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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

6 juillet 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) — Directive 2006/112/CE — Article 199, paragraphe 1, sous c) — Non-identification à la TVA — Autoliquidation — Caractère hypothétique de la question préjudicielle — Irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle»

Dans l’affaire C-392/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), par décision du 25 avril 2016, parvenue à la Cour le 13 juillet 2016, dans la procédure

Dumitru Marcu

contre

Agenţia Naţională de Administrare Fiscală (ANAF),

Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice București

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. E. Juhász, président de chambre, MM. C. Vajda et C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement roumain, par M. R.-H. Radu ainsi que par Mmes L. Liţu et C. M. Florescu, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), et de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), en particulier sur l’interprétation de leurs dispositions relatives aux conditions d’application du mécanisme de l’autoliquidation.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Dumitru Marcu à l’Agenţia Naţională de Administrare Fiscală (ANAF) – Direcția Generală regională a finanțelor publice București (Agence nationale de l’administration fiscale (ANAF) – direction générale régionale des finances publiques de Bucarest, Roumanie, ci-après l’« administration fiscale ») au sujet d’une demande d’annulation de la décision de cette dernière, imposant au requérant le paiement rétroactif de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre d’opérations immobilières et lui refusant l’application du mécanisme de l’autoliquidation.

Le cadre juridique

3

L’article 2 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203) prévoit :

« Dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient la Bulgarie et la Roumanie et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte. »

La directive 2006/112

4

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 prévoit :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

5

L’article 12 de cette directive dispose :

« 1.   Les États membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes :

a)

la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ;

b)

la livraison d’un terrain à bâtir.

2.   Aux fins du paragraphe 1, point a), est considérée comme “bâtiment” toute construction incorporée au sol.

Les États membres peuvent définir les modalités d’application du critère visé au paragraphe 1, point a), aux transformations d’immeubles, ainsi que la notion de sol y attenant.

[...]

3.   Aux fins du paragraphe 1, point b), sont considérés comme “terrains à bâtir” les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les États membres. »

6

L’article 135, paragraphe 1, de ladite directive est rédigé comme suit :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

j)

les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l’article 12, paragraphe 1, point a) ;

k)

les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l’article 12, paragraphe 1, point b) ;

[...] »

7

Aux termes de l’article 137, paragraphe 1, de la même directive :

« Les États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation des opérations suivantes :

[...]

b)

les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que celles visées à l’article 12, paragraphe 1, point a) ;

c)

les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l’article 12, paragraphe 1, point b) ;

[...] »

8

L’article 193 de la directive 2006/112 est rédigé comme suit :

« La TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, sauf dans les cas où la taxe est due par une autre personne en application des articles 194 à 199 et de l’article 202. »

9

L’article 199, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Les États membres peuvent prévoir que le redevable de la taxe est l’assujetti destinataire des opérations suivantes :

[...]

c)

les livraisons de biens immeubles, au sens de l’article 135, paragraphe 1, points j) et k), lorsque le fournisseur a opté pour la taxation de l’opération conformément à l’article 137 ;

[...] »

10

L’article 395, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d’éviter certaines fraudes ou évasions fiscales.

[...] »

11

L’article 411 de la même directive est libellé comme suit :

« 1.   La directive 67/227/CEE et la [sixième] directive 77/388/CEE sont abrogées, sans préjudice des obligations des États membres concernant les délais de transposition et d’application desdites directives figurant à l’annexe XI, partie B.

2.   Les références faites aux directives abrogées s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe XII. »

12

L’article 413 de la directive 2006/112 dispose :

« La présente directive entre en vigueur le 1er janvier 2007. »

Le droit roumain

La loi no 571/2003 établissant le code des impôts

13

l’article 127 de la loi no 571/2003 établissant le code des impôts (ci-après le « code des impôts ») dispose :

« Assujettis et activité économique

1)   Est considéré comme un assujetti quiconque accomplit, de manière indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique telle que celles visées au paragraphe 2, quels que soient le but ou le résultat de ces activités.

2)   Au sens du présent titre, les activités économiques couvrent les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. De même, constitue une activité économique l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes régulières. »

14

L’article 160 du code des impôts, dans sa version en vigueur au cours de l’année 2007, disposait :

« Mesures de simplification

1)   Les fournisseurs et acquéreurs de biens ou de services visés au paragraphe 2 sont tenus d’appliquer les mesures de simplification prévues au présent article. L’application de ces mesures est subordonnée à la condition impérative que le fournisseur aussi bien que l’acquéreur soient identifiés à la TVA, conformément à l’article 153.

