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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

1er décembre 2022 (*) 

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Sixième directive 77/388/CEE – Article 4, paragraphe 4, second alinéa – Assujettis – Faculté pour les États membres de considérer comme un seul assujetti des entités indépendantes du point de vue juridique mais étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation (“groupement TVA”) – Réglementation nationale désignant l’organe faîtier du groupement TVA comme seul assujetti – Notion de “liens étroits sur le plan financier” – Nécessité pour l’organe faîtier de disposer d’une majorité de droits de vote, en sus d’une majorité participative – Absence – Appréciation de l’indépendance d’une entité économique à l’aune des critères standardisés – Portée »

Dans l’affaire C-141/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décision du 11 décembre 2019, parvenue à la Cour le 23 mars 2020, dans la procédure

Finanzamt Kiel

contre

Norddeutsche Gesellschaft für Diakonie mbH,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. P. G. Xuereb (rapporteur), T. von Danwitz, A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Norddeutsche Gesellschaft für Diakonie mbH, par M. B. Richter, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller ainsi que par Mmes S. Eisenberg et S. Heimerl, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. R. Pethke, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 13 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphes 1 et 4, ainsi que de l’article 21, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 2000/65/CE du Conseil, du 17 octobre 2000 (JO 2000, L 269, p. 44) (ci-après la « sixième directive »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Finanzamt Kiel (administration fiscale de Kiel, Allemagne) (ci-après l’« administration fiscale ») au Norddeutsche Gesellschaft für Diakonie mbH (ci-après « NGD mbH ») au sujet de l’imposition de cette société à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour l’exercice fiscal 2005.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        La sixième directive a été abrogée et remplacée, à compter du 1er janvier 2007, par la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1). Toutefois, compte tenu de la date des faits en cause dans le litige au principal, celui-ci demeure régi par la sixième directive.

4        L’article 4 de la sixième directive disposait :

« 1.      Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

[...]

4.      Le terme “d’une façon indépendante” utilisé au paragraphe 1 exclut de la taxation les salariés et autres personnes dans la mesure où ils sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération et la responsabilité de l’employeur.

Sous réserve de la consultation prévue à l’article 29, chaque État membre a la faculté de considérer comme un seul assujetti les personnes établies à l’intérieur du pays qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation.

[...] »

5        Sous l’intitulé « Redevables de la taxe envers le Trésor », l’article 21 de la sixième directive, dans sa version résultant de l’article 28 octies de celle-ci, disposait :

« 1.      En régime intérieur, la [TVA] est due :

a) par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, à l’exception des cas visés aux points b) et c).

[...]

3.      Dans les situations visées au[x] paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la taxe. 

[...] »

 Le droit allemand

6        L’article 2 de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« UStG »), prévoit :

« (1)      Est entrepreneur celui qui exerce d’une façon indépendante une activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle. L’entreprise comprend l’ensemble de l’activité industrielle, commerciale ou professionnelle de l’entrepreneur. On entend par activité industrielle, commerciale ou professionnelle toute activité permanente exercée pour en retirer des recettes, même si l’intention d’obtenir un profit fait défaut ou un groupement de personnes n’exerce ses activités qu’à l’égard de ses membres.

(2)      L’activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle n’est pas exercée d’une façon indépendante :

[...]

2.      lorsque l’architecture globale des liens effectifs montre qu’une personne morale est intégrée à l’entreprise de l’organe faîtier (unité fiscale) sur les plans financier, économique et de l’organisation. Les effets de l’affiliation se limitent aux prestations internes entre les branches de l’entreprise sises dans le pays. Ces branches doivent être traitées comme une seule entreprise. Si la direction de l’organe faîtier se trouve à l’étranger, la branche de l’entreprise la plus importante économiquement dans le pays est réputée être l’entrepreneur. 

[...] »

7        Aux termes de l’article 13a, paragraphe 1, de cette loi :

« Le redevable de la taxe est :

1.      dans les cas de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, et de l’article 14c, paragraphe 1, l’entrepreneur ;

[...] »

8        L’article 73 de l’Abgabenordnung (code des impôts), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« AO »), dispose :

« Une société organiquement liée est redevable des impôts de l’organe faîtier pour lesquels l’unité fiscale qu’elles composent est pertinente sur le plan fiscal. [...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        NGD mbH est une société à responsabilité limitée de droit allemand, constituée par acte notarié du 29 août 2005, dont les associés, à savoir, A, un organisme de droit public, et C e.V.,  une association déclarée, détiennent respectivement une participation de 51 % et de 49 %. Au cours de l’année 2005, E, le gérant de cette société, était à la fois gérant de A et président exécutif de C e.V.

10      Aux termes de l’article 7, paragraphe 2, du statut de NGD mbH, relatif à la composition et aux droits de vote de l’assemblée générale :

« L’assemblée générale est constituée des membres du comité des œuvres d’assistance de A et du comité principal de C e.V. Chaque associé dispose de sept voix et désigne jusqu’à sept représentants à l’assemblée générale, qui, pour cette société, agissent exclusivement à titre bénévole. Sous réserve des dispositions suivantes, chaque représentant dispose d’une voix et se prononce en fonction de sa propre appréciation professionnelle, sans être à cet égard lié par les instructions de l’associé qui l’a désigné.

