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 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

25 février 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous a) – Article 9, paragraphe 1 – Article 13, paragraphe 1 – Article 14, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a) – Notion de “livraison de biens” – Conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété par effet de la loi – Commune percevant les redevances au titre de la conversion – Notion d’“indemnité” – Notion d’“assujetti agissant en tant que tel” – Exception – Organismes de droit public qui accomplissent des activités ou des opérations en tant qu’autorités publiques »

Dans l’affaire C-604/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne), par décision du 19 juin 2019, parvenue à la Cour le 9 août 2019, dans la procédure

Gmina Wrocław

contre

Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader, MM. M. Safjan et N. Jääskinen (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour la Gmina Wrocław, par Mme E. Mroczko et M. T. Straszkiewicz, radcowie prawni,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mmes J. Jokubauskaitė et M. Siekierzyńska, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 3 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de l’article 9, paragraphe 1, de l’article 13, paragraphe 1, ainsi que de l’article 14, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Gmina Wrocław (commune de Wrocław, Pologne) au Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (directeur de l’information nationale du Trésor, Pologne) (ci-après l’« autorité fiscale ») au sujet de l’avis fiscal qui lui a été adressé concernant l’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des redevances qui lui ont été versées en raison de la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur des biens immeubles en droit de pleine propriété.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA, sont soumises à la TVA les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel.

4

L’article 9, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

5

L’article 13, paragraphe 1, de ladite directive est rédigé dans les termes suivants :

« Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

[...] »

6

L’article 14 de la directive TVA dispose :

« 1.   Est considéré comme “livraison de biens”, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.

2.   Outre l’opération visée au paragraphe 1, sont considérées comme livraison de biens les opérations suivantes :

a)

la transmission, avec paiement d’une indemnité, de la propriété d’un bien en vertu d’une réquisition faite par l’autorité publique ou en son nom ou aux termes de la loi ;

[...] »

Le droit polonais

Le code civil

7

L’article 232, paragraphe 1, de l’Ustawa z dnia 23 kwietnia 1964 r. - Kodeks cywilny (loi du 23 avril 1964 portant code civil) (Dz. U. de 1964, no 16, position 93), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code civil »), dispose :

« Les terrains constituant la propriété de l’État et situés dans les limites administratives des villes, les terrains d’État situés en dehors de ces limites, mais incorporés au plan d’aménagement du territoire de la ville et affectés à la réalisation de ses objectifs économiques et les terrains constituant la propriété de collectivités territoriales ou de leurs associations peuvent être concédés en usufruit perpétuel à des personnes physiques et à des personnes morales. »

8

L’article 233 du code civil est ainsi libellé :

« Dans les limites fixées par les lois et les règles de la vie en société ainsi que par un contrat d’usufruit perpétuel d’un terrain de l’État ou d’un terrain d’une collectivité territoriale ou d’une association de collectivités territoriales, l’usufruitier peut jouir du terrain à l’exclusion de toute autre personne. Dans les mêmes limites, l’usufruitier perpétuel peut disposer de son droit. »

9

L’article 234 de ce code énonce :

« Les dispositions relatives au transfert de la propriété de biens immeubles s’appliquent mutatis mutandis à la concession d’un usufruit perpétuel sur un terrain appartenant à l’État, à une collectivité territoriale ou à une association de collectivités territoriales. »

10

Aux termes de l’article 236, paragraphe 1, dudit code :

« L’usufruit perpétuel d’un terrain appartenant à l’État, à une collectivité territoriale ou à une association de collectivités territoriales est concédé pour une période de 99 ans. Dans des cas exceptionnels, lorsque l’objectif économique de l’usufruit perpétuel ne requiert pas que le terrain soit concédé pour une période de 99 ans, la période peut être plus courte, mais elle doit être d’au moins 40 ans. »

11

L’article 238 du code civil prévoit :

« L’usufruitier perpétuel acquitte une redevance annuelle pendant la durée de son droit. »

La loi relative à la gestion des biens immeubles

12

L’article 12a, paragraphe 1, de l’ustawa o gospodarce nieruchomościami (loi relative à la gestion des biens immeubles), du 21 août 1997 (Dz. U. de 2018, position 2204), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi relative à la gestion des biens immeubles »), dispose :

