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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

28 février 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Règlement (CE) no 1998/2006 – Article 35 TFUE – Aide de minimis sous la forme d’un avantage fiscal – Législation nationale excluant du bénéfice de cet avantage fiscal les investissements dans la fabrication de produits destinés à l’exportation »

Dans l’affaire C-518/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie), par décision du 26 septembre 2016, parvenue à la Cour le 4 octobre 2016, dans la procédure

« ZPT » AD

contre

Narodno sabranie na Republika Bulgaria,

Varhoven administrativen sad,

Natsionalna agentsia za prihodite,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C.G. Fernlund, J.-C. Bonichot (rapporteur), A. Arabadjiev et E. Regan, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 octobre 2017,

considérant les observations présentées :

pour « ZPT » AD, par Mes M. Ekimdzhiev et K. Boncheva, advokati,

pour le Narodno sabranie na Republika Bulgaria, par Mme T. Tsacheva, en qualité d’agent,

pour le Varhoven administrativen sad, par MM. G. Kolev et M. Semov, en qualité d’agents,

pour la Natsionalna agentsia za prihodite, par M. B. Atanasov et Mme I. Kirova, en qualité d’agents,

pour le gouvernement bulgare, par Mmes E. Petranova et L. Zaharieva, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes S. Charitaki et S. Papaioannou, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Colelli, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par Mmes L. Armati et P. Mihaylova ainsi que par M. E. Manhaeve, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur la validité, au regard de l’article 35 TFUE, de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) no 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [107 et 108 TFUE] aux aides de minimis (JO 2006, L 379, p. 5), ainsi que sur l’interprétation de cette disposition.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « ZPT » AD au Narodno sabranie na Republika Bulgaria (Assemblée nationale de la République de Bulgarie), au Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie) et à la Natsionalna agentsia za prihodite (Agence nationale des recettes publiques, Bulgarie) au sujet d’une demande d’indemnisation en raison de la violation des dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le règlement (CE) no 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles [107 et 108 TFUE] à certaines catégories d’aides d’États horizontales (JO 1998, L 142, p. 1), a notamment habilité la Commission européenne à fixer, par voie de règlement, un plafond au-dessous duquel certaines aides, dites « de minimis », sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et comme non soumises, de ce fait, à la procédure de notification à la Commission prévue à l’article 108 TFUE.

4

À la date des faits au principal, les dispositions régissant l’adoption d’aides de minimis figuraient dans le règlement no 1998/2006, dont l’article 1er, paragraphe 1, était ainsi rédigé :

« Le présent règlement s’applique aux aides octroyées aux entreprises de tous les secteurs, à l’exception :

[...]

d)

des aides en faveur d’activités liées à l’exportation vers des pays tiers ou des États membres, c’est-à-dire des aides directement liées aux quantités exportées, des aides en faveur de la mise en place et du fonctionnement d’un réseau de distribution et d’autres dépenses courantes liées à l’activité d’exportation ;

[...] »

5

L’article 2 de ce règlement disposait :

« 1.   Sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l’article [107, paragraphe 1, TFUE] et comme non soumises, de ce fait, à l’obligation de notification prévue à l’article [108, paragraphe 3, TFUE], les aides qui satisfont aux conditions énoncées aux paragraphes 2 à 5 du présent article.

2.   Le montant brut total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 200000 [euros] sur une période de trois exercices fiscaux. [...] Ces plafonds s’appliquent quels que soient la forme et l’objectif des aides de minimis [...]

[...] »

Le droit bulgare

6

L’article 182, paragraphe 2, du Zakon za korporativnoto podohodno oblagane (loi relative à l’impôt sur les sociétés), dans sa version applicable aux faits au principal, dispose :

« L’avantage fiscal qui constitue une aide de minimis ne s’applique pas :

[...]

7)

à l’investissement dans des actifs affectés à des activités liées à l’exportation vers des pays tiers ou vers des États membres.

[...] »

7

L’article 184 de la loi relative à l’impôt sur les sociétés énonce :

« Les assujettis bénéficient d’une remise allant jusqu’à 100 % de l’impôt sur les sociétés sur le bénéfice imposable résultant de l’activité de production exercée, y compris de la production à façon, si les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

1)

l’assujetti exerce une activité de production uniquement dans des communes dans lesquelles, pendant l’année précédant celle en cours, le taux de chômage représente au moins 1,35 fois le taux national moyen pendant la même période ;

2)

sont remplies les conditions prévues à :

a)

l’article 188 en cas d’aide de minimis.

