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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

28 juin 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CE) no 883/2004 – Annexe XI, rubrique “Espagne”, point 2 – Pension de retraite – Mode de calcul – Montant théorique – Base de cotisation pertinente – Convention spéciale – Choix de la base de cotisation – Réglementation nationale obligeant le travailleur à cotiser sur le fondement de la base de cotisation minimale »

Dans l’affaire C-2/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne), par décision du 13 décembre 2016, parvenue à la Cour le 2 janvier 2017, dans la procédure

Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS)

contre

Jesús Crespo Rey,

en présence de

Tesorería General de la Seguridad Social,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. E. Levits, président de chambre, Mme M. Berger et M. F. Biltgen (rapporteur), juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 décembre 2017,

considérant les observations présentées :

pour l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS), par M. A. R. Trillo García et Mme A. Alvarez Moreno, letrados,

pour le gouvernement espagnol, par Mme V. Ester Casas, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme S. Pardo Quintillán ainsi que par MM. D. Martin et J. Tomkin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO 2009, L 284, p. 423) (ci-après le « règlement no 883/2004 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS) [Institut national de la sécurité sociale (INSS), Espagne] à la Tesorería General de la Seguridad Social (Trésorerie générale de la sécurité sociale, Espagne) et à M. Jesús Crespo Rey au sujet du calcul de la pension de retraite de ce dernier.

Le cadre juridique

L’accord sur la libre circulation des personnes

3

Conformément à son article 1er, sous a) et d), l’accord sur la libre circulation des personnes conclu entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, signé à Luxembourg le 21 juin 1999 (JO 2002, L 114, p. 6, ci-après l’« accord sur la libre circulation des personnes »), a pour objectif d’accorder aux ressortissants des États membres de l’Union européenne et de la Suisse un droit d’entrée, de séjour, d’accès à une activité économique salariée et d’établissement en tant qu’indépendant, ainsi que le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes et d’accorder les mêmes conditions de vie, d’emploi et de travail que celles accordées aux nationaux.

4

L’article 2 de cet accord prévoit que les ressortissants d’une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante ne sont pas, dans l’application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III dudit accord, discriminés en raison de leur nationalité.

5

Aux termes de l’article 8 du même accord :

« Les parties contractantes règlent, conformément à l’annexe II, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer notamment :

a)

l’égalité de traitement ;

b)

la détermination de la législation applicable ;

c)

la totalisation, pour l’ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes les périodes prises en considération par les différentes législations nationales ;

d)

le paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire des parties contractantes ;

e)

l’entraide et la coopération administratives entre les autorités et les institutions. »

6

L’article 9, paragraphes 1 et 2, de l’annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes, intitulé « Égalité de traitement », dispose :

« 1.   Un travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante ne peut, sur le territoire de l’autre partie contractante, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux salariés en ce qui concerne les conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2.   Le travailleur salarié et les membres de sa famille visés à l’article 3 de la présente annexe y bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille. »

7

L’annexe II de l’accord sur la libre circulation des personnes, intitulée « Coordination des systèmes de sécurité sociale », a été modifiée par l’annexe de la décision no 1/2012 du comité mixte institué par ledit accord, du 31 mars 2012 (JO 2012, L 103, p. 51).

8

Aux termes de l’article 1er de l’annexe II de l’accord sur la libre circulation des personnes, telle que modifiée par l’annexe de la décision no 1/2012 :

« 1.   Les parties contractantes conviennent d’appliquer entre elles, dans le domaine de la coordination des systèmes de sécurité sociale, les actes juridiques de l’Union européenne auxquels il est fait référence dans la section A de la présente annexe, tels que modifiés par celle-ci, ou des règles équivalentes à ceux-ci.

2.   [Les termes] “État(s) membre(s)” figurant dans les actes juridiques auxquels il est fait référence à la section A de la présente annexe [sont réputés] s’appliquer, outre les États couverts par les actes juridiques pertinents de l’Union européenne, à la Suisse. »

9

L’annexe II, section A, de l’accord sur la libre circulation des personnes, dans sa version modifiée, énumère les « actes juridiques auxquels il est fait référence », parmi lesquels figure, notamment, le règlement no 833/2004.