« Les montants dus au titre de la gestion des biens immeubles qui relèvent du droit privé et sont perçus par l’État, représenté par le maire dans l’exercice de ses missions d’administration publique ou par le ministre en charge de la Construction, de la Planification, de l’Urbanisme et du Logement peuvent être rachetés en totalité ou en partie, ou leur paiement peut être différé ou échelonné. »

13

L’article 27 de la loi relative à la gestion des biens immeubles est ainsi libellé :

« La vente d’un bien immeuble, ou la concession d’un usufruit perpétuel sur un terrain, doit faire l’objet d’un contrat passé sous forme d’acte notarié. La concession d’un usufruit perpétuel sur un terrain et le transfert de ce droit par contrat doivent être transcrits au registre foncier. »

14

L’article 32, paragraphes 1 et 2, de cette loi énonce :

« 1.   Un terrain concédé en usufruit perpétuel ne peut être vendu qu’à l’usufruitier perpétuel [...]

2.   Le jour de la conclusion du contrat de vente du terrain, le droit d’usufruit perpétuel préalablement constitué s’éteint de plein droit. [...] »

15

L’article 69 de ladite loi prévoit :

« Le prix du terrain vendu à l’usufruitier perpétuel comprend un montant égal à la valeur de l’usufruit perpétuel sur ce bien au jour de la vente. »

16

L’article 71, paragraphe 1, de la même loi est libellé comme suit :

« Une première redevance et une redevance annuelle sont dues pour la concession d’un usufruit perpétuel sur un terrain. »

17

Aux termes de l’article 72, paragraphe 1, de la loi relative à la gestion des biens immeubles, les redevances dues au titre de l’usufruit perpétuel sont calculées comme un pourcentage du prix du terrain, lequel prix est, quant à lui, déterminé, aux termes de l’article 67, paragraphe 1, de cette loi, en fonction de la valeur du terrain. L’article 72, paragraphe 3, point 4, de ladite loi précise que, dans le cas d’un bien immeuble cédé à des fins d’habitation, le taux de la redevance annuelle due au titre de l’usufruit perpétuel s’élève à 1 % du prix du terrain.

La loi relative à la TVA

18

L’article 5, paragraphe 1, point 1, de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services), du 11 mars 2004 (Dz. U. de 2004, no 54, position 535, ci-après la « loi relative à la TVA »), dispose :

« Sont soumises à la taxe sur les biens et les services [...] : la livraison de biens et la prestation de services, effectuées à titre onéreux, sur le territoire national. »

19

L’article 7, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA est libellé comme suit :

« La livraison de biens, visée à l’article 5, paragraphe 1, point 1, s’entend du transfert du pouvoir de disposer des biens comme un propriétaire, y compris :

1)

le transfert en vertu d’une réquisition faite par l’autorité publique ou par une entité agissant au nom de cette autorité, ou le transfert, aux termes de la loi, de la propriété de biens avec paiement d’une indemnité ;

[...]

6)

la concession d’un usufruit perpétuel sur des terrains. »

La loi sur la conversion

20

L’article 1er, paragraphe 1, de l’ustawa o przekształceniu prawa użytkowania wieczystego gruntów zabudowanych na cele mieszkaniowe w prawo własności tych gruntów (loi relative à la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur les terrains bâtis à des fins d’habitation en droit de propriété sur ces terrains), du 20 juillet 2018 (Dz. U. de 2018, position 1716, ci-après la « loi sur la conversion »), dispose :

« Le 1er janvier 2019, le droit d’usufruit perpétuel sur les terrains bâtis à des fins d’habitation est converti en droit de propriété sur ces terrains. »

21

L’article 4, paragraphe 1, point 3, de la loi sur la conversion est ainsi libellé :

« L’attestation constatant la conversion (ci-après dénommée l’“attestation”), émanant [...] du maire compétent (bourgmestre, président de ville), du conseil de district ou du conseil de voïvodie – lorsque les terrains appartiennent à une collectivité territoriale – constitue le fondement de l’inscription du droit de propriété au registre foncier. »

22

Le paragraphe 2, point 1, de cet article précise que les organes visés au paragraphe 1 dudit article doivent établir l’attestation d’office, dans un délai ne dépassant pas douze mois à compter du jour de la conversion. Aux termes du paragraphe 4 du même article, l’attestation confirme la conversion et mentionne l’obligation de verser une redevance annuelle de conversion ainsi que le montant de cette redevance et le moment où elle est due.

