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ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

17 octobre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Législation fiscale – Impôt sur les sociétés – Déduction pour capital à risque – Diminution du montant déductible par les sociétés disposant d’un établissement stable dans un autre État membre qui génère des revenus exonérés en vertu d’une convention préventive de la double imposition – Article 49 TFUE – Liberté d’établissement –Traitement défavorable – Absence »

Dans l’affaire C-459/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen (tribunal de première instance d’Anvers, Belgique), par décision du 29 juin 2018, parvenue à la Cour le 16 juillet 2018, dans la procédure

Argenta Spaarbank NV

contre

Belgische Staat,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin (rapporteur), juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Argenta Spaarbank NV, par Mes B. De Cock et K. Van Duyse, advocaten,

–        pour le gouvernement belge, par MM. P. Cottin et J.-C. Halleux ainsi que par Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. W. Roels et Mme N. Gossement, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Argenta Spaarbank NV (ci-après « Argenta ») au Belgische Staat (État belge) au sujet du calcul du montant de la déduction pour capital à risque au titre de l’exercice d’imposition 2015.

 Le cadre juridique

 Le droit belge

3        La déduction pour capital à risque a été introduite dans le régime applicable à l’impôt sur les revenus par la wet tot invoering van een belastingaftrek voor risicokapitaal (loi instaurant une déduction fiscale pour capital à risque), du 22 juin 2005 (Belgisch Staatsblad, 30 juin 2005, p. 30077).

4        Il ressort de l’exposé des motifs de cette loi que celle-ci a pour objectif, notamment, d’atténuer la différence de traitement fiscal entre le financement des sociétés avec les capitaux empruntés, dont la rémunération est entièrement déductible fiscalement, et le financement avec les capitaux propres (capitaux à risque), dont la rémunération était jusqu’alors entièrement taxée, et d’augmenter le ratio de solvabilité des sociétés, l’introduction de la déduction pour capital à risque s’insérant dans l’objectif général consistant à améliorer la compétitivité de l’économie belge.

5        L’article 205 bis du Wetboek van de inkomstenbelastingen 1992 (code des impôts sur les revenus de 1992, ci-après le « CIR 1992 »), dans sa version applicable à l’exercice d’imposition 2015, est libellé comme suit :

« Pour la détermination du revenu imposable, la base imposable est réduite du montant fixé conformément à l’article 205 quater. Cette réduction est dénommée “déduction pour capital à risque”. »

6        Conformément à l’article 205 quater, paragraphe 1, du CIR 1992, la déduction pour capital à risque est égale au capital à risque, déterminé conformément à l’article 205 ter du CIR 1992, multiplié par un taux fixé aux paragraphes suivants de cet article 205 quater.

7        L’article 205 ter, paragraphe 1, premier alinéa, énonce que, pour déterminer la déduction pour capital à risque pour une période imposable, le capital à risque à prendre en considération correspond, sous réserve des dispositions des paragraphes 2 à 5 dudit article, au montant des capitaux propres de la société, à la fin de la période imposable précédente, déterminés conformément à la législation relative à la comptabilité et aux comptes annuels tels qu’ils figurent au bilan. L’article 205 ter, paragraphe 1, second alinéa, du CIR de 1992 prévoit que le capital à risque ainsi déterminé est diminué de certaines valeurs, tandis que l’article 205 ter, paragraphes 2 à 5, du CIR 1992 fixe les hypothèses dans lesquelles les capitaux propres doivent subir des corrections pour servir de base de calcul aux fins de constater le montant de la déduction pour capital à risque.

8        Jusqu’à l’exercice d’imposition 2014, l’article 205 ter, paragraphe 2, du CIR 1992 prévoyait que, lorsque la société disposait d’un ou de plusieurs établissements à l’étranger dont les revenus étaient exonérés en vertu d’une convention préventive de la double imposition, le capital à risque, déterminé conformément à l’article 205 ter, paragraphe 1, du CIR 1992, était diminué de la différence positive entre, d’une part, la valeur comptable nette des éléments d’actif des établissements étrangers et, d’autre part, le total des éléments de passif qui ne font pas partie des capitaux propres de la société et qui sont imputables à ces établissements.

