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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

17 mai 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Articles 282 à 292 – Régime particulier des petites entreprises – Régime de franchise – Obligation d’opter pour l’application du régime particulier lors de l’année civile de référence »

Dans l’affaire C-566/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Nyíregyházi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Nyíregyháza, Hongrie), par décision du 25 octobre 2016, parvenue à la Cour le 10 novembre 2016, dans la procédure

Dávid Vámos

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, MM. E. Levits (rapporteur), A. Borg Barthet, Mme M. Berger et M. F. Biltgen, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér ainsi que par Mme E. E. Sebestyén, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios ainsi que par M. B. Béres, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du droit de l’Union et, en particulier, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Dávid Vámos au Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’Office national des impôts et des douanes, Hongrie) (ci-après la « direction des recours ») au sujet de la décision de cette dernière établissant l’existence d’un solde de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) débiteur à la charge de M. Vámos et l’obligeant à s’acquitter d’une amende fiscale et d’intérêts de retard.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 9 de la directive TVA énonce :

« 1.   Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence.

[...] »

4

L’article 213, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Tout assujetti déclare le commencement, le changement et la cessation de son activité en qualité d’assujetti.

Les États membres autorisent, et peuvent exiger, que la déclaration soit faite, dans les conditions qu’ils déterminent, par voie électronique. »

5

L’article 214 de ladite directive dispose :

« 1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soient identifiées par un numéro individuel les personnes suivantes :

a)

tout assujetti, à l’exception de ceux visés à l’article 9, paragraphe 2, qui effectue sur leur territoire respectif des livraisons de biens ou des prestations de services lui ouvrant droit à déduction, autres que des livraisons de biens ou des prestations de services pour lesquelles la TVA est due uniquement par le preneur ou le destinataire conformément aux articles 194 à 197 et à l’article 199 ;

[...] »

6

L’article 272 de la même directive prévoit :

« 1.   Les États membres peuvent dispenser les assujettis suivants de certaines obligations ou de toute obligation visées aux chapitres 2 à 6 :

[...]

d)

les assujettis qui bénéficient de la franchise pour les petites entreprises prévue aux articles 282 à 292 ;

[...] »

7

L’article 273 de la directive TVA énonce :

« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3. »

8

L’article 281 de cette directive dispose :

« Les États membres qui rencontreraient des difficultés pour l’assujettissement des petites entreprises au régime normal de la TVA, en raison de leur activité ou de leur structure, peuvent, dans les limites et les conditions qu’ils fixent, et après consultation du comité de la TVA, appliquer des modalités simplifiées d’imposition et de perception de la taxe, notamment des régimes de forfait, sans qu’il puisse en résulter un allégement de l’impôt. »

9

Aux termes de l’article 282 de la directive TVA, figurant à la section 2, intitulée « Franchises ou atténuations dégressives », du chapitre 1 du titre XII, dénommé « Régimes particuliers », de celle-ci :

« Les franchises et les atténuations prévues à la présente section s’appliquent aux livraisons de biens et aux prestations de services effectuées par les petites entreprises. »

10

L’article 287 de cette directive dispose :

« Les États membres ayant adhéré après le 1er janvier 1978 peuvent octroyer une franchise de taxe aux assujettis dont le chiffre d’affaires annuel est au maximum égal à la contre-valeur en monnaie nationale des montants suivants au taux du jour de leur adhésion :

[...]