[...] »

8

L’article 188 de ladite loi prévoit :

« 1.   Un avantage fiscal constitue une aide de minimis lorsque le montant des aides de minimis reçues par l’assujetti au cours des trois dernières années, y compris celle en cours, quelle qu’en soit la forme et la source, ne dépasse pas l’équivalent en [leva bulgares (BGN)] de 200000 euros [...]

2.   Les moyens correspondant à la remise d’impôt visée à l’article 184 doivent être investis dans des immobilisations corporelles ou incorporelles conformément à la législation en matière de comptabilité dans un délai de quatre ans à compter du début de l’année pour laquelle l’impôt est remis.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

ZPT, société de droit bulgare, exerce trois activités de production techniquement autonomes dans des ateliers séparés, à savoir une activité de production de tuyaux et de tubes profilés et ronds, de profilés formés à froid et pliés et de dispositifs routiers de retenue en acier, une activité de galvanisation à chaud d’éléments et une activité de zingage électrolytique ou d’électro zingage d’éléments.

10

Dans sa déclaration fiscale pour l’année 2008, ZPT a indiqué vouloir bénéficier de la remise de l’impôt sur les sociétés prévue à l’article 184 de la loi relative à l’impôt sur les sociétés pour un montant de 140677,51 BGN (environ 70000 euros).

11

Par un avis de redressement du 5 mars 2010, cette remise d’impôt n’a pas été admise au motif que les investissements pour lesquels ZPT entendait bénéficier de ladite remise d’impôt avaient été réalisés dans des ateliers dans lesquels étaient fabriqués des produits destinés à être exportés, de tels investissements étant exclus du bénéfice de la remise d’impôt par l’article 182, paragraphe 2, point 7, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés.

12

Le 21 mai 2010, ZPT a formé un recours contre cet avis de redressement devant l’Administrativen sad – grad Burgas (tribunal administratif de Bourgas, Bulgarie). Par un jugement du 12 janvier 2011, ce tribunal a annulé ledit avis de redressement, estimant que le refus de la remise d’impôt n’était pas justifié puisque l’activité autonome d’électro zingage d’éléments dans laquelle ZPT déclarait vouloir effectuer les investissements requis n’avait donné lieu à aucune exportation et que le délai de quatre ans pendant lequel cette société pouvait investir les montants correspondant à la remise d’impôt n’était pas expiré.

13

Par un arrêt du 27 décembre 2011, rendu sur pourvoi et devenu définitif, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) a annulé ledit jugement et rejeté le recours de ZPT contre l’avis de redressement du 5 mars 2010. Ayant constaté que des investissements avaient été réalisés dans l’atelier de galvanisation à chaud dont les produits étaient exportés, cette juridiction a jugé que la condition, posée à l’article 182, paragraphe 2, point 7, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, d’un investissement dans des actifs sans lien avec des exportations vers des États tiers ou vers des États membres n’était pas remplie et que, dans ces conditions, la remise d’impôt devait s’analyser comme une aide d’État ayant pour effet de fausser la concurrence dans le marché intérieur.

14

ZPT recherche devant le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie) la responsabilité de l’Assemblée nationale de la République de Bulgarie, du Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) et de l’Agence nationale des recettes publiques en raison de prétendues violations du droit de l’Union commises par ces institutions. Elle soutient avoir droit à une indemnité égale au montant de la remise d’impôt qui lui a été refusée augmenté des intérêts.

15

Le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) s’interroge sur la compatibilité de la restriction prévue par le législateur national à l’article 182, paragraphe 2, point 7, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés avec l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006.

16

Dans ces conditions, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Des règles d’application du droit de l’Union telles que le règlement no 1998/2006 ont-elles un effet direct et s’appliquent-elles immédiatement et, dans l’affirmative, une disposition de droit national qui restreint ou limite le champ d’application de la règle de droit de l’Union enfreint-elle ces principes ?

2)

Une aide d’État octroyée sous la forme d’un avantage fiscal qui est investie dans des actifs utilisés pour la fabrication de produits dont une partie est exportée vers des États tiers ou vers des États membres est-elle compatible avec la concurrence dans le marché commun ?