Le règlement no 883/2004

10

L’article 52, paragraphe 1, du règlement no 833/2004, intitulé « Liquidation des prestations », qui fait partie du titre III de celui-ci, relatif aux dispositions particulières applicables aux différentes parties de prestations, et plus particulièrement du chapitre 5, consacré aux « pensions de vieillesse et de survie », prévoit :

« L’institution compétente calcule le montant de la prestation due :

a)

en vertu de la législation qu’elle applique, uniquement lorsque les conditions requises pour le droit aux prestations sont remplies en vertu du seul droit national (prestation indépendante) ;

b)

en calculant un montant théorique et ensuite un montant effectif (prestation au prorata), de la manière suivante :

i)

le montant théorique de la prestation est égal à la prestation à laquelle l’intéressé pourrait prétendre si toutes les périodes d’assurance et/ou de résidence accomplies sous les législations des autres États membres avaient été accomplies sous la législation qu’elle applique à la date de la liquidation de la prestation. Si, selon cette législation, le montant de la prestation est indépendant de la durée des périodes accomplies, ce montant est considéré comme le montant théorique ;

ii)

l’institution compétente établit ensuite le montant effectif de la prestation sur la base du montant théorique, au prorata de la durée des périodes accomplies avant la réalisation du risque sous la législation qu’elle applique, par rapport à la durée totale des périodes accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les États membres concernés. »

11

L’article 56 de ce règlement, figurant au même chapitre 5 et intitulé « Dispositions complémentaires pour le calcul des prestations », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Pour le calcul du montant théorique et du prorata visés à l’article 52, paragraphe 1, point b), les règles suivantes sont appliquées :

[...]

c)

si la législation d’un État membre prévoit que le calcul des prestations repose sur des revenus, des cotisations, des assiettes de cotisation, des majorations, des gains ou d’autres montants moyens, proportionnels, forfaitaires ou fictifs, ou une combinaison de plusieurs de ces éléments, l’institution compétente :

i)

détermine la base de calcul des prestations en vertu des seules périodes d’assurance accomplies sous la législation qu’elle applique ;

ii)

utilise, pour la détermination du montant à calculer au titre des périodes d’assurance et/ou de résidence accomplies sous la législation des autres États membres, les mêmes éléments déterminés ou constatés pour les périodes d’assurance accomplies sous la législation qu’elle applique ;

si nécessaire, conformément aux modalités fixées à l’annexe XI pour l’État membre concerné ;

[...] »

12

L’annexe XI dudit règlement, intitulée « Dispositions particulières d’application de la législation de certains États membres », est destinée à prendre en compte les particularités des divers systèmes de sécurité sociale des États membres afin de faciliter l’application des règles de coordination des systèmes de sécurité sociale. Il ressort du considérant 3 du règlement no 988/2009 que plusieurs États membres ont demandé l’insertion dans cette annexe d’inscriptions concernant l’application de leur législation en matière de sécurité sociale et ont fourni à la Commission européenne des explications juridiques et pratiques de leurs législations et de leurs systèmes.

13

L’annexe XI, rubrique « Espagne », point 2, du règlement no 883/2004 énonce :

« a)

En application de l’article 56, paragraphe 1, point c), du présent règlement, le calcul de la prestation théorique espagnole s’effectue sur la base des cotisations réelles versées par l’assuré pendant les années précédant immédiatement le paiement de la dernière cotisation à la sécurité sociale espagnole. Lorsque, pour le calcul du montant de base de la pension, il est nécessaire de prendre en compte des périodes d’assurance et/ou de résidence accomplies au titre de la législation d’autres États membres, c’est la base de cotisation en Espagne la plus proche, dans le temps, des périodes de référence qui doit être utilisée pour les périodes susmentionnées, en tenant compte de l’évolution de l’indice des prix de détail.

b)

Le montant de la pension obtenu est augmenté du montant des majorations et revalorisations calculées pour chaque année ultérieure pour les pensions de même nature. »

Le droit espagnol

La loi générale relative à la sécurité sociale

14

L’article 162 de la de la Ley General de la Seguridad Social (loi générale relative à la sécurité sociale), dans sa version consolidée approuvée par le Real Decreto Legislativo 1/1994 (décret royal législatif 1/1994), du 20 juin 1994 (BOE no 154, du 29 juin 1994, p. 20568, applicable ratione temporis à l’affaire au principal, prévoit le mode de calcul du montant de base de la pension de retraite dans le régime contributif.

15

La cinquième disposition transitoire de la loi générale relative à la sécurité sociale, intitulée, « Normes transitoires sur le montant de base de la pension de retraite », indique, à son paragraphe 1, première phrase, que « à compter du 1er janvier 2013, le montant de base de la pension de retraite est le résultat de la division par 224 des bases de cotisation des 192 mois immédiatement antérieurs au mois précédant le fait générateur ».