12)

la Hongrie : 35000 [euros] ;

[...] »

11

L’article 290 de ladite directive énonce :

« Les assujettis susceptibles de bénéficier de la franchise de taxe peuvent opter soit pour le régime normal d’application de la TVA, soit pour l’application des modalités simplifiées visées à l’article 281. Dans ce cas, ils bénéficient des atténuations dégressives de la taxe prévues éventuellement par la législation nationale. »

Le droit hongrois

La loi relative à la TVA

12

L’article 2 de l’az általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi no CXXVII de 2007 relative à la taxe sur la valeur ajoutée, ci-après la « loi relative à la TVA ») énonce :

« Sont soumis [à la TVA] au titre de la présente loi :

(a)

les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire national par un assujetti agissant en tant que tel [...] »

13

L’article 187 de cette loi dispose :

« 1)

L’assujetti qui s’est établi pour exercer une activité économique sur le territoire national ou qui, à défaut d’un tel établissement à but économique, a son domicile ou sa résidence habituelle sur le territoire national est autorisé à opter pour l’exonération fiscale subjective selon les modalités prévues au présent chapitre.

2)

Dans l’hypothèse où l’assujetti fait usage du droit d’option prévu au paragraphe 1 ci-dessus, ledit assujetti, au cours de la période d’exonération et en tant que bénéficiaire d’une exonération,

a)

n’est pas tenu de s’acquitter de la taxe ;

b)

n’a pas droit à déduction de la taxe payée en amont ;

c)

veille à émettre exclusivement des factures dans lesquelles ne figurent ni la taxe en aval ni le pourcentage prévu à l’article 83. »

14

L’article 188, paragraphe 1, de ladite loi énonce :

« L’assujetti peut opter pour l’exonération fiscale subjective dans le cas où la contrepartie, payée ou à payer, de l’ensemble des livraisons de biens et des prestations de services qu’il a effectuées au sens de l’article 2, sous a), exprimée en [forints hongrois (HUF)] et cumulée sur une année, ne dépasse le plafond prévu au paragraphe 2 ci-dessous

a)

ni, par son montant effectif, lors de l’année civile précédant l’année civile de référence,

b)

ni, par son montant effectif ou raisonnablement prévisible, lors de l’année civile de référence. »

15

L’article 188, paragraphe 2, de la même loi, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2012, énonçait que le plafond ouvrant droit à l’exonération fiscale subjective était fixé à un montant de 5000000 HUF (environ 16040 euros). Ce plafond a été porté à 6000000 HUF (environ 19250 euros) à partir du 1er janvier 2013.

Le code de procédure fiscale

16

L’article 16 de l’adózás rendjéről szóló 2003. évi XCII. törvény (loi no XCII de 2003 portant code de procédure fiscale, ci-après le « code de procédure fiscale ») est libellé comme suit :

« 1)

Seul un contribuable disposant d’un numéro d’identification fiscale peut exercer une activité imposable, sauf exception prévue aux articles 20 et 21.

2)

Tout contribuable souhaitant exercer une activité imposable est tenu de se déclarer auprès de l’autorité fiscale nationale en vue de l’attribution d’un numéro d’identification fiscale. »

17

L’article 17, paragraphe 1, sous a), du code de procédure fiscale énonce que « le contribuable dont l’obligation fiscale ou l’activité imposable sont celles d’un entrepreneur individuel en application de la loi relative à l’activité d’entrepreneur individuel demande un numéro d’identification fiscal en présentant à l’autorité compétente pour les affaires en rapport avec l’activité des entrepreneurs individuels une déclaration (formulaire de déclaration dûment rempli), s’acquittant ainsi de son obligation de se déclarer auprès de l’autorité fiscale nationale ».

18

L’article 22, paragraphe 1, sous c), de ce code prévoit :

« L’assujetti à la TVA déclare opter pour l’exonération fiscale subjective en même temps qu’il déclare le commencement de son activité soumise à l’impôt. »

19

L’article 172, paragraphe 1, sous c), dudit code énonce :

« Moyennant la dérogation prévue au paragraphe 2, peut être sanctionné d’une amende pour négligence, pouvant atteindre 200000 [HUF (environ 640 euros)] pour les personnes privées et 500000 [HUF (environ 1600 euros)] pour les autres contribuables, le fait de ne pas satisfaire à leur obligation de déclaration (obligation de se déclarer et de communiquer les changements de situation), de communication de données, d’ouverture d’un compte de paiement, ainsi qu’à leur obligation d’effectuer leurs déclarations fiscales. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

20

À l’issue d’un contrôle, l’autorité fiscale hongroise a constaté que, entre l’année 2007 et le 22 janvier 2014, M. Vámos avait réalisé 778 ventes d’articles électroniques sur deux sites Internet, sans être inscrit au registre des assujettis à la TVA ni avoir déclaré les revenus provenant de ces ventes, et, en conséquence, lui a infligé une amende.

