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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

8 mars 2017 (1)

« Renvoi préjudiciel – Sociétés mères et filiales établies dans des États membres distincts – Régime fiscal commun applicable – Impôt sur les sociétés – Directive 90/435/CEE – Champ d’application – Article 2, sous c) – Société assujettie à l’impôt, sans possibilité d’option et sans en être exonérée – Imposition à un taux nul »

Dans l’affaire C-448/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le hof van beroep te Brussel (cour d’appel de Bruxelles, Belgique), par décision du 24 juin 2015, parvenue à la Cour le 19 août 2015, dans la procédure

Belgische Staat

contre

Wereldhave Belgium Comm. VA,

Wereldhave International NV,

Wereldhave NV,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, Mme M. Berger, MM. A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Wereldhave Belgium Comm. VA, Wereldhave International NV, Wereldhave NV, par Mes R. Tournicourt et M. Delanote, advocaten,

–        pour le gouvernement belge, par MM. N. Zimmer et J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. T. Müller, M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par M. D. Colas et Mme S. Ghiandoni, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par M. W. Roels, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 octobre 2016,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 1990, L 225, p. 6), ainsi que des articles 43 et 56 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Belgische Staat (État belge) à Wereldhave Belgium Comm. V.A., à Wereldhave International NV et à Wereldhave NV au sujet des précomptes mobiliers sur les dividendes versés par Wereldhave Belgium à Wereldhave International et à Wereldhave au titre des exercices fiscaux 1999 et 2000.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes du troisième considérant de la directive 90/435 :

« considérant que les dispositions fiscales actuelles régissant les relations entre sociétés mères et filiales d’États membres différents varient sensiblement d’un État membre à l’autre et sont, en général, moins favorables que celles applicables aux relations entre sociétés mères et filiales d’un même État membre ; que la coopération entre sociétés d’États membres différents est, de ce fait, pénalisée par rapport à la coopération entre sociétés d’un même État membre ; qu’il convient d’éliminer cette pénalisation par l’instauration d’un régime commun et de faciliter ainsi les regroupements de sociétés à l’échelle communautaire ».

4        L’article 1er, paragraphe 1, de ladite directive était ainsi rédigé :

« Chaque État membre applique la présente directive :

–        aux distributions de bénéfices reçus par des sociétés de cet État et provenant de leurs filiales d’autres États membres,

–        aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet État à des sociétés d’autres États membres dont elles sont les filiales. »

5        La directive 90/435 disposait, à son article 2 :

« Aux fins de l’application de la présente directive, les termes “société d’un État membre” désignent toute société :

a)      qui revêt une des formes énumérées à l’annexe ;

b)      qui, selon la législation fiscale d’un État membre, est considérée comme ayant dans cet État son domicile fiscal et qui, aux termes d’une convention en matière de double imposition conclue avec un État tiers, n’est pas considérée comme ayant son domicile fiscal hors de la Communauté ;

c)      qui, en outre, est assujettie, sans possibilité d’option et sans en être exonérée, à l’un des impôts suivants :

–        impôt des sociétés/vennootschapsbelasting en Belgique,

[...]

–        vennootschapsbelasting aux Pays-Bas,

[...]

–        ou à tout autre impôt qui viendrait se substituer à l’un de ces impôts. »

6        L’article 3 de la directive 90/435 prévoyait :

« 1.      Aux fins de l’application de la présente directive :

a)      la qualité de société mère est reconnue au moins à toute société d’un État membre qui remplit les conditions énoncées à l’article 2 et qui détient, dans le capital d’une société d’un autre État membre remplissant les mêmes conditions, une participation minimale de 25 % ;

b)      on entend par “société filiale” la société dans le capital de laquelle la participation visée au point a) est détenue.

2.      Par dérogation au paragraphe 1, les États membres ont la faculté :

–        par voie d’accord bilatéral, de remplacer le critère de participation dans le capital par celui de détention des droits de vote,

–        de ne pas appliquer la présente directive à celles de leurs sociétés qui ne conservent pas, pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans, une participation donnant droit à la qualité de société mère, ni aux sociétés dans lesquelles une société d’un autre État membre ne conserve pas, pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans, une telle participation. »

7        Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de cette directive, les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère sont, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale, exemptés de retenue à la source.

