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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

9 octobre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Sixième directive 77/388/CEE – Article 11, A, paragraphe 1, sous a) – Base d’imposition – Subvention directement liée au prix – Règlement (CE) no 2200/96 – Article 11, paragraphe 1, et article 15 – Organisation de producteurs agricoles ayant constitué un fonds opérationnel – Livraisons effectuées par l’organisation de producteurs à ses membres en échange de paiements ne couvrant pas la totalité du prix d’achat – Financement supplémentaire versé par le fonds opérationnel »

Dans les affaires jointes C-573/18 et C-574/18,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décisions du 13 juin 2018, parvenues à la Cour le 13 septembre 2018, dans les procédures

C GmbH & Co. KG (C-573/18),

C-eG (C-574/18)

contre

Finanzamt Z,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič et C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement allemand, initialement par M. T. Henze et Mme S. Eisenberg, puis par Mme S. Eisenberg, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios et M. R. Pethke, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), ainsi que des articles 20 et 27 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive »).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant C GmbH & Co. KG et C-eG au Finanzamt Z (administration fiscale Z, Allemagne, ci-après l’« administration fiscale ») au sujet d’avis d’imposition relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (JO 1996, L 297, p. 1), prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par “organisation de producteurs” toute personne morale :

a)

qui est constituée à l’initiative même des producteurs des catégories suivantes des produits visés à l’article 1er paragraphe 2 :

i)

fruits et légumes ;

[...]

c)

dont les statuts obligent les producteurs associés, notamment :

[...]

3)

à vendre par l’intermédiaire de l’organisation de producteurs la totalité de leur production concernée.

[...]

5)

à régler les contributions financières prévues par les statuts pour la mise en place et l’approvisionnement du fonds opérationnel prévu à l’article 15 ;

[...] »

4

L’article 15, paragraphe 1, du règlement no 2200/96 dispose :

« Dans les conditions définies au présent article, une aide financière communautaire est octroyée aux organisations de producteurs qui constituent un fonds opérationnel.

Ce fonds est alimenté par des contributions financières effectives des producteurs associés, assises sur les quantités ou la valeur des fruits et légumes effectivement commercialisées sur le marché, et par l’aide financière visée au premier alinéa. »

5

L’article 11, A, paragraphe 1, de la sixième directive énonce :

« La base d’imposition est constituée :

a)

pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ;

[...] »

6

L’article 20, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les États membres, notamment :

a)

lorsque la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer ;

[...] »

7

L’article 27 de ladite directive énonce :

« 1.   Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d’éviter certaines fraudes ou évasions fiscales. Les mesures destinées à simplifier la perception de la taxe ne peuvent influer, sauf de façon négligeable, sur le montant de la taxe due au stade de la consommation finale.

[...]

5.   Les États membres qui appliquent, au 1er janvier 1977, des mesures particulières du type de celles visées au paragraphe 1 peuvent les maintenir, à la condition de les notifier à la Commission avant le 1er janvier 1978 et sous réserve qu’elles soient conformes, pour autant qu’il s’agisse de mesures destinées à simplifier la perception de la taxe, au critère défini au paragraphe 1. »

Le droit allemand

8

L’article 1er, paragraphe 1, de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), dans sa version applicable aux litiges au principal (ci-après l’« UStG »), prévoit :

« Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations suivantes :

1.

les livraisons et autres prestations effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un entrepreneur dans le cadre de son entreprise. [...]

[...] »

9

Aux termes de l’article 3 de l’UStG :

« (1)   Les livraisons d’un entrepreneur sont les prestations par lesquelles celui-ci ou un tiers mandaté par lui procure à un acheteur ou à un tiers en son nom le droit de disposer d’un bien en son nom propre (remise du pouvoir de disposition).

[...]

(12)   Il y a échange lorsque la rémunération d’une livraison consiste en une livraison. Une opération est assimilable à un échange lorsque la rémunération d’une prestation de services consiste en une livraison ou en une autre prestation. »

10

L’article 10 de l’UStG dispose :

« (1)   Lors des livraisons et autres prestations (article 1er, paragraphe 1, point 1, première phrase) [...], le chiffre d’affaires est déterminé d’après la rémunération. La rémunération est constituée par tout ce que mobilise le bénéficiaire de la prestation pour obtenir cette dernière, à l’exclusion cependant de la taxe sur le chiffre d’affaires. Entre également dans la rémunération ce qu’une personne autre que le bénéficiaire verse à l’entrepreneur pour la prestation [...]

