Available languages

Taxonomy tags

Info

References in this case

Share

Highlight in text

Go

 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

5 mars 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 132, paragraphe 1, sous b) – Exonérations – Hospitalisation et soins médicaux – Établissements hospitaliers – Prestations fournies dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public – Articles 377 et 391 – Dérogations – Faculté d’opter pour la taxation – Maintien de la taxation – Modification des conditions d’exercice de l’activité »

Dans l’affaire C-211/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif), Portugal], par décision du 19 février 2018, parvenue à la Cour le 26 mars 2018, dans la procédure

Idealmed III – Serviços de Saúde SA

contre

Autoridade Tributária e Aduaneira,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 juin 2019,

considérant les observations présentées :

pour Idealmed III – Serviços de Saúde SA, par Mes J. P. Lampreia et F. Antas, advogados,

pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo et R. Campos Laires ainsi que par Mmes M. J. Marques et P. Barros da Costa, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes M. Afonso et N. Gossement, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 132, paragraphe 1, sous b), ainsi que des articles 377 et 391 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Idealmed III – Serviços de Saúde SA (ci-après « Idealmed ») à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (administration des contributions et des douanes, Portugal) au sujet de la décision de cette dernière imposant à Idealmed le paiement d’une somme correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) déduite dans le cadre des services médicaux qu’elle a fournis entre l’année 2014 et l’année 2016 ainsi que le paiement d’intérêts compensatoires et moratoires y afférents.

Le cadre juridique

La directive 2006/112

3

Le considérant 7 de la directive 2006/112 énonce :

« Le système commun de TVA devrait, même si les taux et les exonérations ne sont pas complètement harmonisés, aboutir à une neutralité concurrentielle, en ce sens que sur le territoire de chaque État membre les biens et les services semblables supportent la même charge fiscale, quelle que soit la longueur du circuit de production et de distribution. »

4

L’article 132, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

b)

l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d’autres établissements de même nature dûment reconnus ;

[...]

g)

les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné ;

[...] »

5

L’article 133 de ladite directive prévoit :

« Les États membres peuvent subordonner, au cas par cas, l’octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues à l’article 132, paragraphe 1, points b), g), h), i), l), m) et n), au respect de l’une ou plusieurs des conditions suivantes :

a)

les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l’amélioration des prestations fournies ;

[...]

c)

ces organismes doivent pratiquer des prix homologués par les autorités publiques ou n’excédant pas de tels prix ou, pour les opérations non susceptibles d’homologation des prix, des prix inférieurs à ceux exigés pour des opérations analogues par des entreprises commerciales soumises à la TVA ;

[...] »

6

Aux termes de l’article 377 de la même directive :

« Le Portugal peut continuer à exonérer les opérations figurant à l’annexe X, partie B, points 2), 4), 7), 9), 10) et 13), dans les conditions qui existaient dans cet État membre au 1er janvier 1989. »

7

L’article 391 de la directive 2006/112 est libellé comme suit :

« Les États membres qui exonèrent les opérations visées aux articles 371, 375, 376 et 377, à l’article 378, paragraphe 2, à l’article 379, paragraphe 2, et aux articles 380 à 390, peuvent accorder aux assujettis la faculté d’opter pour la taxation desdites opérations. »

8

L’annexe X de cette directive, intitulée « Liste des opérations faisant l’objet des dérogations visées aux articles 370 et 371 et aux articles 375 à 390 », mentionne au point 7 de sa partie B, laquelle énumère des opérations que les États membres peuvent continuer à exonérer, « les opérations effectuées par les établissements hospitaliers non visés par l’article 132, paragraphe 1, point b) ».

Le droit portugais

9

L’article 9, point 2, du Código do IVA (code de la TVA) prévoit que sont exonérées de la TVA « les prestations de services médicaux et sanitaires et les opérations qui leur sont étroitement liées effectuées par des établissements hospitaliers, des cliniques, des dispensaires et d’autres établissements de même nature ».

10

L’article 12 de ce code, dans sa rédaction issue du decreto-lei no 102/2008 (décret-loi no 102/2008), du 20 juin 2008, dispose :

« 1.   Peuvent renoncer à l’exonération et opter pour la taxation de leurs opérations

[...]

b)

les établissements hospitaliers, les cliniques, les dispensaires et les autres établissements de même nature, n’appartenant pas à des personnes morales de droit public ou à des institutions privées intégrées dans le système national de santé, qui assurent des prestations de services médicaux et sanitaires et des opérations qui leur sont étroitement liées ;

2.   Le droit d’option est exercé moyennant le dépôt, auprès tout service des impôts ou autre lieu légalement autorisé, de la déclaration de début d’activité ou de modification de celle-ci, selon le cas, et celui-ci produit effet à partir de sa date de dépôt.