Il est fait exception à ce qui précède uniquement pour les résolutions qui concernent directement les apports mis à la disposition de la société par chaque associé ; dans ce cas, les votes ne peuvent être émis qu’en un seul bloc par associé et les représentants sont liés par les instructions données par l’associé qui les a désignés. Si les représentants ne parviennent pas à trouver un accord, les sept votes de l’associé concerné sont réputés être émis de la manière selon laquelle la majorité des représentants qu’il a désignés a voté ».

11      Lors d’une assemblée générale ayant eu lieu le 1er décembre 2005, il a été décidé de modifier le statut de NGD mbH et de libeller son article 7 paragraphe 2, deuxième alinéa, de la manière suivante :

« Il est fait exception à ce qui précède uniquement pour les résolutions qui concernent directement les apports mis à la disposition de la société par chaque associé ou pour les décisions pour lesquelles un associé sollicite un vote par bloc. Dans ce cas, les votes ne peuvent être émis qu’en un seul bloc par associé et les représentants sont liés par les instructions données par l’associé qui les a désignés. Si les représentants ne parviennent pas à trouver un accord, les sept votes de l’associé concerné sont réputés être émis de la manière selon laquelle la majorité des représentants qu’il a désignés a voté. En cas de vote par bloc, les votes sont évalués en fonction de la participation détenue dans la société ».

12      Selon les explications fournies par la juridiction de renvoi, ladite modification ne serait toutefois devenue effective qu’à la suite de l’assemblée générale du 9 décembre 2010, lorsque le statut ainsi modifié aurait fait l’objet d’un nouvel acte notarié et d’une inscription au registre du commerce.

13      Il ressort de la décision de renvoi que, lors d’un audit effectué par un auditeur externe auprès de NGD mbH, celui-ci a considéré que, pour l’exercice fiscal en cause, cette dernière n’était pas intégrée sur le plan financier à l’organe faîtier  ADès lors, ils ne pouvaient pas être considérés comme formant une « unité fiscale », au sens de l’article 2, paragraphe 2, point 2, de l’UStG qui vise à mettre en œuvre, en droit allemand, la possibilité, prévue à l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive.

14      Cette conclusion aurait été motivée par le fait que, compte tenu des dispositions de l’article 7 du statut de NGD mbH, que ce soit dans sa version initiale ou modifiée, A ne disposait pas d’une majorité des droits de vote, n’étant donc pas en mesure d’imposer des décisions à ladite société, et ce, alors même qu’A y détenait une participation majoritaire de 51 % du capital social. Par conséquent, le chiffre d’affaires réalisé par cette même société au taux normal avec des tiers et provenant des prestations fournies à A devrait être comptabilisé auprès de NGD mbH, en sa qualité d’« entrepreneur », au sens de l’article 2, paragraphe 1, de l’UStG.

15      Par décision du 30 mai 2014, l’administration fiscale s’est ralliée à la position de l’auditeur externe.

16      La réclamation introduite par NGD mbH contre cette décision ayant été rejetée par décision de l’administration fiscale du 3 février 2017, NGD mbH a formé un recours contre cette dernière décision.

17      Le Schleswig-Holsteinisches Finanzgericht (tribunal des finances du Land de Schleswig-Holstein, Allemagne) a accueilli ce recours par jugement du 6 février 2018 et a jugé que la condition relative à l’intégration sur le plan financier à l’organe faîtier A était satisfaite sur le fondement tant de la version modifiée du statut de NGD mbH que de sa version initiale, qui était en vigueur au cours de l’exercice fiscal en cause.

18      À cet égard, ladite juridiction a considéré qu’il ressortait de la jurisprudence de la Cour qu’un rapport de subordination liant une société organiquement intégrée à l’organe faîtier ne constitue pas une condition nécessaire pour la constitution d’un groupement formé par des personnes indépendantes du point de vue juridique, mais étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation (ci-après le « groupement TVA ») (arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, points 44 et 45), et que, dès lors, l’exigence requise par l’administration fiscale, relative à la nécessité pour l’organe faîtier de disposer, en sus d’une participation majoritaire, d’une majorité de droits de vote auprès des autres entités faisant partie de l’unité fiscale, allait au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre les objectifs visant à prévenir les pratiques ou les comportements abusifs ou à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales.

19      L’administration fiscale a formé un recours en Revision contre ce jugement devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), en invoquant la violation de l’article 2, paragraphe 2, point 2, première phrase, de l’UStG, tirée de l’absence d’intégration sur le plan financier de NGD mbH à l’organe faîtier A. 

20      La juridiction de renvoi souligne, tout d’abord, que, si le litige au principal devait être apprécié uniquement à l’aune du droit national applicable, le recours en Revision serait fondé, étant donné que ce droit rendrait dépendante la qualification d’unité fiscale de la condition liée à l’intégration sur le plan financier, laquelle requerrait que l’organe faîtier dispose d’une majorité des droits de vote. Elle précise que, même postérieurement à l’arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496), conformément à la jurisprudence du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), l’exigence relative au rapport d’autorité et de subordination, qui serait désormais qualifiée d’« intégration assortie de droits d’intervention », continuerait d’être requise, au titre de l’article 2, paragraphe 2, point 2, première phrase, de l’UStG.

