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 ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

15 avril 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Activité économique – Prestations de services effectuées à titre onéreux – Article 2, paragraphe 1, sous c), et article 9, paragraphe 1 – Exonérations – Article 132, paragraphe 1, sous g) – Prestations de services étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales – Prestations accomplies par un avocat dans le cadre de mandats de protection de personnes majeures légalement incapables – Organisme reconnu comme ayant un caractère social »

Dans l’affaire C-846/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal d’arrondissement (Luxembourg), par décision du 20 novembre 2019, parvenue à la Cour le 21 novembre 2019, dans la procédure

EQ

contre

Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de chambre, MM. N. Wahl, F. Biltgen, Mme L. S. Rossi et M. J. Passer, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement luxembourgeois, par MM. C. Schiltz et T. Uri, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, initialement par M. R. Lyal et Mme N. Gossement, puis par M. R. Lyal, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 janvier 2021,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, et de l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant EQ à l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA (Luxembourg) (ci-après l’« administration fiscale luxembourgeoise ») au sujet de la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de prestations de services accomplies par un avocat dans le cadre de mandats de protection de personnes majeures légalement incapables qui lui ont été confiés en vertu de la loi par l’autorité judiciaire compétente.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA dispose :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

c)

les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».

4

L’article 9, paragraphe 1, de cette directive énonce :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

5

Aux termes de l’article 24, paragraphe 1, de ladite directive :

« Est considérée comme “prestation de services” toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens. »

6

L’article 25 de la directive TVA est libellé comme suit :

« Une prestation de services peut consister, entre autres, en une des opérations suivantes :

a)

la cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre ;

b)

l’obligation de ne pas faire ou de tolérer un acte ou une situation ;

c)

l’exécution d’un service en vertu d’une réquisition faite par l’autorité publique ou en son nom ou aux termes de la loi. »

7

Aux termes de l’article 73 de cette directive :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

8

L’article 131 de ladite directive, qui constitue l’unique article du chapitre 1, intitulé « Dispositions générales », du titre IX, lui-même intitulé « Exonérations », de celle-ci, énonce :

« Les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels. »

9

Le chapitre 2 du titre IX de la directive TVA, intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général », comprend les articles 132 à 134 de celle-ci.

10

Aux termes de l’article 132, paragraphe 1, sous g), de cette directive, les États membres exonèrent les opérations suivantes :

« les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné ».

11

L’article 133, premier alinéa, sous a), de ladite directive dispose :

« Les États membres peuvent subordonner, au cas par cas, l’octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues à l’article 132, paragraphe 1, [sous] b), g), h), i), l), m) et n), au respect de l’une ou plusieurs des conditions suivantes :

a)

les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l’amélioration des prestations fournies ».

12

L’article 134 de la directive TVA prévoit :

« Les livraisons de biens et les prestations de services sont exclues du bénéfice de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, [sous] b), g), h), i), l), m) et n), dans les cas suivants :

a)

lorsqu’elles ne sont pas indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées ;

b)

lorsqu’elles sont essentiellement destinées à procurer à l’organisme des recettes supplémentaires par la réalisation d’opérations effectuées en concurrence directe avec celles d’entreprises commerciales soumises à la TVA. »

Le droit luxembourgeois

13

L’article 4, paragraphe 1, de la loi du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur la TVA »), dispose :

« Est considéré comme assujetti au sens de l’article 2 quiconque accomplit d’une façon indépendante et à titre habituel des opérations relevant d’une activité économique généralement quelconque, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité et quel qu’en soit le lieu. [...] »

14

L’article 5 de la loi sur la TVA prévoit :

« Par activité économique on entend toute activité tendant à la réalisation de recettes, et notamment les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, les activités agricoles, les activités des professions libérales et les activités comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

15

L’article 15, paragraphe 1, de cette loi énonce :

« 1.   Est considérée comme prestation de services toute opération qui ne constitue ni une livraison ni une acquisition intracommunautaire ni une importation d’un bien.

Cette opération peut consister en la cession d’un bien incorporel, en l’obligation de ne pas faire ou de tolérer un acte ou une situation et en l’exécution d’un service en vertu de la loi ou en vertu d’une réquisition faite par l’autorité publique ou en son nom.

[...] »

16

Aux termes de l’article 44, paragraphe 1, sous o), de la loi sur la TVA :

« Sont exonéré[e]s de la [TVA] dans les limites et sous les conditions à déterminer par règlement grand-ducal :

[...]

o)

les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à la sécurité sociale, à l’assistance sociale ou à la santé publique, effectuées par des organismes de droit public, par des caisses mutualistes, des établissements publics ou d’utilité publique, des maisons de cure, des maisons de retraite, de gérontologie ou de gériatrie, des œuvres hospitalières ou de bienfaisance et par d’autres institutions similaires du secteur privé, dont le caractère social est reconnu par les autorités publiques compétentes ;

[...] »

17

L’article 3 du règlement grand-ducal du 23 décembre 1982 fixant les conditions de désignation d’un gérant de la tutelle énonce :

« Le juge des tutelles peut allouer au gérant de la tutelle une rémunération dont il fixe, par décision motivée, compte tenu de la situation de fortune de l’incapable, le montant ou le mode de calcul.

Cette rémunération consiste, soit dans une somme fixe, soit dans un tantième des revenus de l’incapable, soit dans un honoraire déterminé en fonction des devoirs accomplis.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18

EQ est un avocat inscrit au barreau de Luxembourg (Luxembourg) depuis l’année 1994. Depuis l’année 2004, il effectue des activités de représentation de majeurs en qualité de mandataire, de curateur et de gérant de tutelle.

19

Par des avis de redressement de TVA du 19 janvier 2018, portant sur les années 2014 et 2015, confirmés par décision sur réclamation du 4 juin 2018, l’administration fiscale luxembourgeoise a fixé d’office les montants de TVA dus par EQ au titre de ces années, en partant de la prémisse que lesdites activités de représentation constituaient des prestations de services imposables au titre de la TVA.

