être apporté. Les cas où ces amendements sont effectués sont repris de manière exhaustive dans les dispositions sur la transposition et l’entrée en vigueur de la directive. »

7        L’article 173 de ladite directive est libellé comme suit :

« 1.      En ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction [...] et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

Le prorata de déduction est déterminé, conformément aux articles 174 et 175, pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti.

2.      Les États membres peuvent prendre les mesures suivantes :

a)      autoriser l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité, si des comptabilités distinctes sont tenues pour chacun de ces secteurs ;

b)      obliger l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité et à tenir des comptabilités distinctes pour chacun de ces secteurs ;

c)      autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services ;

d)      autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction, conformément à la règle prévue au paragraphe 1, premier alinéa, pour tous les biens et services utilisés pour toutes les opérations y visées ;

[...] »

8        L’article 174, paragraphe 1, de la même directive prévoit :

« Le prorata de déduction résulte d’une fraction comportant les montants suivants :

a)      au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, hors TVA, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction [...]

b)      au dénominateur, le montant total déterminé par année, du chiffre d’affaires, hors TVA, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit à déduction.

Les États membres peuvent inclure dans le dénominateur le montant des subventions autres que celles directement liées au prix des livraisons de biens ou de prestations de services visées à l’article 73. »

9        L’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 dispose :

« Le prorata de déduction est déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l’unité supérieure. »

10      L’article 184 de ladite directive est ainsi libellé :

« La déduction initialement opérée est régularisée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer. »

11      L’article 185, paragraphe 1, de la même directive énonce :

« La régularisation a lieu notamment lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de TVA, entre autres en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus. »

12      L’article 186 de la directive 2006/112 dispose :

« Les États membres déterminent les modalités d’application des articles 184 et 185. »

13      Les articles 411 à 414 de ladite directive figurent dans le chapitre 3, intitulé « Transposition et entrée en vigueur », du titre XV de celle-ci.

14      L’article 411 de cette directive est ainsi libellé :

« 1.      La directive 67/227/CEE et la [sixième directive] sont abrogées, sans préjudice des obligations des États membres concernant les délais de transposition et d’application desdites directives figurant à l’annexe XI, partie B.

2.      Les références faites aux directives abrogées s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe XII. »

15      L’article 412 de la directive 2006/112 prévoit :

« 1.      Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l’article 2, paragraphe 3, à l’article 44, à l’article 59, paragraphe 1, à l’article 399 et à l’annexe III, point 18), avec effet au 1er janvier 2008. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions, ainsi qu’un tableau de correspondance entre ces dispositions et la présente directive.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

2.      Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive. »

16      L’article 413 de ladite directive dispose :

« La présente directive entre en vigueur le 1er janvier 2007. »

17      L’article 414 de la même directive est ainsi rédigé :

« Les États membres sont destinataires de la présente directive. »

 Le droit allemand

18      L’article 15, paragraphe 4, de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, ci-après l’« UStG »), intitulé « droit à déduction », prévoit :

« Si l’entrepreneur n’utilise un produit ou une autre prestation livrés, importés ou acquis dans la Communauté qu’en partie pour réaliser des opérations ne donnant pas droit à déduction, la partie des montants de la taxe en amont économiquement liée à ces opérations n’ouvre pas droit à déduction. L’entrepreneur peut procéder à une estimation raisonnable des montants n’ouvrant pas droit à déduction. Une détermination de la partie non déductible de l’impôt en fonction du pourcentage du chiffre d’affaires n’ouvrant pas droit à la déduction par rapport au chiffre d’affaires ouvrant droit à déduction n’est autorisée que lorsqu’aucune autre affectation économique n’est possible. »

19      L’article 15a, paragraphe 1, de l’UStG est libellé ainsi :

« Lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions initialement opérées interviennent dans les cinq ans de la première utilisation d’un bien d’investissement qui n’est pas utilisé qu’une seule fois pour réaliser des opérations, une compensation doit être opérée, au titre de chaque année civile correspondant à ces modifications, par la voie d’une régularisation de la déduction des taxes qui ont grevé les coûts d’acquisition et de production. [...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      La Kreissparkasse est un établissement de crédit.