9        L’article 205 quinquies du CIR 1992 prévoyait que, en cas d’absence de bénéfices au titre d’une période imposable pour laquelle la déduction pour capital à risque peut être déduite, l’exonération non accordée pour cette période imposable était reportée successivement sur les bénéfices des sept années suivantes. À la suite de l’adoption de la wet houdende fiscale en financiële bepalingen (loi portant des dispositions fiscales et financières), du 13 décembre 2012 (Belgisch Staatsblad, 20 décembre 2012), ce report est devenu impossible à partir de l’exercice d’imposition 2013.

10      Saisie d’une demande de décision préjudicielle, la Cour a jugé, dans l’arrêt du 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank (C-350/11, EU:C:2013:447), que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, pour le calcul d’une déduction accordée à une société assujettie intégralement à l’impôt dans un État membre, la valeur nette des actifs d’un établissement stable situé dans un autre État membre n’est pas prise en compte lorsque les bénéfices dudit établissement stable ne sont pas imposables dans le premier État membre en vertu d’une convention préventive de la double imposition, alors que les actifs attribués à un établissement stable situé sur le territoire de ce premier État membre sont pris en compte à cet effet.

11      Par la wet houdende diverse fiscale en financiële bepalingen (loi portant des dispositions fiscales et financières diverses), du 21 décembre 2013 (Belgisch Staatsblad, 31 décembre 2013), les paragraphes 2 et 3 de l’article 205 ter du CIR 1992 ont été abrogés et il a été introduit dans le CIR 1992 un nouvel article 205 quinquies, en vigueur depuis l’exercice d’imposition 2014 (ci-après l’« article 205 quinquies du CIR 1992, modifié »).

12      L’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié, est libellé comme suit :

« Lorsque la société dispose dans un autre État membre de l’Espace économique européen d’un ou plusieurs établissements stables, d’immeubles ou de droits relatifs à de tels immeubles, non affectés à un établissement stable dont les revenus sont exonérés en vertu de conventions préventives de la double imposition, la déduction, déterminée conformément à l’article 205 bis, est diminuée du plus petit des deux montants suivants :

1°      le montant déterminé conformément à l’alinéa 3 ;

2°      le résultat positif généré par ces établissements stables, ces immeubles et ces droits relatifs à de tels immeubles déterminé conformément au présent Code.

[...]

Le montant visé aux alinéas 1er et 2 est déterminé en multipliant le taux visé à l’article 205 quater avec la différence positive déterminée à la fin de la période imposable précédente, sous réserve des dispositions de l’article 205 ter, §§ 2 à 5, entre, d’une part, la valeur comptable nette des éléments d’actif de ces établissements stables étrangers, immeubles ou droits, visés à respectivement l’alinéa 1er et à l’alinéa 2, à l’exception des actions, parts et participations visées à l’article 205 ter, § 1er, alinéa 2, et d’autre part, le total des éléments de passif qui ne font pas partie des capitaux propres de la société et qui sont imputables à ces établissements stables, immeubles ou droits, visés à respectivement l’alinéa 1er ou à l’alinéa 2. »

 La convention préventive de la double imposition conclue entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas

13      L’article 7, paragraphes 1 à 3, du Verdrag tussen het Koninkrijk België en het Koninkrijk der Nederlanden tot het vermijden van dubbele belasting en tot het voorkomen van het ontgaan van belasting inzake belastingen naar het inkomen en naar het vermogen (convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune), du 5 juin 2001 (Belgisch Staatsblad, 20 décembre 2002, p. 57534, ci-après la « convention belgo-néerlandaise »), stipule :

« 1.      Les bénéfices d’une entreprise d’un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre État contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable.

2.      Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu’une entreprise d’un État contractant exerce son activité dans l’autre État contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque État contractant, à cet établissement stable les bénéfices qu’il aurait pu réaliser s’il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l’entreprise dont il constitue un établissement stable.