20

EQ a saisi la juridiction de renvoi d’une demande d’annulation de la décision du 4 juin 2018, en faisant valoir, notamment, que les activités qu’il avait, pendant la période litigieuse, réalisées dans le domaine de la protection des majeurs ne constituaient pas des activités économiques, que ces activités étaient en tout cas exonérées de TVA en vertu de la disposition nationale transposant l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA et que l’administration fiscale luxembourgeoise avait admis, de l’année 2004 jusqu’à l’année 2013, que lesdites activités n’étaient pas soumises à la TVA, de sorte que le fait de les soumettre, désormais, à la TVA s’agissant des années 2014 et 2015 constitue une violation du principe de protection de la confiance légitime.

21

En outre, EQ soutient que la position de l’administration fiscale luxembourgeoise est contraire à celle du ministère de la Justice (Luxembourg), qui assume la charge du paiement des honoraires des mandataires chargés de missions de protection des majeurs lorsque ceux-ci sont indigents, et qui admet que les paiements reçus à ce titre ne sont pas soumis à la TVA.

22

L’administration fiscale luxembourgeoise conteste ces arguments. À cet égard, elle fait valoir, d’une part, que les prestations de services fournies par EQ dans le domaine de la protection des majeurs constituent bien une activité économique, étant donné que EQ réalise ces prestations dans le cadre de son activité professionnelle d’avocat et qu’il en tire un revenu appréciable. D’autre part, lesdites prestations ne seraient, dans les circonstances de l’espèce, pas susceptibles d’être exonérées en vertu de la disposition nationale transposant l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, dans la mesure où l’exonération prévue à cette disposition ne saurait être invoquée par une personne qui exerce le métier d’avocat et ne remplit pas la condition d’être un organisme à caractère social.

23

La juridiction de renvoi explique qu’il est pourvu aux besoins des majeurs légalement incapables, à savoir ceux affectés d’une altération de leurs facultés mentales par suite de maladie, d’infirmité ou d’affaiblissement dû à l’âge, par divers régimes de protection, dont la curatelle et la tutelle, qui permettent de conseiller, de contrôler, voire de représenter, ces personnes dans les actes de la vie civile et qui attribuent des pouvoirs de gestion et de représentation à des personnes tierces. La mise en place de ces régimes de protection peut donner lieu à la nomination d’un mandataire spécial par le juge des tutelles, en attendant une décision sur le régime de protection à instituer, ainsi que d’un mandataire ad hoc dans une situation de conflit d’intérêts. En pratique, les curateurs, les gérants de tutelle, les mandataires spéciaux et les mandataires ad hoc sont choisis, notamment, parmi les membres de la famille, mais également parmi d’autres personnes, comme les avocats.

24

Ladite juridiction expose, tout d’abord, quant à la question de savoir si les activités en cause constituent des activités économiques, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA, effectuées à titre onéreux, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de celle-ci, que les rémunérations visées à l’article 3 du règlement grand-ducal du 23 décembre 1982 fixant les conditions de désignation d’un gérant de la tutelle impliquent bien une contrepartie financière en rapport avec ces activités.

25

Toutefois, bien que les prestations fournies en l’espèce s’apparentent en tous points à une activité économique, la juridiction de renvoi s’interroge, d’une part, sur la portée de l’appréciation, dans la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 22 février 2018, Nagyszénás Településszolgáltatási Nonprofit Kft., C-182/17, EU:C:2018:91, point 32), selon laquelle une prestation de services n’est taxable que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées. En effet, dans le domaine de la protection des majeurs, il existerait une relation triangulaire entre le prestataire de services, le bénéficiaire, à savoir le majeur protégé, et l’autorité judiciaire qui a chargé ce prestataire d’une mission de gérance. Pourrait également avoir une incidence à cet égard le fait que, en cas d’indigence du majeur protégé en cause, la rémunération du prestataire de services se trouve à la charge de l’État.

26

D’autre part, s’agissant du quantum de la rémunération, s’il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’il est sans pertinence qu’une opération économique soit effectuée à un prix inférieur au prix de revient, il semblerait découler par ailleurs de cette jurisprudence que la rémunération doit être déterminée à l’avance et couvrir les frais de fonctionnement du prestataire (voir, notamment, arrêt du 22 février 2018, Nagyszénás Településszolgáltatási Nonprofit Kft., C-182/17, EU:C:2018:91, point 38). En l’occurrence, la rémunération du prestataire de services est fixée au cas par cas par le tribunal compétent, en fonction de la situation de fortune du bénéficiaire, de sorte que cette rémunération n’est pas fixée à l’avance et n’assure pas nécessairement en toutes circonstances la couverture des frais de fonctionnement encourus par ce prestataire.

27

Ensuite, s’agissant de la question de savoir si les activités en cause sont exonérées de la TVA, la juridiction de renvoi se voit amenée à examiner, d’une part, si ces activités relèvent de la notion d’« aide et [de] sécurité sociales », au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, et, d’autre part, si EQ pourrait relever de la notion d’« organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné », au sens de cette disposition, et selon quelle procédure et par quelle autorité cette reconnaissance devrait être mise en œuvre.

28

Enfin, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’application du principe de protection de la confiance légitime dans les circonstances de l’espèce. Elle relève dans ce contexte, notamment, que, lorsque l’administration fiscale luxembourgeoise signale à l’assujetti, après réalisation des opérations en question, qu’elle entend se départir de sa position antérieure ayant consisté à ne pas soumettre ces opérations à la TVA, l’assujetti se trouve dans la situation où il n’a pas pu imputer la TVA aux bénéficiaires de ses prestations. L’assujetti serait ainsi tenu de prélever les montants réclamés par l’État au titre de la TVA sur ses fonds propres.

29

Dans ces circonstances, le tribunal d’arrondissement (Luxembourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Est-ce que la notion d’activité économique au sens de l’article 9, paragraphe 1, [second alinéa], de la directive [TVA] doit être interprétée comme englobant ou comme excluant les prestations de services fournies dans le cadre d’une relation triangulaire où le prestataire des services est chargé de ces derniers par une entité qui n’est pas identique au bénéficiaire des prestations de services ?

2)

Est-ce que la réponse à la première question change selon que les prestations de services sont fournies dans le cadre d’une mission confiée par une autorité judiciaire indépendante ?

3)

Est-ce que la réponse à la première question change selon que la rémunération du prestataire de services est mise à la charge du bénéficiaire des prestations ou qu’elle est prise en charge par l’État dont émane l’entité qui a chargé le prestataire de services de fournir ces derniers ?