21

Ladite autorité fiscale a également établi que, au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013, M. Vámos avait exercé une activité de vente dont provenaient des recettes ne dépassant pas le plafond ouvrant droit à l’exonération fiscale subjective fixé à l’article 188, paragraphe 2, de la loi relative à la TVA et que, entre le 1er et le 22 janvier 2014, M. Vámos avait encore exercé une activité de vente, dont les recettes étaient négligeables.

22

Le 22 janvier 2014, M. Vámos s’est inscrit au registre des assujettis à la TVA et a opté pour l’exonération fiscale subjective, laquelle est un régime de franchise de TVA pour les petites entreprises prévu aux articles 187 et suivants de la loi relative à la TVA.

23

Par une procédure distincte de celle ayant conduit à l’imposition d’une amende à M. Vámos, l’autorité fiscale hongroise a procédé au contrôle a posteriori des déclarations fiscales de ce dernier concernant l’ensemble des taxes et des aides budgétaires, afférentes aux exercices 2012 à 2014. À l’issue de ce contrôle, elle a établi l’existence d’un solde de TVA débiteur à la charge de M. Vámos pour la période comprise entre le premier trimestre 2012 et le premier trimestre 2014 et l’a obligé à s’acquitter d’une nouvelle amende fiscale et d’intérêts de retard sur la base de l’arriéré fiscal ainsi mis en évidence.

24

M. Vámos a formé un recours hiérarchique contre cette dernière décision, laquelle a été confirmée par la direction des recours. Celle-ci s’est, d’une part, référée à l’article 187, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA, sur le fondement duquel M. Vámos était autorisé à opter pour l’exonération fiscale subjective, tout en indiquant, d’autre part, que l’article 22, paragraphe 1, sous c), du code de procédure fiscale ouvrait la faculté d’opter pour l’exonération fiscale subjective uniquement lors de la déclaration de commencement d’activités imposables et que cette faculté ne pouvait plus s’exercer par la suite. Selon la direction des recours, M. Vámos ne s’étant pas déclaré auprès de l’administration fiscale et n’ayant opté pour l’exonération fiscale subjective que le 22 janvier 2014, il n’avait droit de bénéficier de l’exonération fiscale subjective qu’après cette date.

25

M. Vámos a contesté cette décision de la direction des recours devant la juridiction de renvoi, en faisant valoir que l’exercice d’une activité économique au sens de l’article 6 de la loi relative à la TVA entraîne seulement l’assujettissement à la TVA et implique, par conséquent, une obligation de déclaration, conformément à l’article 213, paragraphe 1, de la directive TVA et à l’article 16 du code de procédure fiscale, mais pas une obligation de s’acquitter de la TVA. Dans la mesure où les recettes de M. Vámos, telles qu’établies par l’autorité fiscale hongroise, ne dépassaient, ni pour l’année 2012 ni pour l’année 2013, le plafond ouvrant droit à l’exonération fiscale subjective, l’autorité fiscale hongroise n’aurait pas dû l’obliger à s’acquitter de la TVA pour les exercices fiscaux 2012 et 2013, mais aurait en revanche été tenue de lui demander, dans le cadre du contrôle a posteriori, s’il souhaitait opter pour l’exonération fiscale subjective.