3.      Pour déterminer les bénéfices d’un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d’administration ainsi exposés, soit dans l’État où est situé cet établissement stable, soit ailleurs. »

14      L’article 23, paragraphe 1, de la convention belgo-néerlandaise prévoit :

« En ce qui concerne la Belgique, la double imposition est évitée de la manière suivante :

a)      Lorsqu’un résident de la Belgique reçoit des revenus, autres que des dividendes, des intérêts ou des redevances visées à l’article 12, paragraphe 5, ou possède des éléments de fortune qui sont imposés aux Pays-Bas conformément aux dispositions de la présente Convention, la Belgique exempte de l’impôt ces revenus ou ces éléments de fortune, mais elle peut, pour calculer le montant de ses impôts sur le reste du revenu ou de la fortune de ce résident, appliquer le même taux que si les revenus ou les éléments de fortune en question n’avaient pas été exemptés.

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

15      Argenta, société établie en Belgique, est assujettie à l’impôt belge des sociétés.

16      Au cours de la période imposable allant du 1er janvier au 31 décembre 2014 (ci-après l’« exercice d’imposition 2015 »), Argenta a exercé une partie de ses activités à travers un établissement stable situé aux Pays-Bas, dont les revenus sont exonérés en Belgique au titre de l’article 7, paragraphes 1 à 3, et de l’article 23 de la convention belgo-néerlandaise.

17      Dans sa déclaration relative à l’impôt des sociétés au titre de l’exercice d’imposition 2015, Argenta a, en application de l’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié, diminué la déduction pour capital à risque de la partie de la déduction qui est calculée sur les capitaux propres de son établissement stable.

18      La cotisation à l’impôt des sociétés pour l’exercice d’imposition 2015 a été déclarée exécutoire le 12 novembre 2015 et l’avis d’imposition a été notifié le 16 novembre 2015.

19      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, par application de l’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié, la cotisation à l’impôt des sociétés a été calculée comme suit. Tout d’abord, conformément à l’article 205 quinquies, troisième alinéa, du CIR 1992, modifié, le montant de la déduction pour capital à risque afférent à l’établissement stable néerlandais d’Argenta a été calculé et correspond à un montant de 1 970 290,89 euros. Ensuite, conformément à l’article 205 quinquies, premier alinéa, du CIR 1992, modifié, le montant de la déduction pour capital à risque afférent à l’établissement stable néerlandais, à savoir un montant de 1 970 290,89 euros, a été comparé au résultat de cet établissement stable qui était positif et s’élevait à un montant de 149 185 743,91 euros. Enfin, la déduction pour capital à risque afférente à l’établissement stable néerlandais, à savoir un montant de 1 970 290,89 euros, a été intégralement soustraite de la déduction totale pour capital à risque parce que le résultat positif de l’établissement stable néerlandais était supérieur à la déduction pour capital à risque afférente à cet établissement.

20      Le 12 mai 2016, Argenta a introduit contre cette cotisation une réclamation tirée de la non-conformité de l’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié, à l’article 49 TFUE. Cette réclamation a été rejetée par décision du 19 décembre 2016.

21      Le 17 mars 2017, Argenta a déposé une requête auprès de la juridiction de renvoi.

22      La juridiction de renvoi relève que les parties sont en désaccord sur la conformité, en particulier, de l’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié, à l’article 49 TFUE ainsi qu’à la jurisprudence résultant de l’arrêt du 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank (C-350/11, EU:C:2013:447).

23      La juridiction de renvoi indique que la déduction pour capital à risque telle que calculée selon les modalités énoncées aux articles 205 ter et 205 quater du CIR 1992 est diminuée de la partie de la déduction pour capital à risque qui est calculée sur les capitaux propres d’établissements stables situés dans un autre État de l’Espace économique européen (EEE) et exonérés par une convention préventive de la double imposition. Cette diminution est limitée au bénéfice réalisé dans cet établissement stable. Les actifs propres sont fixés à la valeur comptable nette des éléments d’actif diminuée du total des éléments de passif qui ne font pas partie des capitaux propres de la société et qui sont imputables à ces établissements stables, ainsi qu’il est prévu à l’article 205 quinquies, troisième alinéa, du CIR 1992, modifié.

24      La juridiction de renvoi précise que, contrairement à l’exercice d’imposition 2008, qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank (C-350/11, EU:C:2013:447), en l’absence de bénéfice ou de bénéfice suffisant, dans un exercice d’imposition, permettant de procéder à la déduction pour capital à risque, il n’y a plus de report possible sur les exercices ultérieurs.