4)

Est-ce que la notion d’activité économique au sens de l’article 9, paragraphe 1, [second alinéa], de la directive [TVA] doit être interprétée comme englobant ou comme excluant les prestations de services lorsque la rémunération du prestataire de services n’est pas légalement obligatoire et dont l’[importance], lorsqu’elle est attribuée, [...] relève d’une appréciation effectuée au cas par cas, [...] est toujours fonction de la situation de fortune du bénéficiaire des prestations et [...] se fait par référence soit à un forfait, soit à une quote-part des revenus du bénéficiaire des prestations, soit aux prestations accomplies ?

5)

Est-ce que la notion de “prestations de services et [de] livraisons de biens étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales”, visée à l’article 132, paragraphe 1, [sous] g), de la directive [TVA], doit être interprétée comme incluant ou comme excluant les prestations accomplies dans le cadre d’un régime de protection des majeurs institué par la loi et soumis au contrôle d’une autorité judiciaire indépendante ?

6)

Est-ce que la notion d’“organismes reconnus comme ayant un caractère social”, visée à l’article 132, paragraphe 1, [sous] g), de la directive [TVA], doit être interprétée, en vue de la reconnaissance du caractère social de l’organisme, comme imposant certaines exigences au regard de la forme d’exploitation du prestataire de services, ou au regard du but altruiste ou de lucre de l’activité du prestataire de services, ou plus généralement comme restreignant par d’autres critères et/ou conditions le champ d’application de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, [sous] g), ou est-ce que la seule exécution de prestations “liées à l’aide et à la sécurité sociales” suffit pour conférer à l’organisme en cause un caractère social ?

7)

Est-ce que la notion d’“organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné”, visée à l’article 132, paragraphe 1, [sous] g), de la directive [TVA], doit être interprétée comme exigeant un processus de reconnaissance prenant appui sur une procédure et des critères prédéterminés, ou la reconnaissance ad hoc peut-elle intervenir au cas par cas, le cas échéant par une autorité judiciaire ?

8)

Est-ce que le principe de [protection de la] confiance légitime tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour [...] permet à l’administration chargée du recouvrement de la TVA d’exiger de la part d’un assujetti à la TVA le paiement de la TVA affectant des opérations économiques se rapportant à une période révolue au moment de la décision de taxation de l’administration après que cette administration a accepté pendant une durée prolongée antérieurement à cette période les déclarations de TVA dudit assujetti n’incluant pas les opérations économiques de même nature dans les opérations taxables ? Est-ce que cette possibilité au profit de l’administration chargée du recouvrement de la TVA est encadrée par certaines conditions ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première à quatrième questions

30

Par ses première à quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA doit être interprété en ce sens que constituent une activité économique, au sens de cette disposition, des prestations de services effectuées au bénéfice de personnes majeures légalement incapables et visant à les protéger dans les actes de la vie civile, dont l’accomplissement est confié au prestataire par une autorité judiciaire en vertu de la loi et dont la rémunération est fixée par la même autorité de manière forfaitaire ou sur la base d’une appréciation au cas par cas en tenant compte notamment de la situation financière de la personne incapable, cette rémunération étant par ailleurs susceptible d’être prise en charge par l’État en cas d’indigence de celle-ci.

31

Il convient de rappeler que, s’il est vrai que la directive TVA assigne un champ d’application très large à la TVA, seules les activités ayant un caractère économique sont visées par cette taxe (arrêt du 17 décembre 2020, WEG Tevesstraße, C-449/19, EU:C:2020:1038, point 24 et jurisprudence citée).

32

À cet égard, la Cour a précisé qu’une activité peut être qualifiée d’activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA, uniquement si elle correspond à l’une des opérations visées à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive (arrêt du 12 mai 2016, Gemeente Borsele et Staatssecretaris van Financiën, C-520/14, EU:C:2016:334, point 21).

33

Selon l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, relatif aux opérations imposables, sont soumises à la TVA, notamment, les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel. En outre, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, est considéré comme « assujetti » quiconque accomplit, de façon indépendante, une activité économique, quels que soient les buts et les résultats de cette activité (arrêt du 2 juin 2016, Lajvér, C-263/15, EU:C:2016:392, point 21).

34

Ainsi, il convient de déterminer, en premier lieu, si des activités telles que celles en cause au principal, que la juridiction de renvoi a qualifiées de prestations de services, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, sont effectuées à titre onéreux, ainsi que l’exige cette disposition.

35

S’il appartient en dernier lieu à la juridiction de renvoi de procéder à cette vérification, il incombe néanmoins à la Cour de lui fournir tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, Franck, C-801/19, EU:C:2020:1049, point 27).

36

À cet égard, selon une jurisprudence constante, la possibilité de qualifier une prestation de services d’opération à titre onéreux suppose uniquement l’existence d’un lien direct entre cette prestation et une contrepartie réellement reçue par l’assujetti. Un tel lien direct est établi lorsqu’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire (arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 32).

37

En l’occurrence, il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi que EQ a effectivement reçu des paiements dans le cadre de l’exécution des mandats de gestion et de représentation dont il était chargé.

38

Toutefois, cette juridiction relève, premièrement, que l’accomplissement desdites prestations a été confié à EQ non pas par leurs bénéficiaires, mais par l’autorité compétente en vertu d’une réglementation visant à protéger les personnes majeures légalement incapables dans les actes de la vie civile.

39

Or, la Cour a déjà jugé que le fait que l’activité visée consiste dans l’exercice de fonctions conférées et réglementées par la loi, dans un but d’intérêt général, est sans pertinence pour apprécier si cette activité est constitutive de prestations de services effectuées à titre onéreux (arrêt du 2 juin 2016, Lajvér, C-263/15, EU:C:2016:392, point 42). En effet, l’article 25, sous c), de la directive TVA prévoit expressément qu’une prestation de services peut consister en l’exécution d’un service en vertu d’une réquisition faite par l’autorité publique ou en son nom ou aux termes de la loi.

