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ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

13 juin 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous a) – Champ d’application – Opérations imposables – Livraison de biens effectuée à titre onéreux – Transfert, par une société anonyme, d’un immeuble au profit d’un actionnaire en contrepartie du rachat de ses actions »

Dans l’affaire C-421/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 22 mars 2017, parvenue à la Cour le 13 juillet 2017, dans la procédure

Szef Krajowej Administracji Skarbowej

contre

Polfarmex Spółka Akcyjna w Kutnie,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, Mmes C. Toader (rapporteur) et A. Prechal, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme G. De Socio, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par M. R. Lyal et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Szef Krajowej Administracji Skarbowej(directeur de l’administration fiscale nationale, Pologne) à Polfarmex Spółka Akcyjna w Kutnie (ci-après « Polfarmex »), au sujet d’un rescrit fiscal adressé à cette société par le Minister Finansów (ministre des Finances, Pologne, ci-après le « Ministre »), par lequel ce dernier a considéré qu’une transaction dans le cadre de laquelle Polfarmex entend transférer des biens immobiliers à une société à responsabilité limitée, titulaire d’actions émises par Polfarmex, en paiement de ces dernières, dans le cadre d’une procédure de rachat d’actions autorisée par la législation nationale, est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 7 et 35 de la directive TVA se lisent comme suit :

« (7)      Le système commun de TVA devrait, même si les taux et les exonérations ne sont pas complètement harmonisés, aboutir à une neutralité concurrentielle, en ce sens que sur le territoire de chaque État membre les biens et les services semblables supportent la même charge fiscale, quelle que soit la longueur du circuit de production et de distribution.

[...]

(35)      Il convient d’établir une liste commune d’exonérations en vue d’une perception comparable des ressources propres dans tous les États membres. »

4        Cette directive dispose, à son article 2, paragraphe 1 :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

a)      les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[...] »

5        L’article 9, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

6        Aux termes de l’article 12, paragraphes 1 et 2, de la même directive :

« 1.      Les États membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes :

a)      la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ;

b)      la livraison d’un terrain à bâtir.

2.      Aux fins du paragraphe 1, point a), est considérée comme “bâtiment” toute construction incorporée au sol.

Les États membres peuvent définir les modalités d’application du critère visé au paragraphe 1, point a), aux transformations d’immeubles, ainsi que la notion de sol y attenant.

Les États membres peuvent appliquer d’autres critères que celui de la première occupation, tels que celui du délai écoulé entre la date d’achèvement de l’immeuble et celle de la première livraison, ou celui du délai écoulé entre la date de la première occupation et celle de la livraison ultérieure, pour autant que ces délais ne dépassent pas respectivement cinq et deux ans. »

7        Selon l’article 14, paragraphe 1, de la directive TVA, est considéré comme « livraison de biens » le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.

8        L’article 135, paragraphe 1, de cette directive, figurant sous le chapitre 3 de celle-ci, intitulé « Exonérations en faveur d’autres activités », dispose :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

f)      les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres, à l’exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits ou titres visés à l’article 15, paragraphe 2 ;

[...]

j)      les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l’article 12, paragraphe 1, point a) ;

[...] »

 Le droit polonais

 La loi mettant en œuvre la loi relative à l’administration fiscale nationale

9        Conformément à l’article 206, paragraphe 1, de la Przepisy wprowadzające ustawę o Krajowej Administracji Skarbowej (loi mettant en œuvre la loi relative à l’administration fiscale nationale), telle que modifiée (Dz. U. de 2016, position 1948), entrée en vigueur le 1er mars 2017, dans les procédures judiciaires liées à des demandes de rescrit fiscal dans lesquelles le ministre compétent en matière de finances publiques est partie ou pourrait être partie sur la base des dispositions antérieures, le directeur de l’administration fiscale nationale en assume les droits et obligations, sauf dispositions contraires. 

 La loi relative à la TVA

10      L’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA est transposé en droit polonais par l’article 5, paragraphe 1, point 1, de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services), du 11 mars 2004 (Dz. U. no 54, position 535), telle que modifiée (Dz. U. de 2011, no 177, position 1054) (ci-après la « loi relative à la TVA »), selon lequel sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services, à titre onéreux, sur le territoire national.