2)   Les biens et services auxquelles les mesures simplifiées s’appliquent sont les suivants :

[...]

b)

les bâtiments et fractions de bâtiments ainsi que les terrains de tout type pour la livraison desquels le régime d’imposition s’applique ;

[...]

3)   Les fournisseurs sont tenus d’apposer la mention “autoliquidation” sur les factures délivrées pour les livraisons de biens visées au paragraphe 2, sans indiquer la taxe afférente. Les acquéreurs mentionnent la taxe afférente sur les factures délivrées par le fournisseur, sur lesquelles ils indiquent tant le montant de taxe perçu que le montant de taxe déductible dans la déclaration de TVA. Aucun paiement de TVA n’est effectué entre le fournisseur et l’acquéreur pour les opérations soumises aux mesures de simplification.

[...]

5)   L’application des dispositions du présent article incombe aussi bien au fournisseur qu’à l’acquéreur. Lorsque le fournisseur n’a pas apposé la mention “autoliquidation” sur les factures délivrées pour les biens ou services relevant du paragraphe 2, l’acquéreur est tenu d’appliquer l’autoliquidation, de ne pas verser la TVA au fournisseur, d’apposer de sa propre initiative la mention “autoliquidation” sur la facture et de satisfaire aux obligations prévues au paragraphe 3. »

La décision du gouvernement no 44/2004 relative aux modalités d’application du code des impôts

15

Dans sa version telle que modifiée au cours de l’année 2007, le point 62, paragraphe 2, de la décision du gouvernement no 44/2004 relative aux modalités d’application du code des impôts prévoyait :

« Lorsque l’assujetti a atteint ou dépassé le plafond d’exonération et n’a pas demandé d’être identifié conformément à l’article 153 du code des impôts, les autorités fiscales compétentes procèdent comme suit :

a)

lorsque les autorités fiscales compétentes ont constaté le manquement aux dispositions légales avant que l’assujetti ait été identifié à la TVA conformément à l’article 153 du code des impôts, elles ordonnent à celui-ci de payer le montant de taxe qu’il aurait dû s’il avait été identifié à la TVA sous le régime normal conformément à l’article 153 du code des impôts, pour la période comprise entre la date à laquelle la personne concernée aurait été identifiée à la TVA si elle l’avait demandé dans le délai prévu par la loi et celle à laquelle le manquement aux dispositions légales a été constaté. Par ailleurs, les autorités de contrôle identifient cette personne d’office à la TVA conformément à l’article 153, paragraphe 7, du code des impôts.

[...] »

16

Le point 82 de ces modalités d’application, dans sa version en vigueur durant l’année 2007, était rédigé comme suit :

« La condition impérative à laquelle l’article 160, paragraphe 1, du code des impôts soumet l’application des mesures de simplification, c’est-à-dire de l’autoliquidation, est que le fournisseur aussi bien que l’acquéreur soient identifiés à la TVA conformément à l’article 153 du code des impôts et que l’opération en cause soit imposable. [...]

[...]

9)

Les autorités fiscales sanctionnent les fournisseurs et acquéreurs pour la non-application des mesures de simplification prévues par la loi en les enjoignant de rectifier les opérations et à appliquer l’autoliquidation conformément aux dispositions de la présente réglementation.

[...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

17

Entre les mois d’août 2005 et de décembre 2009, M. Marcu a conclu, en qualité de vendeur, 35 transactions immobilières portant sur des terrains et des appartements faisant partie de son patrimoine personnel, tant avec des personnes physiques, non identifiées à la TVA, qu’avec des personnes morales de droit roumain, identifiées à la TVA. Pour ces transactions, il n’a ni perçu la TVA ni reversé celle-ci à l’État.

18

Selon la juridiction de renvoi, seules 7 de ces 35 transactions immobilières sont pertinentes dans le cadre de l’affaire dont elle est saisie. Il s’agit de sept contrats de vente conclus, entre les mois de septembre 2006 et de novembre 2007, avec des personnes morales de droit roumain identifiées à la TVA.

19

À la suite d’un contrôle effectué au cours de l’année 2010,? l’administration fiscale a constaté que ces transactions immobilières satisfaisaient aux conditions légales requises pour être imposables au titre de la TVA et que M. Marcu avait la qualité d’assujetti, étant donné qu’il avait dépassé le plafond d’exonération et qu’il exerçait une activité économique consistant en l’exploitation de biens corporels et incorporels en vue d’en retirer des recettes régulières.