40

S’agissant, deuxièmement, de la pertinence, dans ce contexte, de la circonstance que, en cas d’indigence des bénéficiaires des prestations de services en cause au principal, la rémunération de celles-ci est susceptible d’être prise en charge par l’État, il convient de rappeler que, pour qu’une prestation de services puisse être considérée comme effectuée « à titre onéreux », au sens de la directive TVA, il n’est pas nécessaire, ainsi qu’il découle également de l’article 73 de cette directive, que la contrepartie de cette prestation soit obtenue directement de la part du destinataire de celle-ci, mais que cette contrepartie peut également être obtenue d’un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, Le Rayon d’Or, C-151/13, EU:C:2014:185, point 34).

41

Troisièmement, quant aux modalités selon lesquelles la rémunération des prestations de services telles que celles effectuées par EQ est fixée, il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi, ainsi que des réponses écrites déposées par EQ et par le gouvernement luxembourgeois à la suite des questions posées à ce sujet par la Cour, dont il appartiendra à cette juridiction de vérifier le bien-fondé, que cette rémunération est fixée, sur la base d’une appréciation au cas par cas prenant en compte la situation financière de la personne incapable, par l’autorité judiciaire compétente à la demande du prestataire, qui doit régulièrement rendre compte de ses opérations à cette autorité. En outre, il en ressort qu’elle se compose, généralement, d’une somme mensuelle forfaitaire au titre de la gestion courante des affaires de la personne incapable, et, le cas échéant, d’une somme au titre de prestations supplémentaires, déterminée, en principe, sur une base horaire, la rémunération ainsi octroyée ne correspondant pas nécessairement dans tous les cas à la valeur réelle de la prestation fournie.

42

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler, d’une part, que le fait que la rémunération des prestations de services concernées soit versée sous la forme d’un forfait n’est pas de nature à affecter le lien direct existant entre la prestation de services effectuée et la contrepartie reçue (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, Le Rayon d’Or, C-151/13, EU:C:2014:185, point 37).

43

D’autre part, le fait qu’une opération économique soit effectuée à un prix supérieur ou inférieur au prix de revient, et, partant, à un prix supérieur ou inférieur au prix normal du marché, est sans pertinence s’agissant de la qualification d’opération à titre onéreux, une telle circonstance n’étant pas de nature à affecter le lien direct entre les prestations de services effectuées ou à effectuer et la contrepartie reçue ou à recevoir dont le montant est déterminé à l’avance et selon des critères bien établis (voir, en ce sens, arrêt du 2 juin 2016, Lajvér, C-263/15, EU:C:2016:392, points 45 et 46 ainsi que jurisprudence citée).

44

En outre, la fixation de la rémunération telle qu’elle vient d’être décrite, et qui se fait au fur et à mesure que le prestataire en cause déploie ses activités et soumet les décomptes y afférents à l’autorité judiciaire compétente, n’empêche aucunement de considérer que le montant ainsi fixé a été déterminé à l’avance et selon des critères bien établis, conformément à la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt, pour autant que les modalités de cette fixation soient prévisibles et de nature à assurer que ce prestataire recevra, en principe, un paiement pour ces prestations.

45

Au vu de ce qui précède, il n’apparaît donc pas que les circonstances relevées par la juridiction de renvoi permettent de douter que les prestations de services en cause au principal aient été effectuées à titre onéreux, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA.

46

Cela étant constaté, il importe, en second lieu, que les prestations de services en cause au principal relèvent de la notion d’« activité économique », au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA.

47

La notion d’« activité économique » est définie à l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA comme englobant toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette définition met en évidence l’étendue du champ d’application couvert par la notion d’« activité économique » ainsi que le caractère objectif de cette notion, en ce sens que l’activité est considérée en elle-même, indépendamment de ses buts ou de ses résultats. Une activité est ainsi, en général, qualifiée d’économique lorsqu’elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération (arrêt du 17 décembre 2020, WEG Tevesstraße, C-449/19, EU:C:2020:1038, point 34 et jurisprudence citée).

48

Il résulte, par ailleurs, de la jurisprudence de la Cour que, afin de déterminer si une prestation de services est effectuée contre rémunération de telle sorte que cette activité doit être qualifiée d’activité économique, il convient d’analyser l’ensemble des conditions dans lesquelles elle est réalisée (arrêt du 12 mai 2016, Gemeente Borsele et Staatssecretaris van Financiën, C-520/14, EU:C:2016:334, point 29).

49

À cet égard, peut être un facteur pertinent, comme l’a indiqué la juridiction de renvoi, le point de savoir si le niveau de la compensation est déterminé selon des critères qui garantissent que celui-ci est suffisant pour couvrir les frais de fonctionnement du prestataire (voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2018, Nagyszénás Településszolgáltatási Nonprofit Kft., C-182/17, EU:C:2018:91, point 38 et jurisprudence citée), tout autant que peuvent l’être, d’une manière plus générale, le montant des recettes ainsi que d’autres éléments, comme l’importance de la clientèle (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2016, Gemeente Borsele et Staatssecretaris van Financiën, C-520/14, EU:C:2016:334, point 31).

50

Au vu des éléments factuels relevés par la juridiction de renvoi, il apparaît que l’activité déployée par EQ présente un caractère permanent. En outre, ainsi qu’il découle du point 45 du présent arrêt, il semble également acquis que l’activité de EQ est effectuée contre rémunération. La juridiction de renvoi explique, cependant, qu’elle éprouve un doute à cet égard tenant au fait que les prestations fournies par ce prestataire ne sont pas nécessairement en toutes circonstances rémunérées de manière à garantir la couverture des frais de fonctionnement encourus par celui-ci.

51

Or, la circonstance selon laquelle chaque prestation de services, considérée individuellement, n’est pas rémunérée selon un niveau correspondant aux coûts qu’elle a occasionnés ne saurait suffire à démontrer que l’activité dans son ensemble n’est pas rémunérée selon des critères garantissant la couverture des frais de fonctionnement du prestataire.

52

En l’occurrence, et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il apparaît que l’affaire au principal se distingue de celles ayant donné lieu aux arrêts du 29 octobre 2009, Commission/Finlande (C-246/08, EU:C:2009:671, point 50), ainsi que du 12 mai 2016, Gemeente Borsele et Staatssecretaris van Financiën (C-520/14, EU:C:2016:334, point 33), dans lesquelles il a été conclu à l’absence d’activité économique au motif, notamment, que les contributions payées par les bénéficiaires des prestations concernées ne visaient à couvrir qu’une faible proportion de la totalité des frais de fonctionnement exposés par les prestataires.