26

Dans ces conditions, le Nyíregyházi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Nyíregyháza, Hongrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Une réglementation nationale sur le fondement de laquelle l’autorité fiscale peut, dans le cadre d’un contrôle fiscal a posteriori, exclure la faculté d’opter pour l’exonération fiscale subjective en faisant valoir que l’assujetti ne peut exercer cette faculté qu’en même temps qu’il déclare le commencement de son activité soumise à l’impôt est-elle contraire au droit de l’Union ? »

Sur la question préjudicielle

27

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale excluant l’application d’un régime particulier d’imposition à la TVA prévoyant une franchise pour les petites entreprises – adopté conformément aux dispositions de la section 2 du chapitre 1 du titre XII de la directive TVA – à un assujetti qui remplit toutes les conditions de fond mais qui n’a pas exercé la faculté d’opter pour l’application de ce régime en même temps qu’il a déclaré le commencement de ses activités économiques à l’administration fiscale.

28

À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que les articles 282 à 292 et, notamment, l’article 287, point 12, de la directive TVA prévoient la possibilité pour les États membres d’octroyer une franchise de TVA aux petites entreprises.

29

Il y a lieu de relever, ensuite, que l’article 290 de cette directive prévoit la faculté pour l’assujetti, susceptible de bénéficier de la franchise de TVA, d’opter soit pour le régime normal d’application de la TVA, soit pour l’application des modalités simplifiées visées à l’article 281 de cette directive.

30

En outre, conformément au libellé des articles 281 et 284 à 287 de ladite directive, les États membres peuvent instaurer et maintenir des régimes particuliers d’imposition à la TVA si ces régimes sont conformes au système de la TVA. Par ailleurs, le considérant 49 de la même directive prévoit que, en ce qui concerne les petites entreprises, il importe de permettre aux États membres de continuer à appliquer leurs régimes particuliers.

31

Enfin, le régime de l’exonération fiscale subjective, prévu par le droit hongrois, est un régime particulier qui permet aux entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas un certain plafond de bénéficier d’une exonération de TVA. Ce régime de franchise, applicable aux petites entreprises, implique, conformément à l’article 187, paragraphe 2, de la loi relative à la TVA, que l’assujetti n’est pas tenu de s’acquitter de la TVA, n’a pas droit à déduction de la TVA payée en amont et veille à émettre exclusivement des factures dans lesquelles ne figure pas la TVA. Dans le cadre de ses observations devant la Cour, le gouvernement hongrois a relevé que la faculté d’opter pour l’exonération fiscale peut encore être exercée après la déclaration de commencement d’activité, mais elle ne peut produire effet que pour l’avenir.

32

En l’occurrence, l’assujetti avait demandé de pouvoir bénéficier de l’exonération fiscale subjective, ce qui lui a été refusé au motif que le droit d’opter pour cette exonération aurait dû être exercé pendant l’année civile au cours de laquelle il souhaitait bénéficier de ladite exonération.

33

S’agissant de l’obligation de déclarer le commencement d’une activité économique, la Cour a déjà dit pour droit que la directive TVA ne s’oppose pas à une législation nationale imposant à un assujetti une telle déclaration lorsque le produit de cette activité n’excède pas le plafond ouvrant droit à la franchise pour les petites entreprises (voir, en ce sens, ordonnance du 30 septembre 2015, Balogh, C-424/14, non publiée, EU:C:2015:708, point 30). Elle a également dit pour droit que la directive TVA ne s’oppose pas à ce que le non-respect de l’obligation de déclaration par un assujetti soit sanctionné par une amende administrative, pourvu que cette amende soit proportionnée (voir, en ce sens, ordonnance du 30 septembre 2015, Balogh, C-424/14, non publiée, EU:C:2015:708, point 37).

34

En l’espèce, il convient d’examiner si un État membre peut subordonner le bénéfice d’un régime de franchise au choix opéré par l’assujetti en faveur de ce régime en même temps que ce dernier présente la déclaration de commencement de l’activité et d’appliquer d’office, en l’absence de ce choix effectué à cette occasion, le régime normal d’imposition à la TVA.