(2)   [...] Dans le cadre de l’échange (article 3, paragraphe 12, première phrase) [et] des opérations assimilables à un échange (article 3, paragraphe 12, deuxième phrase) [...] la valeur de toute opération est considérée comme rémunération de l’autre opération. La taxe sur le chiffre d’affaires ne fait pas partie de la rémunération.

[...]

(4)   Le chiffre d’affaires est calculé :

1.

lors du transfert d’un bien [...] d’après le prix d’acquisition plus frais accessoires de l’objet ou d’un objet de même type, voire en l’absence de prix d’acquisition d’après des coûts de revient au moment de l’opération ;

[...]

La taxe sur le chiffre d’affaires n’entre pas dans la base d’imposition.

(5)   Le paragraphe 4 s’applique mutatis mutandis :

1.

aux livraisons et autres prestations effectuées par des sociétés de personnes au sens de l’article 1er, paragraphe 1, points 1 à 5, du Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l’impôt sur les sociétés, ci-après le « KStG »), par les associations de personnes non dotées de la personnalité juridique ainsi que par les communautés dans le cadre de leur entreprise, en faveur de leurs actionnaires, sociétaires, membres, associés ou proches de ceux-ci ainsi que par des entrepreneurs individuels en faveur de leurs proches.

2.

[...]

lorsque la base d’imposition au sens du paragraphe 4 est supérieure à la rémunération au sens du paragraphe 1. »

11

L’article 1er, paragraphe 1, du KStG énonce :

« Sont entièrement soumises à l’impôt sur les sociétés les sociétés, associations de personnes et actifs affectés dont la direction ou le siège est établi sur le territoire national :

[...]

5.

association sans personnalité juridique, institutions, fondations et autres capitaux affectés de droit privé ;

[...] »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

12

La requérante au principal dans l’affaire C-573/18 est une société de forme juridique « GmbH & Co. KG ». Cette société conteste des avis d’imposition rectificatifs émis pour les années 2005 et 2006.

13

La requérante au principal dans l’affaire C-574/18 est une société de forme juridique « eingetragene Genossenschaft » ou « eG », à savoir une coopérative enregistrée, venant aux droits d’une autre coopérative enregistrée. Cette coopérative conteste des avis d’imposition rectificatifs émis pour les années 2002 et 2003.

14

Les requérantes au principal étaient, durant les années en cause, grossistes de fruits et légumes. En leur qualité d’« organisation de producteurs », au sens de l’article 11 du règlement no 2200/96, elles vendaient les produits cultivés par leurs producteurs associés.

15

Conformément à l’article 15 de ce règlement, les requérantes au principal exploitaient chacune un fonds opérationnel. Ce fonds est un patrimoine d’affectation de droit privé, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, point 5, du KStG, et est financé pour moitié par les contributions des producteurs associés et pour moitié par les aides financières de l’Union européenne. Les ressources dudit fonds permettent de financer des investissements dans des exploitations particulières des membres de l’organisation de producteurs.

16

À cet effet, les requérantes au principal concluaient avec différents producteurs associés des contrats d’acquisition et d’utilisation de biens d’investissement. Les commandes des biens faisant l’objet de ces contrats étaient effectuées par celles-ci directement auprès des fournisseurs en amont. Ces fournisseurs leur adressaient les factures.

17

Ensuite, la requérante au principal dans l’affaire C-573/18 facturait aux producteurs concernés, selon les cas, 50 % ou 75 % de ses frais d’acquisition plus la TVA, les frais restants étant financés par le fonds opérationnel. La requérante au principal dans l’affaire C-574/18 facturait aux producteurs concernés 50 % de ses frais d’acquisition plus la TVA, les frais restants étant financés par le fonds opérationnel.

18

Les producteurs étaient tenus, pendant une durée déterminée d’utilisation des biens acquis, de livrer leurs produits aux requérantes au principal aux fins de leur commercialisation et de s’acquitter d’une contribution sur la vente de leurs produits, appelée « contribution financière », au sens de l’article 15 du règlement no 2200/96. Cette contribution financière s’élevait, dans le cas de la requérante au principal dans l’affaire C-573/18, à 1,75 % du prix de vente des produits et, dans le cas de la requérante au principal dans l’affaire C-574/18, à 3 % du prix de vente des produits. Ces contributions finançaient les fonds opérationnels.