25      La juridiction de renvoi constate que la diminution de la déduction pour capital à risque, prévue à l’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié, ne s’applique pas aux établissements stables situés en Belgique et que la législation belge ne prévoit pas non plus de diminution analogue pour les établissements belges.

26      Il s’ensuit, selon la juridiction de renvoi, que l’étendue de la déduction pour capital à risque est plus restreinte quand une société a un établissement stable dans un autre État membre de l’EEE, en particulier lorsque le bénéfice de l’établissement est supérieur à la déduction pour capital à risque qui lui a été imputée, que quand cet établissement stable est situé en Belgique. La question qui se pose alors est de savoir si cette réglementation nationale est conforme à l’article 49 TFUE.

27      Dans une situation telle que celle en cause au principal, où le bénéfice de l’établissement stable dans un autre État membre est supérieur à la déduction pour capital à risque calculée sur les capitaux propres imputés à cet établissement, le nouveau dispositif aurait un effet quasi identique à celui qui était applicable à l’exercice d’imposition 2008, jugé contraire à l’article 49 TFUE. Toutefois, les actifs de l’établissement stable situé dans un autre État membre sont pris en compte dans le calcul de la déduction, dans un premier temps en tout cas, et la limitation du droit à déduction pour capital à risque concernant les capitaux propres d’un tel établissement stable, dont les revenus sont exonérés en vertu d’une convention préventive de la double imposition, reste circonscrite au montant du bénéfice de cet établissement.

28      Dans ces conditions, le Rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen (tribunal de première instance d’Anvers, Belgique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 49 [TFUE] s’oppose-t-il à une réglementation fiscale nationale en vertu de laquelle, pour le calcul de son bénéfice imposable, une société intégralement assujettie à l’impôt en Belgique ayant dans un autre État membre un établissement stable dont les bénéfices sont totalement exonérés en Belgique au titre d’une convention préventive de la double imposition entre la Belgique et l’autre État membre :

–        la déduction pour capital à risque est diminuée d’un montant de déduction pour capital à risque calculé sur la différence positive entre, d’une part, la valeur comptable nette des éléments d’actif de l’établissement stable et, d’autre part, le total des éléments de passif qui ne font pas partie des capitaux propres de la société et qui sont imputables à l’établissement stable et

–        ladite diminution n’est pas appliquée lorsque le montant de la diminution est inférieur au bénéfice de cet établissement stable,

alors qu’aucune diminution de la déduction pour capital à risque n’est appliquée si cette différence positive peut être imputée à un établissement stable situé en Belgique ? »

 Sur la question préjudicielle

29      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le gouvernement belge invite la Cour à reformuler la question préjudicielle, dans la mesure où, en substance, celle-ci ne correspondrait pas au contenu de l’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en ce qui concerne l’interprétation des dispositions de l’ordre juridique national, la Cour est en principe tenue de se fonder sur les qualifications résultant de la décision de renvoi. En effet, selon une jurisprudence constante, la Cour n’est pas compétente pour interpréter le droit interne d’un État membre (arrêt du 17 mars 2011, Naftiliaki Etaireia Thasou et Amaltheia I Naftiki Etaireia, C-128/10 et C-129/10, EU:C:2011:163, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

31      Dans les motifs de sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi a procédé à l’interprétation de l’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié, et a constaté que, en vertu de cette disposition, la déduction pour capital à risque telle que calculée selon les modalités fixées aux articles 205 ter et 205 quater du CIR 1992 est diminuée de la partie de la déduction pour capital à risque qui est calculée sur les capitaux propres d’un établissement stable situé dans un autre État membre et dont les bénéfices sont exonérés par une convention préventive de la double imposition et que cette diminution est limitée aux bénéfices réalisés dans cet établissement stable. Elle a en outre constaté que la diminution de la déduction pour capital à risque prévue à l’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié, ne s’applique pas dans les cas où l’établissement stable est situé en Belgique.

32      C’est donc en partant des prémisses qui ressortent de la décision de renvoi qu’il y a lieu de comprendre la question posée par la juridiction de renvoi et d’y répondre.