35

Il y a lieu de relever, d’une part, que, eu égard aux dispositions mentionnées au point 30 du présent arrêt, l’application du régime particulier pour les petites entreprises constitue une option facultative dont dispose les États membres pour organiser leur système d’imposition.

36

D’autre part, il ressort de l’article 273, premier alinéa, de la directive TVA que les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qui ne figurent pas dans cette directive, mais qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA ainsi que pour éviter la fraude.

37

À cet égard, la Cour a précisé qu’il découle de cette disposition que chaque État membre a l’obligation de prendre toutes les mesures législatives et administratives propres à garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur son territoire et à lutter contre la fraude (arrêt du 9 juillet 2015, Cabinet Medical Veterinar Dr. Tomoiagă Andrei, C-144/14, EU:C:2015:452, point 25 et jurisprudence citée).

38

La Cour a également constaté que, en dehors des limites qu’elles fixent, les dispositions de l’article 273 de la directive TVA ne précisent ni les conditions ni les obligations que les États membres peuvent prévoir, et qu’elles confèrent, dès lors, à ceux-ci une marge d’appréciation quant aux moyens visant à s’assurer de la perception de l’intégralité de la TVA due sur leur territoire et à lutter contre la fraude (arrêt du 26 octobre 2017, BB construct, C-534/16, EU:C:2017:820, point 21 et jurisprudence citée).

39

Il est certes vrai que, en vertu de l’article 272, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA, il est loisible aux États membres de dispenser les assujettis qui bénéficient d’un régime de franchise pour les petites entreprises de certaines obligations ou de toute obligation visées aux chapitres 2 à 6 du titre XI de cette même directive. Il s’agit toutefois d’une simple faculté de telle sorte que les États membres ne sont pas tenus de dispenser les assujettis de telles obligations.

40

Par conséquent, il convient de constater, ainsi qu’il ressort des points 34 et 46 des conclusions de M. l’avocat général, que la décision du législateur hongrois de mettre en place un régime de franchise, tout en subordonnant son application à certaines exigences procédurales relève de la marge d’appréciation que la directive TVA accorde aux États membres.

41

Cependant, si les États membres disposent d’une marge d’appréciation dans le choix des mesures à adopter afin d’assurer l’exacte perception de la TVA et d’éviter la fraude, ils sont toutefois tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux et, notamment, dans le respect du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C-183/14, EU:C:2015:454, point 50 et jurisprudence citée), ainsi que des principes de neutralité fiscale et de sécurité juridique.

42

Ainsi, premièrement, s’agissant du principe de proportionnalité, il convient de constater, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 57 et 58 de ses conclusions, que l’obligation de payer la TVA pour des ventes réalisées constitue non pas la sanction du manquement à l’obligation de déclarer le commencement d’activité ainsi que d’effectuer le choix en faveur d’un régime d’exonération, mais le recouvrement de la TVA devenue exigible avec le commencement, par un opérateur comme M. Vámos, de son activité économique.

43

En outre, dans l’arrêt du 9 septembre 2004, Vermietungsgesellschaft Objekt Kirchberg (C-269/03, EU:C:2004:512), la Cour a dit pour droit que le droit de l’Union, et notamment le principe de proportionnalité, ne s’oppose pas à ce qu’un État membre, ayant fait usage de la faculté d’accorder à ses assujettis le droit d’opter pour un régime particulier de taxation, adopte une réglementation qui fait dépendre la déduction intégrale de la TVA acquittée en amont de l’obtention d’un agrément préalable, non rétroactif, de la part de l’administration fiscale.

44

La Cour a précisé, à cet égard, que l’absence de rétroactivité de la procédure d’agrément ne rend pas cette procédure disproportionnée (arrêt du 9 septembre 2004, Vermietungsgesellschaft Objekt Kirchberg, C-269/03, EU:C:2004:512, point 29).