3.   Le droit d’option ayant été exercé conformément aux paragraphes précédents, l’assujetti est tenu de rester sous le régime pour lequel il a opté pendant au moins cinq ans et, une fois ce délai écoulé, s’il souhaite retourner sous le régime de l’exonération il doit :

a)

déposer, au cours du mois de janvier d’une des années qui suit celle au cours de laquelle il a complété le délai du régime d’option, la déclaration visée à l’article 32, laquelle produit effet à partir du 1er janvier de l’année de son dépôt ;

[...] »

11

La lei no 7-A/2016 (loi no 7-A/2016), du 30 mars 2016, a modifié l’article 12, paragraphe 1, dudit code, qui se lit désormais comme suit :

« Peuvent renoncer à l’exonération et opter pour la taxation de leurs opérations

[...]

b)

les assujettis, visés à l’article 9, point 2, qui ne sont pas des personnes morales de droit public, en ce qui concerne les prestations de services médicaux et sanitaires et les opérations qui leur sont étroitement liées qui ne résultent pas d’accords conclus avec l’État, dans le cadre du système de santé, conformément à la loi sur les bases de la santé pertinente ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

Idealmed est une société qui gère et qui exploite, dans un but lucratif, cinq établissements de santé, lesquels offrent notamment des services médicaux, des soins infirmiers ainsi que des services de diagnostic, d’analyses cliniques et de physiothérapie.

13

Dans sa déclaration de début d’activité, déposée le 6 janvier 2012, cette société a manifesté son souhait d’opter pour le régime normal d’imposition à la TVA.

14

À partir du mois de septembre 2012, Idealmed a conclu des accords et des conventions avec des autorités publiques, prévoyant notamment la fourniture de prestations de soins à des prix prédéfinis.

15

Lors d’un contrôle, l’administration des contributions et des douanes a constaté que, entre le mois d’avril 2014 et le mois de juin 2016, une grande partie de l’activité médicale d’Idealmed a été exercée dans le cadre de ces accords et de ces conventions. Cette administration en a déduit que cette activité aurait dû être exonérée, sans qu’Idealmed puisse renoncer au bénéfice d’une telle exonération, et que cette société avait donc indûment déduit la TVA acquittée dans le cadre de l’exercice de ladite activité.

16

À la suite de ce contrôle, l’administration des contributions et des douanes a adopté une décision modifiant d’office la qualité d’Idealmed au regard de la TVA avec effet au 1er octobre 2012 et imposant à cette société de payer une somme correspondant au montant de la TVA indûment déduite, à savoir 2009944,90 euros, majoré des intérêts y afférents.

17

Le 27 juin 2017, Idealmed a présenté une demande de constitution d’un tribunal arbitral en matière fiscale, aux fins de faire constater l’illégalité de cette décision.

18

C’est dans ce contexte que le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif), Portugal] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive [2006/112] s’oppose-t-il à une interprétation selon laquelle un établissement hospitalier appartenant à une société commerciale de droit privé, qui a conclu des conventions de prestation de services de soins médicaux avec l’État et des personnes morales de droit public, est considéré comme agissant dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour des organismes de droit public, conformément à cette disposition, lorsque les conditions suivantes sont remplies :

plus de 54,5 % de la facturation, comprenant les montants facturés aux patients bénéficiaires, est réalisée avec des services de l’État et des sous-systèmes de santé publics, à des prix fixés dans les accords et les conventions conclus avec ceux-ci ;

plus de 69 % des patients bénéficient des sous-systèmes de santé publics ou des services fournis dans le cadre de conventions conclues avec des services de l’État ;

plus de 71 % des actes médicaux ont été réalisés au titre des conventions conclues avec les sous-systèmes de santé publics et les services de l’État et,

l’activité exercée est d’un grand intérêt public en général ?

2)

La République portugaise ayant continué, en vertu de l’article 377 de la directive [2006/112], à exonérer de la TVA les opérations effectuées par les établissements hospitaliers non mentionnés à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive et ayant octroyé à ces assujettis, au titre de l’article 391 de la directive [2006/112], la faculté d’opter pour la taxation desdites opérations, assortie de l’obligation de rester sous le régime de la taxation pendant au moins cinq ans, et n’ayant prévu la possibilité de revenir au régime de l’exonération que s’ils en manifestent l’intention, cet article 391 et/ou les principes de la protection des droits acquis, de la confiance légitime, de l’égalité, de la non-discrimination, de la neutralité et de la non-distorsion de la concurrence eu égard aux patients et aux assujettis organismes de droit public s’opposent-ils à ce que l’autorité fiscale impose le régime d’exonération, avant l’expiration de ce délai, dès la période où, selon elle, l’assujetti a commencé à fournir des services dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public ?