19

Après l’expiration de la période d’engagement prévue par les contrats d’acquisition et d’utilisation de biens d’investissement, les requérantes au principal transféraient aux producteurs leurs droits de copropriété relatifs aux biens acquis sans contrepartie.

20

Les requérantes au principal ont, au cours des années en cause, déduit intégralement la TVA payée en amont au titre des factures des fournisseurs et ont appliqué en aval la TVA uniquement sur les montants facturés aux producteurs. Elles n’ont pas considéré les montants versés à partir des fonds opérationnels comme une contrepartie de la mise à disposition des biens en cause aux producteurs, dans la mesure où ils provenaient de l’aide financière.

21

Après réalisation d’un contrôle fiscal auprès des requérantes au principal, l’administration fiscale a estimé, dans les avis d’imposition rectificatifs pour les années en cause, que les requérantes au principal avaient, dès l’acquisition des biens, accordé aux différents producteurs un pouvoir de disposition sur ceux-ci et avaient, ce faisant, procédé à une livraison. L’administration fiscale a considéré que l’aide financière provenant des fonds opérationnels était, en tant que véritable subvention, non imposable, et il a, par conséquent, appliqué aux opérations en aval effectuées par les requérantes au principal la base d’imposition minimale prévue à l’article 10, paragraphe 5, point 1, de l’UStG, lu en combinaison avec cet article 10, paragraphe 4, et considéré que le prix d’achat était constitué des montants nets versés aux fournisseurs en amont.

22

Le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne) a rejeté les recours formés par les requérantes au principal contre lesdits avis d’imposition rectificatifs. Toutefois, même si cette juridiction a confirmé la conclusion de l’administration fiscale, elle est parvenue à ce résultat sur le fondement de l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de l’UStG. Elle a estimé que les paiements provenant des fonds opérationnels devaient être considérés comme une rémunération obtenue de la part d’un tiers.

23

Les requérantes au principal contestent les jugements du Finanzgericht (tribunal des finances) dans le cadre des recours en Revision qu’elles ont portés devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne).

24

La juridiction de renvoi part du principe que les avis d’imposition rectificatifs en cause au principal, s’ils devaient être exclusivement appréciés à l’égard du droit allemand, seraient légaux. Elle se demande toutefois si les normes de droit national sont conformes au droit de l’Union.

25

À cet égard, cette juridiction estime, d’une part, que les livraisons de biens effectuées à ses membres par une organisation de producteurs pourraient être qualifiées d’échange avec compensation financière, dès lors que les membres, outre un paiement proportionnel, s’engagent, pendant une période déterminée, à livrer leurs produits à l’organisation de producteurs. Elle considère, d’autre part, que les paiements provenant des fonds opérationnels seraient susceptibles d’être considérés comme une subvention directement liée au prix de l’opération qu’il y a lieu d’inclure dans la base d’imposition.

26

Dans ces circonstances, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, qui sont formulées dans des termes identiques dans les affaires C-573/18 et C-574/18 :

« 1)

Dans des circonstances comme celles de la présente affaire où une organisation de producteurs, au sens des dispositions combinées de l’article 11, paragraphe 1, et de l’article 15 du règlement [no 2200/96], livre des biens aux producteurs qui lui sont affiliés et obtient de ceux-ci en échange un paiement ne couvrant pas le prix d’achat, convient-il de considérer :

a)

qu’il y a un échange avec compensation financière parce que, en contrepartie de l’opération, les producteurs se sont engagés contractuellement envers l’organisation de producteurs à lui livrer des fruits et légumes pour la durée de la période d’engagement de sorte que la base d’imposition de l’opération est le prix d’achat des biens d’investissement versé par l’organisation de producteurs aux fournisseurs en amont ?

b)

que le montant que le fonds opérationnel verse effectivement à l’organisation de producteurs pour l’opération en cause constitue dans son intégralité une « subvention directement liée au prix de l’opération », au sens de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive [...], de sorte que la base d’imposition s’étend également à l’aide financière, au sens de l’article 15 du règlement no 2200/96, que les autorités compétentes ont accordée au fonds opérationnel sur la base d’un programme opérationnel ?