21      La Kreissparkasse a établi que le prorata de déduction applicable à la TVA ayant grevé l’acquisition par elle de biens et services à usage mixte était de 13,55 % au titre de l’exercice 2009 et de 13,18 % au titre de l’exercice 2010, pourcentages qu’elle a arrondis à 14 %. Lors du calcul, pour ces exercices, du montant des régularisations qu’elle devait effectuer conformément à l’article 15a de l’UStG en raison de sa renonciation à un régime d’exonération fiscale des opérations menées auprès de sa clientèle professionnelle, la Kreissparkasse a également appliqué des proratas de déduction qu’elle a arrondis à 14 %.

22      À la suite d’un contrôle fiscal réalisé au cours de l’année 2011 et portant sur lesdits exercices, la Kreissparkasse a fait l’objet, en vertu de deux décisions du service des impôts de Wiedenbrück en date du 3 janvier 2012, d’un redressement fiscal au motif qu’elle avait indûment arrondi à l’unité supérieure les proratas de déductions de la TVA.

23      La Kreissparkasse a introduit une réclamation contre ces décisions, en invoquant les dispositions de l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 dont il résulte, selon elle, que le prorata de déduction doit être arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l’unité supérieure.

24      Par décision du 13 juin 2012, le service des impôts de Wiedenbrück a rejeté cette réclamation au motif, en substance, que l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 n’est applicable que lorsque l’État membre concerné n’a pas fait usage de la faculté offerte par l’article 173, paragraphe 2, de cette directive de déroger à la méthode de calcul prévue à l’article 173, paragraphe 1, second alinéa, de ladite directive. Or, selon ce service, la République fédérale d’Allemagne a fait usage de cette faculté, puisque, conformément à l’article 15, paragraphe 4, troisième phrase, de l’UStG, le prorata de déduction doit être établi, dans la mesure du possible, selon la méthode dite « de l’affectation économique ».

25      Par un recours introduit le 16 juillet 2012 devant le Finanzgericht Münster (tribunal des finances de Münster, Allemagne), la Kreissparkasse a contesté la décision du service des impôts de Wiedenbrück du 13 juin 2012. La juridiction de renvoi relève que, au point 21 de l’arrêt du 18 décembre 2008, Royal Bank of Scotland (C-488/07, EU:C:2008:750), la Cour a jugé que la règle d’arrondissement prévue à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, de la sixième directive ne trouve pas à s’appliquer lorsque les biens et services en cause sont soumis à l’un des régimes spéciaux prévus à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, de cette dernière directive. Elle éprouve cependant des doutes quant à la question de savoir si cette solution vaut également pour l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112.

26      Dans ces conditions, le Finanzgericht Münster (tribunal des finances de Münster) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les États membres sont-ils tenus d’appliquer la règle d’arrondissement de l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112, lorsque le prorata est calculé selon l’une des méthodes spéciales visées à l’article 173, paragraphe 2, sous a), b), c) ou d), de cette même directive ?

2)      Les États membres sont-ils tenus d’appliquer la règle d’arrondissement prévue à l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 en cas de régularisation des déductions en vertu des articles 184 et suivants de cette directive, lorsque le prorata, au sens de l’article 175, paragraphe 1, de cette même directive, est calculé selon l’une des méthodes spéciales visées à l’article 173, paragraphe 2, sous a), b), c), ou d), de [ladite] directive, ou selon l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, sous a), b), c), ou d), de la sixième directive ?