33      Par conséquent, il convient de considérer que, par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle, pour le calcul d’une déduction accordée à une société assujettie intégralement à l’impôt dans un État membre et disposant d’un établissement stable dans un autre État membre dont les revenus sont exonérés dans le premier État membre en vertu d’une convention préventive de la double imposition, la valeur nette des actifs d’un tel établissement stable est prise en compte, dans un premier temps, dans le calcul de la déduction pour capital à risque accordée à la société résidente, mais, dans un second temps, le montant de la déduction est réduit du plus petit des montants suivants, à savoir, la partie de la déduction pour capital à risque qui se rapporte à l’établissement stable ou le résultat positif généré par cet établissement stable, alors qu’une telle diminution n’est pas appliquée dans le cas d’un établissement stable situé dans le premier État membre.

34      La liberté d’établissement, que l’article 49 TFUE reconnaît aux ressortissants de l’Union européenne, comprend, en vertu de l’article 54 TFUE, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement au sein de l’Union, le droit d’exercer leur activité dans d’autres États membres par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (arrêt du 12 juin 2018, Bevola et Jens W. Trock, C-650/16, EU:C:2018:424, point 15).

35      Même si, selon leur libellé, les dispositions du droit de l’Union relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, elles s’opposent également à ce que l’État membre d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre de l’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation (arrêts du 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank, C-350/11, EU:C:2013:447, point 20, ainsi que du 12 juin 2018, Bevola et Jens W. Trock, C-650/16, EU:C:2018:424, point 16 et jurisprudence citée).

36      Ces considérations s’appliquent également lorsqu’une société établie dans un État membre opère dans un autre État membre par l’intermédiaire d’un établissement stable (arrêts du 15 mai 2008, Lidl Belgium, C-414/06, EU:C:2008:278, point 20 ; du 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank, C-350/11, EU:C:2013:447, point 21, ainsi que du 12 juin 2018, Bevola et Jens W. Trock, C-650/16, EU:C:2018:424, point 17).

37      La déduction pour capital à risque accordée à une société soumise à l’impôt des sociétés en Belgique constitue un avantage fiscal qui a pour effet de réduire le taux effectif de l’impôt des sociétés que doit acquitter une telle société dans ledit État membre.

38      La Cour a déjà jugé, dans ce contexte, que la prise en compte des actifs d’un établissement stable pour le calcul de la déduction pour capital à risque d’une société soumise à l’impôt des sociétés en Belgique constitue elle aussi un avantage fiscal, puisqu’une telle prise en compte contribue à réduire le taux effectif de l’impôt des sociétés que doit acquitter une telle société dans ledit État membre (arrêt du 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank, C-350/11, EU:C:2013:447, point 24).

39      La législation nationale en cause au principal, notamment l’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié, prévoit désormais que la valeur nette des actifs d’un établissement stable situé dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés dans l’État membre de la société résidente en vertu d’une convention préventive de la double imposition, est prise en compte, dans un premier temps, dans le calcul de la déduction pour capital à risque accordée à la société résidente.

40      Une différence de traitement ne peut donc être constatée sur ce point entre une société disposant d’un établissement stable en Belgique et une société disposant d’un établissement stable situé dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés en Belgique en vertu d’une convention préventive de la double imposition, dans la mesure où tant les actifs imputés à l’établissement stable situé en Belgique que ceux imputés à l’établissement stable situé dans un autre État membre sont pris en compte dans le calcul de la déduction pour capital à risque globale accordée à la société résidente.

41      Dans un second temps, cependant, le montant de la déduction pour capital à risque globale est réduit du plus petit des montants suivants, à savoir la partie de la déduction pour capital à risque qui se rapporte à un établissement stable situé dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés en Belgique en vertu d’une convention préventive de la double imposition, ou le résultat positif généré par cet établissement stable, alors que, en ce qui concerne les établissements stables situés en Belgique, une telle réduction de la déduction pour capital à risque n’est pas prévue.

42      Par conséquent, la législation en cause au principal instaure, sur ce point, une différence de traitement entre une société disposant d’un établissement stable en Belgique et une société disposant d’un établissement stable dans un autre État membre dont les revenus sont exonérés en Belgique en vertu d’une convention préventive de la double imposition.