L’arrêté ministériel de 2003

16

L’Orden TAS/2865/2003 (arrêté ministériel TAS/2865/2003), du 13 octobre 2003 (BOE no 250, du 18 octobre 2003, ci-après l’« arrêté ministériel de 2003 »), prévoit les conditions auxquelles une affiliation au régime de sécurité sociale espagnole peut être souscrite au moyen d’une convention spéciale.

17

L’article 2 de l’arrêté ministériel de 2003 définit les personnes pouvant normalement souscrire une telle convention. Il s’agit essentiellement des travailleurs non couverts par la sécurité sociale.

18

L’article 6 dudit arrêté ministériel fixe la base de cotisation applicable aux souscripteurs d’une telle convention, qui peuvent choisir, au moment de la souscription de l’accord entre les différentes bases mensuelles de cotisation suivantes :

la base maximale pour les risques ordinaires du groupe de cotisation correspondant à la catégorie professionnelle de l’intéressé, ou dans le régime dont il relève, sous certaines conditions ;

la base de cotisation résultant de la division par 12 de la somme des bases pour risques ordinaires utilisées pour le paiement des cotisations durant une période déterminée ;

la base minimale en vigueur, à la date de prise d’effet de la convention spéciale, dans le régime spécial de la sécurité sociale pour les travailleurs indépendants ;

une base de cotisation comprise entre celles déterminées conformément aux trois possibilités précédentes.

19

Le chapitre II de l’arrêté ministériel de 2003, intitulé « Modalités de convention spéciale », comprend une section 3 qui regroupe les dispositions relatives aux conventions spéciales applicables aux ressortissants espagnols et à leurs enfants qui travaillent à l’étranger ainsi qu’aux bénéficiaires d’un système de sécurité sociale étranger résidant en Espagne.

20

L’article 15 de l’arrêté ministériel de 2003, qui figure dans cette section 3, régit ainsi la « convention spéciale pour les émigrants espagnols et leurs enfants travaillant à l’étranger » (ci-après la « convention spéciale »). Cet article prévoit, à son paragraphe 1, que peuvent souscrire une telle convention « les émigrants espagnols et leurs enfants de nationalité espagnole, qu’ils aient ou non été précédemment affiliés à la sécurité sociale espagnole, quel que soit le pays où ils travaillent et indépendamment de la question de savoir si ce pays a signé avec le Royaume d’Espagne un accord ou une convention en matière de sécurité sociale » et « les émigrants espagnols et leurs enfants de nationalité espagnole, quel que soit le pays où ils travaillent, au moment de leur retour sur le territoire espagnol, pour autant qu’ils ne relèvent pas obligatoirement d’un régime public de protection sociale en Espagne ».

21

Par ailleurs, ledit article dispose, à son paragraphe 4 :

« La base mensuelle de cotisation au titre de ce type de convention spéciale est en tout état de cause la base minimale de cotisation fixée dans le cadre du régime général de la sécurité sociale [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

22

M. Crespo Rey est de nationalité espagnole. Après avoir cotisé en Espagne, durant plusieurs périodes entre le mois d’août 1965 et le mois de juin 1980, sur le fondement de bases supérieures à la base minimale fixée par le régime général de la sécurité sociale espagnole, il s’est installé en Suisse. La juridiction de renvoi indique que pendant la période comprise entre le 1er mai 1984 et le 30 novembre 2007, il a cotisé au régime de sécurité sociale de cet État.

23

Le 1er décembre 2007, M. Crespo Rey a souscrit une convention spéciale auprès de la sécurité sociale espagnole (ci-après la « convention spéciale du 1er décembre 2007 »), de telle sorte qu’il a, à compter de cette date et jusqu’au 1er janvier 2014, versé des cotisations dont le montant a été calculé sur la base de cotisation minimale fixée par le régime général de la sécurité sociale espagnole.

24

Par décision de l’INSS du 26 septembre 2014, M. Crespo Rey s’est vu octroyer une pension de retraite en Espagne.

25

Lors du calcul de cette pension, l’INSS a, conformément à la 5e disposition transitoire de la loi générale relative à la sécurité sociale, tenu compte du montant des cotisations versées par l’intéressé durant les 192 mois précédant son départ à la retraite, soit la période comprise entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2013.

26

L’INSS a assimilé la période allant du 1er décembre 2007 au 31 décembre 2013, durant laquelle la convention spéciale du 1er décembre 2007 s’appliquait, à une période accomplie en Espagne. Il a, partant, appliqué les modalités prévues à l’annexe XI, rubrique « Espagne », point 2, du règlement no 883/2004 et pris comme base de calcul, pour cette période, les cotisations versées par M. Crespo Rey dans le cadre de cette convention.