23

L’article 5, paragraphe 1, de cette loi énonce :

« La juridiction inscrit d’office la propriété des terrains et le droit au paiement dans les registres fonciers. »

24

L’article 6, paragraphe 1, de ladite loi prévoit que le nouveau propriétaire peut contester les informations figurant sur l’attestation visée à l’article 4 de la même loi. La demande présentée selon cette procédure aboutit à ce qu’une décision administrative fixe le montant et le délai de paiement de la redevance de conversion.

25

L’article 7 de la loi sur la conversion dispose :

« 1.   Au titre de la conversion, le nouveau propriétaire du terrain verse la redevance à l’actuel propriétaire du terrain.

2.   Le montant de la redevance est égal au montant de la redevance annuelle due au titre de l’usufruit perpétuel au jour de la conversion.

[...]

6.   La redevance est due pendant une période de 20 ans, à compter du jour de la conversion.

7.   Le propriétaire du terrain peut, à tout moment de la période durant laquelle il est tenu de payer la redevance, informer par écrit l’organe compétent de son intention de payer le solde en une fois (redevance unique). Le montant de la redevance unique correspond à la redevance de l’année durant laquelle l’intention de payer une redevance unique est exprimée, multipliée par le nombre d’années restant jusqu’à l’expiration de la période [de 20 ans]. »

26

Aux termes de l’article 12, paragraphe 2, de cette loi :

« Les dispositions de l’article 12a de la loi relative à la gestion des biens immeubles s’appliquent mutatis mutandis aux redevances et aux redevances uniques. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

27

La commune de Wrocław est une collectivité territoriale enregistrée en tant qu’assujettie à la TVA qui était propriétaire de biens immeubles grevés d’un usufruit perpétuel au sens du droit polonais.

28

En vertu des dispositions du code civil, l’usufruit perpétuel consiste en la concession de l’utilisation d’un terrain, dont le propriétaire est l’État, une collectivité territoriale ou une association de collectivités territoriales, à un utilisateur, l’usufruitier perpétuel, qui peut jouir du terrain et disposer de son droit à l’exclusion de toute autre personne. Les usufruitiers perpétuels peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales. Dans le cadre d’un usufruit perpétuel, les terrains sont en principe concédés à l’usufruitier pour une période de 99 ans qui, dans des cas exceptionnels, peut être réduite, mais ne peut pas être inférieure à 40 ans. L’usufruitier perpétuel verse au propriétaire du terrain une redevance annuelle en contrepartie de l’usufruit perpétuel et pendant la durée de celui-ci.

29

Conformément à l’article 72, paragraphe 1, de la loi relative à la gestion des biens immeubles, les redevances dues au titre de l’usufruit perpétuel sont calculées comme un pourcentage du prix du terrain concerné, qui est déterminé, aux termes de l’article 67, paragraphe 1, de cette loi, en fonction de la valeur de ce terrain. L’article 72, paragraphe 3, point 4, de ladite loi dispose que, dans le cas d’un bien immeuble cédé à des fins d’habitation, le taux de la redevance annuelle due au titre de l’usufruit perpétuel s’élève à 1 % du prix du terrain en cause.

30

Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, point 1, et de l’article 7, paragraphe 1, point 6, de la loi relative à la TVA, la concession d’un usufruit perpétuel sur des terrains constitue une livraison de biens et, partant, les redevances annuelles acquittées par l’usufruitier devaient être soumises à la TVA.

31

En vertu de la loi sur la conversion, le 1er janvier 2019, le droit d’usufruit perpétuel sur les terrains bâtis à des fins d’habitation est converti en droit de pleine propriété sur ces terrains.

32

Conformément à l’article 7 de la loi sur la conversion, les usufruitiers perpétuels, devenus propriétaires, doivent payer à la collectivité publique qui était propriétaire du terrain en cause une redevance de conversion. Cette redevance est due le 31 mars de chaque année pendant une période de 20 ans, à compter du jour de la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur le bien immeuble concerné en droit de pleine propriété. Cet article précise que le montant de ladite redevance est égal au montant de la redevance annuelle due au titre de l’usufruit perpétuel au jour de cette conversion. Par ailleurs, le nouveau propriétaire peut, à tout moment de la période durant laquelle il est tenu de payer la redevance de conversion, informer par écrit l’organe compétent de son intention de payer le solde en une fois.

