Available languages

Taxonomy tags

Info

References in this case

Share

Highlight in text

Go

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

1er octobre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Sixième directive 77/388/CEE – Article 17, paragraphe 2, sous a) – Droit à déduction de la taxe payée en amont – Services ayant également bénéficié à des tiers – Existence d’un lien direct et immédiat avec l’activité économique de l’assujetti – Existence d’un lien direct et immédiat avec une ou plusieurs opérations effectuées en aval »

Dans l’affaire C-405/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hof van Cassatie (Cour de cassation, Belgique), par décision du 26 avril 2019, parvenue à la Cour le 24 mai 2019, dans la procédure

Vos Aannemingen BVBA

contre

Belgische Staat,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur) et F. Biltgen, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Vos Aannemingen BVBA, par Mes H. Geinger et F. Vanbiervliet, advocaten,

pour le gouvernement belge, par M. J.-C. Halleux et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO 1995 L 102, p. 18) (ci-après la « sixième directive »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vos Aannemingen BVBA au Belgische Staat (État belge) au sujet de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ayant grevé l’acquisition de services d’intermédiation immobilière et de publicité ainsi que l’acquisition de services administratifs.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 17, paragraphes 2 et 5, de la sixième directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies de cette directive, dispose :

« 2.   Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable :

a)

la [TVA] due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti ;

[...]

5.   En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la [TVA] qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

Ce prorata est déterminé pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti conformément à l’article 19.

[...] »

Le droit belge

4

L’article 45, paragraphe 1, du Wetboek van de belasting over de toegevoegde waarde (code de la taxe sur la valeur ajoutée), dans sa version applicable aux faits au principal, dispose :

« Tout assujetti peut déduire de la taxe dont il est redevable les taxes ayant grevé les biens et les services qui lui ont été fournis, les biens qu’il a importés et les acquisitions intracommunautaires de biens qu’il a effectuées, dans la mesure où il les utilise pour effectuer :

des opérations taxées ;

[...] »

5

L’article 1er, paragraphe 2, du koninklijk besluit nr. 3, met betrekking tot de aftrekregeling voor de toepassing van de belasting over de toegevoegde waarde (arrêté royal no 3, relatif aux déductions pour l’application de la taxe sur la valeur ajoutée), du 10 décembre 1969 (Belgisch Staatsblad,12 décembre 1969, p. 12006), dans sa version applicable aux faits au principal, énonce :

« Ne sont en aucun cas déductibles les taxes grevant les biens et les services qu’un assujetti destine à un usage privé ou à des fins autres que celles qui relèvent de son activité économique.

Lorsqu’un bien ou un service est destiné à être affecté partiellement à de telles fins, la déduction est exclue dans la mesure de cette affectation. Cette mesure est déterminée par l’assujetti sous le contrôle de l’administration. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

6

Vos Aannemingen a pour activité économique la construction et la vente d’immeubles à appartements. Ces immeubles étant érigés sur des terrains appartenant à des tiers, les parts indivises de terrain correspondant aux appartements vendus par Vos Aannemingen sont vendues par les propriétaires des terrains eux-mêmes.

7

Vos Aannemingen prend en charge les frais de publicité, les frais administratifs ainsi que les commissions d’agents immobiliers et déduit ensuite intégralement la TVA afférente.

8

À la suite d’un contrôle fiscal, l’administration belge compétente a, pour la période allant du 1er janvier 1999 au 30 septembre 2001, considéré que Vos Aannemingen ne pouvait déduire la TVA acquittée en amont que dans la mesure où celle-ci se rapportait à la vente des seuls bâtiments construits par elle. Ladite administration a ainsi limité l’étendue du droit à déduction de la TVA admis en faveur de cette société en appliquant au montant de la TVA acquittée en amont une fraction ayant comme numérateur le prix du bâtiment et comme dénominateur le prix du bâtiment ajouté au prix du terrain.

9

En conséquence, Vos Aannemingen s’est vu signifier une contrainte portant sur un montant de 92313,99 euros au titre de la TVA, auquel s’ajoutaient les intérêts ainsi que des amendes.

10

Après avoir procédé, sous réserve de tous droits, au paiement des montants réclamés par l’administration fiscale, Vos Aannemingen a formé opposition à ladite contrainte et réclamé le remboursement de ces sommes.