8        L’annexe de ladite directive, intitulée « Liste des sociétés visées à l’article 2 point a) », énumère, à ses points a) et j), les formes de sociétés suivantes :

« a)      Les sociétés de droit belge dénommées “société anonyme” “naamloze vennootschap”, “société en commandite par actions”/“commanditaire vennootschap op aandelen”, “société privée à responsabilité limitée”/“besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheid,” ainsi que les entités de droit public qui opèrent sous le régime du droit privé ;

[...]

j)      les sociétés de droit néerlandais dénommées “naamloze vennootschap”, “besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheid” ».

9        La directive 90/435 a été abrogée par la directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 2011, L 345, p. 8), entrée en vigueur le 18 janvier 2012. Néanmoins, compte tenu de la date des faits du litige au principal, la directive 90/435 est la directive applicable ratione temporis.

 Le droit belge

10      L’article 266 du wetboek van de inkomstenbelastingen 1992 (code des impôts sur les revenus 1992), dans sa version applicable dans l’affaire au principal (ci-après le « CIR 1992 »), prévoit :

« Le Roi peut, aux conditions et dans les limites qu’Il détermine, renoncer totalement ou partiellement à la perception du précompte mobilier sur les revenus de capitaux et biens mobiliers et les revenus divers, pour autant qu’il s’agisse de revenus recueillis par des bénéficiaires qui peuvent être identifiés ou par des organismes de placement collectif de droit étranger qui sont un patrimoine indivis géré par une société de gestion pour compte des participants lorsque leurs parts ne font pas l’objet d’une émission publique en Belgique et ne sont pas commercialisés en Belgique ou de revenus de titres au porteur et titres dématérialisés compris dans l’une des catégories suivantes :

1°      revenus légalement exonérés de la taxe mobilière ou d’impôts réels ou soumis à l’impôt à un taux inférieur à 15 [%], produits par des titres émis avant le 1er décembre 1962 ;

2°      revenus de certificats des organismes de placement collectif belges ;

3°      primes d’émission afférentes à des obligations, bons de caisse ou autres titres représentatifs d’emprunts émis à partir du 1er décembre 1962.

Il ne peut en aucun cas renoncer à la perception du précompte mobilier sur les revenus :

1°      des titres représentatifs d’emprunts dont les intérêts sont capitalisés, [...]

2°      des titres ne donnant pas lieu à un paiement périodique d’intérêt et qui ont été émis [...] avec un escompte correspondant aux intérêts capitalisés jusqu’à l’échéance du titre, [...]

[...]

L’alinéa 2 n’est pas applicable aux titres issus de la scission d’obligations linéaires émises par l’État belge. »

11      L’article 106, paragraphe 5, du Koninklijk besluit tot uitvoering van het Wetboek van de inkomstenbelastingen 1992 (arrêté royal d’exécution du code des impôts sur les revenus 1992), du 27 août 1993 (Belgisch Staatsblad, 13 septembre 1993, p. 20096), dans sa version applicable dans l’affaire en cause au principal (ci-après l’« AR/CIR 1992 »), dispose :

« Il est renoncé totalement à la perception du précompte mobilier sur les dividendes dont le débiteur est une société filiale belge et dont le bénéficiaire est une société mère d’un autre État membre de la Communauté économique européenne.

Toutefois, la renonciation n’est pas applicable lorsque la participation de la société mère génératrice des dividendes ne représente pas une participation minimale de 25 % dans le capital de la société filiale et cette participation minimale de 25 % n’est ou n’a pas été conservée pendant une période ininterrompue d’au moins un an.

Pour l’application des alinéas premier et deux, on entend par société filiale et société mère les sociétés filiales et les sociétés mères telles qu’elles sont définies dans la directive [90/435] ».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Wereldhave Belgium, une société en commandite par actions de droit belge, est détenue, à hauteur de 35 % et de 44 %, par, respectivement, Wereldhave International et Wereldhave, sociétés anonymes de droit néerlandais, établies aux Pays-Bas. Wereldhave détient la totalité du capital de Wereldhave International.

13      Wereldhave Belgium a distribué à Wereldhave International et à Wereldhave des dividendes d’un montant de 10 965 197,63 euros en 1999 et de 11 075 733,50 euros en 2000.

14      Pour chaque exercice fiscal, Wereldhave International et Wereldhave ont introduit des réclamations pour demander à être exonérées du précompte mobilier sur les dividendes, en se fondant sur la directive 90/435 et sur l’article 106, paragraphe 5, de l’AR/CIR 1992, qui transpose cette directive dans le droit belge, dans la mesure où elles estimaient qu’elles devaient être considérées comme « sociétés mères », au sens de ladite directive.