27

Quant à la période comprise entre le 1er janvier 1998 et le 30 novembre 2007, durant laquelle M. Crespo Rey a travaillé en Suisse préalablement à la souscription de ladite convention, l’INSS a pris en considération, conformément à l’annexe XI, rubrique « Espagne », point 2, du règlement no 883/2004, la base de cotisation en Espagne la plus proche dans le temps des périodes de référence. L’INSS a considéré qu’il s’agissait de la base de cotisation du mois de décembre 2007, sur la base de laquelle a été calculée la première cotisation minimale versée par M. Crespo Rey dans le cadre de la même convention.

28

M. Crespo Rey a introduit un recours contre cette décision devant le Juzgado de lo Social no 1 de La Coruňa (tribunal du travail no 1 de La Corogne, Espagne), aux fins de contester le calcul de sa pension de retraite effectué par l’INSS.

29

Le recours de M. Crespo Rey ayant été accueilli par cette juridiction, l’INSS a fait appel de la décision du Juzgado de lo Social no 1 de La Coruňa (tribunal du travail no 1 de La Corogne) devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne).

30

La juridiction de renvoi se demande si la réglementation nationale en cause dans l’affaire dont elle est saisie est compatible avec l’article 45, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où, d’une part, l’article 15 de l’arrêté ministériel de 2003 oblige le travailleur migrant à cotiser sur le fondement de la base de cotisation minimale, sans possibilité de choisir une autre base de cotisation et, d’autre part, l’INSS assimile la période durant laquelle cette convention s’applique à une période accomplie en Espagne, de telle sorte que, lors du calcul du montant théorique de la pension de retraite de ce travailleur, seules sont prises en compte les cotisations minimales versées dans le cadre de ladite convention, alors même que, avant d’exercer son droit à la libre circulation, le travailleur concerné a cotisé, en Espagne, sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale.

31

Dans l’hypothèse où la Cour devrait considérer qu’il existe une telle incompatibilité, la juridiction de renvoi s’interroge encore sur le point de savoir s’il convient, conformément à l’article 45 TFUE et à l’annexe XI, rubrique « Espagne », point 2, du règlement no 883/2004, de prendre en considération, aux fins du calcul du montant théorique de la pension de retraite du travailleur migrant, la dernière base de cotisations réelles versées par ce dernier en Espagne avant d’exercer son droit à la libre circulation, soit une base de cotisation plus élevée que celle sur le fondement de laquelle les cotisations versées par ledit travailleur dans le cadre de la convention spéciale du 1er décembre 2007 ont été calculées.

32

Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les bases de cotisation résultant de l’application du droit interne espagnol, en vertu duquel un travailleur migrant revenu au pays, dont les dernières cotisations réelles versées en Espagne ont été supérieures aux bases minimales, ne peut que souscrire une convention de maintien des cotisations fondées sur la base de cotisation minimale alors que, s’il avait été un travailleur sédentaire, il aurait eu la possibilité de souscrire cette même convention pour [des cotisations fondées] sur des bases supérieures, sont-elles exclues de l’expression “la base de cotisation en Espagne la plus proche, dans le temps” qui figure à l’annexe XI, rubrique “Espagne”, point 2, du règlement no 883/2004 ?

2)

Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la [première question], peut-on considérer, conformément à l’annexe XI, rubrique “Espagne”, point 2, du règlement no 883/2004, que la prise en compte des dernières cotisations réelles versées en Espagne dûment actualisées et le fait de considérer la période durant laquelle un tel travailleur a cotisé en application de la convention de maintien des cotisations comme une période neutre ou une parenthèse constituent des remèdes adéquats pour réparer le préjudice causé audit travailleur ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

33

Le gouvernement espagnol excipe de l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle au motif que la juridiction de renvoi a procédé à une appréciation erronée des faits dont l’examen n’a pas été abordé en appel, ce qui aboutirait à solliciter une interprétation sans rapport avec la réalité du litige au principal.

34

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’une procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national. Il appartient de même au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C-436/08 et C-437/08, EU:C:2011:61, point 41, ainsi que du 22 octobre 2009, Zurita García et Choque Cabrera, C-261/08 et C-348/08, EU:C:2009:648, point 34 et jurisprudence citée).

35

Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C-94/04 et C-202/04, EU:C:2006:758, point 25, ainsi que du 22 septembre 2016, Breitsamer und Ulrich, C-113/15, EU:C:2016:718, point 33).