11

Par jugement du 21 mars 2016, le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen (tribunal de première instance de Flandre-Orientale, Belgique) a fait droit à la demande de Vos Aannemingen.

12

Cette juridiction a considéré que, compte tenu du fait que la vente d’un bâtiment et d’un terrain constitue une seule et même livraison, les frais de publicité, les frais administratifs et les commissions d’agents immobiliers acquittés par Vos Aannemingen pouvaient être regardés, dans leur ensemble, comme relevant des frais généraux de l’unique activité économique de celle-ci, à savoir la construction et la vente d’appartements. Ladite juridiction a en outre estimé que la circonstance que les propriétaires des terrains concernés étaient susceptibles de tirer un avantage des services de publicité et des services rendus par les agents immobiliers bénéficiaires des commissions devait être considérée comme accessoire par rapport aux besoins de Vos Aannemingen.

13

L’administration fiscale a interjeté appel de ce jugement devant le hof van beroep te Gent (cour d’appel de Gand, Belgique) qui, par arrêt du 28 novembre 2017, l’a déclaré fondé.

14

Ladite juridiction a tout d’abord relevé qu’il n’était pas contesté que la TVA dont la déduction a été, en partie, rejetée par l’administration fiscale concernait tant la vente de terrains appartenant à des tiers que celle de bâtiments construits par Vos Aannemingen.

15

Elle a ensuite considéré que, s’il existait effectivement un certain lien entre la vente des bâtiments et celle des terrains, ce lien n’était pas direct et immédiat au sens de l’arrêt du 8 février 2007, Investrand (C-435/05, EU:C:2007:87).

16

À cet égard, la même juridiction a estimé que, dans l’affaire au principal, il était juridiquement possible de vendre séparément les terrains et les bâtiments et que Vos Aannemingen avait la possibilité de refacturer au propriétaire des terrains une partie des frais de publicité, des frais administratifs et des commissions d’agents immobiliers.

17

Par ailleurs, la juridiction d’appel a considéré qu’il ne pouvait être soutenu que les propriétaires des terrains en cause au principal tiraient seulement un « avantage », au sens de l’arrêt du 18 juillet 2013, AES-3C Maritza East 1 (C-124/12, EU:C:2013:488), de la prise en charge par Vos Aannemingen des frais et des commissions. Elle a souligné que ces frais et ces commissions, dans la mesure où ils ont été exposés pour la vente des terrains, auraient en principe dû être supportés par lesdits propriétaires.

18

Enfin, cette juridiction a estimé que les frais et les commissions en question ne relevaient pas non plus de la catégorie des frais généraux supportés par Vos Aannemingen.

19

Vos Aannemingen a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant le Hof van Cassatie (Cour de cassation, Belgique). Elle soutient notamment que, lorsqu’une opération en amont est objectivement effectuée pour l’exécution de certaines activités en aval imposables ou de l’ensemble d’entre elles, l’assujetti peut déduire, dans son intégralité, la taxe payée en amont, même si un tiers profite également de cette opération et que ce tiers aurait normalement dû supporter une partie de la dépense, pour autant que l’avantage personnel pour le tiers soit accessoire par rapport aux besoins de l’entreprise de l’assujetti.

20

Considérant que la jurisprudence de la Cour ne permet pas de déterminer avec certitude si, dans une situation telle que celle en cause au principal, la TVA payée en amont peut être intégralement déduite, le Hof van Cassatie (Cour de cassation) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 17 de la [sixième directive] doit-il être interprété en ce sens que la circonstance qu’un tiers profite, lui aussi, d’une dépense – comme il arrive lorsqu’un promoteur expose, dans le cadre de la vente d’appartements, des frais de publicité, des frais administratifs et des commissions d’agents immobiliers dont les propriétaires des terrains profitent eux aussi – ne s’oppose pas à ce que la TVA grevant ces frais puisse être déduite dans son intégralité, à condition qu’il soit établi qu’il existe un lien direct et immédiat entre la dépense et l’activité économique de l’assujetti et que l’avantage pour le tiers est accessoire par rapport aux besoins de l’entreprise de l’assujetti ?