21      Ensuite, il ressortirait de la jurisprudence du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) que, en droit national, la dette fiscale est transférée à l’organe faîtier, lequel doit pouvoir s’assurer que le chiffre d’affaires réalisé par chacune des entités faisant partie de l’unité fiscale, est correctement taxé. Ainsi, l’organe faîtier devrait agir, en tant que percepteur de la TVA, pour toutes les prestations que ces entités fournissent à des tiers et serait seul à même d’établir la déclaration fiscale pour l’ensemble desdites entités.

22      Enfin, cette juridiction souligne que,  dans le cadre de l’examen qu’il lui incombe d’effectuer au titre de l’article 2, paragraphe 2, point 2, première phrase, de l’UStG, elle est censée prendre en compte et appliquer per se la circonstance que, selon cette disposition, les activités économiques et professionnelles des entités intégrées à l’organe faîtier de l’unité fiscale dont ces entités font partie, ne sont pas considérées comme étant exercées de manière indépendante. Ainsi, l’ensemble du chiffre d’affaires réalisé par lesdites entités serait attribué à l’organe faîtier, ce dernier étant redevable de la TVA correspondant à la totalité de ce chiffre d’affaires.

23      Toutefois, la juridiction de renvoi nourrit des doutes sur la conformité de la réglementation nationale en cause au principal à l’article 4, paragraphe 4, premier alinéa, de la sixième directive, tel qu’interprété par la Cour, compte tenu, notamment, de l’exigence relative au rapport d’autorité et de subordination requise par cette réglementation.

24      En particulier, dès lors qu’il résulterait de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’un groupement TVA est réputé exister, c’est le groupement TVA, lui-même, qui est redevable de la TVA correspondant au chiffre d’affaires réalisé par la totalité de ses membres (arrêts du 22 mai 2008, Ampliscientifica et Amplifin, C-162/07, EU:C:2008:301, point 20, et du 17 septembre 2014, Skandia America (USA), filial Sverige, C-7/13, EU:C:2014:2225, points 29, 35 et 37, ainsi que dispositif), l’assimilation d’un tel groupement TVA à un assujetti unique, au sens de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, exclurait que les membres de ce groupement, y compris son organe faîtier, puissent continuer de souscrire des déclarations TVA et d’être identifiés comme étant des assujettis individuels.

25      Dans l’hypothèse où la Cour devait dire pour droit que l’article 4, paragraphe 4, de la sixième directive s’oppose à la pratique consistant en la désignation, en tant qu’assujetti unique, non pas du groupement TVA lui-même, mais d’un membre de celui-ci, à savoir de son organe faîtier, se poserait ensuite la question de savoir si une entité faisant partie de ce groupement peut invoquer l’éventuelle contrariété du droit national avec le droit de l’Union. À cet égard, tout en rappelant qu’il découle de l’arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496), que l’article 4, paragraphe 4, de la sixième directive n’est pas revêtu d’effet direct, la juridiction de renvoi se demande si une telle entité ne pourrait éventuellement prendre appui, pour ce faire, sur l’article 21, paragraphe 1, sous a), de cette directive.

26      La juridiction de renvoi s’interroge, en outre, sur le niveau d’exigences requis, dans le cadre de l’appréciation qu’il lui incombe d’effectuer, pour déterminer si le critère de l’intégration sur le plan financier, au titre de l’article 2, paragraphe 2, point 2, première phrase, de l’UStG, est, ou non, satisfait en l’occurrence. En particulier, elle se demande si ce critère doit être interprété en ce sens qu’il requiert que l’organe faîtier de l’unité fiscale possède, en sus d’une participation majoritaire dans les entités faisant partie de celle-ci, d’une majorité des droits de vote auprès de ces entités.

27      Elle souligne, dans ce cadre, que, selon les règles nationales applicables, l’organe faîtier d’une unité fiscale pourrait, le cas échéant, se prévaloir en justice d’un droit de compensation financière de la part des autres membres de celle-ci, pour faire en sorte que, dans le cadre des rapports internes existant en son sein, la charge fiscale soit respectivement supportée, par chacun de ces membres, de manière correspondante au chiffre d’affaires ayant généré la TVA à verser pour chacun d’entre eux.

28      La juridiction de renvoi se demande également si le système allemand de l’unité fiscale (Organschaft) ne pourrait éventuellement être justifié, de manière alternative, au moyen d’une lecture combinée de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive et de l’article 4, paragraphe 4, premier alinéa, de celle-ci. Si tel devait être le cas, le recours en Revision formé par l’administration fiscale serait fondé et ce, indépendamment des réponses aux trois premières questions préjudicielles posées.

29      À cet égard, la juridiction de renvoi considère, en substance, qu’il ne saurait être exclu que les critères, très stricts, de l’exigence de subordination des entités composant une unité fiscale, auprès de l’organe faîtier de celle-ci, requis en droit allemand, aux fins d’apprécier l’existence d’une unité fiscale, puissent être justifiés, au titre d’une lecture combinée des dispositions mentionnées au point précédent.