20

À cet égard, le 29 septembre 2010, l’administration fiscale a constaté que l’obligation d’identification à la TVA, incombant à M. Marcu dans les dix jours suivant le dépassement du plafond d’exonération de la TVA, n’avait pas été remplie. Par ailleurs, cette administration a considéré que M. Marcu était devenu redevable de la TVA à compter du 1er février 2006 et a émis un avis d’imposition au titre de la TVA due rétroactivement sur toutes les transactions immobilières qu’il avait conclues en qualité de vendeur depuis cette date.

21

M. Marcu a contesté la légalité de cet avis d’imposition devant l’Agenția Națională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală de Soluţionare a Contestaţiilor (Agence nationale de l’administration fiscale – direction générale du traitement des réclamations, Roumanie) et a demandé, pour les transactions conclues au cours des années 2006 et 2007 avec des personnes identifiées à la TVA, l’application du mécanisme d’imposition simplifiée, à savoir le mécanisme de l’autoliquidation, qui était à cette époque obligatoire dans le cas des transactions foncières entre assujettis, en vertu de la législation nationale.

22

Selon M. Marcu, dans la mesure où l’administration fiscale a rétroactivement constaté sa qualité d’assujetti à compter du 1er février 2006, elle aurait également dû appliquer le mécanisme de l’autoliquidation pour ces transactions. Il a fait valoir que l’identification à la TVA est une condition formelle visant à assurer le contrôle de la mise en œuvre de ce mécanisme et ne doit avoir aucun impact sur la reconnaissance du droit d’être soumis à celui-ci.

23

L’Agenția Națională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală de Soluţionare a Contestaţiilor (Agence nationale de l’administration fiscale – direction générale du traitement des réclamations) a rejeté les arguments de M. Marcu relatifs à l’application rétroactive du mécanisme de l’autoliquidation, au motif que, en vertu de la législation fiscale nationale, dans sa version en vigueur au cours des années 2006 et 2007, l’application de ce mécanisme était soumise à la condition impérative que tant le fournisseur que l’acquéreur aient été identifiés à la TVA. Or, en ce qui concernait M. Marcu, cette condition n’était pas remplie.

24

Dans le cadre de la procédure juridictionnelle faisant suite à cette décision de l’Agenția Națională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală de Soluţionare a Contestaţiilor (Agence nationale de l’administration fiscale – direction générale du traitement des réclamations), l’administration fiscale a maintenu sa position sur la base des mêmes arguments. Devant la juridiction de renvoi, M. Marcu a fait valoir qu’il conviendrait d’interroger la Cour sur la question de savoir si cette position est compatible avec le droit de l’Union en matière de TVA.

25

À cet égard, la juridiction de renvoi relève que la Cour a jugé que l’identification à la TVA constitue une exigence formelle qui ne peut pas mettre en cause le droit à déduction de la TVA, dans la mesure où les conditions matérielles qui font naître ce droit sont remplies. Selon cette juridiction, cela fait naître, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la question de savoir si le fait de disposer d’un numéro d’identification à la TVA valable au moment de la livraison des biens immeubles constitue également une exigence de forme aux fins de l’application du mécanisme de l’autoliquidation, ou s’il devient une exigence de fond, de telle sorte que cela entraîne nécessairement l’inapplicabilité de ce mécanisme, alors même que, selon le droit roumain, l’application de ce mécanisme est obligatoire pour les transactions foncières.

26

Dans ces circonstances, la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, [la sixième directive 77/388 et la directive 2006/112] s’opposent-elles à une réglementation nationale ou à une pratique fiscale conformément à laquelle le mécanisme de l’autoliquidation (mesures de simplification), alors obligatoire pour les transactions foncières entre personnes assujetties à la TVA, n’est pas applicable à une personne ayant fait l’objet d’un contrôle fiscal et identifiée d’office à la TVA à l’issue de ce contrôle, au motif que cette personne n’a ni demandé ni obtenu cette identification avant la réalisation de la transaction ou la date de dépassement du plafond ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

27

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la sixième directive 77/388 et la directive 2006/112 s’opposent à une règle de droit national ou à une pratique fiscale nationale, conformément à laquelle le mécanisme de l’autoliquidation n’est applicable qu’à condition que le fournisseur et l’acquéreur du bien concerné soient tous deux identifiés à la TVA au moment où l’opération a lieu, le non-respect de cette condition entraînant la conséquence que le fournisseur, en application des règles normales du système de la TVA, est redevable de cette taxe.