53

En effet, dans l’affaire au principal, rien ne semble indiquer que le niveau des recettes que EQ a tirées de son activité serait insuffisant par rapport à ses frais de fonctionnement. D’ailleurs, les résultats de l’activité concernée ne sauraient, en eux-mêmes, être déterminants aux fins de l’analyse, visée au point 48 du présent arrêt, du caractère économique de l’activité envisagée, cette analyse devant s’effectuer en prenant en compte l’ensemble des conditions dans lesquelles cette activité est réalisée (voir, par analogie, arrêt du 26 septembre 1996, Enkler, C-230/94, EU:C:1996:352, point 29).

54

Par conséquent, il n’apparaît pas, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que l’activité déployée par EQ ne revête pas de caractère économique.

55

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre aux première à quatrième questions que l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA doit être interprété en ce sens que constituent une activité économique, au sens de cette disposition, des prestations de services effectuées au bénéfice de personnes majeures légalement incapables et visant à les protéger dans les actes de la vie civile, dont l’accomplissement est confié au prestataire par une autorité judiciaire en vertu de la loi et dont la rémunération est fixée par la même autorité de manière forfaitaire ou sur la base d’une appréciation au cas par cas en tenant compte notamment de la situation financière de la personne incapable, cette rémunération étant par ailleurs susceptible d’être prise en charge par l’État en cas d’indigence de celle-ci, lorsque ces prestations sont effectuées à titre onéreux, que le prestataire en tire des recettes ayant un caractère de permanence et que le niveau d’ensemble de la compensation de cette activité est déterminé selon des critères visant à garantir la couverture des frais de fonctionnement encourus par ce prestataire.

Sur les cinquième à septième questions

56

Par ses cinquième à septième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA doit être interprété en ce sens, d’une part, que constituent des « prestations de services étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales » des prestations de services effectuées au bénéfice de personnes majeures légalement incapables et visant à les protéger dans les actes de la vie civile, et, d’autre part, qu’un avocat fournissant de telles prestations de services peut bénéficier, aux fins de l’entreprise qu’il exploite, au sens de la directive TVA, d’une reconnaissance en tant qu’organisme ayant un caractère social.

57

Il y a lieu de rappeler d’emblée que les termes employés pour désigner les exonérations figurant à l’article 132 de la directive TVA sont d’interprétation stricte, étant donné que celles-ci constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. Toutefois, l’interprétation de ces termes doit respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA et être conforme aux objectifs poursuivis par lesdites exonérations. Ainsi, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir les exonérations visées audit article 132 doivent être interprétés d’une manière qui priverait celles-ci de leurs effets (arrêt du 12 mars 2015, go fair Zeitarbeit, C-594/13, EU:C:2015:164, point 17).

58

Comme il résulte du libellé de l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, l’exonération que cette disposition prévoit s’applique aux prestations de services et aux livraisons de biens qui sont, d’une part, « étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales » et, d’autre part, « effectuées par des organismes de droit public ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné ».

59

S’agissant, en premier lieu, de la condition selon laquelle les prestations de services doivent être étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales, cette condition doit être lue à la lumière de l’article 134, sous a), de la directive TVA qui exige, en tout état de cause, que les livraisons de biens ou les prestations de services concernées soient indispensables à l’accomplissement des opérations relevant de l’aide et de la sécurité sociales (arrêt du 8 octobre 2020, Finanzamt D, C-657/19, EU:C:2020:811, point 31).

60

En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les prestations en cause au principal sont effectuées en vertu de divers régimes prévus en droit luxembourgeois visant à soutenir des personnes majeures légalement incapables dans les actes de la vie civile, l’incapacité légale de ces personnes pouvant être constatée en cas d’altération de leurs facultés mentales par suite de maladie, d’infirmité ou d’affaiblissement dû à l’âge. Conformément à ces régimes, un tiers se voit chargé par le tribunal compétent de mandats de gestion et, le cas échéant, de représentation à l’égard de la personne incapable s’agissant des actes de la vie civile de cette dernière et de la gestion de son patrimoine. Peuvent être mandatés à cet effet, notamment, les membres de la famille de la personne incapable, des assistants sociaux, des associations sans but lucratif ou des avocats.

61

Plus spécifiquement, il ressort des réponses écrites soumises par EQ et par le gouvernement luxembourgeois aux questions formulées par la Cour à cet égard que, lorsqu’un avocat est ainsi mandaté, un tel avocat est généralement appelé à fournir, au bénéfice de la personne incapable, des prestations multiples, telles que résumées aux points 52 à 57 des conclusions de M. l’avocat général, lesquelles comprennent à la fois des prestations relatives aux actes de la vie civile et visant la gestion de la vie courante et du patrimoine de la personne incapable et celles revêtant un caractère juridique.

62

Bien que la directive TVA ne comporte aucune définition de la notion d’« aide et [de] sécurité sociales » utilisée, notamment, à son article 132, paragraphe 1, sous g), la Cour a déjà jugé que sont, en principe, étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales, au sens de cette disposition, les prestations de soins et d’économie ménagère fournies par un service de soins ambulatoires à des personnes en état de dépendance physique ou économique (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2002, Kügler, C-141/00, EU:C:2002:473, point 44).

63

De même, doivent également être considérées comme telles des prestations de services fournies à des personnes se trouvant dans un état de dépendance mentale et destinées à les protéger dans les actes de la vie civile, lorsque ces personnes ne sont pas à même d’y pourvoir elles-mêmes sans risquer de nuire à leurs propres intérêts, financiers ou autres, ce risque ayant précisément justifié le prononcé de l’incapacité légale à leur endroit.

64

En effet, ainsi que l’a, en substance, également relevé M. l’avocat général aux points 63 et 64 de ses conclusions, en ce que de telles prestations servent à pallier un tel risque en permettant que les activités concrètes de la vie quotidienne desdites personnes, y compris celles de nature financière, soient gérées avec la prudence nécessaire, elles sont indispensables pour les protéger d’actes qui sont susceptibles de leur être préjudiciables, voire de mettre en péril leur vie décente.

65

Par conséquent, les prestations de services effectuées au bénéfice de personnes majeures légalement incapables et visant à les protéger dans les actes de la vie civile relèvent de la notion de « prestations étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales », au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.