30      En effet, compte tenu du fait que, selon les règles nationales applicables, ces entités sont considérées comme ne possédant pas de volonté propre, pour autant qu’elles se trouvent dans un rapport de subordination à l’égard de l’organe faîtier de l’unité fiscale dont elles font partie, il y aurait lieu de considérer que lesdites entités ne satisfont pas à la condition de l’indépendance, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive. Or, les États membres seraient en droit de considérer que les entités qui ne répondent pas aux critères d’indépendance ne sauraient être considérées comme étant des assujettis, leur chiffre d’affaires respectif et, partant, la TVA correspondante devant ainsi être attribués à l’organe faîtier, eu égard au lien de subordination existant entre ce dernier et ces entités.

31      Toutefois, la juridiction de renvoi fait part de ses doutes sur le point de savoir si les États membres sont réellement habilités à préciser, par catégorisation, les cas dans lesquels il y aurait lieu de considérer que des entités données ne disposent pas de volonté propre et ne sont pas, dès lors, indépendantes, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive.

32      À ce titre, elle précise que le droit constitutionnel allemand accorde au législateur national une telle prérogative de catégorisation, qui est justifiée par le fait que, pour autant que la détermination de la qualité d’assujetti comporte des charges financières, les entités se voyant conférer cette qualité ne devraient pas se retrouver dans l’incertitude en ce qui concerne leurs obligations fiscales. En outre, la catégorisation ainsi effectuée par le législateur allemand pourrait être corroborée par une interprétation de l’article 4, paragraphe 4, premier alinéa, de la sixième directive, effectuée à la lumière du contexte et de la genèse de cette disposition.

33      Sur ce dernier point, il y aurait lieu de tenir compte, par ailleurs, du fait que l’annexe A de la deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires - Structure et modalités d’application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 1967, L 71, p. 1303), avait prétendument servi à donner une légitimité, en droit de l’Union, au régime allemand déjà existant de l’unité fiscale, afin que cet État membre puisse conserver ledit régime.

34      Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 4, paragraphe 4, second alinéa, l’article 21, paragraphe 1, sous a), et l’article 21, paragraphe 3, de la [sixième directive], lus conjointement, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils autorisent un État membre à désigner en tant qu’assujetti, au lieu du groupement TVA [l’entité fiscale (“Organkreis”)], un membre de ce groupement (l’entité faîtière) ?

2)      Si la première question appelle une réponse négative : l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, l’article 21, paragraphe 1, sous a), et l’article 21, paragraphe 3, de la [sixième directive], lus conjointement, peuvent-ils être invoqués à cet égard ?

3)      Faut-il appliquer un critère strict ou large dans le cadre de l’examen à effectuer en vertu du point 46 de l’arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, points 44 et 45), visant à déterminer si l’exigence d’intégration sur le plan financier prévue à l’article 2, paragraphe 2, point 2, première phrase, de l’[UStG] constitue une mesure licite, qui est nécessaire et appropriée pour atteindre les objectifs visant à prévenir les pratiques ou les comportements abusifs ou à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales ?

4)      L’article 4, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 4, premier alinéa, de la [sixième directive] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils autorisent un État membre à considérer, par catégorisation, une personne comme non indépendante, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, lorsque cette personne est intégrée sur les plans financier, économique et de l’organisation à l’entreprise d’un autre entrepreneur (l’organe faîtier) de manière telle que l’organe faîtier est en mesure de faire respecter sa volonté à l’égard de ladite personne et d’empêcher ainsi celle–ci de former une volonté divergente ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité

35      Le gouvernement allemand soutient, à titre principal, que la première, la deuxième et la quatrième questions doivent être déclarées comme étant irrecevables, dès lors qu’elles ne sont pas pertinentes pour la solution du litige au principal, celui-ci portant seulement sur le point de savoir s’il existe, ou non, entre NGD mbH et l’organe faîtier A, une intégration suffisante sur le plan financier, au sens de l’article 2, paragraphe 2, point 2, première phrase, de l’UStG, lu à la lumière de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive.

36      Ce n’est que dans l’hypothèse où cette interrogation devait appeler une réponse affirmative, ce qui laisserait entendre, en substance, que les deux entités susmentionnées devraient être considérées comme constituant un groupement TVA – ce que ce gouvernement conteste – que se poseraient les problématiques sous-jacentes aux autres questions préjudicielles.

37      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C-110/15, EU:C:2016:717, point 18 ainsi que jurisprudence citée).

38      Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C-110/15, EU:C:2016:717, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

39      Or, tel n’est pas le cas en l’occurrence, dans la mesure où la première, la deuxième et la quatrième questions posées à la Cour, qui portent, d’ailleurs, sur l’interprétation du droit de l’Union, ne sont aucunement de nature hypothétique, et un rapport avec la réalité du litige au principal est établi, ces questions portant sur l’interprétation de dispositions du droit de l’Union déterminantes pour la décision de l’affaire au principal, ainsi que le relève expressément la juridiction de renvoi dans sa décision.