3)

La fabrication au moyen d’actifs acquis avec des fonds provenant d’une aide d’État de produits exportés relève-t-elle d’une activité directement liée aux quantités exportées, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 ? Dans la négative, les États membres peuvent-ils prévoir dans leurs réglementations nationales des restrictions supplémentaires pour les exportateurs de produits fabriqués au moyen d’actifs résultant de l’investissement d’un avantage fiscal ? Si la réponse à cette question est affirmative, quel est le rapport entre cette règle de droit et l’article 35 TFUE interdisant les restrictions quantitatives à l’exportation entre les États membres et toutes les mesures d’effet équivalent et y a-t-il une discrimination et une atteinte à la libre circulation des marchandises ?

4)

L’article 1er du règlement no 1998/2006 s’oppose-t-il à ce qu’une personne morale se voie refuser la reconnaissance du droit à une aide financière de minimis résultant du droit de l’Union avant l’expiration du délai de quatre ans prévu par le droit national pour la réalisation de l’investissement, uniquement parce que, pendant la même période, elle a également investi des fonds dans d’autres structures autonomes de son entreprise dont les produits ont été exportés ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

17

Le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) conteste la recevabilité de la demande de décision préjudicielle.

18

En premier lieu, cette juridiction ne l’estime ni pertinente ni nécessaire, dès lors que la juridiction de renvoi doit seulement se prononcer sur l’existence d’une violation manifeste du droit de l’Union et d’un lien de causalité entre cette prétendue violation et les préjudices allégués.

19

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt du 22 septembre 2016, Breitsamer und Ulrich, C-113/15, EU:C:2016:718, point 33).

20

En l’occurrence, il y a lieu de constater que, dans le litige au principal, ZPT recherche la responsabilité de l’État bulgare du fait d’une décision du Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) et en raison de prétendues violations du droit de l’Union imputables à l’Assemblée nationale de la République de Bulgarie et à l’Agence nationale des recettes publiques. Or, par ses questions, la juridiction de renvoi vise précisément à déterminer si les dispositions nationales en cause au principal ont violé les règles du droit de l’Union en matière d’aides d’État ou de libre circulation des marchandises. Dans ces conditions, la présente demande préjudicielle ne saurait être considérée comme manifestement dépourvue de pertinence.

21

En deuxième lieu, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) soutient que, par sa demande préjudicielle, la juridiction de renvoi tend à obtenir le réexamen d’une décision nationale revêtue de l’autorité de la chose jugée dont la remise en cause n’est pas possible, même si c’est pour remédier à une violation du droit de l’Union. Pour la même raison, cette demande n’aurait pas un caractère préjudiciel.

22

Il convient de relever, d’une part, que cette argumentation se rapporte au fond de la demande de décision préjudicielle et non à la recevabilité de celle-ci. D’autre part, une procédure visant à engager la responsabilité de l’État n’a pas le même objet et n’implique pas nécessairement les mêmes parties que la procédure ayant donné lieu à la décision ayant acquis l’autorité de la chose définitivement jugée. Il en découle que le principe de l’autorité de la chose définitivement jugée ne s’oppose pas à la reconnaissance du principe de la responsabilité de l’État du fait d’une décision d’une juridiction statuant en dernier ressort (arrêt du 30 septembre 2003, Köbler, C-224/01, EU:C:2003:513, points 39 et 40).

23

En troisième lieu, le renvoi préjudiciel violerait l’autonomie procédurale des juridictions bulgares et les règles de répartition des compétences juridictionnelles fixées par la constitution bulgare, dès lors que les juridictions civiles, dont fait partie la juridiction de renvoi, ne sont pas compétentes pour constater l’irrégularité d’une décision rendue par les juridictions administratives.

24

Toutefois, il découle du principe de l’autonomie procédurale que, en l’absence d’une réglementation de l’Union, c’est à l’ordre juridique de chaque État membre qu’il appartient de désigner la juridiction compétente pour trancher les litiges relatifs à la réparation d’une violation du droit de l’Union découlant d’une décision du juge national statuant en dernier ressort (arrêt du 30 septembre 2003, Köbler, C-224/01, EU:C:2003:513, point 59). Dans ce cadre, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur la question de savoir quelle est la juridiction compétente pour connaître d’une action en responsabilité telle que celle portée devant la juridiction de renvoi (arrêt du 23 novembre 2017, CHEZ Electro Bulgaria et Frontex International, C-427/16 et C-428/16, EU:C:2017:890, point 30).

25

En quatrième lieu, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) formule, sur le fondement de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, plusieurs griefs relatifs à l’imprécision, voire à l’inexactitude, en fait et en droit, de la demande de décision préjudicielle, à son manque de lien avec le litige au principal et à son défaut de motivation.