3)      Les États membres sont-ils tenus de régulariser les déductions en vertu des articles 184 et suivants de la directive 2006/112 en appliquant la règle de l’arrondissement (deuxième question) de telle manière que le montant de la déduction à régulariser soit arrondi au pourcentage supérieur ou inférieur en faveur de l’assujetti ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

27      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que les États membres ne sont pas tenus d’appliquer la règle d’arrondissement prévue par cette disposition lorsque le prorata de déduction est calculé selon l’une des méthodes dérogatoires visées à l’article 173, paragraphe 2, de cette directive.

28      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 175, paragraphe 1, de ladite directive se limite à énoncer que « le prorata de déduction est déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l’unité supérieure ».

29      Par conséquent, il doit être constaté que ce libellé ne permet pas de répondre à la première question dans la mesure où il ne contient aucune indication quant à une éventuelle application de la règle d’arrondissement prévue par cette disposition lors de la mise en œuvre de l’une des méthodes dérogatoires prévues à l’article 173, paragraphe 2, de la même directive.

30      Dans ces conditions, il y a lieu d’interpréter l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 en tenant compte du contexte dans lequel cette disposition s’insère et des objectifs poursuivis par ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Marchon Germany, C-315/14, EU:C:2016:211, point 29).

31      S’agissant du contexte dans lequel s’insère cette disposition, il convient de relever que l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 fait partie d’un sous-ensemble de dispositions qui figurent dans le chapitre 2, intitulé « Prorata de déduction », du titre X de cette directive. Les dispositions de ce chapitre ont pour objet de définir le régime du droit à déduction de la TVA ayant grevé l’acquisition de biens ou services à usage mixte.

32      Ce sous-ensemble est construit autour de l’article 173, paragraphe 1, de ladite directive, dont le premier alinéa pose le principe de la déduction partielle de la TVA ayant grevé ce type de biens ou services. Le second alinéa de cette disposition précise que le prorata de déduction à employer est déterminé, pour l’ensemble des opérations réalisées par un assujetti, conformément aux articles 174 et 175 de la même directive.

33      Ainsi structuré, ledit sous-ensemble de dispositions peut être lu en ce sens que la règle d’arrondissement énoncée à l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 est susceptible de s’appliquer à toute situation où est en cause un bien ou un service à usage mixte.

34      Toutefois, l’article 173, paragraphe 2, de ladite directive prévoit des méthodes de détermination du droit à déduction qui dérogent aux dispositions du paragraphe 1 de cet article. Dès lors, il convient d’examiner, en tenant compte de l’objectif poursuivi par cet article 173, paragraphe 2, si la constatation figurant au point précédent est susceptible d’être affectée par l’existence de ces dérogations.

35      À cet égard, il est constant que la possibilité qu’offre ainsi l’article 173, paragraphe 2, de la directive 2006/112 de déroger à la méthode de calcul du droit à déduction prévue à l’article 173, paragraphe 1, de cette directive vise à permettre aux États membres de parvenir, eu égard notamment aux caractéristiques spécifiques des activités de l’assujetti, à des résultats plus précis dans la détermination de l’étendue du droit à déduction (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Banco Mais, C-183/13, EU:C:2014:2056, point 29 et jurisprudence citée).

36      Or, l’application, pour la détermination du prorata de déduction à l’occasion de la mise en œuvre d’une des possibilités ouvertes aux États membres par l’article 173, paragraphe 2, de la directive 2006/112, d’une règle selon laquelle le pourcentage de déduction obtenu doit être arrondi au chiffre qui ne dépasse pas l’unité supérieure irait à l’encontre d’un tel objectif.

37      En effet, étant donné qu’il est permis aux États membres de prendre des mesures visant à parvenir à des résultats plus précis dans la détermination du droit à déduction, il serait incohérent que les États membres optant pour de telles mesures soient contraints de recourir à la règle d’arrondissement prévue à l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 et, par voie de conséquence, qu’ils ne puissent ni adopter et appliquer une autre règle plus précise ou plus adaptée ni exclure tout arrondissement du pourcentage de déduction obtenu.