40      Plus particulièrement, les points de savoir si, d’une part, les exigences requises par la réglementation allemande en termes de désignation de l’assujetti unique d’un groupement TVA et, d’autre part, la manière dont cette réglementation appréhende l’absence d’indépendance des entités faisant partie d’un tel groupement à l’égard de l’organe faîtier de celui-ci, sont compatibles avec l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, présentent un intérêt pour la solution du litige au principal puisque elles détermineront si le recours en Revision de l’administration  fiscale devrait être accueilli.

41      Il s’ensuit que la première, la deuxième et la quatrième questions posées sont recevables.

 Sur le fond

 Sur la première question

42      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre désigne, en tant qu’assujetti unique à la TVA, non pas le groupement TVA lui-même, mais un membre de ce groupement, à savoir l’organe faîtier de celui-ci.

43      Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, afin d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir, notamment, arrêt du 24 février 2022, Airhelp (Retard de vol de réacheminement), C-451/20, EU:C:2022:123, point 22 et jurisprudence citée].

44      À cet égard, il résulte du libellé de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive que ce dernier permet à chaque État membre de considérer plusieurs entités comme un seul assujetti lorsque celles-ci sont établies sur le territoire de ce même État membre et que, bien qu’elles soient indépendantes du point de vue juridique, elles sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation. Cet article, selon son libellé, ne soumet pas son application à d’autres conditions. Il ne prévoit pas non plus la possibilité, pour les États membres, d’imposer d’autres conditions aux opérateurs économiques pour pouvoir constituer un groupe TVA (voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2013, Commission/Suède, C-480/10, EU:C:2013:263, point 35 et jurisprudence citée).

45      La mise en œuvre du régime prévu à l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive implique que la réglementation nationale prise sur le fondement de cette disposition autorise les entités présentant des liens sur les plans financier, économique et de l’organisation à cesser d’être considérées comme des assujettis distincts à la TVA pour être considérées comme un assujetti unique. Ainsi, lorsqu’il est fait application, par un État membre, de ladite disposition, la ou les entités subordonnées, au sens de cette même disposition ne peuvent être considérées comme un ou des assujettis, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2008, Ampliscientifica et Amplifin, C-162/07, EU:C:2008:301, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

46      Il en résulte que l’assimilation à un assujetti unique en vertu de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive exclut que les membres du groupement TVA continuent à souscrire séparément des déclarations de TVA et continuent à être identifiés, dans et hors de leur groupe, comme des assujettis, dès lors que seul l’assujetti unique est habilité à souscrire lesdites déclarations. Cette disposition suppose donc nécessairement, lorsqu’il en est fait application par un État membre, que la réglementation nationale de transposition fasse en sorte que l’assujetti soit unique et qu’un seul numéro de TVA soit octroyé pour le groupe (arrêt du 22 mai 2008, Ampliscientifica et Amplifin, C-162/07, EU:C:2008:301, points 19 et 20).

47      Il s’ensuit que, dans une telle situation, les prestations de services fournies par un tiers en faveur d’un membre d’un groupement TVA doivent être considérées, aux fins de la TVA, comme ayant été fournies en faveur non pas de ce membre, mais du groupement TVA lui-même auquel ce membre appartient (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2020, Kaplan International colleges UK, C-77/19, EU:C:2020:934, point 46 et jurisprudence citée).

48      En ce qui concerne le contexte de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, il ne ressort ni de cette disposition ni du système instauré par cette directive que celle-ci constitue une disposition dérogatoire ou particulière qui devrait être interprétée de manière restrictive. Ainsi qu’il découle de la jurisprudence de la Cour, la condition relative à l’existence d’un lien étroit sur le plan financier ne saurait être interprétée de manière restrictive (voir par analogie, en ce qui concerne l’article 11 de la directive TVA, arrêts du 25 avril 2013, Commission/Suède, C-480/10, EU:C:2013:263, point 36, et du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C-868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 45).

49      S’agissant des objectifs poursuivis par l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, il convient de rappeler d’emblée qu’il ressort des motifs de la proposition de la Commission [COM(73) 950 final] ayant conduit à l’adoption de la sixième directive que le législateur de l’Union, en adoptant cette disposition, a voulu permettre aux États membres de ne pas lier systématiquement la qualité d’assujetti à la notion d’« indépendance purement juridique », soit dans un souci de simplification administrative, soit pour éviter certains abus tels que le fractionnement d’une entreprise entre plusieurs assujettis dans le but de bénéficier d’un régime particulier (voir, en ce sens, arrêts du 25 avril 2013, Commission/Suède, C-480/10, EU:C:2013:263, point 37 ainsi que jurisprudence citée, et du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C-868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

50      À cet égard, si la sixième directive ne comportait pas, jusqu’à l’entrée en vigueur du troisième alinéa de son article 4, paragraphe 4, issu de la directive 2006/69/CE du Conseil, du 24 juillet 2006, modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne certaines mesures visant à simplifier la perception de la taxe sur la valeur ajoutée et à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, et abrogeant certaines décisions accordant des dérogations (JO 2006, L 221, p. 9), de dispositions explicites conférant aux États membres la faculté d’adopter des mesures nécessaires aux fins de la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales, cette circonstance ne privait pas les États membres de la possibilité d’adopter, avant cette entrée en vigueur, de telles mesures, dès lors que la lutte, par les États membres, contre la fraude et l’évasion fiscales constitue un objectif reconnu et encouragé par la sixième directive, même en l’absence d’habilitation expresse du législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