66

En revanche, dans l’hypothèse où de telles prestations sont fournies par un prestataire qui déploie, dans le cadre des mandats visés au point 60 du présent arrêt, également des activités plus générales d’aide ou de conseil d’ordre juridique, financier ou autre, telles que celles pouvant être liées aux compétences spécifiques d’un avocat, d’un conseiller financier ou d’un agent immobilier, il y a lieu de préciser que les prestations effectuées dans le cadre de ces dernières activités n’entrent pas, en principe, dans le champ de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, même si elles sont réalisées dans le contexte de l’aide octroyée à une personne légalement incapable. En effet, compte tenu de l’interprétation stricte dont cette exonération doit faire l’objet, de telles opérations ne peuvent pas être considérées comme étant indispensables et étroitement liées à l’aide sociale.

67

Ce constat s’impose d’ailleurs également en vue de respecter le principe de neutralité fiscale, lequel trouve une expression spécifique à l’article 134, sous b), de la directive TVA, et lequel s’oppose à ce que des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Brockenhurst College, C-699/15, EU:C:2017:344, point 35). Ce principe serait violé si, lorsque des prestataires chargés de mandats de protection, tels que ceux en cause au principal, effectuent non seulement les opérations inhérentes à la protection de personnes légalement incapables, mais également des opérations semblables à celles réalisées en dehors de tels mandats, les dernières opérations étaient exonérées de la TVA au seul motif qu’elles se trouvent effectuées dans le cadre de l’accomplissement de tels mandats.

68

En second lieu, s’agissant de la condition selon laquelle les prestations de services, pour être exonérées, doivent être effectuées par des organismes de droit public ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné, il est constant que EQ, avocat inscrit au barreau de Luxembourg, ne relève pas de la notion d’« organisme de droit public », de telle sorte qu’il ne pourrait bénéficier de l’exonération concernée que s’il pouvait être considéré comme relevant de celle d’« autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné », au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.

69

L’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA ne précise ni les conditions ni les modalités de la reconnaissance du caractère social des organismes autres que ceux de droit public. Il appartient donc, en principe, au droit national de chaque État membre d’édicter les règles selon lesquelles une telle reconnaissance peut être accordée à de tels organismes, les États membres jouissant, à cet égard, d’un pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Les Jardins de Jouvence, C-335/14, EU:C:2016:36, points 32 et 34).

70

À cet égard, il découle de la jurisprudence de la Cour que, lors de la reconnaissance du caractère social des organismes autres que ceux de droit public, il appartient aux autorités nationales, conformément au droit de l’Union et sous le contrôle des juridictions nationales, de prendre en considération plusieurs éléments. Parmi ceux-ci peuvent figurer l’existence de dispositions spécifiques, qu’elles soient nationales ou régionales, législatives ou à caractère administratif, fiscal ou de sécurité sociale, le caractère d’intérêt général des activités de l’assujetti concerné, le fait que d’autres assujettis exerçant les mêmes activités bénéficient déjà d’une reconnaissance semblable, ainsi que le fait que les coûts des prestations en question sont éventuellement supportés en grande partie par des caisses de maladie ou par d’autres organismes de sécurité sociale, notamment lorsque les opérateurs privés entretiennent des rapports contractuels avec ces organismes (arrêt du 8 octobre 2020, Finanzamt D, C-657/19, EU:C:2020:811, point 44).

71

Ce n’est que si l’État membre n’a pas respecté les limites de son pouvoir d’appréciation que l’assujetti peut invoquer l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, en vue de s’opposer à une réglementation nationale incompatible avec cette disposition. Dans un tel cas, il appartient à la juridiction nationale de déterminer, au vu de l’ensemble des éléments pertinents, si l’assujetti doit être reconnu comme un organisme ayant un caractère social, au sens de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Zimmermann, C-174/11, EU:C:2012:716, points 28 et 32), ainsi que l’a également exposé M. l’avocat général aux points 114 à 119 de ses conclusions.

72

En l’occurrence, eu égard aux interrogations de la juridiction de renvoi, il convient de souligner, premièrement, que l’application de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA est non seulement soumise à une condition relative au caractère social des prestations de services concernées, mais est en outre limitée aux prestations de services effectuées par des organismes reconnus comme ayant un caractère social, ainsi qu’il a été rappelé au point 58 du présent arrêt. Or, il serait incompatible avec l’imposition de cette double exigence de permettre aux États membres de qualifier des entités privées poursuivant un but lucratif d’organismes ayant un caractère social en raison du simple fait que ces entités fournissent également des services à caractère social (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2016, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., C-543/14, EU:C:2016:605, points 61 et 63).

73

Deuxièmement, le fait que le prestataire en cause est une personne physique et poursuit, par son activité, un but lucratif n’est pas dirimant aux fins de sa reconnaissance comme ayant un caractère social en vertu de l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA. En effet, la Cour a déjà jugé que la notion d’« organismes reconnus comme ayant un caractère social » est en principe suffisamment large pour inclure également des entités privées poursuivant un but lucratif, y compris des personnes physiques exploitant une entreprise, dans la mesure où ces dernières constituent elles aussi des entités individualisées accomplissant une fonction particulière (voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 1999, Gregg, C-216/97, EU:C:1999:390, points 17 et 18 ; du 17 juin 2010, Commission/France, C-492/08, EU:C:2010:348, points 36 et 37, ainsi que du 15 novembre 2012, Zimmermann, C-174/11, EU:C:2012:716, point 57).

74

Il ne résulte d’ailleurs pas des informations transmises à la Cour que le Grand-Duché de Luxembourg se serait prévalu de la faculté, prévue à l’article 133, premier alinéa, sous a), de la directive TVA, de refuser, notamment, l’octroi de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous g), de cette directive à des organismes qui ont pour but la recherche systématique du profit, de sorte que cet État membre ne saurait objecter à l’assujetti souhaitant l’octroi de cette exonération l’éventuelle poursuite d’un tel but.