2)

Dans l’hypothèse où, à la suite de la réponse à la première question, la base d’imposition ne s’étendrait qu’aux paiements effectués par les producteurs, mais non à l’obligation de livraison et à l’aide financière : Dans les circonstances citées dans la première question, l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la [sixième directive] fait-il obstacle à une mesure particulière nationale comme l’article 10, paragraphe 5, point 1, de l’UStG, fondée sur l’article 27, paragraphe 1, de la [sixième directive], et en vertu de laquelle la base d’imposition des opérations en faveur des producteurs est le prix d’achat versé par l’organisation de producteurs aux fournisseurs en amont pour les biens d’investissement dans la mesure où les producteurs sont des proches ?

3)

En cas de réponse négative à la deuxième question : En va-t-il également ainsi si les producteurs ont droit à la déduction intégrale de la taxe payée en amont parce que les biens d’investissement sont soumis à la régularisation des déductions (article 20 de la [sixième directive]) ? »

27

Par décision du président de la Cour du 4 octobre 2018, les affaires C-573/18 et C-574/18 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

28

Afin de répondre à la première question, il y a lieu d’observer, à titre liminaire, que, comme il ressort des éléments figurant dans les décisions de renvoi, les litiges au principal trouvent leur origine dans la circonstance que, dans leurs déclarations de TVA pour les exercices concernés, les organisations de producteurs en cause au principal n’ont pas considéré les montants que chacune de ces organisations a reçus en tant que subvention de la part des fonds opérationnels comme constituant une rémunération des livraisons de biens aux producteurs. Dans ces conditions, il suffit, afin de permettre à la juridiction de renvoi de résoudre ces litiges, de déterminer la base imposable des opérations en cause, eu égard à la règle générale énoncée à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.

29

Conformément à cette règle, la base d’imposition pour la livraison d’un bien ou la prestation d’un service est constituée par la contrepartie réellement reçue par l’assujetti « de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations » (arrêt du 20 janvier 2005, Hotel Scandic Gåsabäck, C-412/03, EU:C:2005:47, point 28).

30

En prévoyant que la base d’imposition à la TVA comprend, dans les hypothèses qu’il détermine, les subventions versées aux assujettis, l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive vise à soumettre à la TVA la totalité de la valeur des biens ou des prestations de services et, ainsi, à éviter que le versement d’une subvention n’entraîne un rendement moins élevé de la taxe (arrêt du 15 juillet 2004, Commission/Allemagne, C-144/02, EU:C:2004:444, point 26).

31

Conformément à son libellé, cette disposition s’applique lorsque la subvention est directement liée au prix de l’opération en cause. Pour que tel soit le cas, la subvention doit être spécifiquement versée à l’opérateur subventionné afin qu’il fournisse un bien ou effectue un service déterminé. Ce n’est que dans ce cas que la subvention peut être considérée comme une contrepartie de la livraison d’un bien ou de la prestation d’un service et que, partant, elle est imposable (arrêt du 15 juillet 2004, Commission/Allemagne, C-144/02, EU:C:2004:444, points 27 et 28).

32

Par ailleurs, il doit être vérifié que les acheteurs du bien ou les preneurs du service tirent profit de la subvention octroyée au bénéficiaire de celle-ci. En effet, il est nécessaire que le prix à payer par l’acheteur ou par le preneur soit fixé de telle façon qu’il diminue à proportion de la subvention accordée au vendeur du bien ou au prestataire du service, laquelle constitue alors un élément de détermination du prix exigé par ce dernier. Il doit ainsi être vérifié si, objectivement, le fait qu’une subvention est versée au vendeur ou au prestataire permet à celui-ci de vendre le bien ou de fournir le service à un prix inférieur à celui qu’il devrait exiger en l’absence de subvention (arrêt du 15 juillet 2004, Commission/Allemagne, C-144/02, EU:C:2004:444, point 29 et jurisprudence citée).

33

En outre, la contrepartie représentée par la subvention doit, à tout le moins, être déterminable (arrêt du 15 juillet 2004, Commission/Allemagne, C-144/02, EU:C:2004:444, point 30 et jurisprudence citée).