36

Ladite présomption de pertinence ne saurait être renversée par la simple circonstance que l’une des parties au principal conteste certains faits dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude et dont dépend la définition de l’objet dudit litige (arrêts du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C-94/04 et C-202/04, EU:C:2006:758, point 26, ainsi que du 22 septembre 2016, Breitsamer und Ulrich, C-113/15, EU:C:2016:718, point 34).

37

En l’occurrence, le gouvernement espagnol et l’INSS ont soutenu devant la Cour que, contrairement à ce que relève la juridiction de renvoi, durant la période comprise entre le 1er décembre 2007, date de souscription de la convention spéciale du 1er décembre 2007, et le 31 décembre 2013, date de départ à la retraite de M. Crespo Rey, celui-ci continuait de travailler et de cotiser en Suisse.

38

Or, la question de savoir si, au moment de la souscription de cette convention, M. Crespo Rey était revenu en Espagne ou continuait de travailler et de cotiser en Suisse relève du cadre factuel de l’affaire au principal, qu’il n’appartient pas à la Cour de vérifier.

39

Dans ces conditions, il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le gouvernement espagnol.

Sur le fond

40

Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée par l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En effet, la Cour a pour mission d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin pour statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions (arrêt du 19 octobre 2017, Otero Ramos, C-531/15, EU:C:2017:789, point 39 et jurisprudence citée).

41

En conséquence, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité ses questions à l’interprétation de l’annexe XI, rubrique « Espagne », point 2, du règlement no 883/2004, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, par analogie, arrêt du 19 octobre 2017, Otero Ramos, C-531/15, EU:C:2017:789, point 40 et jurisprudence citée).

42

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi demande si la réglementation nationale en cause au principal est compatible avec l’article 45 TFUE, dans la mesure où celle-ci oblige le travailleur migrant qui souscrit une convention spéciale auprès de la sécurité sociale espagnole, à cotiser sur le fondement de la base de cotisation minimale, de telle sorte que, lors du calcul du montant théorique de la pension de retraite de ce travailleur, conformément à l’annexe XI, rubrique « Espagne », point 2, du règlement no 883/2004, l’institution compétente assimilera la période couverte par cette convention à une période accomplie en Espagne et ne prendra en considération que les cotisations versées par ledit travailleur en vertu de cette convention, même si, avant d’exercer son droit à la libre circulation, ce dernier a cotisé, en Espagne, sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale.

43

Or, dans une situation telle que celle en cause au principal, qui concerne un travailleur migrant ressortissant d’un État membre ayant travaillé et cotisé durant une certaine période en Suisse, il convient d’apprécier la réglementation nationale en cause au principal au regard des dispositions de l’accord sur la libre circulation des personnes.

44

Compte tenu de ces considérations, il y a lieu de comprendre que, par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’accord sur la libre circulation des personnes doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui oblige le travailleur migrant qui souscrit une convention spéciale auprès de la sécurité sociale de cet État membre à cotiser sur le fondement de la base de cotisation minimale, de telle sorte que, lors du calcul du montant théorique de sa pension de retraite, l’institution compétente dudit État membre assimile la période couverte par cette convention à une période accomplie dans ce même État membre et ne prend en considération, en vue de ce calcul, que les cotisations versées par le travailleur dans le cadre de ladite convention, alors même que ce dernier a, avant d’exercer son droit à la libre circulation, cotisé, dans cet État membre, sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale et qu’un travailleur sédentaire n’ayant pas fait usage de son droit à la libre circulation et qui souscrit une telle convention dispose de la faculté de cotiser sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale.

Sur les questions préjudicielles

45

À titre liminaire, il convient de rappeler que le règlement no 883/2004 n’organise pas un régime commun de sécurité sociale, mais laisse subsister des régimes nationaux distincts et a pour unique objet d’assurer une coordination entre ces derniers. Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale (voir, notamment, arrêts du 21 février 2013, Salgado González, C-282/11, EU:C:2013:86, point 35 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 décembre 2017, Zaniewicz-Dybeck, C-189/16, EU:C:2017:946, point 38).

46

Dès lors, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer, notamment, les conditions qui donnent droit à des prestations (arrêts du 21 février 2013, Salgado González, C-282/11, EU:C:2013:86, point 36 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 décembre 2017, Zaniewicz-Dybeck, C-189/16, EU:C:2017:946, point 39).