38      Il découle des considérations qui précèdent que, si la règle d’arrondissement prévue à l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 peut être adoptée par un État membre pour tout calcul du droit à déduction de la TVA ayant grevé l’acquisition de biens ou de services à usage mixte, y compris lorsqu’il est recouru à l’une des méthodes dérogatoires prévues à l’article 173, paragraphe 2, de cette directive, les États membres sont libres de ne pas recourir à cette règle lorsque le droit à déduction est calculé selon l’une de ces méthodes dérogatoires.

39      La Cour est d’ailleurs parvenue à une conclusion semblable s’agissant de l’interprétation de l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, et de l’article 19, paragraphe 1, de la sixième directive, en considérant, au point 25 de l’arrêt du 18 décembre 2008, Royal Bank of Scotland (C-488/07, EU:C:2008:750), que les États membres ne sont pas tenus d’appliquer la règle d’arrondissement que cet article 19, paragraphe 1, énonce, lorsqu’ils ont recours aux méthodes de calcul prévues audit article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, sous a), b), c) ou d), mais peuvent adopter des règles d’arrondissement propres, dans le respect des principes qui sous-tendent le système commun de TVA.

40      Or, cette jurisprudence demeure pertinente dans la mesure où, d’une part, il ressort du considérant 3 de la directive 2006/112 que l’adoption de celle-ci n’a pas provoqué de changement de fond dans la législation relative au système commun de TVA existante, à l’exception des cas d’amendements substantiels qui sont repris de manière exhaustive dans les dispositions relatives à la transposition et à l’entrée en vigueur de cette directive, et où, d’autre part, ces dernières dispositions, qui figurent aux articles 411 à 414 de ladite directive, ne comportent aucune référence aux articles 173 à 175 de la même directive, en cause dans la présente affaire.

41      Par conséquent, il convient de donner aux articles 173 à 175 de la directive 2006/112 une interprétation semblable à celle donnée aux dispositions de la sixième directive relatives au régime de déduction de la TVA applicable aux biens et services à usage mixte qui figuraient notamment à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, et à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, de cette dernière directive.

42      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la première question que l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que les États membres ne sont pas tenus d’appliquer la règle d’arrondissement prévue par cette disposition lorsque le prorata de déduction est calculé selon l’une des méthodes dérogatoires visées à l’article 173, paragraphe 2, de cette directive.

 Sur la deuxième question

43      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 184 et suivants de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que les États membres sont tenus d’appliquer la règle d’arrondissement énoncée à l’article 175, paragraphe 1, de cette directive, en cas de régularisation, lorsque le prorata de déduction a été calculé selon l’une des méthodes prévues à l’article 173, paragraphe 2, de ladite directive ou à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive.

44      En premier lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 41 du présent arrêt, les méthodes dérogatoires prévues à l’article 173, paragraphe 2, de la directive 2006/112 sont semblables à celles prévues à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive.

45      Par conséquent, pour répondre à la deuxième question, il n’y a pas lieu de faire de distinction selon que le prorata de déduction est calculé en appliquant une des méthodes visées à l’article 173, paragraphe 2, de la directive 2006/112 ou en appliquant une des méthodes prévues à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive.

46      En second lieu, l’article 184 de la directive 2006/112 prévoit que la déduction initialement opérée doit être régularisée lorsqu’elle est inférieure ou supérieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer. Selon l’article 185, paragraphe 1, de cette directive, une régularisation a lieu notamment en cas de modification des éléments initialement pris en compte pour déterminer le montant de la déduction.

47      Il résulte de la lecture conjointe de ces deux dispositions que, d’une part, lorsque, en raison de la modification de l’un des éléments initialement pris en considération pour le calcul des déductions, une régularisation s’avère nécessaire, le calcul du montant de cette régularisation doit aboutir à ce que le montant des déductions finalement opérées corresponde à celui que l’assujetti aurait été en droit d’opérer si cette modification avait été initialement prise en compte. D’autre part, le calcul de ce montant implique de tenir compte des mêmes éléments que ceux initialement pris en considération, à l’exception de celui ayant été modifié.