11      L’article 6, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA prévoit que les dispositions de cette loi ne s’appliquent pas « aux opérations de cession d’une entreprise ou d’un établissement organisé de l’entreprise ».

12      L’article 14, paragraphe 1, de la directive TVA est transposé en droit polonais par l’article 7, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA, qui dispose que « la livraison de biens, visée à l’article 5, paragraphe 1, point 1, s’entend du transfert du droit de disposer des biens en tant que propriétaire ».

13      Aux termes de l’article 15, paragraphes 1 et 2, de la loi relative à la TVA :

« 1.      Sont considérées comme assujetties les personnes morales, les entités organisationnelles n’ayant pas la personnalité juridique et les personnes physiques qui accomplissent, d’une façon indépendante, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2.      Est considérée comme activité économique toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales. En particulier, est considérée comme activité économique l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

 Le code des sociétés commerciales

14      L’article 359 du Kodeks spółek handlowych (code des sociétés commerciales), du 15 septembre 2000, tel que modifié (Dz. U. de 2016, position 1578, ci-après le « code des sociétés commerciales »), dispose :

« 1.      Les actions peuvent être retirées lorsque les statuts le prévoient. L’action peut être retirée soit avec l’accord de l’actionnaire par voie d’acquisition par la société (retrait volontaire), ou bien sans l’accord de l’actionnaire (retrait forcé). Le retrait volontaire ne peut pas avoir lieu plus d’une fois par exercice social. Ce sont les statuts qui déterminent les conditions et le mode du retrait forcé.

2.      Le retrait d’une action requiert une résolution de l’assemblée générale. La résolution doit définir notamment le fondement juridique du retrait, le montant de la rémunération revenant à l’actionnaire dont les actions ont été retirées, ou les motifs du retrait des actions sans rémunération et le mode de réduction du capital social. Le retrait forcé intervient en échange d’une rémunération qui ne saurait être inférieure à la valeur des actifs nets correspondant à une action, tels qu’indiqués dans le compte annuel du dernier exercice social, diminuée du montant affecté au partage entre actionnaires. [...] »

15      L’article 360, paragraphe 1, de ce code prévoit que le retrait des actions requiert une diminution du capital social. La résolution de diminution du capital social doit être adoptée lors de l’assemblée générale où la résolution relative au retrait des actions a été adoptée.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

16      Polfarmex, une société par actions ayant son siège à Kutno (Pologne), exerce son activité économique dans le domaine de la fabrication de produits pharmaceutiques. Elle est, à ce titre, assujettie à la TVA.

17      Polfarmex a envisagé de restructurer le capital social de l’entreprise en procédant au rachat d’une partie des actions détenues dans ce capital par une société à responsabilité limitée, selon l’une des modalités de « retrait » prévues par le code des sociétés commerciales, à savoir le retrait automatique, obligatoire ou volontaire. La compensation qui serait due au titre de ce retrait consisterait en la cession, au bénéfice de cette autre société à responsabilité limitée, de la propriété de certains terrains ainsi que des bâtiments qui s’y trouvent et de leurs équipements.

18      Dans cette perspective, Polfarmex a introduit auprès du Ministre une demande de rescrit fiscal afin de déterminer si le retrait des actions détenues par la société à responsabilité limitée, d’une part, et le transfert de la propriété des biens immobiliers au profit de cette dernière, d’autre part, seraient soumis à la TVA.

19      Dans sa demande, Polfarmex a fait valoir que les opérations en cause ne doivent pas être soumises à la TVA, dans la mesure où, ce faisant, elle n’agira pas dans le cadre de l’exercice de son activité économique, que ce soit au stade du retrait des actions ou à celui du transfert de propriété des biens immobiliers. Ladite société est d’avis que ces opérations constituent une opération complexe unique, comportant le retrait des actions et le paiement effectué à ce titre et qu’il existerait un rapport de causalité entre ces deux opérations, de telle sorte qu’il serait erroné de les traiter séparément, à des fins fiscales.