15      Faute de décision des autorités belges au cours de la période de six mois ayant suivi la date de réception de ces réclamations, Wereldhave Belgium, Wereldhave International et Wereldhave ont introduit des recours devant le rechtbank van eerste aanleg te Brussel (tribunal de première instance de Bruxelles, Belgique).

16      Par deux décisions du 20 novembre 2012, le rechtbank van eerste aanleg te Brussel (tribunal de première instance de Bruxelles) a dit pour droit qu’aucun précompte mobilier n’était dû sur les dividendes payés au cours des années 1999 et 2000, en application de la directive 90/435 et de l’article 106, paragraphe 5, de l’AR/CIR 1992.

17      L’État belge a interjeté appel de ces décisions devant la juridiction de renvoi, en faisant notamment valoir que les bénéficiaires des dividendes sont des organismes de placement collectif à caractère fiscal (ci-après des « OPCF ») de droit néerlandais, assujettis, aux Pays-Bas, à l’impôt sur les sociétés à un taux nul, et ne peuvent pas bénéficier de l’exonération du précompte mobilier, prévue à l’article 106, paragraphe 5, de l’AR/CIR 1992 et à l’article 5 de la directive 90/435, dès lors qu’ils ne remplissent pas la condition d’assujettissement visée à l’article 2, sous c), de ladite directive et à l’article 106, paragraphe 5, de l’AR/CIR 1992.

18      L’État belge considère que les termes être « assujettie, sans possibilité d’option et sans en être exonérée », au sens de l’article 2, sous c), de la directive 90/435, impliquent l’exigence d’un assujettissement dit « subjectif et objectif ». Ainsi, les sociétés qui sont assujetties à l’impôt sur les sociétés, à un taux nul, ne relèveraient pas de cette directive.

19      Wereldhave Belgium, Wereldhave International et Wereldhave soutiennent, en revanche, que les OPCF sont en principe assujettis aux Pays-Bas, en tant que sociétés anonymes, à la Wet op de vennootschapsbelasting 1969 (loi de 1969 relative à l’impôt sur les sociétés, ci-après la « Wet Vpb »), conformément à l’article 1er de la Wet Vpb. Cet assujettissement serait suffisant pour pouvoir bénéficier de l’exonération du précompte mobilier, conformément à l’article 266 du CIR 1992, à l’article 106, paragraphe 5, de l’AR/CIR 1992 et à l’article 5 de la directive 90/435. Certes, un OPCF peut bénéficier du taux nul de l’impôt sur les sociétés, à condition de verser intégralement ses bénéfices à ses actionnaires, conformément à l’article 28 de la Wet Vpb et à l’article 9 du besluit houdende vaststelling van het besluit beleggingsinstellingen (arrêté portant fixation de l’arrêté sur les organismes de placement collectif), du 29 avril 1970. Toutefois, l’exigence de l’assujettissement ne requiert pas, selon les défenderesses au principal, de perception effective de l’impôt, cet assujettissement pouvant être simplement subjectif.

20      Les défenderesses au principal se prévalent notamment de l’ordonnance du 12 juillet 2012, Tate & Lyle Investments (C-384/11, non publiée, EU:C:2012:463), pour affirmer que, dans l’hypothèse où la directive 90/435 ne s’appliquerait pas à des dividendes d’origine belge distribués par une société belge à ses actionnaires néerlandais, les articles 43 et 56 CE s’opposeraient à une disposition législative qui soumet à une retenue à la source, indépendamment du taux d’imposition, les dividendes distribués par une société résidente aux sociétés bénéficiaires résidentes et non-résidentes, alors qu’un mécanisme permettant d’atténuer l’imposition en chaîne est prévu pour les sociétés bénéficiaires résidentes.

21      Dans ces conditions, le hof van beroep te Brussel (cour d’appel de Bruxelles, Belgique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il d’interpréter la directive 90/435 en ce sens qu’elle s’oppose à une disposition de droit national qui ne renonce pas au précompte mobilier belge sur des dividendes versés par une filiale belge à une société mère établie aux Pays-Bas qui remplit les conditions de participation minimale et de conservation de celle-ci, au motif que la société mère néerlandaise est un organisme de placement collectif à caractère fiscal qui doit verser intégralement ses bénéfices à ses actionnaires et, à ce titre, peut bénéficier du taux zéro à l’impôt sur les sociétés ?