51      Ainsi, pour l’application de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, les États membres, dans le cadre de leur marge d’appréciation, pouvaient soumettre l’application du régime du groupement TVA à certaines restrictions pourvu qu’elles s’inscrivent dans les objectifs de cette directive visant à prévenir les pratiques ou les comportements abusifs ou à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

52      En l’occurrence, il découle des explications fournies par la juridiction de renvoi et par le gouvernement allemand, tout d’abord, que le législateur allemand a fait usage de la faculté offerte par l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, au moyen de l’article 2, paragraphe 2, point 2, de l’UStG, qui prévoit la possibilité de former des « unités fiscales ».

53      Ensuite, il résulte de ces mêmes explications que, en vertu du droit allemand, si l’organe faîtier d’un groupement TVA est considéré comme étant l’assujetti unique de ce groupement, au sens de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, l’article 73 de l’AO prévoit, toutefois, qu’une société organiquement liée peut, le cas échéant, être redevable des impôts correspondant aux autres membres de l’unité fiscale dont elle fait partie, y compris de l’organe faîtier de celle-ci, pour lesquels l’unité fiscale qu’ils composent est pertinente sur le plan fiscal.

54      Enfin, il résulte des explications fournies par la juridiction de renvoi que, en vertu du droit allemand, une entité faisant partie d’un groupement TVA ne peut être considérée comme étant intégrée à l’entreprise de l’organe faîtier sur le plan financier, au sens de l’article 2, paragraphe 2, point 2, première phrase, de l’UStG, lu à la lumière de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, que si cet organe est en mesure de faire prévaloir sa volonté, ce qui requerrait que celui-ci dispose à l’égard de ladite entité tant d’une majorité participative que d’une majorité des droits de vote.

55      S’agissant, tout d’abord, de la question de savoir si l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive s’oppose à la pratique allemande consistant en la désignation, en tant qu’assujetti unique, non pas du groupement TVA lui-même, mais d’un membre de celui-ci, à savoir de son organe faîtier, il y a lieu de préciser que, si la Cour a, en substance, dit pour droit, dans les arrêts du 22 mai 2008, Ampliscientifica et Amplifin (C-162/07, EU:C:2008:301, points 19 et 20), ainsi que du 17 septembre 2014, Skandia America (USA), filial Sverige (C-7/13, EU:C:2014:2225, points 34, 35 et 37), que le groupement TVA est, en tant qu’assujetti, redevable de la TVA, il n’en reste pas moins que, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, au point 79 de ses conclusions, lorsque plusieurs membres, juridiquement indépendants, d’un groupement TVA constituent ensemble un seul assujetti, un interlocuteur unique doit assumer les obligations TVA du groupement à l’égard des autorités fiscales. Or, l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive ne contient aucune prescription concernant la désignation de l’entité représentative du groupement TVA, ni sur la forme sous laquelle celle-ci assume les obligations d’assujetti d’un tel groupement.

56      À cet égard et indépendamment de la possibilité de prévoir une représentation du groupement TVA par un de ces membres, les objectifs visés au point 49 peuvent justifier que l’organe faîtier du groupement TVA est désigné en tant qu’assujetti unique, lorsque cet organe est en mesure d’imposer sa volonté aux autres entités faisant partie de ce groupement, permettant d’assurer l’exacte perception de la TVA.

57      Cela étant, encore faut-il que la circonstance que ce n’est non pas le groupement TVA lui-même, mais son organe faîtier le représentant qui remplit le rôle d’assujetti unique, au sens de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, n’entraîne pas de risque de pertes fiscales.

58      Or, il ressort de ces explications fournies par la juridiction de renvoi, telles que relevées au point 27 du présent arrêt, ainsi que par le gouvernement allemand, dans ses observations écrites, que, pour autant que l’obligation de déclaration incombant à cet organe faîtier s’étend aux prestations fournies et reçues par tous les membres de ce groupement et que la dette fiscale qui en résulte comprend l’intégralité de ces prestations, cela conduirait au même résultat que si le groupement TVA était, lui-même, assujetti à cette taxe.

59      Il ressort également desdites explications que, quand bien même, en vertu du droit allemand, l’ensemble des obligations en matière de TVA pèseraient sur ledit organe faîtier, en sa qualité de représentant du groupement TVA auprès des administrations fiscales, il n’en reste pas moins que ces administrations fiscales peuvent, le cas échéant, se retourner vers les autres entités faisant partie dudit groupement, en prenant appui sur l’article 73 de l’AO.

60      Compte tenu des éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre désigne, en tant qu’assujetti unique à la TVA, non pas le groupement TVA lui-même, mais un membre de ce groupement, à savoir l’organe faîtier de celui-ci, lorsque cet organe est en mesure d’imposer sa volonté aux autres entités faisant partie de ce groupement et à condition que cette désignation n’entraîne pas un risque de pertes fiscales.