33

Par ailleurs, l’article 6, paragraphe 1, de la loi sur la conversion énonce que le nouveau propriétaire du terrain peut contester le montant de la redevance de conversion et la durée de la période pendant laquelle cette redevance est due, en introduisant une demande auprès de l’organe compétent. La demande présentée selon cette procédure aboutit à ce qu’une décision administrative fixe le montant et le délai de paiement de la redevance de conversion.

34

Le 5 janvier 2019, la commune de Wrocław a demandé à l’autorité fiscale de délivrer un rescrit fiscal concernant l’application de la TVA aux redevances qui lui sont dues en vertu de la loi sur la conversion.

35

Ladite commune soutient que les redevances versées par les nouveaux propriétaires des terrains en vertu de ladite loi ne sont pas soumises à la TVA.

36

Au contraire, l’autorité fiscale estime, dans son rescrit fiscal du 15 janvier 2019, que les redevances dues à la commune de Wrocław en vertu de la loi sur la conversion sont soumises à la TVA en tant que solde du montant dû au titre de la constitution du droit d’usufruit perpétuel sur les terrains en cause et au motif que, lorsqu’elle perçoit ces redevances, cette commune agit en qualité d’assujettie à la TVA et non en qualité d’autorité publique.

37

La commune de Wrocław a introduit un recours contre ledit rescrit fiscal devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne).

38

La juridiction de renvoi s’interroge, en premier lieu, sur la question de savoir si la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété, intervenue en vertu de la loi sur la conversion sans que les parties aient exprimé la volonté de procéder à cette conversion, ne devrait pas être considérée comme une opération visée à l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA, à savoir comme un transfert, avec paiement d’une indemnité, de la propriété d’un bien aux termes de la loi. Cette juridiction se demande, plus particulièrement, si, compte tenu de ses caractéristiques, la redevance de conversion peut être considérée comme une « indemnité », au sens de cette disposition. La juridiction de renvoi estime que tel est le cas dans l’affaire dont elle est saisie et que, partant, la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété constitue une livraison de biens, au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA.

39

En deuxième lieu, ladite juridiction indique que, si, néanmoins, il n’était pas possible de considérer qu’il s’agit d’une livraison de biens au sens de ladite disposition, il conviendrait alors de s’interroger sur la qualification de l’opération juridique au principal en tant que livraison de biens, au sens de l’article 14, paragraphe 1, de la directive TVA.

40

En troisième lieu, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, en l’espèce, la commune de Wrocław agit en tant qu’assujettie à la TVA, comme l’affirme l’autorité fiscale, ou, le cas échéant, si l’exception à l’assujettissement à la TVA, prévue à l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive TVA, s’applique à cette commune. Cette juridiction estime que, dans les circonstances de l’espèce, ladite commune exerce une activité en qualité d’organisme public et, conformément aux dispositions de la loi sur la conversion, effectue, en substance, uniquement des tâches de type administratif. La juridiction de renvoi souligne que la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété elle-même, en revanche, est opérée uniquement en vertu de la loi, sans possibilité de négocier les conditions de réalisation de cette conversion ni les conditions de paiement des redevances dues au titre de celle-ci et que la commune de Wrocław ne peut entreprendre aucune action qui pourrait avoir une incidence sur le champ d’application personnel, matériel ou économique de ladite conversion.

41

Dans ces conditions, le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La conversion d’un usufruit perpétuel sur un bien immeuble en un droit de propriété effectuée [...] en vertu de la loi constitue-t-elle une livraison de biens, au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la [directive TVA], lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, sous a), de cette directive ?

2)

En cas de réponse négative à la première question, la conversion d’un usufruit perpétuel sur un bien immeuble en un droit de propriété effectuée en vertu de la loi constitue-t-elle une livraison de biens, au sens de l’article 14, paragraphe 1, de la [directive TVA], lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, sous a), de cette directive ?