26

Premièrement, la demande de décision préjudicielle ne comporterait pas l’exposé des données factuelles sur lesquelles elle est fondée en violation de l’article 94 du règlement de procédure et dénaturerait même, dans sa quatrième question, les faits au principal. Il convient de relever que la décision de renvoi comporte un exposé assez détaillé des faits au principal. Quant à la prétendue dénaturation des faits, elle recouvre en réalité un débat sur la qualification juridique des établissements de ZPT, qui relève de la seule compétence de la juridiction de renvoi et qui est sans influence sur les réponses à apporter aux questions adressées à la Cour.

27

Deuxièmement, si le libellé de la première question ne rappelle pas lui–même précisément les dispositions nationales en cause ni le problème soulevé par leur articulation avec le règlement no 1998/2006, la décision de renvoi contient, en revanche, toutes les explications nécessaires à cet égard.

28

Troisièmement, il est vrai que la deuxième question, qui concerne la compatibilité d’une aide d’État en faveur de produits exportés avec la concurrence dans le marché intérieur, est formulée en termes imprécis. Cependant, afin de fournir une réponse utile, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (voir, notamment, arrêt du 17 décembre 2015, Szemerey, C-330/14, EU:C:2015:826, point 30).

29

À cet égard, la juridiction de renvoi cherche à savoir, par la deuxième question, jusqu’à quel point le principe de libre circulation des marchandises s’oppose à une aide, même de minimis, en faveur de produits exportés. Comme il est de jurisprudence constante que le droit dérivé doit être interprété, dans toute la mesure possible, de manière compatible avec le droit primaire de l’Union, le principe de libre circulation des marchandises peut influencer l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006, qui fait l’objet des autres questions.

30

Quatrièmement, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) fait observer à juste titre que la juridiction de renvoi n’expose pas expressément les raisons pour lesquelles elle s’interroge sur la validité de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 au regard de l’article 35 TFUE dans la troisième partie de la troisième question. Toutefois, ces raisons peuvent se déduire simplement des autres questions préjudicielles. Il est, en effet, d’une utilité certaine pour le juge national de savoir si la disposition de droit dérivé dont il demande l’interprétation à la Cour, en vue d’apprécier la légalité des dispositions nationales en cause, n’est pas invalide au regard de l’article 35 TFUE.

31

En cinquième lieu, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) considère qu’il ne peut être partie défenderesse à une procédure en réparation d’un dommage résultant d’une prétendue violation du droit de l’Union commise par lui, sans que soient méconnus le principe de la séparation des pouvoirs, l’exigence d’indépendance et d’impartialité du juge et le respect des compétences et de la hiérarchie des juridictions établies par la constitution bulgare.

32

Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 23, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 96, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure, sont notamment autorisées à présenter des observations devant la Cour, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, les parties au litige au principal. Or, la qualité de partie au litige au principal, en vertu de laquelle le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) a été invité à présenter ses observations dans le cadre de la présente procédure, relève de la seule appréciation du juge national au regard des règles de droit national. En tout état de cause, il n’existe aucune obligation pour les parties au litige au principal de présenter des observations devant la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle.

33

Dans ces conditions, la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur le fond

Sur la troisième partie de la troisième question

34

Par la troisième partie de la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 est invalide au regard de l’article 35 TFUE.

35

Aux termes de l’article 107 TFUE, « sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». L’article 108, paragraphe 3, TFUE dispose que « [l]a Commission doit être informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides ».

36

Toutefois, conformément à l’article 109 TFUE, le Conseil de l’Union européenne est autorisé à prendre tous règlements utiles, notamment, en vue de fixer les conditions d’application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ainsi que les catégories d’aides qui sont dispensées de la procédure prévue à cette dernière disposition (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2016, Dilly’s Wellnesshotel, C-493/14, EU:C:2016:577, point 33). Ainsi, le règlement no 994/98 a habilité la Commission à fixer, par voie de règlement, un plafond au-dessous duquel les aides ne sont pas soumises à la procédure de notification à la Commission prévue à l’article 108 TFUE.