20      Dans son rescrit fiscal, le Ministre a estimé que la cession de biens immobiliers en contrepartie du retrait d’actions doit être considérée comme une livraison de biens à titre onéreux soumise à la TVA, au sens de l’article 5, paragraphe 1, point 1, de la loi relative à la TVA. Selon le Ministre, il existera entre les parties à l’opération un rapport d’obligation, Polfarmex s’engageant à céder à la société à responsabilité limitée détentrice d’actions dans son capital la propriété de biens immobiliers et les actions faisant l’objet du retrait constituant la contrepartie de cette cession. En d’autres termes, comme il y aura livraison de biens en échange d’une contrepartie, l’opération devra être soumise à la TVA.

21      Polfarmex a saisi le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Łodzi (tribunal administratif de voïvodie de Łódź, Pologne) d’un recours en annulation dudit rescrit fiscal.

22      Par jugement du 10 mars 2015, cette juridiction a annulé le même rescrit fiscal, considérant non seulement que l’opération envisagée par Polfarmex ne sera pas une opération effectuée dans le cadre de son activité économique, mais aussi que l’examen relatif à l’applicabilité de la TVA doit porter sur l’intégralité de l’opération. Or, en l’occurrence, il s’agirait d’une seule et même opération à caractère complexe, constituée du retrait des actions combiné au transfert à l’actionnaire d’une contrepartie en nature en échange des actions retirées. Le retrait des actions serait ainsi étroitement lié au transfert de la propriété de biens au titre de compensation, ces deux faces de l’opération étant interdépendantes. Il en résulterait que la cession des biens immobiliers à l’actionnaire ne saurait être analysée en tant qu’opération autonome et distincte soumise à la TVA, dès lors que, conformément à la loi relative à la TVA, le retrait d’actions ne l’est pas.

23      Ce jugement a fait l’objet d’un pourvoi en cassation formé par le Ministre devant la juridiction de renvoi, à savoir le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne).

24      Dans sa demande de décision préjudicielle, cette juridiction indique que, selon sa jurisprudence en matière de sociétés à responsabilité limitée, le transfert d’un bien immeuble, par une telle société, à un associé en contrepartie de l’acquisition des parts sociales qu’il détient dans cette société, constitue une opération imposable, au sens de l’article 5, paragraphe 1, point 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA. Eu égard à cette jurisprudence, la juridiction de renvoi précise que, malgré la similarité entre le retrait des parts sociales et celui d’actions, la soumission à la TVA de l’opération envisagée dans l’affaire qui lui est soumise soulève des doutes concernant la condition d’agir en tant qu’assujetti et le caractère onéreux de ladite opération dans la mesure où, à la suite du retrait d’actions, une société par actions, telle que Polfarmex, ne reçoit aucune contrepartie directe, puisque des actions représentatives d’une partie de son capital social sont supprimées et ledit capital social est diminué à due concurrence.

25      Dans ces conditions, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La cession par une société anonyme de biens immobiliers à un actionnaire au titre du retrait de ses actions s’analyse-t-elle en un acte soumis à la taxe sur les biens et services, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112 ? »

 Sur la question préjudicielle

26      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que le transfert, par une société anonyme à l’un de ses actionnaires, de la propriété de biens immeubles, opéré, à l’instar de celui en cause au principal, au titre de la contrepartie pour le rachat, par ladite société anonyme, dans le cadre d’un mécanisme de retrait d’actions prévu par la législation nationale, des actions détenues dans son capital social par cet actionnaire, constitue une livraison de biens à titre onéreux soumise à la TVA.

27      Il convient d’emblée de rappeler que la directive TVA établit un système commun de TVA fondé, notamment, sur une définition uniforme des opérations taxables (arrêt du 20 juin 2013, Newey, C-653/11, EU:C:2013:409, point 39 et jurisprudence citée).

28      Ainsi, selon l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA, sont soumises à la TVA les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel.

29      En vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA, est considéré comme « assujetti » quiconque exerce, de façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. Est en particulier considérée comme « activité économique » l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence.