75

En effet, une telle limitation à la règle de non-assujettissement n’a qu’un caractère éventuel et un État membre qui a omis de prendre les mesures nécessaires à cet effet ne saurait invoquer sa propre omission pour refuser à un contribuable le bénéfice d’une exonération à laquelle celui-ci peut légitimement prétendre en vertu de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2002,Kügler, C-141/00, EU:C:2002:473, point 60). L’application de ladite limitation dans ce cas de figure serait, en outre, susceptible de méconnaître le principe de neutralité fiscale entraînant un traitement différent en matière de TVA des prestations visées à l’article 132, paragraphe 1, sous g), de cette directive selon que les entités qui les fournissent poursuivent ou non un but lucratif (voir, en ce sens, arrêt du 26 mai 2005, Kingscrest Associates et Montecello, C-498/03, EU:C:2005:322, point 42).

76

Troisièmement, si, aux fins de la reconnaissance d’un prestataire comme étant un organisme ayant un caractère social, la forme d’exploitation choisie par le prestataire n’est pas dénuée de pertinence, dès lors qu’elle ne doit pas s’avérer incompatible avec la qualification d’« organisme ayant un caractère social », toujours est-il que les États membres ne sauraient refuser une telle reconnaissance sans examen précis des circonstances concrètes de l’espèce, en vue de vérifier si celles-ci sont susceptibles d’établir le caractère social de l’entreprise exploitée par un tel prestataire, de sorte que, si ce caractère social est établi et pour autant que ce prestataire effectue des prestations de services étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales, celles-ci relèvent de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.

77

S’agissant, concrètement, de la circonstance selon laquelle, en l’occurrence, les prestations de services concernées ont été fournies par un avocat inscrit au barreau, il y a lieu de relever que la Cour a, certes, jugé que, eu égard aux objectifs globaux et à l’absence de stabilité d’un éventuel engagement social, la catégorie professionnelle des avocats et des avoués en sa généralité ne saurait être considérée comme présentant un caractère social (arrêt du 28 juillet 2016, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., C-543/14, EU:C:2016:605, point 62).

78

Toutefois, il ne découle pas de cette jurisprudence qu’un assujetti réalisant des opérations étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales puisse en toutes circonstances et a priori être exclu de la possibilité de se voir reconnaître comme étant un organisme ayant un caractère social au seul motif qu’il appartient à la catégorie professionnelle définie au point précédent du présent arrêt, sans examen de la question de savoir s’il exploite son entreprise dans des conditions justifiant l’octroi d’une reconnaissance comme organisme ayant un caractère social, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA. Une telle approche serait, d’ailleurs, susceptible de se heurter au principe de neutralité fiscale, ainsi que l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 90 et 95 de ses conclusions.

79

En effet, même si la catégorie professionnelle des avocats ne saurait être caractérisée, dans sa généralité, comme ayant un caractère social, il n’est pas exclu que, dans un cas concret, un avocat fournissant des prestations de services étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales fasse preuve d’un engagement social stable et ne se distingue, au regard des éléments à prendre en compte aux fins d’établir le caractère social de son entreprise, d’autres personnes physiques ou morales fournissant de telles prestations que par le fait qu’il est inscrit comme avocat au barreau.

80

Dans un tel cas de figure, la simple qualité d’avocat du prestataire serait un élément purement formel non susceptible de remettre en cause le caractère social de son entreprise.

81

Il appartiendra, dès lors, à la juridiction de renvoi d’examiner, eu égard à toutes les autres circonstances pertinentes caractérisant le litige pendant devant elle, la question de savoir si le Grand-Duché de Luxembourg a outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation en ne prévoyant pas la possibilité pour un prestataire de services qui se trouve dans une situation telle que celle du requérant au principal de bénéficier, aux fins de son entreprise, d’une reconnaissance en tant qu’organisme ayant un caractère social. Ce n’est que si cet État membre a outrepassé ces limites qu’il incombera à la juridiction de renvoi de procéder elle-même à l’octroi d’une telle reconnaissance relative à la période en cause au principal, en laissant, le cas échéant, inappliquées les dispositions matérielles ou procédurales de droit interne faisant obstacle à cet octroi.

82

Cela étant, pour donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il y a lieu de faire observer que, sous réserve d’une vérification par cette juridiction, quelques éléments contenus dans le dossier dont dispose la Cour paraissent revêtir une certaine pertinence aux fins de l’examen visant à établir si le requérant au principal, malgré sa qualité d’avocat, a fait preuve d’un engagement social stable dans le cadre de l’exploitation de son entreprise pendant la période en cause au principal.

83

Est, d’une part, susceptible d’être retenue à cet égard la circonstance que l’intéressé a déployé ses opérations, dont en tout cas une partie paraît revêtir un caractère social, dans le cadre de mandats de protection qui lui ont été confiés, en vertu des divers régimes de protection prévus en droit luxembourgeois, par une autorité judiciaire, qui en contrôle par ailleurs l’exécution. En effet, une telle circonstance tend à indiquer non seulement que le prestataire concerné est obligé d’effectuer ces opérations conformément aux dispositions législatives spécifiques prévues en droit luxembourgeois à cet égard, mais également qu’il peut seulement intervenir après qu’une décision expresse a été prise par l’autorité judiciaire compétente pour nommer les personnes chargées de l’accomplissement des prestations de services relevant du domaine de l’aide et de la sécurité sociales.

84

D’autre part, peut également être pertinente la circonstance que la rémunération des opérations concernées est toujours fixée sous le contrôle de cette autorité judiciaire (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Les Jardins de Jouvence, C-335/14, EU:C:2016:36, point 38) et que cette rémunération est susceptible d’être prise en charge par l’État en cas d’indigence du bénéficiaire.

85

Il convient également de rappeler que la Cour a déjà jugé, dans le cas d’une infirmière dirigeant une entreprise unipersonnelle et se prévalant de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, qu’un État membre peut, en principe, exiger, sans excéder le pouvoir d’appréciation qui lui est consenti dans ce contexte, que les frais médicaux et pharmaceutiques d’un tel assujetti soient supportés en tout ou en partie par les organismes légaux de sécurité et d’aide sociales dans au moins deux tiers des cas, pour que ce prestataire puisse être reconnu comme ayant un caractère social (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2012, Zimmermann, C-174/11, EU:C:2012:716, points 10 et 35 à 37).