47

Dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent néanmoins respecter le droit de l’Union et, en particulier, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres (arrêts du 21 février 2013, Salgado González, C-282/11, EU:C:2013:86, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 décembre 2017, Zaniewicz-Dybeck, C-189/16, EU:C:2017:946, point 40).

48

Ainsi qu’il ressort du préambule de l’article 1er et de l’article 16, paragraphe 2, de l’accord sur la libre circulation des personnes, ce dernier vise à réaliser, en faveur des ressortissants de l’Union et de ceux de la Confédération Suisse, la libre circulation des personnes sur les territoires des parties contractantes de cet accord en s’appuyant sur les dispositions en application dans l’Union, dont les notions doivent être interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêts du 19 novembre 2015, Bukovansky, C-241/14, EU:C:2015:766, point 40, ainsi que du 21 septembre 2016, Radgen, C-478/15, EU:C:2016:705, point 36).

49

Dans ce contexte, il y a lieu de relever que cet objectif comprend, en vertu de l’article 1er, sous a) et d), dudit accord, celui d’accorder à ces ressortissants, entre autres, un droit d’entrée, de séjour, d’accès à une activité économique salariée ainsi que les mêmes conditions de vie, d’emploi et de travail que celles accordées aux nationaux (arrêt du 21 septembre 2016, Radgen, C-478/15, EU:C:2016:705, point 37).

50

Ainsi, l’article 8, sous a), de l’accord sur la libre circulation des personnes précise que les parties contractantes règlent, conformément à l’annexe II de celui-ci, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer l’égalité de traitement.

51

L’article 9 de l’annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes, intitulé « Égalité de traitement », garantit l’application du principe de non-discrimination énoncé à l’article 2 de cet accord dans le cadre de la libre circulation des travailleurs (arrêts du 19 novembre 2015, Bukovansky, C-241/14, EU:C:2015:766, point 36 et jurisprudence citée, ainsi que du 21 septembre 2016, Radgen, C-478/15, EU:C:2016:705, point 40).

52

S’agissant de l’affaire au principal, il convient de relever qu’il apparaît, sous réserve de la vérification qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’opérer à cet égard, que M. Crespo Rey a fait usage de son droit à la libre circulation en exerçant une activité salariée sur le territoire de la Suisse. Il s’ensuit qu’il relève du champ d’application de l’accord sur la libre circulation des personnes et, partant, peut invoquer ledit accord à l’égard de son État d’origine.

53

En l’occurrence, il importe de relever que la période de référence pour le calcul de la pension de retraite de M. Crespo Rey est, conformément à la cinquième disposition transitoire de la loi générale relative à la sécurité sociale, celle comprise entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2013.

54

Il découle de l’exposé des faits, tel que rappelés au point 23 du présent arrêt, que M. Crespo Rey a conclu la convention spéciale du 1er décembre 2007, en vertu de laquelle il a cotisé sur le fondement de la base minimale de cotisation jusqu’au 31 décembre 2013.

55

Dans l’affaire au principal, la souscription, par M. Crespo Rey, de la convention spéciale du 1er décembre 2007 a eu pour conséquence que, lors du calcul du montant théorique de sa pension de retraite, l’INSS s’est fondé sur la base minimale de cotisation.

56

Ainsi, afin de définir la base de cotisation pertinente pour cette période, l’INSS a pris en compte, conformément à l’annexe XI, rubrique « Espagne », point 2, du règlement no 883/2004, les cotisations réelles versées par M. Crespo Rey pendant les années précédant immédiatement le paiement de la dernière cotisation à la sécurité sociale, soit les cotisations minimales versées par ce dernier en application de la convention spéciale du 1er décembre 2007.

57

Quant à la période comprise entre le 1er janvier 1998 et le 30 novembre 2007, durant laquelle M. Crespo Rey a travaillé en Suisse mais n’avait pas encore souscrit cette convention, l’INSS a pris en considération, conformément à l’annexe XI, rubrique « Espagne », point 2, du règlement no 883/2004, la base de cotisation en Espagne la plus proche dans le temps des périodes de référence. L’INSS a considéré, à cet égard, qu’il s’agissait de la base de cotisation du mois de décembre 2007, soit, ici encore, la base de cotisation minimale en vertu de laquelle M. Crespo Rey a versé ses cotisations dans le cadre de ladite convention.

58

Il s’ensuit que l’assimilation, par l’INSS, de la période couverte par la convention spéciale du 1er décembre 2007 à une période de travail accomplie en Espagne a eu pour résultat que, lors du calcul du montant théorique de la pension de retraite de M. Crespo Rey, seule la base de cotisation minimale en vertu de laquelle celui-ci a versé ses cotisations dans le cadre de ladite convention a été prise en considération.