37

Par le règlement no 1998/2006, la Commission a fixé à 200000 euros sur une période de trois ans le plafond en-dessous duquel les aides d’État sont réputées ne pas affecter sensiblement les échanges entre les États membres et ne doivent pas, par suite, lui être notifiées. Ce règlement exclut, toutefois, de ce régime certaines catégories d’aides, en particulier, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), de celui-ci, les « aides en faveur d’activités liées à l’exportation vers des pays tiers ou des États membres, c’est-à-dire des aides directement liées aux quantités exportées, des aides en faveur de la mise en place et du fonctionnement d’un réseau de distribution et d’autres dépenses courantes liées à l’activité d’exportation ».

38

L’article 35 TFUE interdit les restrictions quantitatives à l’exportation, ainsi que toute mesure d’effet équivalent, entre les États membres.

39

L’appréciation de la compatibilité de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 avec ces dernières dispositions appelle trois remarques préliminaires.

40

En premier lieu, l’interdiction des restrictions quantitatives à l’exportation et des mesures d’effet équivalent s’impose aussi bien aux autorités de l’Union qu’aux États membres, de telle sorte qu’une norme de droit dérivé peut être mise en cause sur ce fondement, y compris par la voie d’une question préjudicielle en appréciation de validité (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 15).

41

En deuxième lieu, tandis que l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 vise les exportations vers des États tiers ou des États membres, l’article 35 TFUE ne s’applique qu’à la circulation des marchandises entre les États membres. Par conséquent, en tant qu’il concerne les exportations vers les États tiers, l’article 1er, paragraphe 1, sous d), de ce règlement ne saurait être contraire à l’article 35 TFUE.

42

En troisième lieu, l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 n’institue pas, par lui-même, de restrictions quantitatives à l’exportation. Il y a lieu, en revanche, d’apprécier si cette disposition peut recevoir la qualification de « mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’exportation ».

43

À cet égard, la Cour a jugé qu’une mesure nationale applicable à tous les opérateurs agissant sur le territoire national qui affecte en fait davantage la sortie des produits du marché de l’État membre d’exportation que la commercialisation des produits sur le marché national dudit État membre relève de l’interdiction énoncée à l’article 35 TFUE (arrêt du 21 juin 2016, New Valmar, C-15/15, EU:C:2016:464, point 36 et jurisprudence citée).

44

Il ressort de cette définition que la qualification de « mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’exportation » suppose l’existence d’effets restrictifs sur les échanges commerciaux (arrêt du 21 juin 2016, New Valmar, C-15/15, EU:C:2016:464, point 42). Ces effets peuvent être d’importance même mineure (arrêt du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C-212/06, EU:C:2008:178, point 52) pourvu qu’ils ne soient ni trop aléatoires ni trop indirects (arrêt du 21 juin 2016, New Valmar, C-15/15, EU:C:2016:464, point 45 et jurisprudence citée).

45

Or, l’interdiction des aides liées à l’exportation vers des États membres, même lorsqu’elles ne dépassent pas le seuil de minimis, prévue à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no1998/2006, est par elle-même sans effet sur les échanges, dès lors qu’elle se borne à imposer aux États membres de s’abstenir d’octroyer un certain type d’aides. Par conséquent, cette disposition ne peut pas constituer une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’exportation contraire à l’article 35 TFUE.

46

Mais il résulte surtout des règles fondamentales du marché intérieur et du régime général des aides qui en fait partie que l’exclusion des aides à l’exportation du champ d’application du règlement no 1998/2006 est justifiée au regard de l’objectif même de l’article 107 TFUE. Selon cet article, les aides d’État sont, en effet, incompatibles avec le marché intérieur « dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres ». Or, les aides à l’exportation, même d’un montant modeste, sont, par définition, au nombre des aides susceptibles d’affecter les échanges entre les États membres, à la fois directement en conférant un avantage compétitif aux produits exportés et indirectement en suscitant de la part des autres États membres des contre-mesures symétriques destinées à compenser cet avantage compétitif. Ainsi que la Commission l’a fait valoir lors de l’audience, permettre de telles aides serait particulièrement préjudiciable au fonctionnement du marché intérieur.

47

Il en résulte que l’article 35 TFUE ne saurait justifier une mesure contraire à l’article 107 TFUE. En effet, les motifs pour lesquels la Cour a jugé que les dispositions du traité FUE relatives aux aides étatiques ne peuvent servir à mettre en échec les règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises justifient également l’affirmation réciproque, à savoir que ces dispositions et ces règles poursuivent un même objectif, qui est d’assurer la libre circulation des marchandises entre les États membres dans des conditions normales de concurrence (arrêts du 5 juin 1986, Commission/Italie, 103/84, EU:C:1986:229, point 19, et du 20 mars 1990, Du Pont de Nemours Italiana, C-21/88, EU:C:1990:121, points 19 à 21).