2)      Si la réponse à la première question est négative, convient-il d’interpréter les articles [43 et 56 CE] en ce sens que ces dispositions s’opposent à une disposition de droit national qui ne renonce pas au précompte mobilier belge sur des dividendes versés par une filiale belge à une société mère établie aux Pays-Bas qui remplit les conditions de participation minimale et de conservation de celle-ci, au motif que la société mère néerlandaise est un organisme de placement collectif à caractère fiscal qui doit verser intégralement ses bénéfices à ses actionnaires et, à cette condition, peut bénéficier du taux zéro de l’impôt sur les sociétés ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

22      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 90/435 doit être interprétée en ce sens que son article 5, paragraphe 1, s’oppose à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un précompte mobilier est prélevé sur les dividendes distribués par une filiale établie dans cet État membre à un OPCF, établi dans un autre État membre, soumis à l’impôt sur les sociétés à un taux nul à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires.

23      À titre liminaire, il convient de déterminer si une société qui, à l’instar des OPCF en cause au principal, est soumise à l’impôt sur les sociétés à un taux nul à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires peut être qualifiée de « société d’un État membre », au sens de l’article 2 de la directive 90/435, de telle sorte que la distribution de dividendes à cette société entre dans le champ d’application de cette directive.

24      Conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu, à cette fin, de tenir compte non seulement du libellé de cette disposition, mais aussi des objectifs et du système de ladite directive (voir, en ce sens, arrêts du 3 avril 2008, Banque Fédérative du Crédit Mutuel, C-27/07, EU:C:2008:195, point 22, et du 1er octobre 2009, Gaz de France – Berliner Investissement, C-247/08, EU:C:2009:600, point 26).

25      À cet égard, il convient de rappeler que la directive 90/435, ainsi qu’il ressort notamment de son troisième considérant, vise à éliminer, par l’instauration d’un régime fiscal commun, toute pénalisation de la coopération entre sociétés d’États membres différents par rapport à la coopération entre sociétés d’un même État membre et à faciliter ainsi le regroupement de sociétés à l’échelle de l’Union européenne. Cette directive tend ainsi à assurer la neutralité, sur le plan fiscal, de la distribution de bénéfices par une société filiale sise dans un État membre à sa société mère établie dans un autre État membre (arrêt du 1er octobre 2009, Gaz de France – Berliner Investissement, C-247/08, EU:C:2009:600, point 27 et jurisprudence citée).

26      Ainsi qu’il ressort de son article 1er, la directive 90/435 vise les distributions de bénéfices reçues par des sociétés d’un État membre et provenant de leurs filiales ayant leur siège dans d’autres États membres.

27      L’article 2 de la directive 90/435 établit les conditions cumulatives auxquelles doit répondre une société afin d’être considérée comme une société d’un État membre au sens de cette directive et définit ainsi le champ d’application personnel de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Gaz de France – Berliner Investissement, C-247/08, EU:C:2009:600, point 29).

28      Le respect, par la société distributrice des dividendes et les sociétés bénéficiaires des dividendes, des conditions prévues à l’article 2, sous a) et b), de ladite directive, relatives à la forme juridique des sociétés et au domicile fiscal des sociétés, ne semble pas être mis en cause devant la juridiction de renvoi par les parties au principal, et n’est pas non plus contesté devant la Cour.

29      Les parties au principal s’opposent cependant sur la question de savoir si la troisième condition, prévue à l’article 2, sous c), de la même directive, selon laquelle la société concernée doit, en outre, être assujettie, sans possibilité d’option et sans en être exonérée, à l’un des impôts énumérés à cette disposition, parmi lesquels figure le vennootschapsbelasting aux Pays-Bas, ou à tout autre impôt qui viendrait se substituer à l’un de ces impôts, est remplie dans la situation en cause au principal.

30      Il convient dès lors de déterminer si cette condition est remplie lorsque la société concernée est assujettie à un tel impôt à un taux nul, à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires.

31      Il y a lieu de relever à cet égard que l’article 2, sous c), de la directive 90/435 énonce un critère de qualification positif, à savoir être assujetti à l’impôt en question, et un critère négatif, à savoir ne pas être exonéré de cet impôt et ne pas avoir de possibilité d’option.