3)

L’article 391 de la directive [2006/112] et/ou les principes susmentionnés s’opposent-ils à ce qu’une nouvelle réglementation impose le régime de l’exonération aux assujettis qui avaient opté antérieurement pour le régime de la taxation, avant l’expiration dudit délai de cinq ans ?

4)

L’article 391 de la directive [2006/112] et/ou les principes susmentionnés s’opposent-ils à une réglementation selon laquelle un assujetti qui a opté pour l’application du régime de la taxation, parce qu’il ne fournissait pas de services de santé dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public au moment où il a opté pour ce régime, peut rester sous ce régime s’il commence à fournir ces services dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

19

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112, les États membres exonèrent l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d’autres établissements de même nature dûment reconnus.

20

Il ressort du libellé de cette disposition que l’exonération des prestations de soins fournies par des établissements hospitaliers privés est subordonnée à la condition que ces prestations soient assurées dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour des organismes de droit public.

21

Dès lors que cette exigence se rapporte aux prestations fournies et non pas au prestataire concerné, la proportion des prestations de soins assurées dans des conditions sociales comparables, au sens de ladite disposition, par rapport à l’ensemble de l’activité de ce prestataire n’est pas pertinente pour l’application de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de ladite directive.

22

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que les autorités compétentes d’un État membre peuvent prendre en considération, en vue de déterminer si les prestations de soins fournies par un établissement hospitalier privé, lesquelles revêtent un caractère d’intérêt général, sont assurées dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public, au sens de la même disposition, le fait que ces prestations sont fournies dans le cadre de conventions conclues avec des autorités publiques de cet État membre, à des prix fixés par ces conventions et dont les coûts sont assumés en partie par des institutions de sécurité sociale dudit État membre.

23

À cet égard, il convient d’emblée de relever que l’article 13, A, paragraphe 1, sous b) et g), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), et l’article 132, paragraphe 1, sous b) et g), de la directive 2006/112, dont la rédaction est, en substance, identique à celle de la première de ces dispositions, doivent être interprétés de la même manière et que, partant, la jurisprudence de la Cour relative à cette première disposition est pertinente aux fins de répondre aux questions relatives à l’interprétation de la seconde (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, Future Health Technologies, C-86/09, EU:C:2010:334, point 27).

24

S’agissant de la notion de « conditions sociales comparables », au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112, il y a lieu de constater que cette disposition ne définit pas précisément les aspects des prestations de soins concernées qui doivent être comparés aux fins d’apprécier l’applicabilité de celle-ci.

25

À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que les dispositions de l’article 132, paragraphe 1, de la directive 2006/112 ont, dans leur ensemble, pour finalité d’exonérer de la TVA certaines activités d’intérêt général, en vue de faciliter l’accès à certaines prestations ainsi que la fourniture de certains biens, en évitant les surcoûts qui découleraient de leur assujettissement à la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2019, Infohos, C-400/18, EU:C:2019:992, point 37 et jurisprudence citée).

26

Le caractère d’intérêt général des prestations constitue donc un élément pertinent à prendre en considération afin de déterminer si les prestations de soins d’un établissement hospitalier privé relèvent de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive.

27

En deuxième lieu, il résulte de l’article 133, premier alinéa, sous c), de ladite directive que les États membres peuvent subordonner l’octroi des exonérations prévues notamment à l’article 132, paragraphe 1, sous b) et g), de la même directive à des organismes autres que ceux de droit public au respect de la condition selon laquelle ces organismes doivent pratiquer des prix homologués par les autorités publiques ou n’excédant pas de tels prix ou, pour les opérations non susceptibles d’homologation des prix, des prix inférieurs à ceux exigés pour des opérations analogues par des entreprises commerciales soumises à la TVA.

28

Dès lors que le législateur de l’Union a fait de l’élément relatif à la fixation des prix des prestations par une convention conclue avec les autorités publiques d’un État membre une condition facultative que les États membres peuvent choisir d’appliquer ou non à l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112, l’absence d’un tel élément ne saurait être de nature à exclure le bénéfice de cette exonération (voir, par analogie, arrêt du 26 mai 2005, Kingscrest Associates et Montecello, C-498/03, EU:C:2005:322, point 40).