43      Il convient, dès lors, de déterminer, si une telle différence de traitement constitue un traitement désavantageux susceptible de dissuader une société belge d’exercer ses activités par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans un État membre autre que le Royaume de Belgique et constitue, par conséquent, une restriction en principe interdite par les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement.

44      Ainsi qu’il découle du dossier dont dispose la Cour, l’application de l’article 205 quinquies du CIR 1992, modifié, peut donner lieu à trois hypothèses différentes.

45      Premièrement, dans une situation où l’établissement stable situé dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés en Belgique en vertu d’une convention préventive de la double imposition, n’a pas généré de résultat positif, la déduction pour capital à risque globale accordée à la société résidente, qui est calculée en prenant en compte la valeur nette des actifs dudit établissement stable, n’est pas diminuée. La base imposable de la société résidente est donc réduite du montant entier de la déduction pour capital à risque, y compris de la partie de la déduction pour capital à risque qui se rapporte audit établissement stable.

46      Par conséquent, dans cette première hypothèse, la société disposant d’un établissement stable situé dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés en Belgique en vertu d’une convention préventive de la double imposition, ne subit pas, sous réserve de vérifications par la juridiction de renvoi, un traitement moins avantageux qu’une société résidente disposant d’un établissement stable résident.

47      Deuxièmement, dans une situation où l’établissement stable situé dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés en Belgique en vertu d’une convention préventive de la double imposition, a généré un résultat positif qui est inférieur à la partie de la déduction pour capital à risque qui se rapporte à cet établissement stable, la déduction pour capital à risque globale calculée en prenant en compte la valeur nette des actifs dudit établissement stable est diminuée. En effet, ce résultat positif est soustrait de la déduction globale.

48      Une telle opération a pour conséquence que la partie de la déduction pour capital à risque, qui se rapporte à cet établissement stable et qui dépasse le résultat de ce dernier, est en revanche prise en compte aux fins de la déduction globale.

49      Par conséquent, la base imposable de la société résidente n’est réduite du montant de la déduction pour capital à risque qui se rapporte audit établissement stable que dans la mesure où ce montant dépasse le résultat positif de celui-ci.

50      Troisièmement, dans une situation où l’établissement stable situé dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés en Belgique en vertu d’une convention préventive de la double imposition, a généré un résultat positif qui est supérieur à la partie de la déduction pour capital à risque qui se rapporte à cet établissement stable, la déduction pour capital à risque globale calculée en prenant en compte la valeur nette des actifs dudit établissement stable est également diminuée, en soustrayant de celle-ci la déduction pour capital à risque qui se rapporte audit établissement. Dans cette hypothèse, le montant de la déduction pour capital à risque qui se rapporte audit établissement stable ne conduit à aucune réduction de la base imposable de la société résidente.

51      Il s’ensuit que, dans les deuxième et troisième hypothèses décrites ci-dessus, la déduction pour capital à risque globale est diminuée, lorsque la société résidente dispose d’un établissement stable situé dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés en Belgique en vertu d’une convention préventive de la double imposition, à la différence des situations où un établissement stable est situé en Belgique.

52      Encore faut-il que l’application d’un tel mécanisme soit désavantageuse pour une société résidente disposant d’un établissement stable situé dans un autre État membre de manière à rendre, à la suite de la diminution de la déduction pour capital à risque globale, la base imposable de cette société plus élevée que celle d’une société résidente dont l’établissement stable se situe en Belgique.

53      À cet égard, s’il est vrai que, dans les deuxième et troisième hypothèses décrites ci-dessus, la déduction pour capital à risque globale est diminuée et n’est donc pas entièrement soustraite de la base imposable de la société résidente, à la différence des situations où l’établissement stable est situé en Belgique, il importe de relever que, selon les indications figurant dans le dossier dont dispose la Cour, la base imposable de la société résidente disposant d’un établissement stable en Belgique est, toutes autres choses étant égales par ailleurs, également supérieure à celle d’une société disposant d’un établissement stable dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés en Belgique.