30      L’article 14, paragraphe 1, de la directive TVA définit une « livraison de biens » comme étant le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.

31      Il s’ensuit qu’une opération ne peut, en principe, être soumise à la TVA que si elle comporte le transfert, contre une rémunération, d’un droit de propriété appartenant à un assujetti agissant en tant que tel sur le territoire d’un État membre.

32      S’agissant d’une opération, telle que celle en cause au principal, il est constant, premièrement, que la transaction envisagée entre Polfarmex et son actionnaire entraînera le transfert du droit de propriété des biens immeubles en cause et, deuxièmement, que Polfarmex a la qualité d’assujetti.

33      Troisièmement, la condition du lieu de la livraison des biens immeubles en cause est incontestablement remplie, l’opération ayant lieu sur le territoire d’un État membre, à savoir en Pologne.

34      Concernant, quatrièmement, le caractère éventuellement onéreux de l’opération de transfert, par une société anonyme à un actionnaire, de la propriété des biens immeubles, en contrepartie du rachat des actions possédées par cet actionnaire, dans le cadre d’un mécanisme prévu par la législation nationale, il convient de relever qu’une livraison de biens n’est effectuée « à titre onéreux », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA, que s’il existe entre le fournisseur et l’acheteur un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, le prix perçu par le fournisseur constituant la contre-valeur effective du bien fourni (arrêts du 27 avril 1999, Kuwait Petroleum, C-48/97, EU:C:1999:203, point 26, et du 21 novembre 2013, Dixons Retail, C-494/12, EU:C:2013:758, point 32).

35      À cet égard, si la Cour a, certes, déjà dit pour droit que le transfert de la propriété d’un bien immeuble, par un assujetti à la TVA, au bénéfice du Trésor public d’un État membre ou à une collectivité territoriale d’un tel État, intervenant en paiement d’un arriéré d’impôt, n’est pas soumis à la TVA au motif qu’il ne constitue pas, eu égard au caractère unilatéral du paiement d’une dette fiscale, une livraison de bien à titre onéreux (arrêt du 11 mai 2017, Posnania Investment, C-36/16, EU:C:2017:361, points 35 et 36), force est de constater que, en l’occurrence, il existe entre le fournisseur des biens immeubles et le bénéficiaire de ceux-ci un rapport juridique dans le cadre duquel Polfarmex cède la propriété de biens immeubles à son actionnaire en échange des actions détenues par ce dernier. Ainsi, en se transférant mutuellement des droits de propriété, les deux parties interviennent à l’opération à la fois en qualité de fournisseur et d’acquéreur.

36      Par conséquent, il s’agit d’un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, l’une constituant la contre-valeur de l’autre, au sens de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 34 du présent arrêt.

37      Concernant, cinquièmement, la condition d’agir en tant qu’assujetti dans le cadre de la transaction envisagée, il importe de relever qu’un assujetti, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA, n’agit, en principe, en cette qualité que s’il le fait dans le cadre de son activité économique (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 1995, Armbrecht, C-291/92, EU:C:1995:304, point 17).

38      S’agissant de la notion d’ « activité économique », la Cour a jugé que celle-ci doit être entendue comme englobant toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services. L’analyse de ces définitions met en évidence l’étendue du champ d’application de cette notion ainsi que son caractère objectif, en ce sens que l’activité est considérée en elle-même, indépendamment de ses buts ou de ses résultats. Une activité est ainsi, en règle générale, qualifiée d’« économique » lorsqu’elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération (ordonnance du 20 mars 2014, Gmina Wrocław, C-72/13, non publiée, EU:C:2014:197, point 16 et jurisprudence citée).

39      Il s’ensuit que l’article 9 de cette directive assigne un champ d’application très large à la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 31 et jurisprudence citée).

40      En l’occurrence, dans le cadre de la procédure devant l’administration fiscale, Polfarmex a soutenu que les deux opérations en cause constitueraient une opération complexe unique, comportant le retrait des actions et le paiement effectué à ce titre, à savoir la livraison des biens.