2)

Ce principe vaut-il également lorsqu’il [s’agit non] pas de frais généraux, mais de frais imputables à des opérations en aval bien déterminées, soumises ou non à la TVA, comme en l’espèce la vente, d’une part, des appartements et, d’autre part, du terrain ?

3)

La circonstance que l’assujetti a la possibilité/le droit de répercuter partiellement la dépense sur le tiers qui profite de celle-ci, mais ne la répercute pas, a-t-elle une incidence sur la question de la déductibilité de la TVA grevant ces frais ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

21

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la circonstance que les dépenses engagées par un assujetti, promoteur immobilier, au titre des frais de publicité, des frais administratifs et des commissions d’agents immobiliers qu’il a exposés dans le cadre de la vente d’appartements, profitent également à un tiers fait obstacle à ce que cet assujetti puisse déduire intégralement la TVA acquittée en amont afférente à ces dépenses lorsque, d’une part, il existe un lien direct et immédiat entre lesdites dépenses et l’activité économique de l’assujetti et, d’autre part, l’avantage pour le tiers est accessoire par rapport aux besoins de l’entreprise de l’assujetti.

22

L’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive autorise les assujettis à déduire de la taxe dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui leur sont ou leur seront livrés et pour les services qui leur sont ou leur seront rendus par un autre assujetti, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations taxées.

23

En vertu d’une jurisprudence constante, le droit à déduction prévu à cette disposition constitue un principe fondamental du système commun de TVA mis en place par la législation de l’Union, de sorte que ledit droit fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut en principe être limité [voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2017, Compass Contract Services, C-38/16, EU:C:2017:454, point 33, ainsi que du 18 octobre 2018, Volkswagen Financial Services (UK), C-153/17, EU:C:2018:845, point 39].

24

En effet, le régime de déduction institué par la sixième directive vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de TVA garantit ainsi la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 3 juillet 2019, The Chancellor, Masters and Scholars of the University of Cambridge, C-316/18, EU:C:2019:559, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

25

Pour qu’un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l’assujetti, et pour déterminer l’étendue d’un tel droit, l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire. En effet, le droit à déduction de la TVA grevant l’acquisition de biens ou de services en amont présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction (arrêts du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 28, ainsi que du 24 janvier 2019, Morgan Stanley & Co International, C-165/17, EU:C:2019:58, point 30 et jurisprudence citée).

26

Un droit à déduction est cependant également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 29 et jurisprudence citée).

27

En l’occurrence, la juridiction de renvoi, qui part de la prémisse selon laquelle il existe un lien direct et immédiat entre les dépenses en cause au principal et l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti, cherche à savoir si la circonstance qu’un tiers profite également de ces dépenses fait obstacle à ce que cet assujetti puisse déduire intégralement la TVA acquittée en amont afférente auxdites dépenses.

28

À cet égard, dès lors qu’est établie l’existence d’un lien direct et immédiat entre les services rendus à l’assujetti et l’activité économique de celui-ci, la circonstance qu’un tiers profite également desdits services ne saurait justifier que le droit à déduction correspondant à ces services soit refusé à l’assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 35), à condition, toutefois, que l’avantage que le tiers tire de cette prestation de services soit accessoire par rapport aux besoins de l’assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, AES-3C Maritza East 1, C-124/12, EU:C:2013:488, point 33 et jurisprudence citée).

29

En effet, il serait contraire au principe de la neutralité de la TVA, évoqué au point 24 du présent arrêt, de faire supporter à un assujetti la TVA relative à des dépenses effectuées pour les besoins de ses opérations taxées au seul motif qu’un tiers en tire un avantage accessoire (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, AES-3C Maritza East 1, C-124/12, EU:C:2013:488, point 36).

30

Par ailleurs, il importe de préciser que, pour pouvoir être qualifié d’accessoire, l’avantage dont bénéficie le tiers doit découler d’une prestation de services effectuée dans l’intérêt propre de l’assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, AES-3C Maritza East 1, C-124/12, EU:C:2013:488, point 33 et jurisprudence citée).

31

Dans le cas où, comme en l’occurrence, il apparaît que des dépenses correspondant à des frais de publicité, des frais administratifs et des commissions d’agents immobiliers ont été exposées dans l’intérêt de l’assujetti, l’avantage que les tiers ont également tiré de ces dépenses peut être qualifié d’accessoire à l’aune de la jurisprudence évoquée au point précédent du présent arrêt.