32      L’énonciation de ces deux critères, l’un positif, l’autre négatif, conduit à considérer que la condition prévue à l’article 2, sous c), de ladite directive ne requiert pas uniquement qu’une société relève du champ d’application de l’impôt en question, mais vise également à exclure les situations comportant l’éventualité que, malgré un assujettissement à cet impôt, la société ne soit pas effectivement redevable du paiement dudit impôt.

33      Or, bien que formellement une société assujettie à un impôt à un taux nul, à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires, ne soit pas exonérée d’un tel impôt, elle se trouve en pratique dans la même situation que celle que l’article 2, sous c), de la directive 90/435 vise à exclure, à savoir une situation où elle n’est pas redevable du paiement de cet impôt.

34      En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 43 et 44 de ses conclusions, inclure dans une réglementation nationale une disposition selon laquelle une catégorie déterminée de sociétés peut dans certaines conditions bénéficier d’une imposition à un taux nul revient à ne pas soumettre ces sociétés à cet impôt (voir, également, arrêt du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund, C-194/06, EU:C:2008:289, points 33 et 34).

35      Une telle interprétation est conforme à l’économie de la directive 90/435 et à l’objectif poursuivi par celle-ci, d’assurer la neutralité, sur le plan fiscal, de la distribution de bénéfices par une société filiale sise dans un État membre à sa société mère établie dans un autre État membre au moyen de l’élimination de la double imposition de ces bénéfices.

36      Ladite directive vise en effet à prévenir la double imposition des bénéfices distribués par les sociétés filiales aux sociétés mères (voir, notamment, arrêts du 3 avril 2008, Banque Fédérative du Crédit Mutuel, C-27/07, EU:C:2008:195, point 27 ; du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves, C-48/07, EU:C:2008:758, point 37, ainsi que du 1er octobre 2009, Gaz de France – Berliner Investissement, C-247/08, EU:C:2009:600, point 57) au moyen des mécanismes prévus à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 90/435.

37      Ainsi, d’une part, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435 prévoit que, lorsqu’une société mère reçoit, à titre d’associée de sa société filiale, des bénéfices distribués, l’État membre de la société mère soit s’abstient d’imposer ces bénéfices, soit autorise cette société mère à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l’État membre de résidence de la filiale, dans la limite du montant de l’impôt national correspondant (arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446/04, EU:C:2006:774, point 102, et du 3 avril 2008, Banque Fédérative du Crédit Mutuel, C-27/07, EU:C:2008:195, point 25).

38      D’autre part, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 90/435 prévoit l’exemption de la retenue à la source dans l’État membre de la société filiale lors de la distribution des bénéfices à sa société mère, à tout le moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la société filiale (arrêt du 3 avril 2008, Banque Fédérative du Crédit Mutuel, C-27/07, EU:C:2008:195, point 26 et jurisprudence citée).

39      Les mécanismes de cette directive sont, dès lors, conçus pour des situations dans lesquelles, sans leur application, l’exercice par les États membres de leurs pouvoirs d’imposition pourrait conduire à ce que les bénéfices distribués par la société filiale à sa société mère soient soumis à une double imposition.

40      Or, lorsqu’une société mère, à l’instar des OPCF en cause au principal, bénéficie, en vertu de la réglementation de son État membre d’établissement, d’un taux d’imposition nul de tous ses bénéfices à condition que ceux-ci soient intégralement distribués à ses actionnaires, le risque de double imposition, dans le chef de cette société mère, des bénéfices qui lui ont été distribués par sa filiale est écarté.

41      Par conséquent, eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer qu’une société qui, à l’instar des OPCF en cause au principal, est soumise à l’impôt sur les sociétés, à un taux nul à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires, ne remplit pas la condition prévue à l’article 2, sous c), de la directive 90/435 et ne relève donc pas de la notion de « société d’un État membre », au sens de ladite directive.

42      Dans de telles conditions, la distribution de dividendes par une filiale établie dans un État membre à une telle société établie dans un autre État membre ne relève pas de ladite directive.

43      Il convient, dès lors, de répondre à la première question que la directive 90/435 doit être interprétée en ce sens que son article 5, paragraphe 1, ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un précompte mobilier est prélevé sur les dividendes distribués par une filiale établie dans cet État membre à un OPCF, établi dans un autre État membre, soumis à l’impôt sur les sociétés à un taux nul à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires, dès lors qu’un tel organisme ne constitue pas une « société d’un État membre », au sens de cette directive.