 Sur la deuxième question

61      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, lu en combinaison avec l’article 21, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, de cette directive, peuvent être considérés comme ayant un effet direct permettant aux assujettis d’en revendiquer le bénéfice à l’égard de leur État membre pour le cas où la législation de ce dernier ne serait pas compatible avec ces dispositions et ne pourrait pas être interprétée de manière conforme à celles–ci. La deuxième question n’est posée par la juridiction de renvoi que dans l’hypothèse où la première question recevrait une réponse selon laquelle l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre désigne, en tant qu’assujetti à la TVA, non pas le groupement TVA lui-même, mais un membre de ce groupement, à savoir l’organe faîtier de celui-ci.

62      Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à cette deuxième question.

 Sur la troisième question

63      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne la possibilité pour une entité donnée de former, avec l’entreprise de l’organe faîtier, un groupement TVA à la condition que cet organe dispose, auprès de ladite entité, d’une majorité des droits de vote en sus d’une participation majoritaire dans le capital de celle-ci.

64      Il convient de relever d’emblée que la condition posée à l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, selon laquelle la constitution d’un groupement TVA est subordonnée à l’existence de liens étroits sur les plans financier, économique et de l’organisation entre les personnes concernées, exige d’être précisée à l’échelle nationale, de sorte que cette disposition présente un caractère conditionnel en ce qu’elle implique l’intervention de dispositions nationales déterminant la portée concrète de tels liens (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, point 50).

65      Toutefois, il importe, pour une application uniforme de la sixième directive, que la notion de « liens étroits sur le plan financier », au sens de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de cette directive, reçoive une interprétation autonome et uniforme. Une telle interprétation s’impose, malgré le caractère facultatif, pour les États membres, du régime que cet article prévoit, afin d’éviter, lorsqu’il est mis en œuvre, des divergences dans l’application de ce régime d’un État membre à l’autre (voir, par analogie, arrêt du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C-868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 44 et jurisprudence citée).

66      À cet égard, il convient de rappeler que, si, ainsi que cela a été souligné aux points 44 et 51 du présent arrêt, l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive ne prévoit pas expressément la possibilité, pour les États membres, d’imposer d’autres conditions aux opérateurs économiques pour pouvoir constituer un groupement TVA, ceux-ci peuvent, dans le cadre de leur marge d’appréciation, soumettre l’application du régime du groupement TVA à certaines restrictions pourvu qu’elles s’inscrivent dans les objectifs de cette directive visant à prévenir les pratiques ou les comportements abusifs ou à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales, et que le droit de l’Union et ses principes généraux, notamment les principes de proportionnalité et de neutralité fiscale, soient respectés (voir, par analogie, arrêt du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C-868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 57 et jurisprudence citée).

67      Il y a lieu de rappeler également que, selon la jurisprudence citée au point 48 du présent arrêt, la condition relative à l’existence d’un lien étroit sur le plan financier ne saurait être interprétée de manière restrictive.

68      Plus particulièrement, la Cour a déjà précisé, compte tenu des termes mêmes de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, que le caractère seulement étroit des relations liant les entités au sein du groupement TVA ne saurait, en l’absence de toute autre exigence, conduire à considérer que le législateur de l’Union a entendu réserver le bénéfice du régime du groupement TVA aux seules entités qui se trouvent dans un rapport de subordination avec l’organe faîtier du groupement d’entreprises considéré. Si l’existence d’un tel rapport de subordination permet de présumer du caractère étroit des relations entre les entités en cause, elle ne saurait cependant, en principe, être considérée comme étant une condition nécessaire à la constitution d’un groupement TVA. Il n’en irait autrement que dans les cas exceptionnels où une telle condition serait, dans un contexte national déterminé, une mesure à la fois nécessaire et appropriée pour atteindre les objectifs visant à prévenir les pratiques ou les comportements abusifs ou à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, points 44 et 45).

69      Il s’ensuit que l’exigence d’une majorité des droits de vote requise, en sus de celle relative à une participation majoritaire, au titre de l’exigence d’intégration sur le plan financier, au sens de l’article 2, paragraphe 2, point 2, première phrase, de l’UStG, ne constitue pas a priori, ce qu’il incombe toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, une mesure nécessaire et appropriée pour atteindre les objectifs visant à prévenir les pratiques ou les comportements abusifs ou à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales, de sorte qu’une telle exigence ne saurait, en principe, être requise au titre de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive.

70      Dans ce contexte, il n’est pas sans intérêt que, ainsi qu’il ressort de la réponse du gouvernement allemand aux questions écrites de la Cour, celui-ci admet, en substance, qu’aucune des deux exigences mentionnées au point précédent du présent arrêt n’est absolument nécessaire, pour autant que l’organe faîtier est en mesure d’imposer sa volonté aux autres entités faisant partie du groupement TVA.

71      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne la possibilité pour une entité donnée de former, avec l’entreprise de l’organe faîtier, un groupement TVA à la condition que cet organe dispose, auprès de ladite entité, d’une majorité des droits de vote en sus d’une participation majoritaire dans le capital de celle-ci.