86

De même, rien ne s’oppose à ce que l’État membre concerné soumette l’octroi d’une telle reconnaissance à la condition que le prestataire effectue certaines démarches procédurales à cette fin, de telles démarches étant susceptibles de permettre aux autorités concernées de vérifier le caractère social de ce prestataire. Il semble cependant que, s’agissant de l’exonération prévue par la disposition nationale transposant l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, le droit luxembourgeois n’impose pas de telles démarches, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

87

L’application de telles conditions doit cependant respecter le principe de neutralité fiscale. Ainsi, conviendra-t-il, dans le litige au principal, de vérifier le point de savoir si d’autres assujettis, dont des associations sans but lucratif, bénéficient déjà d’une reconnaissance semblable dans des circonstances analogues à celles caractérisant la situation du requérant au principal, aspect sur lequel ce dernier et le gouvernement luxembourgeois, dans leurs réponses écrites aux questions de la Cour, ont pris des positions divergentes.

88

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux cinquième à septième questions que l’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA doit être interprété en ce sens, d’une part, que constituent des « prestations de services étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales » des prestations de services effectuées au bénéfice de personnes majeures légalement incapables et visant à les protéger dans les actes de la vie civile, et, d’autre part, qu’il n’est pas exclu qu’un avocat fournissant de telles prestations de services à caractère social puisse bénéficier, aux fins de l’entreprise qu’il exploite et dans les limites desdites prestations, d’une reconnaissance en tant qu’organisme ayant un caractère social, une telle reconnaissance ne devant toutefois obligatoirement être octroyée par l’intervention d’une autorité judiciaire que si l’État membre concerné, en refusant cette reconnaissance, a dépassé les limites du pouvoir d’appréciation dont il jouit à cet égard.

Sur la huitième question

89

Par sa huitième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de protection de la confiance légitime s’oppose à ce que l’administration fiscale soumette à la TVA certaines opérations se rapportant à une période révolue, dans une situation où cette administration a accepté pendant plusieurs années les déclarations de TVA de l’assujetti n’incluant pas les opérations de même nature dans les opérations taxables et où l’assujetti se retrouve dans l’impossibilité de récupérer la TVA due auprès de ceux qui ont rémunéré ces opérations.

90

Il convient de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies (arrêt du 5 mars 2020, Idealmed III, C-211/18, EU:C:2020:168, point 44).

91

Il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’administration fiscale luxembourgeoise, après avoir accepté la non-taxation des opérations réalisées par EQ depuis l’année 2004, a modifié cette pratique, à l’endroit de EQ, par sa décision de redressement du 19 janvier 2018, pour les opérations réalisées à partir de l’année 2014, en exigeant le paiement de la TVA s’agissant d’opérations de la même nature.

92

Or, la simple acceptation, même pendant plusieurs années, par l’administration fiscale luxembourgeoise des déclarations de TVA soumises par EQ, lesquelles n’incluaient pas les montants relatifs aux opérations en cause au principal, ne vaut pas assurance précise fournie par cette administration sur la non-application de la TVA à ces opérations et ne saurait, dès lors, créer une confiance légitime à l’égard de cet assujetti dans le caractère non imposable des opérations concernées.

93

S’agissant, par ailleurs, de l’hypothèse, évoquée par la juridiction de renvoi, où le prestataire a fourni des prestations de services sans perception de la TVA dont il était redevable, et où il ne serait pas à même de récupérer auprès de ceux qui ont payé ces prestations la TVA ultérieurement exigée par l’administration fiscale, il convient, si cette hypothèse se concrétise, de considérer que les rémunérations reçues à ce titre par le prestataire incluent déjà la TVA due, de sorte que la perception de la TVA soit compatible avec le principe de base de la directive TVA selon lequel le système de la TVA vise à grever uniquement le consommateur final (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin, C-249/12 et C-250/12, EU:C:2013:722, points 34, 42 et 43).

94

Compte tenu de ces considérations, il y a lieu de répondre à la huitième question que le principe de protection de la confiance légitime ne s’oppose pas à ce que l’administration fiscale soumette à la TVA certaines opérations se rapportant à une période révolue, dans une situation où cette administration a accepté pendant plusieurs années les déclarations de TVA de l’assujetti n’incluant pas les opérations de même nature dans les opérations taxables et où l’assujetti se retrouve dans l’impossibilité de récupérer la TVA due auprès de ceux qui ont rémunéré ces opérations, les rémunérations déjà payées étant alors censées inclure déjà cette TVA.

Sur les dépens

95

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que constituent une activité économique, au sens de cette disposition, des prestations de services effectuées au bénéfice de personnes majeures légalement incapables et visant à les protéger dans les actes de la vie civile, dont l’accomplissement est confié au prestataire par une autorité judiciaire en vertu de la loi et dont la rémunération est fixée par la même autorité de manière forfaitaire ou sur la base d’une appréciation au cas par cas en tenant compte notamment de la situation financière de la personne incapable, cette rémunération étant par ailleurs susceptible d’être prise en charge par l’État en cas d’indigence de celle-ci, lorsque ces prestations sont effectuées à titre onéreux, que le prestataire en tire des recettes ayant un caractère de permanence et que le niveau d’ensemble de la compensation de cette activité est déterminé selon des critères visant à garantir la couverture des frais de fonctionnement encourus par ce prestataire.

 

2)

L’article 132, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens, d’une part, que constituent des « prestations de services étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales » des prestations de services effectuées au bénéfice de personnes majeures légalement incapables et visant à les protéger dans les actes de la vie civile, et, d’autre part, qu’il n’est pas exclu qu’un avocat fournissant de telles prestations de services à caractère social puisse bénéficier, aux fins de l’entreprise qu’il exploite et dans les limites desdites prestations, d’une reconnaissance en tant qu’organisme ayant un caractère social, une telle reconnaissance ne devant toutefois obligatoirement être octroyée par l’intervention d’une autorité judiciaire que si l’État membre concerné, en refusant cette reconnaissance, a dépassé les limites du pouvoir d’appréciation dont il jouit à cet égard.

 

3)

Le principe de protection de la confiance légitime ne s’oppose pas à ce que l’administration fiscale soumette à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) certaines opérations se rapportant à une période révolue, dans une situation où cette administration a accepté pendant plusieurs années les déclarations de TVA de l’assujetti n’incluant pas les opérations de même nature dans les opérations taxables et où l’assujetti se retrouve dans l’impossibilité de récupérer la TVA due auprès de ceux qui ont rémunéré ces opérations, les rémunérations déjà payées étant alors censées inclure déjà cette TVA.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le français.