54      En effet, selon ces indications, la base imposable de la société dont les établissements stables sont situés en Belgique inclut les résultats de ces établissements stables. En revanche, dans une situation où le Royaume de Belgique a, dans une convention préventive de la double imposition, exonéré les revenus d’un établissement stable qui se situe dans un autre État membre, la base imposable de la société résidente n’inclut pas de tels revenus.

55      Ainsi, s’agissant de la deuxième hypothèse décrite ci-dessus, la base imposable d’une société résidente disposant d’un établissement stable en Belgique ne semble être diminuée, au-delà de sa composante relative au résultat positif généré par cet établissement stable, que dans la mesure où le montant de la déduction pour capital à risque qui se rapporte à cet établissement stable dépasse ce résultat. Compte tenu des considérations figurant au point 49 du présent arrêt, il apparaît ainsi que, dans cette hypothèse, la base imposable d’une telle société n’est pas moins élevée que celle d’une société résidente disposant d’un établissement stable dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés en Belgique.

56      Cette dernière société ne semble pas non plus être désavantagée dans la troisième hypothèse décrite ci-dessus, dans laquelle le résultat positif de l’établissement stable est supérieur au montant de la déduction pour capital à risque se rapportant à cet établissement. En effet, s’agissant d’une société résidente disposant d’un établissement stable en Belgique, les effets de cette déduction semblent se limiter à la composante de sa base imposable relative au résultat positif généré par cet établissement stable, sans toutefois réduire la base imposable de cette dernière société, telle qu’elle résulte des revenus acquis par celle-ci. Ainsi, dans cette dernière hypothèse, la circonstance que cette société peut procéder à une déduction pour capital à risque qui se rapporte à son établissement, alors qu’une société résidente disposant d’un établissement stable dans un autre État membre, dont les revenus sont exonérés en Belgique en vertu d’une convention préventive de la double imposition, ne le peut pas, ne semble pas avoir pour effet que la base imposable de cette dernière société soit plus élevée que celle de la première.

57      Par conséquent, il convient de constater, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, que, en raison de la diminution de la déduction pour capital à risque globale, une société résidente dont la base imposable n’inclut pas les bénéfices réalisés par un établissement stable situé dans un autre État membre n’est pas traitée de manière moins avantageuse, en ce qui concerne les revenus imposables en Belgique, qu’une société résidente dont la base imposable inclut les bénéfices d’un établissement stable résident et dont la déduction pour capital à risque n’est pas diminuée.

58      Il s’ensuit que la différence de traitement introduite par la législation nationale en cause au principal ne constitue pas un traitement désavantageux susceptible de dissuader une société belge d’exercer ses activités par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans un État membre autre que le Royaume de Belgique et ne constitue pas, par conséquent, une restriction en principe interdite par les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement.

59      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle, pour le calcul d’une déduction accordée à une société assujettie intégralement à l’impôt dans un État membre et disposant d’un établissement stable dans un autre État membre dont les revenus sont exonérés dans le premier État membre en vertu d’une convention préventive de la double imposition, la valeur nette des actifs d’un tel établissement stable est prise en compte, dans un premier temps, dans le calcul de la déduction pour capital à risque accordée à la société résidente, mais, dans un second temps, le montant de la déduction est réduit du plus petit des montants suivants, à savoir la partie de la déduction pour capital à risque qui se rapporte à l’établissement stable ou le résultat positif généré par cet établissement stable, alors qu’une telle diminution n’est pas appliquée dans le cas d’un établissement stable situé dans le premier État membre.

 Sur les dépens

60      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle, pour le calcul d’une déduction accordée à une société assujettie intégralement à l’impôt dans un État membre et disposant d’un établissement stable dans un autre État membre dont les revenus sont exonérés dans le premier État membre en vertu d’une convention préventive de la double imposition, la valeur nette des actifs d’un tel établissement stable est prise en compte, dans un premier temps, dans le calcul de la déduction pour capital à risque accordée à la société résidente, mais, dans un second temps, le montant de la déduction est réduit du plus petit des montants suivants, à savoir la partie de la déduction pour capital à risque qui se rapporte à l’établissement stable ou le résultat positif généré par cet établissement stable, alors qu’une telle diminution n’est pas appliquée dans le cas d’un établissement stable situé dans le premier État membre.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.