41      Toutefois, ainsi qu’il résulte du point 36 du présent arrêt, vu le caractère réciproque des prestations entre les deux sociétés et la double qualité de chaque partie dans le cadre de leur rapport juridique, en tant que fournisseur, d’une part, et de bénéficiaire, d’autre part, il convient de distinguer les deux opérations.

42      Concernant l’opération de livraison de biens immeubles en cause dans l’affaire au principal, s’il devait apparaître que ces biens, dont la propriété serait transférée par Polfarmex en contrepartie du « retrait » envisagé, sont des biens affectés à l’« activité économique » de cette société, au sens large, tel que retenu par la jurisprudence citée aux points 38 et 39 du présent arrêt, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il faudrait considérer qu’une telle opération est soumise à la TVA. À cet égard, le seul fait que ce transfert de propriété aurait pour cause le paiement de ces actions et que cette opération s’inscrirait dans le contexte d’une restructuration de Polfarmex ne saurait pour autant mener à considérer qu’une telle livraison de biens immeubles est exclue du champ d’application de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA.

43      Ce qui précède demeure, toutefois, sans préjudice de ce que l’article 135, paragraphe 1, sous j), de la directive TVA prévoit une exonération de TVA au bénéfice des livraisons de bâtiments, autres que ceux visés à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de celle-ci, qui fait référence à la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation. En effet, il convient notamment de rappeler que ces dispositions, lues ensemble, ont conduit la Cour à opérer une distinction entre le caractère ancien et le caractère nouveau d’un bâtiment, la vente d’un bien immeuble ancien n’étant, en principe, pas soumise à la TVA (voir, notamment, arrêts du 12 juillet 2012, J.J. Komen en Zonen Beheer Heerhugowaard, C-326/11, EU:C:2012:461, point 21, et du 16 novembre 2017, Kozuba Premium Selection, C-308/16, EU:C:2017:869, point 30). La question préjudicielle ne portant pas sur lesdites dispositions et la Cour ne disposant d’aucune information sur ce plan, c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra, le cas échéant, de déterminer le régime applicable, à cet égard, aux biens immeubles faisant l’objet de la livraison en cause au principal.

44      Quant à l’opération de « retrait » des actions, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que la simple acquisition et la seule détention d’actions ne doivent pas être considérées comme des « activités économiques », au sens de la directive TVA. En effet, la simple prise de participations financières dans d’autres entreprises ne constitue pas une exploitation d’un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence, étant donné que l’éventuel dividende, fruit de cette participation, résulte de la simple propriété du bien et n’est la contrepartie d’aucune activité économique au sens de cette directive (arrêt du 26 mai 2005, Kretztechnik, C-465/03, EU:C:2005:320, point 19 et jurisprudence citée).

45      Si la prise de participations financières dans d’autres entreprises ne constitue donc pas, en elle-même, une activité économique au sens de ladite directive, il en est de même pour les opérations qui consistent à céder de telles participations (arrêt du 20 juin 1996, Wellcome Trust, C-155/94, EU:C:1996:243, point 33).

46      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que le transfert, par une société anonyme, à l’un de ses actionnaires, de la propriété de biens immeubles, opéré, à l’instar de celui en cause au principal, au titre de la contrepartie pour le rachat, par ladite société anonyme, dans le cadre d’un mécanisme de retrait d’actions prévu par la législation nationale, des actions détenues dans son capital social par cet actionnaire, constitue une livraison de biens à titre onéreux soumise à la TVA pour autant que lesdits biens immeubles sont affectés à l’activité économique de cette même société anonyme.

 Sur les dépens

47      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

L’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que le transfert, par une société anonyme, à l’un de ses actionnaires, de la propriété de biens immeubles, opéré, à l’instar de celui en cause au principal, au titre de la contrepartie pour le rachat, par ladite société anonyme, dans le cadre d’un mécanisme de retrait d’actions prévu par la législation nationale, des actions détenues dans son capital social par cet actionnaire, constitue une livraison de biens à titre onéreux soumise à la taxe sur la valeur ajoutée pour autant que lesdits biens immeubles sont affectés à l’activité économique de cette même société anonyme.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.