3)

Lorsqu’elle perçoit des redevances au titre de la conversion d’un usufruit perpétuel sur un bien immeuble en un droit de propriété, [...] une commune agit-elle en qualité d’assujettie, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la [directive TVA], lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, sous a), de cette directive, ou en qualité d’autorité publique, au sens de l’article 13 de ladite directive ? »

Sur la procédure accélérée

42

Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi a demandé l’application à la présente affaire de la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. À l’appui de sa demande, cette juridiction a fait valoir que le manque de sécurité juridique concernant les modalités de l’imposition des redevances dues au titre de la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété constitue une atteinte à la sécurité budgétaire et est susceptible de porter préjudice aux nombreux citoyens polonais concernés.

43

Il résulte de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions de ce règlement.

44

En l’occurrence, le 10 octobre 2019, le président de la Cour a décidé, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, de rejeter la demande de la juridiction de renvoi visée au point 42 du présent arrêt.

45

Cette décision a été motivée par le fait que les raisons invoquées par la juridiction de renvoi n’étaient pas de nature à établir que les conditions définies à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure étaient remplies dans le cadre de la présente affaire (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, Addis, C-517/17, EU:C:2020:579, point 42).

46

En effet, il est de jurisprudence constante que ni de simples intérêts économiques, pour importants et légitimes qu’ils soient (ordonnance du président de la Cour du 2 septembre 2015, Leonmobili et Leone, C-353/15, non publiée, EU:C:2015:552, point 8), ni le risque d’une perte économique ou le caractère économiquement sensible de l’affaire au principal (ordonnance du président de la Cour du 29 janvier 2014, E., C-436/13, non publiée, EU:C:2014:95, point 27) ne sont de nature à établir l’existence d’une urgence au sens de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure.

47

Par ailleurs, le nombre important d’affaires dont la procédure est suspendue dans l’attente de la décision de la Cour rendue sur le présent renvoi préjudiciel n’est pas non plus susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une procédure accélérée (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 8 mars 2012, P, C-6/12, non publiée, EU:C:2012:135, point 8 ; du 31 mars 2014, Indėlių ir investicijų draudimas et Nemaniūnas, C-671/13, non publiée, EU:C:2014:225, point 10, et du 28 novembre 2017, Di Girolamo, C-472/17, non publiée, EU:C:2017:932, point 15).

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

48

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 14 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété prévue par une législation nationale moyennant le paiement d’une redevance constitue une livraison de biens, au sens du paragraphe 2, sous a), de cet article ou, subsidiairement, au sens du paragraphe 1 dudit article.

49

Il convient de relever d’emblée que la directive TVA établit un système commun de TVA fondé, notamment, sur une définition uniforme des opérations taxables (arrêt du 13 juin 2018, Gmina Wrocław, C-665/16, EU:C:2018:431, point 30 et jurisprudence citée).

50

Ainsi, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ladite directive, sont soumises à la TVA les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel.

51

L’article 14, paragraphe 1, de la directive TVA définit la notion de « livraison de biens » comme étant le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.

52

À cet égard, conformément à une jurisprudence constante, la notion de « livraison de biens », visée à l’article 14, paragraphe 1, de la directive TVA, ne se réfère pas au transfert de propriété dans les formes prévues par le droit national applicable, mais elle inclut toute opération de transfert d’un bien corporel par une partie qui habilite l’autre partie à en disposer en fait comme si elle était le propriétaire de ce bien (arrêt du 15 mai 2019, Vega International Car Transport and Logistic, C-235/18, EU:C:2019:412, point 27 et jurisprudence citée).

53

Par ailleurs, l’article 14, paragraphe 2, sous a), de ladite directive dispose que, outre l’opération visée au paragraphe 1 de cet article, est considérée comme une livraison de biens la transmission, avec paiement d’une indemnité, de la propriété d’un bien en vertu d’une réquisition faite par l’autorité publique ou en son nom ou aux termes de la loi.

54

Dès lors, si l’article 14, paragraphe 1, de la directive TVA définit de manière générale la notion de « livraison de biens », il peut être déduit de l’interprétation littérale du paragraphe 2 de cet article, notamment de l’expression « [o]utre l’opération visée au paragraphe 1 », que ce paragraphe 2 vise d’autres opérations qui, tout en étant qualifiées de « livraisons de biens », ont des caractéristiques distinctes de celles visées à l’article 14, paragraphe 1, de cette directive. En particulier, la définition des opérations visées à l’article 14, paragraphe 2, sous a), de ladite directive ne fait aucune référence au« pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire », dont il est question à l’article 14, paragraphe 1, de la même directive (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2018, Gmina Wrocław, C-665/16, EU:C:2018:431, point 35). En revanche, l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA se réfère, de façon explicite, à la transmission de la propriété de ce bien (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2018, Gmina Wrocław, C-665/16, EU:C:2018:431, point 40).