32

Il s’ensuit que la circonstance, telle que celle en cause au principal, que, dans le cadre de la vente d’un terrain dont il est le propriétaire, un tiers tire également un avantage des services rendus à l’assujetti ne saurait avoir pour effet de limiter l’étendue du droit à déduction de la TVA dont dispose cet assujetti.

33

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la circonstance que les dépenses engagées par un assujetti, promoteur immobilier, au titre des frais de publicité, des frais administratifs et des commissions d’agents immobiliers qu’il a exposés dans le cadre de la vente d’appartements profitent également à un tiers ne fait pas obstacle à ce que cet assujetti puisse déduire intégralement la TVA acquittée en amont afférente à ces dépenses lorsque, d’une part, il existe un lien direct et immédiat entre lesdites dépenses et l’activité économique de l’assujetti et, d’autre part, l’avantage pour le tiers est accessoire par rapport aux besoins de l’entreprise de l’assujetti.

Sur la deuxième question

34

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la circonstance que les dépenses engagées par l’assujetti profitent également à un tiers fait obstacle à ce que cet assujetti puisse déduire intégralement la TVA acquittée en amont afférente à ces dépenses, dans le cas où celles-ci ne relèvent pas des frais généraux de l’assujetti mais constituent des frais imputables à des opérations en aval déterminées.

35

À titre liminaire, il convient de rappeler qu’un droit à déduction est admis en faveur de l’assujetti non seulement lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux liés à l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti, mais également et avant tout lorsqu’il existe un lien direct et immédiat entre une opération en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction (voir, en ce sens, arrêts du 29 octobre 2009, SKF, C-29/08, EU:C:2009:665, point 60, et du 30 mai 2013, X, C-651/11, EU:C:2013:346, point 55).

36

Dans le libellé de sa deuxième question, la juridiction de renvoi se place expressément dans l’hypothèse où les frais afférents aux services fournis en amont ne font pas partie des frais généraux, mais sont imputables à des opérations en aval déterminées, dont certaines sont effectuées par l’assujetti et d’autres par un tiers.

37

À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 22 du présent arrêt, il résulte de l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive que les assujettis ne sont autorisés à déduire de la taxe dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les services qui leur sont rendus par un autre assujetti que dans la mesure où ces services sont utilisés pour les besoins de leurs propres opérations taxées.

38

Par conséquent, ne saurait ouvrir un tel droit la part des dépenses qui est liée non pas aux opérations réalisées par l’assujetti mais à des opérations effectuées par un tiers, telles que, comme dans l’affaire en cause au principal, la vente des terrains.

39

En l’occurrence, s’il s’avérait qu’une partie des services au titre desquels ont été exposées les dépenses en cause au principal a été utilisée non pas pour les besoins des opérations de construction et de vente d’immeubles de l’assujetti, mais pour les besoins d’opérations de vente de terrains effectuées par des tiers, le lien direct et immédiat existant entre ces services et les opérations taxées de cette société serait partiellement rompu, de sorte que celle-ci ne serait pas en droit de procéder à la déduction de la TVA ayant grevé cette partie des dépenses (voir, par analogie, arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 39).

40

Aux fins de déterminer l’étendue du droit à déduction de l’assujetti, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer dans quelle mesure les services concernés ont effectivement été fournis afin de permettre à l’assujetti de réaliser ses opérations taxées (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 34). Ce n’est, en effet, que dans cette mesure que la TVA acquittée en amont sera considérée comme grevant des services rendus à l’assujetti, ainsi que l’exige l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive.

41

À cette fin, il y a lieu de se fonder sur le contenu objectif des services acquis par l’assujetti et de prendre en considération l’ensemble des circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations concernées (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 31, et du 17 octobre 2018, Ryanair, C-249/17, EU:C:2018:834, point 28).

42

Dans des circonstances telles que celles du litige au principal, sont notamment pertinents les contrats de fourniture des services ainsi que la réalité économique et commerciale, dont la prise en compte constitue, en vertu d’une jurisprudence constante, un critère fondamental pour l’application du système commun de TVA (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, KrakVet Marek Batko, C-276/18, EU:C:2020:485, point 61).