34

Ainsi, la notion de « subventions directement liées au prix », au sens de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, comprend uniquement les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d’une opération de livraison de biens ou de prestation de services et qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire (arrêt du 15 juillet 2004, Commission/Allemagne, C-144/02, EU:C:2004:444, point 31 et jurisprudence citée).

35

Il s’ensuit que l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive vise à prendre en compte la contrepartie payée pour la livraison d’un bien ou la prestation d’un service de telle sorte que soit reflétée toute la valeur réelle de la livraison ou de la prestation. À cette fin, cette disposition inclut dans la base d’imposition, en tant que contrepartie, les subventions liées directement au prix de ces opérations.

36

En l’occurrence, il ressort des décisions de renvoi que les paiements provenant des fonds opérationnels ont été versés aux organisations de producteurs en cause au principal pour la livraison de biens d’investissement et ont profité aux producteurs concernés.

37

En effet, les organisations de producteurs en cause au principal ont diminué le prix exigé des producteurs en contrepartie de la livraison de ces biens du montant précis des sommes provenant des fonds opérationnels. Il existe ainsi un lien direct entre la livraison desdits biens et la contrepartie réellement perçue. Ces organisations de producteurs, en contrepartie de la livraison des mêmes biens, ont reçu, d’une part, un paiement de la part des producteurs et, d’autre part, un paiement que leur verse le fonds opérationnel concerné au titre de cette livraison. Les paiements provenant des fonds opérationnels sont donc effectués exclusivement aux fins de la livraison de ces biens d’investissement et constituent, dès lors, des paiements directement liés au prix.

38

Il y a lieu, en outre, de relever que les paiements provenant des fonds opérationnels en cause au principal constituent des « subventions » provenant d’« un tiers », au sens de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive. En effet, d’une part, ainsi que l’a indiqué la juridiction de renvoi, de tels fonds jouissent de la capacité juridique et, d’autre part, l’organisation de producteurs concernée ne peut pas utiliser le patrimoine de ces fonds à des fins personnelles, lesdits fonds étant utilisés aux seules fins du financement des programmes opérationnels approuvés par les autorités nationales compétentes, conformément à l’article 15 du règlement no 2200/96.

39

Il convient, enfin, de relever que, comme le soutient le gouvernement allemand, l’interprétation de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, figurant aux points 35 à 38 du présent arrêt, garantit la préservation de la neutralité fiscale. En effet, si un producteur faisait l’acquisition d’un bien pour son entreprise directement auprès d’un fabricant, sans intervention de l’organisation de producteurs dont il relève et sans versement du fonds opérationnel constitué par cette organisation de producteurs, cette livraison serait entièrement soumise à la TVA. En revanche, si la TVA sur l’achat d’un tel bien était diminuée en proportion de la part financée par ce fonds opérationnel, le producteur qui fait l’acquisition d’un bien par l’intermédiaire de ladite organisation de producteurs serait alors soumis à une taxation inférieure à celle du producteur qui achète un bien équivalent sans intervention de celle-ci. Il y aurait ainsi une inégalité de traitement, contraire au principe de la neutralité fiscale.

40

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la première question que l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles au principal, dans lesquelles une « organisation de producteurs », au sens de l’article 11 du règlement no 2200/96, achète des biens auprès de fournisseurs en amont, livre ces biens à ses membres associés et obtient de ceux-ci un paiement ne couvrant pas le prix d’achat, le montant qu’un fonds opérationnel, tel que prévu à l’article 15 de ce règlement, verse à cette organisation de producteurs pour la livraison de ces biens aux producteurs s’intègre à la contrepartie de cette livraison et doit être considéré comme une subvention directement liée au prix de cette opération, versée par un tiers.

Sur les deuxième et troisième questions

41

Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.

Sur les dépens

42

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

 

L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles au principal, dans lesquelles une « organisation de producteurs », au sens de l’article 11 du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, achète des biens auprès de fournisseurs en amont, livre ces biens à ses membres associés et obtient de ceux-ci un paiement ne couvrant pas le prix d’achat, le montant qu’un fonds opérationnel, tel que prévu à l’article 15 de ce règlement, verse à cette organisation de producteurs pour la livraison de ces biens aux producteurs s’intègre à la contrepartie de cette livraison et doit être considéré comme une subvention directement liée au prix de cette opération, versée par un tiers.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.