55

Il résulte donc du libellé et de l’économie de l’article 14 de la directive TVA que le paragraphe 2 de cet article constitue, par rapport à la définition générale énoncée au paragraphe 1 de celui-ci, une lex specialis, dont les conditions d’application revêtent un caractère autonome par rapport à celles de ce paragraphe 1 (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2018, Gmina Wrocław, C-665/16, EU:C:2018:431, point 36).

56

Ainsi, la qualification de « livraison de biens », au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA, requiert la réunion de trois conditions cumulatives. Tout d’abord, il doit y avoir un transfert du droit de propriété. Ensuite, ce transfert doit être effectué en vertu d’une réquisition faite par l’autorité publique ou en son nom ou aux termes de la loi. Enfin, une indemnité doit être payée (arrêt du 13 juin 2018, Gmina Wrocław, C-665/16, EU:C:2018:431, point 37).

57

En l’occurrence, quant aux deux premières conditions mentionnées au point précédent du présent arrêt, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi qu’il n’est pas contesté que la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété, ayant entraîné la transmission du droit de propriété de la commune de Wrocław aux anciens usufruitiers perpétuels, doit être qualifiée de transfert du droit de propriété, au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA. En outre, il est constant que cette conversion est intervenue aux termes de la loi.

58

En ce qui concerne la question de savoir si la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété a été effectuée avec paiement d’une indemnité, au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA, force est de constater, en premier lieu, que l’expression « paiement d’une indemnité », en vertu de cette disposition, doit recevoir, en l’absence de toute référence au droit national des États membres, une définition autonome et uniforme, propre au droit de l’Union, qui tient compte notamment du caractère de lex specialis de ladite disposition, ainsi qu’il ressort du point 55 du présent arrêt. Ainsi, le contenu de cette expression ne saurait dépendre du sens et de la portée que celle-ci revêt dans les droits nationaux des États membres.

59

À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu’il y ait « paiement d’une indemnité », au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA, il est dépourvu de pertinence, compte tenu du caractère de lex specialis de cette disposition, qu’un tel paiement satisfasse à l’ensemble des éléments constitutifs de la notion de livraison de bien effectuée « à titre onéreux », visée à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2018, Gmina Wrocław, C-665/16, EU:C:2018:431, point 44).

60

En deuxième lieu, il importe de souligner que le libellé de l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA se réfère au « paiement » d’une indemnité, sans pour autant fixer de conditions concernant la nature ou le montant de cette indemnité.

61

En troisième lieu, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, afin de déterminer si la condition relative au paiement d’une indemnité est remplie, il y a lieu uniquement d’établir que l’indemnité en cause est directement liée à la transmission de la propriété et que son versement a été effectif, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2018, Gmina Wrocław, C-665/16, EU:C:2018:431, point 45).

62

En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’obligation de payer la redevance de conversion découle des termes de la loi le jour où la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété est effectuée et que le montant de cette redevance est égal au montant de la redevance annuelle due au titre de l’usufruit perpétuel au jour de cette conversion, ladite redevance étant due pour une période de 20 ans. Selon les éléments fournis par la juridiction de renvoi, les redevances annuelles dues au titre de l’usufruit perpétuel sont, à leur tour, calculées comme un pourcentage du prix du terrain. Les redevances de conversion en cause au principal sont, dès lors, directement liées au transfert de la propriété, leur versement effectif étant à vérifier par la juridiction de renvoi.

63

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété prévue par une législation nationale moyennant le paiement d’une redevance constitue une livraison de biens, au sens de cette disposition.

Sur la troisième question

64

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive TVA doit être interprétée en ce sens que, lors d’une conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété prévue par une législation nationale moyennant le paiement d’une redevance, une commune agit en qualité d’assujettie, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, ou en tant qu’autorité publique, au sens de l’article 13, paragraphe 1, de ladite directive.

65

Afin de répondre à cette question, il y a lieu d’apprécier, à titre liminaire, si la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété moyennant le paiement d’une redevance constitue une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA.