43

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la circonstance que les dépenses engagées par l’assujetti profitent également à un tiers ne fait pas obstacle à ce que cet assujetti puisse déduire intégralement la TVA acquittée en amont afférente à ces dépenses, dans le cas où celles-ci relèvent non pas des frais généraux de l’assujetti, mais constituent des frais imputables à des opérations en aval déterminées, pour autant que lesdits frais entretiennent un lien direct et immédiat avec les opérations taxées de l’assujetti, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier au regard de l’ensemble des circonstances dans lesquelles se sont déroulées ces opérations.

Sur la troisième question

44

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la circonstance que l’assujetti a la possibilité de répercuter, sur le tiers qui en tire un avantage, une partie des dépenses qu’il a engagées a une incidence sur le droit de cet assujetti de déduire la TVA afférente à ces frais.

45

Ainsi qu’il découle de la réponse à la deuxième question, en particulier du point 43 du présent arrêt, la circonstance qu’une partie des dépenses engagées par l’assujetti l’a été non pour les besoins de ses propres opérations taxées, mais pour ceux d’une opération effectuée par un tiers serait de nature à rompre partiellement le lien direct et immédiat qui doit exister entre l’acquisition des services en amont et l’opération en aval, empêchant ainsi l’assujetti de procéder à la déduction intégrale de la TVA y afférente.

46

La circonstance que l’assujetti a la possibilité de répercuter, sur ce tiers, une partie des dépenses qu’il a encourues au titre desdits services constitue, certes, un indice en faveur de la conclusion selon laquelle cette partie des dépenses se rapporte non pas à l’opération en aval effectuée par l’assujetti, mais à l’opération réalisée par ledit tiers.

47

Toutefois, cet élément n’est pas, à lui seul, suffisant aux fins de déterminer l’étendue du droit à déduction de la TVA dont dispose l’assujetti, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 41 du présent arrêt, il y a lieu, dans le cadre de l’application du critère du lien direct, de prendre en considération l’ensemble des circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations concernées, appréciation qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer.

48

Par conséquent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, dans le cas où un tiers tire un avantage de dépenses engagées par l’assujetti, la circonstance que celui-ci a la possibilité de répercuter sur ce tiers une partie des dépenses ainsi engagées constitue l’un des éléments, avec l’ensemble des autres circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations concernées, qu’il appartient à la juridiction de renvoi de prendre en considération aux fins de déterminer l’étendue du droit à déduction de la TVA dont dispose l’assujetti.

Sur les dépens

49

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, doit être interprété en ce sens que la circonstance que les dépenses engagées par un assujetti, promoteur immobilier, au titre des frais de publicité, des frais administratifs et des commissions d’agents immobiliers qu’il a exposés dans le cadre de la vente d’appartements profitent également à un tiers ne fait pas obstacle à ce que cet assujetti puisse déduire intégralement la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont afférente à ces dépenses lorsque, d’une part, il existe un lien direct et immédiat entre lesdites dépenses et l’activité économique de l’assujetti et, d’autre part, l’avantage pour le tiers est accessoire par rapport aux besoins de l’entreprise de l’assujetti.

 

2)

L’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 95/7, doit être interprété en ce sens que la circonstance que les dépenses engagées par l’assujetti profitent également à un tiers ne fait pas obstacle à ce que cet assujetti puisse déduire intégralement la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont afférente à ces dépenses, dans le cas où celles-ci relèvent non pas des frais généraux de l’assujetti, mais constituent des frais imputables à des opérations en aval déterminées, pour autant que lesdits frais entretiennent un lien direct et immédiat avec les opérations taxées de l’assujetti, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier au regard de l’ensemble des circonstances dans lesquelles se sont déroulées ces opérations.

 

3)

L’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 95/7, doit être interprété en ce sens que, dans le cas où un tiers tire un avantage de dépenses engagées par l’assujetti, la circonstance que celui-ci a la possibilité de répercuter sur ce tiers une partie des dépenses ainsi engagées constitue l’un des éléments, avec l’ensemble des autres circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations concernées, qu’il appartient à la juridiction de renvoi de prendre en considération aux fins de déterminer l’étendue du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont dispose l’assujetti.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.