48

Il y a lieu, dès lors, de répondre à la troisième partie de la troisième question que l’examen de celle-ci n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006.

Sur les première et deuxième questions, les deux premières parties de la troisième question et la quatrième question

49

Par les première et deuxième questions, les deux premières parties de la troisième question et la quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions de droit national, telles que celles en cause au principal, qui excluent du bénéfice d’un avantage fiscal constituant une aide de minimis les investissements dans des actifs affectés à des activités liées à l’exportation.

50

Il convient de souligner, en premier lieu, que les dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 doivent être resituées dans le contexte d’ensemble de ce règlement qui a pour objet de permettre de déroger, pour les aides d’État d’un montant limité, à la règle selon laquelle toute aide doit, préalablement à toute mise en œuvre, être notifiée à la Commission.

51

L’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 a pour objet de limiter le champ possible de cette dérogation en en excluant les aides aux exportations. Cette interdiction s’analyse ainsi comme un retour au principe posé par le traité de l’interdiction des aides d’État. Elle ne saurait, dès lors, s’interpréter strictement.

52

Il convient de rappeler, en second lieu, que le règlement no 1998/2006 n’a eu en aucun cas pour objet et n’aurait d’ailleurs pu légalement avoir pour effet, ni d’obliger les États membres à accorder certaines aides, ni de les obliger à utiliser toutes les possibilités de dérogation qu’il ouvre.

53

C’est sous ces réserves qu’il convient de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi.

54

Les articles 184 et 188 de la loi relative à l’impôt sur les sociétés accordent une remise d’impôt d’un montant inférieur au plafond fixé par le règlement no 1998/2006 aux entreprises exerçant une activité de production dans une commune identifiée comme présentant un taux de chômage sensiblement supérieur à la moyenne nationale, à condition qu’elles y investissent le montant de la remise d’impôt dans un délai de quatre ans à compter du début de l’année pour laquelle l’impôt est remis. En vertu de l’article 182, paragraphe 2, point 7, de cette loi, l’avantage fiscal ne s’applique pas « à l’investissement dans des actifs affectés à des activités liées à l’exportation ». La République de Bulgarie a ainsi entendu se conformer à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006, qui exclut du bénéfice de la règle de minimis les aides qui favoriseraient les exportations.

55

L’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 n’exclut pas toute aide qui pourrait avoir une incidence sur les exportations, mais seulement celles qui ont pour objet direct, par la forme même qu’elles prennent, de soutenir les ventes dans un autre État. Sont considérées comme telles les seules aides « directement liées aux quantités exportées », celles relatives à la mise en place et au fonctionnement d’un réseau de distribution et celles concernant d’autres dépenses courantes liées à l’exportation.

56

Il en résulte qu’une aide à l’investissement, à condition qu’elle ne soit pas, sous une forme ou une autre, déterminée, dans son principe et dans son montant, par la quantité de produits exportés, n’est pas au nombre des « aides en faveur d’activités liées à l’exportation », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 et n’entre donc pas dans le champ d’application de cette disposition, même si les investissements ainsi soutenus permettent le développement de produits destinés à être exportés.

57

Dans le cas contraire, c’est-à-dire si une aide à l’investissement est déterminée par les quantités de produits exportés et si elle entre, par suite, dans le champ d’application de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006, elle est exclue du bénéfice de la règle de minimis. Ainsi interprétées, les dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 ne font pas obstacle à des dispositions de droit national comme celles de l’article 182, paragraphe 2, point 7, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, dès lors que ces dernières sont interprétées par le juge national, ainsi que leur libellé le permet, comme comportant la même exclusion.

58

Il y a lieu, dès lors, de répondre aux première et deuxième questions, aux deux premières parties de la troisième question et à la quatrième question que l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à des dispositions de droit national, telles que celles en cause au principal, qui excluent du bénéfice d’un avantage fiscal constituant une aide de minimis les investissements dans des actifs affectés à des activités liées à l’exportation.

Sur les dépens

59

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

1)

L’examen de la troisième partie de la troisième question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) no 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [107 et 108 TFUE] aux aides de minimis.

 

2)

L’article 1er, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1998/2006 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à des dispositions de droit national, telles que celles en cause au principal, qui excluent du bénéfice d’un avantage fiscal constituant une aide de minimis les investissements dans des actifs affectés à des activités liées à l’exportation.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.