66

En effet, l’application de l’article 13, paragraphe 1, de la directive TVA implique la constatation préalable du caractère économique de l’activité considérée. Si l’existence d’une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive est établie, il convient alors d’examiner l’applicabilité de l’exception concernant les organismes de droit public prévue à l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive (voir, par analogie, arrêts du 29 septembre 2015, Gmina Wrocław, C-276/14, EU:C:2015:635, point 30 ; du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 31, et du 13 juin 2018, Gmina Wrocław, C-665/16, EU:C:2018:431, point 47).

Sur le caractère économique de l’activité

67

La notion d’« activité économique » est définie à l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA comme englobant toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services et, plus particulièrement, les opérations comportant « l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ».

68

S’agissant de la notion d’« exploitation », au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA, il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette notion se réfère, conformément aux exigences du principe de neutralité du système commun de TVA, à toutes les opérations, quelle que soit leur forme juridique, qui visent à retirer du bien en question des recettes ayant un caractère de permanence (arrêts du 6 octobre 2009, SPÖ Landesorganisation Kärnten, C-267/08, EU:C:2009:619, point 20 et jurisprudence citée, ainsi que du 2 juin 2016, Lajvér, C-263/15, EU:C:2016:392, point 24 et jurisprudence citée).

69

L’analyse du libellé de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA, tout en mettant en évidence l’étendue du champ d’application de la notion d’« activité économique », précise également le caractère objectif de celle-ci, en ce sens que l’activité est considérée en elle-même, indépendamment de ses buts ou de ses résultats [voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, IO (TVA – Activité de membre d’un conseil de surveillance), C-420/18, EU:C:2019:490, point 31 et jurisprudence citée].

70

En l’occurrence, il conviendra de tenir compte, notamment, du fait que la commune de Wrocław perçoit, en contrepartie de la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété, une redevance, de la part des anciens usufruitiers perpétuels, qui est due, en principe, pendant une période de 20 ans à compter du jour de cette conversion. De même, dans l’hypothèse où cette redevance est versée sous la forme d’une redevance unique, cette dernière correspond à la redevance due pour l’année durant laquelle l’intention de payer en une fois a été exprimée multipliée par le nombre d’années restantes jusqu’à l’expiration de la période de 20 ans, calculée à partir du jour de ladite conversion.

71

De tels éléments, qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, permettent de conclure que la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété permet à la commune de Wrocław d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence et que, par conséquent, cette opération constitue une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA.

72

À cet égard, il est indifférent qu’une telle conversion soit effectuée aux termes de la loi et que le montant de la redevance de conversion ait été établi par cette loi compte tenu du nécessaire respect de l’effet utile de l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA.

73

De même, la circonstance que la commune de Wrocław n’ait entrepris aucune démarche active en vue de la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété, cette opération intervenant en vertu de la loi, ne saurait, en elle-même, conduire à la conclusion que cette conversion ne s’inscrit pas dans le cadre de l’exploitation d’un bien corporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA.

74

En effet, il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que le fait d’entreprendre des démarches actives de commercialisation foncière constitue une condition nécessaire pour qu’une activité relative à la gestion d’un patrimoine immobilier puisse être considérée comme étant exercée en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence et puisse ainsi être qualifiée d’« économique », [voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, IO (TVA – Activité de membre d’un conseil de surveillance), C-420/18, EU:C:2019:490, point 29 et jurisprudence citée].

75

Il convient d’ajouter qu’une telle condition ne serait pas non plus compatible avec le nécessaire respect de l’effet utile de l’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive TVA, qui, par définition, se réfère à la transmission de la propriété d’un bien intervenant à la suite d’une réquisition faite par l’autorité publique ou en son nom ou aux termes de la loi.

Sur l’exercice de l’activité en tant qu’autorité publique

76

S’agissant du point de savoir si, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, la commune de Wrocław doit être considérée comme une assujettie agissant en tant que telle, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA, ou bien en tant qu’autorité publique, au sens de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, par dérogation à la règle générale d’assujettissement prévue à l’article 9, paragraphe 1, de ladite directive, l’article 13, paragraphe 1, de la même directive exclut les communes de la qualité d’assujetti pour des activités ou des opérations économiques qu’elles accomplissent en tant qu’autorité publique, à moins que leur non-assujettissement ne conduise à des distorsions de concurrence d’une certaine importance (arrêt du 29 septembre 2015, Gmina Wrocław, C-276/14, EU:C:2015:635, point 29 et jurisprudence citée).