29

Un tel élément demeure toutefois pertinent afin de déterminer si des prestations de soins d’un établissement hospitalier privé sont assurées dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 (voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2016, Les Jardins de Jouvence, C-335/14, EU:C:2016:36, point 38).

30

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’élément relatif à la fixation des prix des prestations par une convention conclue avec les autorités publiques d’un État membre constitue un élément qui peut être pris en compte afin de déterminer si des prestations de soins d’un établissement hospitalier privé sont assurées dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112.

31

En troisième lieu, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les modalités de prise en charge des prestations par des institutions de sécurité sociale d’un État membre sont pertinentes dans le cadre de l’examen de la comparabilité des conditions dans lesquelles ces prestations sont fournies au sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, CopyGene, C-262/08, EU:C:2010:328, points 69 et 70).

32

Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que les autorités compétentes d’un État membre peuvent prendre en considération, en vue de déterminer si des prestations de soins fournies par un établissement hospitalier privé, lesquelles revêtent un caractère d’intérêt général, sont assurées dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public, au sens de la même disposition, le fait que ces prestations sont fournies dans le cadre de conventions conclues avec des autorités publiques de cet État membre, à des prix fixés par ces conventions et dont les coûts sont assumés en partie par des institutions de sécurité sociale dudit État membre.

Sur les deuxième à quatrième questions

33

Par ses deuxième à quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 391 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’article 377 de celle-ci et les principes de confiance légitime, de sécurité juridique ainsi que de neutralité fiscale, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’exonération de la TVA des prestations de soins fournies par un établissement hospitalier privé qui relèvent de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive en raison d’une modification des conditions d’exercice de ses activités intervenue depuis qu’il a opté pour le régime de la taxation prévu par la réglementation nationale de l’État membre concerné, laquelle prévoit l’obligation, pour tout assujetti effectuant un tel choix, de demeurer soumis audit régime pendant un certain délai, lorsqu’un tel délai n’est pas encore expiré.

34

Il convient de rappeler que le régime commun de la TVA est le résultat d’une harmonisation progressive des législations nationales dans le cadre des articles 113 et 115 TFUE. Comme la Cour l’a constaté à plusieurs reprises, cette harmonisation, telle qu’elle a été réalisée par des directives successives et, notamment, par la directive 77/388, n’est encore qu’une harmonisation partielle (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2015, VDP Dental Laboratory e.a., C-144/13 et C-160/13, EU:C:2015:116, point 60 et jurisprudence citée).

35

En effet, la directive 2006/112 a, en vertu de son article 370, autorisé les États membres à continuer à maintenir certaines dispositions de leur législation nationale antérieures à cette directive qui seraient, sans ladite autorisation, incompatibles avec celle-ci (arrêt du 26 février 2015, VDP Dental Laboratory e.a., C-144/13 et C-160/13, EU:C:2015:116, point 61 et jurisprudence citée).

36

Dans ce contexte, l’article 377 de cette directive, lu en combinaison avec l’annexe X, partie B, point 7, de ladite directive, autorise la République portugaise à continuer à exonérer les opérations effectuées par les établissements hospitaliers non visés à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la même directive, dans les conditions qui existaient dans cet État membre au 1er janvier 1989.

37

En outre, l’article 391 de la directive 2006/112 autorise les États membres qui exonèrent les opérations visées par les dispositions qu’il cite, parmi lesquelles figure l’article 377 de cette directive, à accorder aux assujettis concernés la faculté d’opter pour la taxation desdites opérations.

38

Il ressort ainsi d’une lecture combinée des articles 377 et 391 de ladite directive ainsi que de l’annexe X, partie B, point 7, de celle-ci, que la faculté d’opter pour la taxation prévue à l’article 391 de la même directive concerne uniquement les opérations des établissements hospitaliers non visés à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112. Or, cette dernière disposition impose aux États membres d’exonérer les prestations qui relèvent de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, CopyGene, C-262/08, EU:C:2010:328, point 56).

39

Il s’ensuit que, à partir du moment où un établissement hospitalier privé fournit des prestations relevant de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la même directive, il doit se voir appliquer le régime d’exonération pour ces prestations, même s’il avait opté pour le régime de la taxation au titre d’activités qui n’étaient pas visées par ladite disposition.

40

Partant, les États membres ne sauraient se fonder sur les articles 377 et 391 de la directive 2006/112 pour justifier le maintien de la taxation des opérations d’un assujetti, si cela devait avoir pour conséquence que ses opérations ne seront pas exonérées alors qu’elles relèvent de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive.