 Sur la seconde question préjudicielle

44      Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance, si les articles 43 et 56 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un précompte mobilier est prélevé sur les dividendes distribués par une filiale établie dans cet État membre à un OPCF, établi dans un autre État membre, soumis à l’impôt sur les sociétés à un taux nul à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires.

45      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instaurée à l’article 267 TFUE, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En effet, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (ordonnance du 3 septembre 2015, Vivium, C-250/15, non publiée, EU:C:2015:569, point 8 et jurisprudence citée).

46      Ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (arrêt du 10 novembre 2016, Private Equity Insurance Group, C-156/15, EU:C:2016:851, point 61 et jurisprudence citée).

47      Ainsi, la juridiction de renvoi doit indiquer la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce, ainsi que les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour. Celle-ci a déjà jugé qu’il est indispensable que la juridiction nationale donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2016, Safe Interenvíos, C-235/14, EU:C:2016:154, point 115 ; ordonnance du 12 mai 2016, Security Service e.a., C-692/15 à C-694/15, EU:C:2016:344, point 20, ainsi que arrêt du 10 novembre 2016, Private Equity Insurance Group, C-156/15, EU:C:2016:851, point 62).

48      Les informations fournies dans les demandes de décision préjudicielle servent non seulement à permettre à la Cour de donner des réponses utiles aux questions posées par la juridiction de renvoi, mais également à procurer aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations, conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 10 novembre 2016, Private Equity Insurance Group, C-156/15, EU:C:2016:851, point 63 et jurisprudence citée). Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées (ordonnance du 29 novembre 2016, Jacob et Lennertz, C-345/16, non publiée, EU:C:2016:911, point 17 et jurisprudence citée).

49      En l’occurrence, s’agissant des dispositions nationales applicables dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi se limite à reprendre les termes de l’article 266 du CIR 1992 et de l’article 106, paragraphe 5, de l’AR/CIR 1992. Or, conformément à cette dernière disposition qui met en œuvre l’article 266 du CIR 1992, il est renoncé à la retenue à la source du précompte sur les dividendes lorsque le débiteur est une société filiale établie en Belgique et que le bénéficiaire des dividendes est une société mère établie dans un autre État membre. La juridiction de renvoi n’indique cependant pas la teneur des dispositions applicables aux distributions des dividendes à des sociétés mères établies en Belgique.

50      Alors même que la juridiction de renvoi se réfère à l’ordonnance du 12 juillet 2012, Tate & Lyle Investments (C-384/11, non publiée, EU:C:2012:463), elle ne précise pas si les dispositions nationales applicables dans l’affaire au principal sont les mêmes que celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cette ordonnance. En outre, il semble résulter des observations soumises par les défenderesses au principal et par le gouvernement belge que les distributions de dividendes aux sociétés d’investissement établies en Belgique seraient régies par un régime d’imposition dérogatoire aux dispositions de droit commun, en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 12 juillet 2012, Tate & Lyle Investments (C-384/11, non publiée, EU:C:2012:463). Or, la demande de décision préjudicielle ne contient aucune précision sur la teneur des dispositions nationales applicables à la distribution des dividendes aux sociétés d’investissement établies en Belgique.

51      En l’absence de précisions relatives au cadre juridique national applicable aux distributions de dividendes aux sociétés établies en Belgique, comparables aux sociétés bénéficiaires en cause au principal, la Cour n’est pas en mesure de déterminer si les dividendes distribués aux sociétés bénéficiaires en cause au principal subissent un traitement défavorable par rapport aux dividendes distribués à de telles sociétés comparables établies en Belgique. Par conséquent, la Cour n’est pas en mesure de déterminer, si les articles 43 et 56 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un précompte mobilier est prélevé sur les dividendes distribués par une filiale établie dans cet État membre à un OPCF, établi dans un autre État membre, soumis à l’impôt sur les sociétés à un taux nul à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires.

52      Dans ces conditions, la seconde question est irrecevable.

 Sur les dépens

53      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

La directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, doit être interprétée en ce sens que son article 5, paragraphe 1, ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un précompte mobilier est prélevé sur les dividendes distribués par une filiale établie dans cet État membre à un organisme de placement collectif à caractère fiscal, établi dans un autre État membre, soumis à l’impôt sur les sociétés à un taux nul à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires, dès lors qu’un tel organisme ne constitue pas une « société d’un État membre », au sens de cette directive.

Signatures


1      Langue de procédure : le néerlandais.