59

Il importe de relever, à cet égard, qu’il ressort de la décision de renvoi que, avant d’exercer son droit à la libre circulation et de souscrire la convention spéciale du 1er décembre 2007, M. Crespo Rey a cotisé au régime de sécurité sociale espagnol sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale appliquée dans le cadre de ladite convention.

60

Or, conformément à l’article 15, paragraphe 4, de l’arrêté ministériel de 2003, le travailleur migrant n’est pas libre de continuer à cotiser sur le fondement de bases supérieures dans le cadre de la convention spéciale, le montant de ces cotisations étant obligatoirement déterminé, dans le cadre d’une telle convention, sur le fondement de la base minimale de cotisation fixée par le régime général de la sécurité sociale espagnole.

61

Par conséquent, lorsque, comme dans l’affaire au principal, le travailleur migrant a, avant d’exercer son droit à la libre circulation et de souscrire une convention spéciale, cotisé sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale auprès de la sécurité sociale de l’État membre en cause, les cotisations versées par ce travailleur dans le cadre de la convention qu’il a conclue ne correspondent pas à celles qu’il aurait effectivement versées s’il avait continué à exercer dans les mêmes conditions son activité dans ledit État membre.

62

Il convient, en outre, de souligner que l’INSS et le gouvernement espagnol ont reconnu, dans leurs observations écrites ainsi que lors de l’audience devant la Cour, que la réglementation nationale en cause au principal n’impose pas une telle obligation aux travailleurs sédentaires n’ayant pas fait usage de leur droit à la libre circulation et qui accomplissent donc l’ensemble de leur carrière professionnelle en Espagne. Ceux-ci disposent, en effet, de la faculté de cotiser sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale.

63

Il s’ensuit que, en obligeant les travailleurs migrants qui souscrivent une convention spéciale à verser des cotisations calculées sur le fondement de la base de cotisation minimale, la réglementation nationale en cause au principal établit une différence de traitement de nature à défavoriser les travailleurs migrants par rapport aux travailleurs sédentaires ayant accompli l’ensemble de leur carrière professionnelle dans l’État membre en cause.

64

L’INSS et le gouvernement espagnol font valoir, à cet égard, que la souscription d’une convention spéciale a pour finalité de permettre au travailleur migrant d’éviter de subir une réduction du montant de sa pension de retraite espagnole en raison du fait qu’il a exercé son droit à la libre circulation.

65

Force est cependant de constater que, dans une situation telle que celle en cause au principal, le travailleur migrant qui souscrit une convention spéciale est en réalité susceptible de subir une baisse non négligeable du montant de sa pension de retraite, puisque, comme il a déjà été constaté au point 59 du présent arrêt, lors du calcul du montant théorique de cette pension, seules les cotisations versées par ce dernier dans le cadre de ladite convention, soit des cotisations calculées conformément à la base de cotisation minimale, sont prises en considération.

66

Il convient d’ajouter que tel ne serait pas le cas si un tel travailleur avait, après avoir exercé son droit à la libre circulation, cotisé uniquement dans un autre État membre, sans souscrire une convention spéciale.

67

En effet, l’annexe XI, rubrique « Espagne », point 2, du règlement no 883/2004 prévoit que, lors du calcul du montant de base de la pension du travailleur migrant, il y a lieu de prendre en considération, pour les périodes accomplies par ce dernier dans d’autres États membres, « la base de cotisation en Espagne la plus proche, dans le temps, des périodes de référence ».

68

Ainsi, dans une situation telle que celle au principal, où le travailleur concerné a, avant d’exercer son droit à la libre circulation, cotisé auprès de la sécurité sociale de l’État membre en cause sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale, la base de cotisation pertinente en vue du calcul du montant de sa pension de retraite serait la dernière cotisation versée par ledit travailleur dans cet État membre, soit une base de cotisation plus élevée que la base de cotisation minimale prévue par la convention spéciale.

69

Il s’ensuit qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui oblige le travailleur migrant qui souscrit une convention spéciale auprès de la sécurité sociale de l’État membre en cause à cotiser sur le fondement de la base de cotisation minimale, cela même si ce dernier a, avant d’exercer son droit à la libre circulation, cotisé dans cet État sur le fondement de bases de cotisation supérieures à la base minimale, de telle sorte que, lors du calcul du montant théorique de la pension de retraite dudit travailleur, l’institution compétente de l’État membre en cause assimile la période couverte par cette convention à une période accomplie sur son territoire et prend en compte, en vue de ce calcul, uniquement les cotisations minimales versées par le travailleur en application de ladite convention, est de nature à défavoriser un tel travailleur par rapport à ceux qui ont accompli l’ensemble de leur carrière professionnelle dans l’État membre concerné.