41

En outre, au regard du principe de neutralité fiscale, rappelé au considérant 7 de ladite directive, selon lequel des prestations semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, ne sauraient être traitées de manière différente du point de vue de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, Regards Photographiques, C-145/18, EU:C:2019:668, point 36 et jurisprudence citée), le fait que, par le passé, l’assujetti concerné a effectué d’autres prestations pour lesquelles il a bénéficié d’un régime fiscal particulier, n’a pas vocation, en principe, à modifier le traitement fiscal des prestations qu’il a fournies par la suite dans des conditions sociales différentes.

42

De même, le fait que la réglementation nationale prévoyant une telle possibilité d’option pour le régime de la taxation des activités oblige l’assujetti à demeurer soumis à ce régime pendant un certain délai, qui n’est pas encore expiré, est sans incidence sur le traitement fiscal des prestations relevant de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112, dès lors qu’une telle possibilité ne vaut que pour les opérations non visées par cette disposition.

43

En outre, une telle interprétation n’est pas remise en cause par les principes de confiance légitime ou de sécurité juridique.

44

S’agissant du principe de confiance légitime, il convient de rappeler que le droit de se prévaloir de ce principe s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies (arrêt du 21 février 2018, Kreuzmayr, C-628/16, EU:C:2018:84, point 46 et jurisprudence citée).

45

Or, le fait que la réglementation nationale ayant permis à un assujetti d’opter pour la taxation de ses activités conditionne l’exercice d’une telle option par l’obligation pour celui-ci de demeurer soumis au régime choisi pendant un certain délai ne saurait créer une confiance légitime à l’égard de cet assujetti dans le maintien, par les autorités compétentes, de ce régime en cas de modification des conditions dans lesquelles il exerce ses activités.

46

En ce qui concerne le principe de sécurité juridique, la Cour a jugé qu’il ne s’oppose pas à ce que l’administration fiscale procède, dans le délai de prescription, à un redressement de TVA portant sur la taxe déduite ou sur des services déjà réalisés, qui auraient dû être soumis à cette taxe (arrêt du 12 octobre 2016, Nigl e.a., C-340/15, EU:C:2016:764, point 48).

47

Un tel principe ne s’oppose donc pas à ce que l’administration fiscale procède à une appréciation de la situation d’un assujetti qui avait opté pour la taxation de ses activités et que, à l’issue de cette appréciation, cette administration procède à un redressement de la TVA portant sur la taxe déduite pour des prestations que cet assujetti a fournies après avoir exercé son droit d’option, dès lors qu’elle parvient à la conclusion que ces prestations relèvent de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive et auraient dû être exonérées conformément à cette disposition.

48

Il s’ensuit qu’il convient de répondre aux deuxième à quatrième questions que l’article 391 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’article 377 de celle-ci et les principes de confiance légitime, de sécurité juridique ainsi que de neutralité fiscale, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’exonération de la TVA des prestations de soins fournies par un établissement hospitalier privé qui relèvent de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive en raison d’une modification des conditions d’exercice de ses activités intervenue depuis qu’il a opté pour le régime de la taxation prévu par la réglementation nationale de l’État membre concerné, laquelle prévoit l’obligation, pour tout assujetti effectuant un tel choix, de demeurer soumis audit régime pendant un certain délai, lorsqu’un tel délai n’est pas encore expiré.

Sur les dépens

49

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que les autorités compétentes d’un État membre peuvent prendre en considération, en vue de déterminer si des prestations de soins fournies par un établissement hospitalier privé, lesquelles revêtent un caractère d’intérêt général, sont assurées dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public, au sens de la même disposition, le fait que ces prestations sont fournies dans le cadre de conventions conclues avec des autorités publiques de cet État membre, à des prix fixés par ces conventions et dont les coûts sont assumés en partie par des institutions de sécurité sociale dudit État membre.

 

2)

L’article 391 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’article 377 de celle-ci et les principes de confiance légitime, de sécurité juridique ainsi que de neutralité fiscale, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de soins fournies par un établissement hospitalier privé qui relèvent de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive en raison d’une modification des conditions d’exercice de ses activités intervenue depuis qu’il a opté pour le régime de la taxation prévu par la réglementation nationale de l’État membre concerné, laquelle prévoit l’obligation, pour tout assujetti effectuant un tel choix, de demeurer soumis audit régime pendant un certain délai, lorsqu’un tel délai n’est pas encore expiré.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le portugais.