28

S’agissant de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, il convient de constater, en premier lieu, que l’une des sept transactions immobilières en cause dans le litige au principal consiste en un contrat de vente conclu le 13 septembre 2006, soit avant l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne, qui est intervenue le 1er janvier 2007.

29

Or, la Cour est compétente pour interpréter le droit de l’Union uniquement pour ce qui concerne l’application de celui-ci dans un nouvel État membre à partir de la date d’adhésion de ce dernier à l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 janvier 2006, Ynos, C-302/04, EU:C:2006:9, point 36 et jurisprudence citée).

30

Par conséquent, la Cour n’est pas compétente pour répondre à la question préjudicielle en ce que celle-ci concerne le contrat de vente du 13 septembre 2006.

31

En deuxième lieu, il y a lieu de constater que la question préjudicielle vise tant les dispositions de la sixième directive 77/388 que celles de la directive 2006/112.

32

À cet égard, il y a lieu de relever que les faits pertinents du litige au principal sont postérieurs au 1er janvier 2007, date à laquelle la directive 2006/112, conformément à ses articles 411 et 413, est entrée en vigueur et a abrogé la sixième directive 77/388. Il ressort par ailleurs de l’article 411, paragraphe 2, de la directive 2006/112 que les références à la directive 77/388 s’entendent, depuis cette date, comme faites à la directive 2006/112.

33

Dès lors, seul l’examen des dispositions de la directive 2006/112 est pertinent pour l’examen de la question préjudicielle.

34

En troisième lieu, il convient de relever que la Commission exprime des doutes quant à l’utilité de la réponse à la question préjudicielle pour la solution du litige au principal et, partant, quant à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle. En effet, il ne serait pas certain que M. Marcu puisse être qualifié d’« assujetti », au sens de l’article 9 de la directive 2006/112, en sa qualité de vendeur de terrains et d’appartements faisant partie de son patrimoine personnel. Or, si une telle qualification ne devait pas être retenue dans le chef de M. Marcu, il y aurait lieu, selon la Commission, d’annuler l’avis d’imposition en cause au principal, sans que la question transmise à la Cour ait à se poser.

35

À cet égard, il importe de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation et l’applicabilité de dispositions nationales ou d’établir les faits pertinents pour la solution du litige au principal. En effet, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions de l’Union et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insère la question préjudicielle, tel qu’il est défini par la décision de renvoi (voir en ce sens, notamment, arrêt du 13 juin 2013, Kostov, C-62/12, EU:C:2013:391, point 25).

36

Dans ces conditions, outre le fait que M. Marcu ne semble pas avoir contesté le fait qu’il ait été qualifié d’assujetti dans le cadre de la procédure nationale, il y a lieu d’avoir égard au fait que la juridiction de renvoi, dans sa demande de décision préjudicielle, a retenu une telle qualité dans le chef de M. Marcu, sur la base des dispositions de droit roumain qui ont transposé l’article 9 de la directive 2006/112.

37

Il en découle que, de ce point de vue, la demande de décision préjudicielle est recevable.

38

En quatrième et dernier lieu, selon la jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées, la Cour rejette la demande formée par la juridiction nationale comme étant irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2017, Pérez Retamero, C-97/16, EU:C:2017:158, point 22 et jurisprudence citée).

39

À cet égard, il y a lieu de relever que la question préjudicielle est fondée sur la prémisse selon laquelle le mécanisme de l’autoliquidation, tel que prévu par la directive 2006/112, est susceptible d’être appliqué aux opérations visées dans l’affaire au principal.

40

Or, il ne ressort pas des éléments du dossier soumis à la Cour que la Roumanie ait obtenu, sur la base de l’article 395 de la directive 2006/112, l’autorisation d’appliquer le mécanisme de l’autoliquidation dans des cas non expressément prévus par ladite directive.

41

Par conséquent, il convient d’examiner si les opérations immobilières en cause au principal sont susceptibles d’être soumises au mécanisme de l’autoliquidation sur la base de l’article 199, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112.

42

L’article 199 de la directive 2006/112 constitue une exception au principe exposé à l’article 193 de celle-ci, selon lequel la TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable. Ledit article 199 permet en effet aux États membres de recourir, dans les situations visées à son paragraphe 1, sous a) à g), au mécanisme de l’autoliquidation, en vertu duquel le redevable de la TVA est l’assujetti destinataire de l’opération soumise à la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2013, Promociones y Construcciones BJ 200, C-125/12, EU:C:2013:392, point 23).