48      Or, la règle d’arrondissement prévue à l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 constitue un élément ayant été pris en considération pour déterminer le montant initial de la déduction (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, Wolfgang und Wilfried Rey Grundstücksgemeinschaft, C-332/14, EU:C:2016:417, point 46).

49      Toutefois, dans l’hypothèse où le prorata de déduction est déterminé en appliquant l’une des méthodes dérogatoires prévues à l’article 173, paragraphe 2, de ladite directive, il convient de rappeler que, ainsi qu’il découle du point 38 du présent arrêt, les États membres ne sont pas tenus de recourir à cette règle d’arrondissement pour déterminer le montant initial de la déduction.

50      Par conséquent, ce n’est que dans l’hypothèse où les États membres ont appliqué ladite règle pour déterminer le montant initial de la déduction que ceux-ci sont tenus, en cas de régularisation, d’appliquer la règle d’arrondissement prévue à l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112, et ce sans préjudice de l’hypothèse où l’élément dont la modification rend nécessaire cette régularisation consiste en l’application nouvelle de la méthode de calcul prévue à l’article 173, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive ou de ladite règle d’arrondissement.

51      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que les articles 184 et suivants de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que les États membres ne sont tenus d’appliquer la règle d’arrondissement énoncée à l’article 175, paragraphe 1, de cette directive, en cas de régularisation, lorsque, en vertu de leur législation nationale, le prorata de déduction a été calculé selon l’une des méthodes prévues à l’article 173, paragraphe 2, de ladite directive ou à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive, que dans l’hypothèse où cette règle a été appliquée pour déterminer le montant initial de la déduction.

 Sur la troisième question

52      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que les États membres sont tenus de régulariser, en vertu des articles 184 à 192 de cette directive, les déductions effectuées en appliquant la règle d’arrondissement prévue à cet article 175 de telle manière que le prorata de la déduction à régulariser soit arrondi au pourcentage supérieur ou inférieur en faveur de l’assujetti.

53      Or, d’une part, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que, dans l’affaire au principal, le prorata de déduction a été calculé selon l’une des méthodes dérogatoires prévues à l’article 173, paragraphe 2, de la directive 2006/112 et que, pour ce calcul, le droit allemand ne prévoit pas qu’il doive être arrondi.

54      D’autre part, il ressort de la décision de renvoi que la modification des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions, motivant la régularisation en cause au principal, résulte de la renonciation par la Kreissparkasse au régime d’exonération fiscale de ses opérations commerciales menées auprès de sa clientèle professionnelle et non de la décision de l’État membre concerné d’appliquer, à l’avenir, la méthode de calcul prévue à l’article 173, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive ou la règle d’arrondissement énoncée à l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112.

55      Eu égard aux considérations figurant au point 47 du présent arrêt, il n’y a donc pas lieu, dans une affaire telle que celle en cause au principal, d’appliquer la règle d’arrondissement énoncée à l’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112 en cas de régularisation.

56      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.

 Sur les dépens

57      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 175, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que les États membres ne sont pas tenus d’appliquer la règle d’arrondissement prévue par cette disposition lorsque le prorata de déduction est calculé selon l’une des méthodes dérogatoires visées à l’article 173, paragraphe 2, de cette directive.

2)      Les articles 184 et suivants de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que les États membres ne sont tenus d’appliquer la règle d’arrondissement énoncée à l’article 175, paragraphe 1, de cette directive, en cas de régularisation, lorsque, en vertu de leur législation nationale, le prorata de déduction a été calculé selon l’une des méthodes prévues à l’article 173, paragraphe 2, de ladite directive ou à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, que dans l’hypothèse où cette règle a été appliquée pour déterminer le montant initial de la déduction.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.