45

Il ressort du point 34 du présent arrêt que, dans une situation telle que celle en cause au principal, le régime normal d’imposition à la TVA devient applicable lorsque l’assujetti n’a pas opéré de choix en faveur du régime de l’exonération subjective. Par conséquent, une législation nationale qui refuse d’accorder la franchise de TVA, dans une situation telle que celle en cause au principal, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’exacte perception de la TVA.

46

Deuxièmement, en ce qui concerne le principe de neutralité fiscale, qui est la traduction par le législateur de l’Union, en matière de TVA, du principe général d’égalité de traitement (arrêt du 26 octobre 2017, BB construct, C-534/16, EU:C:2017:820, point 29), il a déjà été jugé que les mesures que les États membres ont la faculté d’adopter afin d’assurer l’exacte perception de la TVA et d’éviter la fraude ne peuvent être utilisées d’une manière telle qu’elles remettraient en cause la neutralité de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2013, Rusedespred, C-138/12, EU:C:2013:233, points 28 et 29 et jurisprudence citée).

47

À cet égard, il y a lieu de considérer que permettre à des assujettis d’opter pour un régime de franchise postérieurement au délai imparti attribuerait à ceux-ci un avantage indu concurrentiel, au détriment des opérateurs qui ont dûment respecté les obligations procédurales prévues par la législation nationale en cause au principal. En effet, ces assujettis seraient en mesure de choisir a posteriori et, par conséquent, en pouvant se baser sur les résultats concrets de leur activité, le régime fiscal qui semble être le plus avantageux pour eux.

48

Or, le principe de neutralité fiscale s’oppose, notamment, à ce que des assujettis qui se trouvent dans des situations comparables et donc en concurrence les uns avec les autres soient traités de manière différente du point de vue de la TVA.

49

Il s’ensuit que le principe de neutralité fiscale et, d’une manière plus générale, le principe d’égalité de traitement des assujettis ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui n’accorde pas la franchise de TVA aux assujettis qui ont omis d’opter pour un des régimes de franchise en même temps qu’ils déclarent le commencement de leur activité économique, même si le produit de leur activité n’excède pas le plafond ouvrant droit à la franchise pour les petites entreprises.

50

Troisièmement, il y a lieu de relever que le principe de sécurité juridique doit être respecté par les institutions de l’Union européenne, mais également par les États membres dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les directives de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C-183/14, EU:C:2015:454, point 30 et jurisprudence citée).

51

Ce principe exige que la situation fiscale de l’assujetti ne soit pas indéfiniment susceptible d’être remise en cause (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2014, Fatorie, C-424/12, EU:C:2014:50, point 46).

52

En outre, comme il est mentionné au point 31 du présent arrêt, étant donné que les bénéficiaires de l’exonération fiscale subjective ne paient pas de TVA et qu’ils n’ont ainsi pas besoin de la répercuter sur leurs clients, il peut s’avérer indispensable pour les administrations fiscales de connaître à l’avance les assujettis ayant opté pour ce régime de franchise.

53

Par conséquent, la législation nationale en cause au principal est conforme au principe de sécurité juridique.

54

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale excluant l’application d’un régime particulier d’imposition à la TVA prévoyant une franchise pour les petites entreprises – adopté conformément aux dispositions de la section 2 du chapitre 1 du titre XII de la directive TVA – à un assujetti qui remplit toutes les conditions de fond, mais qui n’a pas exercé la faculté d’opter pour l’application de ce régime en même temps qu’il a déclaré le commencement de ses activités économiques à l’administration fiscale.

Sur les dépens

55

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

 

Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale excluant l’application d’un régime particulier d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée prévoyant une franchise pour les petites entreprises – adopté conformément aux dispositions de la section 2 du chapitre 1 du titre XII de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée – à un assujetti qui remplit toutes les conditions de fond, mais qui n’a pas exercé la faculté d’opter pour l’application de ce régime en même temps qu’il a déclaré le commencement de ses activités économiques à l’administration fiscale.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le hongrois.