43

Ainsi, en vertu de l’article 199, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112, les États membres peuvent prévoir que le redevable de la taxe est l’assujetti destinataire des livraisons de biens immeubles, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de cette directive, lorsque le fournisseur a opté pour la taxation de l’opération conformément à l’article 137 de ladite directive.

44

Il convient de relever que l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de la directive 2006/112 impose aux États membres d’exonérer les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de cette directive ainsi que les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l’article 12, paragraphe 1, sous b), de ladite directive. Cet article 12, paragraphe 1, sous a) et b), auquel renvoie l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de la directive 2006/112, vise les livraisons de bâtiments ou de fractions de bâtiments et du sol y attenant effectuées avant leur première occupation ainsi que les livraisons de terrains à bâtir.

45

Il ressort donc de la lecture combinée de ces deux dispositions que, d’une part, les livraisons d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que celles effectuées avant leur première occupation ainsi que, d’autre part, les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir doivent être, en principe, exonérées de la TVA.

46

Toutefois, l’article 137 de la directive 2006/112 permet aux États membres d’accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation de certaines opérations, parmi lesquelles se trouvent les opérations visées à l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de cette directive, à savoir les opérations énoncées au point précédent.

47

Ce n’est que lorsque l’État membre concerné a choisi d’accorder à ses assujettis l’option prévue à l’article 137 de la directive 2006/112 et qu’un de ces assujettis a exercé cette option, pour des opérations relevant de l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de cette directive, que le mécanisme de l’autoliquidation peut être appliqué à ces opérations sur le fondement de l’article 199, paragraphe 1, sous c), de ladite directive.

48

À cet égard, il convient de relever que la demande de décision préjudicielle ne précise pas la nature exacte des biens immeubles en cause dans l’affaire au principal.

49

Cependant, à supposer, en premier lieu, que les opérations en cause au principal visent des biens immeubles, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de la directive 2006/112, il faudrait encore que la Roumanie ait prévu, dans sa législation, la possibilité, énoncée à l’article 137 de cette directive, d’accorder aux assujettis le droit d’opter pour la taxation des livraisons de tels biens immeubles. Or, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il n’apparaît pas ressortir de la décision de renvoi que la Roumanie ait fait application, dans sa législation, de ladite possibilité.

50

À cet égard, à supposer même que cette dernière possibilité existe dans la législation roumaine, il ressort clairement de la demande de décision préjudicielle que M. Marcu n’a pas opté pour la taxation des opérations en cause dans l’affaire au principal, puisque, dans un premier temps, il n’était pas identifié à la TVA et, par la suite, lorsqu’il a été considéré d’office par l’administration fiscale comme étant assujetti et qu’un avis d’imposition lui a été adressé pour les opérations en question, il a contesté la légalité de cet avis.

51

Par conséquent, si les opérations en cause au principal, ou certaines d’entre elles, visent des biens immeubles, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de la directive 2006/112, à défaut pour la Roumanie d’avoir fait application, dans sa législation, de la faculté prévue à l’article 137, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2006/112 d’accorder à ses assujettis le droit d’opter pour la taxation de ces opérations ou en l’absence de demande expresse de M. Marcu, conformément à l’article 137 de cette directive, de voir appliquer la TVA à ces opérations, les conditions d’application de l’article 199, paragraphe 1, sous c), de ladite directive ne sont pas remplies et, par conséquent, le mécanisme de l’autoliquidation, tel que prévu par cette directive, ne saurait s’appliquer.

52

À supposer, en second lieu, que les opérations en cause au principal visent des biens immeubles, au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2006/112, le mécanisme de l’autoliquidation ne saurait pas davantage s’appliquer auxdites opérations, car celles-ci ne figurent pas parmi les opérations limitativement visées à l’article 199, paragraphe 1, sous a) à g), de la directive 2006/112.

53

Eu égard à ce qui précède, il convient de constater qu’il résulte de l’analyse des dispositions de la directive 2006/112 que le mécanisme de l’autoliquidation qu’elle prévoit n’est pas susceptible d’être appliqué aux opérations en cause dans l’affaire au principal. Il en résulte que la question préjudicielle, qui porte sur les modalités d’application de ce mécanisme, revêt un caractère hypothétique et que la réponse à celle-ci n’est pas nécessaire à la résolution du litige au principal. Cette question est, partant, irrecevable.

54

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que la présente demande de décision préjudicielle est irrecevable.

Sur les dépens

55

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

 

La demande de décision préjudicielle introduite par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) est irrecevable.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le roumain.