70

Dans la mesure où la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir quelles conséquences elle doit tirer d’une éventuelle incompatibilité, avec le droit de l’Union, de la réglementation nationale, il convient de rappeler que le principe d’interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine efficacité du droit de l’Union et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celui-ci (arrêt du 13 juillet 2016, Pöpperl, C-187/15, EU:C:2016:550, point 43 et jurisprudence citée).

71

Certes, ce principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites. Ainsi l’obligation, pour le juge national, de se référer au contenu du droit de l’Union lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne est limitée par les principes généraux du droit et ne peut servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (arrêt du 13 juillet 2016, Pöpperl, C-187/15, EU:C:2016:550, point 44 et jurisprudence citée).

72

Si une telle interprétation conforme n’est pas possible, la juridiction nationale a pour obligation d’appliquer intégralement le droit de l’Union et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant, au besoin, inappliquée toute disposition dans la mesure où l’application de celle-ci, dans les circonstances de l’espèce, aboutirait à un résultat contraire au droit de l’Union (arrêt du 13 juillet 2016, Pöpperl, C-187/15, EU:C:2016:550, point 45 et jurisprudence citée).

73

Lorsque le doit national, en violation du droit de l’Union, prévoit un traitement différencié entre plusieurs groupes de personnes, les membres du groupe défavorisé doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même régime que les autres intéressés. Le régime applicable aux membres du groupe favorisé reste, à défaut de l’application correcte du droit de l’Union, le seul système de référence valable (arrêt du 13 juillet 2016, Pöpperl, C-187/15, EU:C:2016:550, point 46 et jurisprudence citée).

74

Ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi et qu’il a déjà été relevé au point 63 du présent arrêt, les travailleurs sédentaires qui souscrivent une convention spéciale disposent de la faculté de cotiser sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale. C’est donc ce cadre juridique qui constitue un tel système de référence valable.

75

Il appartient, certes, à la juridiction saisie du litige de déterminer quels sont, en droit interne, les moyens les plus appropriés pour atteindre l’égalité de traitement entre les travailleurs migrants et les travailleurs sédentaires. Toutefois, il convient de souligner, à cet égard, que cet objectif pourrait, a priori, être atteint en conférant également aux travailleurs migrants qui souscrivent une convention spéciale une telle faculté ainsi qu’en permettant à ces derniers de cotiser rétroactivement sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale et, par voie de conséquence, de faire valoir leurs droits à une pension de retraite sur ces nouvelles bases.

76

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’accord sur la libre circulation des personnes doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui oblige le travailleur migrant qui souscrit une convention spéciale auprès de la sécurité sociale de cet État membre à cotiser sur le fondement de la base de cotisation minimale, de telle sorte que, lors du calcul du montant théorique de sa pension de retraite, l’institution compétente dudit État membre assimile la période couverte par cette convention à une période accomplie dans ce même État membre et ne prend en considération, en vue de ce calcul, que les cotisations versées dans le cadre de ladite convention, alors même que ledit travailleur a, avant d’exercer son droit à la libre circulation, cotisé, dans l’État membre en cause, sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale et qu’un travailleur sédentaire n’ayant pas fait usage de son droit à la libre circulation et qui souscrit une telle convention dispose de la faculté de cotiser sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale.

Sur les dépens

77

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

 

L’accord sur la libre circulation des personnes conclu entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, signé à Luxembourg le 21 juin 1999, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui oblige le travailleur migrant qui souscrit une convention spéciale auprès de la sécurité sociale de cet État membre à cotiser sur le fondement de la base de cotisation minimale, de telle sorte que, lors du calcul du montant théorique de sa pension de retraite, l’institution compétente dudit État membre assimile la période couverte par cette convention à une période accomplie dans ce même État membre et ne prend en considération, en vue de ce calcul, que les cotisations versées dans le cadre de ladite convention, alors même que ledit travailleur a, avant d’exercer son droit à la libre circulation, cotisé, dans l’État membre en cause, sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale et qu’un travailleur sédentaire n’ayant pas fait usage de son droit à la libre circulation et qui souscrit une telle convention dispose de la faculté de cotiser sur le fondement de bases supérieures à la base de cotisation minimale.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.