77

En tant que dérogation à la règle générale de l’assujettissement à la TVA de toute activité de nature économique, cette disposition est d’interprétation stricte (ordonnance du 20 mars 2014, Gmina Wrocław, C-72/13, non publiée, EU:C:2014:197, point 19 et jurisprudence citée).

78

Selon une jurisprudence constante, il résulte de la lettre même de ladite disposition que, pour que la règle du non-assujettissement trouve à s’appliquer, deux conditions doivent être remplies cumulativement, à savoir que les activités en cause doivent, d’une part, être exercées par un organisme de droit public et que, d’autre part, celui-ci doit agir en qualité d’autorité publique. S’agissant de cette dernière condition, ce sont les modalités d’exercice des activités en cause qui permettent de déterminer la portée du non-assujettissement des organismes publics. Ainsi, les activités accomplies en tant qu’autorités publiques, au sens de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive TVA, sont celles accomplies par les organismes de droit public dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier, à l’exclusion des activités qu’ils exercent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés (ordonnance du 20 mars 2014, Gmina Wrocław, C-72/13, non publiée, EU:C:2014:197, point 19 et jurisprudence citée).

79

La Cour a également précisé que l’objet ou le but de l’activité en cause est à cet égard sans pertinence et que le fait que l’exercice de celle-ci comporte l’usage de prérogatives de puissance publique permet d’établir que cette activité est soumise à un régime de droit public (arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 70 et jurisprudence citée).

80

S’agissant spécifiquement de la première des deux conditions posées à l’article 13, paragraphe 1, de la directive TVA pour que la règle du non-assujettissement s’applique, il ne fait aucun doute que la commune de Wrocław est un organisme de droit public.

81

Toutefois, encore faut-il que la seconde condition posée par ladite disposition soit remplie, à savoir que seules sont exonérées de la TVA les activités accomplies par un organisme de droit public agissant en qualité d’autorité publique.

82

Or, en l’occurrence, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, plusieurs éléments semblent indiquer que, dans le cadre de la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété, la commune de Wrocław ne fait pas usage de prérogatives de puissance publique.

83

Il apparaît, d’ailleurs, que la commune de Wrocław, en mettant en œuvre des mesures décidées par le législateur national, ne dispose pas de pouvoir décisionnel en ce qui concerne le champ d’application personnel d’une telle conversion et les modalités d’application de celle-ci.

84

Il s’avère que, conformément aux dispositions de la loi sur la conversion, le rôle de la commune de Wrocław consiste essentiellement à vérifier les circonstances factuelles, à délivrer une attestation confirmant la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété et à informer le nouveau propriétaire de l’obligation de payer une redevance de conversion. Ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 61 de ses conclusions, cette redevance à payer par les anciens usufruitiers perpétuels n’est pas déterminée par la commune de Wrocław, en tant qu’autorité publique, dans le cadre d’une procédure administrative et en vertu d’un régime de droit public qui lui est particulier.

85

Il ressort de ce qui précède que, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, les activités accomplies par la commune de Wrocław dans le cadre de la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété, tout en étant de nature économique, ne peuvent être considérées comme comportant l’usage de prérogatives de puissance publique.

86

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que la directive TVA doit être interprétée en ce sens que, lors de la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété prévue par une législation nationale moyennant le paiement d’une redevance à la commune propriétaire du bien lui permettant d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence, cette commune, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, agit en qualité d’assujettie, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, et non en tant qu’autorité publique, au sens de l’article 13, paragraphe 1, de ladite directive.

Sur les dépens

87

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 14, paragraphe 2, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété prévue par une législation nationale moyennant le paiement d’une redevance constitue une livraison de biens, au sens de cette disposition.

 

2)

La directive 2006/112 doit être interprétée en ce sens que, lors de la conversion du droit d’usufruit perpétuel sur un bien immeuble en droit de pleine propriété prévue par une législation nationale moyennant le paiement d’une redevance à la commune propriétaire du bien lui permettant d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence, cette commune, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, agit en qualité d’assujettie, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, et non en tant qu’autorité publique, au sens de l’article 13, paragraphe 1, de ladite directive.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le polonais.