 Sur la quatrième question

72      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 4, de la sixième directive, lu en combinaison avec l’article 4 paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre qualifie, par catégorisation, des entités données comme étant non indépendantes, lorsque ces entités sont intégrées sur les plans financier, économique et de l’organisation à l’organe faîtier d’un groupement TVA.

73      Il convient de rappeler d’emblée que l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive considère comme étant un assujetti une personne qui accomplit de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2 de cet article.

74      L’article 4, paragraphe 4, premier alinéa, de la sixième directive précise que les termes « d’une façon indépendante » excluent de la taxation les salariés et les autres personnes dans la mesure où ces derniers sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération ainsi que la responsabilité de l’employeur.

75      Le paragraphe 4, second alinéa, dudit article prévoit que les États membres peuvent, sous réserve de la consultation prévue à l’article 29 de la sixième directive, considérer comme constituant un seul assujetti les personnes établies à l’intérieur du pays qui sont « juridiquement indépendantes », mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation.

76      Il y a lieu de rappeler également que, ainsi que la Commission l’a relevé, au point 3.2, premier et deuxième alinéas, de sa communication COM/2009/0325 final, par la constitution d’un groupement TVA, au titre de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, un certain nombre d’assujettis étroitement liés fusionnent pour former un nouvel assujetti à la TVA unique. Cette institution a précisé, par ailleurs, que « le groupe[ment] TVA [pouvait] être décrit comme une entité “fictive” créée aux fins de la TVA, dans laquelle la réalité économique prime [...] la forme juridique. Un groupe[ment] TVA est un assujetti d’un type particulier, qui n’existe qu’aux fins de la TVA. Il se fonde sur les liens financiers, économiques et organisationnels existant entre les sociétés concernées. Si chaque membre du groupe[ment] conserve sa forme juridique propre, aux fins de la TVA et à ces fins uniquement, le groupe[ment] TVA l’emporte sur les formes juridiques prévues, par exemple, par le droit civil ou le droit des sociétés ».

77      Il ressort, en outre, d’une jurisprudence constante qu’une prestation n’est taxable que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées [voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2014, Skandia America (USA), filial Sverige, C-7/13, EU:C:2014:2225, point 24 et jurisprudence citée].

78      Pour établir qu’un tel rapport juridique existe entre une entité faisant partie d’un groupement TVA et les autres membres de ce groupement, y compris l’organe faîtier de celui-ci, afin d’assujettir à la TVA les prestations fournies par cette entité, il y a lieu de vérifier si ladite entité accomplit une activité économique indépendante. À cet égard, il y a lieu de rechercher si une telle entité peut être considérée comme étant autonome, en ce qu’elle accomplit ses activités en son nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité ainsi que notamment qu’elle supporte le risque économique découlant de son activité [voir, par analogie, arrêts du 17 septembre 2014, Skandia America (USA), filial Sverige, C-7/13, EU:C:2014:2225, point 25, et du 13 juin 2019, IO (TVA – Activité de membre d’un conseil de surveillance), C-420/18, EU:C:2019:490, point 39 ainsi que jurisprudence citée].

79      Or, en l’occurrence, si, en sa qualité d’assujetti unique et de représentant du groupement TVA, l’organe faîtier A de celui-ci est en charge de souscrire la déclaration fiscale au nom de l’ensemble des entités faisant partie de ce groupement, y compris de NGD mbH, il n’en reste pas moins que, ainsi qu’il ressort des points 27 et 57 à 59 du présent arrêt, ces entités supportent, elles-mêmes, les risques économiques liés à l’exercice de leur activité économique respective. Il s’ensuit que ces mêmes entités doivent être considérées comme accomplissant des activités économiques indépendantes, de sorte qu’elles ne puissent pas être qualifiées, par catégorisation, d’« entités non indépendantes » au sens de l’article 4, paragraphe 1, et paragraphe 4, premier alinéa, de la sixième directive du simple fait de leur appartenance à un groupement TVA.

80      Cette interprétation est confortée, par ailleurs, par le fait que, s’il ressort de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive que les entités pouvant constituer un groupement TVA doivent présenter des liens étroits sur les plans financier, économique et de l’organisation, cette disposition ne prévoit toutefois pas que l’existence desdits liens entraînerait l’exercice d’une activité économique non indépendante de la part d’une entité du groupement autre que l’organe faîtier. Ainsi, il ne découle pas de ladite disposition que cette entité cesserait d’accomplir des activités économiques indépendantes, au sens de l’article 4, paragraphe 4, premier alinéa, de cette directive, du fait de la seule appartenance au groupement TVA.

81      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, lu en combinaison avec l’article 4 paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre qualifie, par catégorisation, des entités données comme étant non indépendantes, lorsque ces entités sont intégrées sur les plans financier, économique et de l’organisation à l’organe faîtier d’un groupement TVA.

 Sur les dépens

82      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 2000/65/CE du Conseil, du 17 octobre 2000,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre désigne, en tant qu’assujetti unique d’un groupement formé par des personnes indépendantes du point de vue juridique, mais étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation, l’organe faîtier de celui-ci, lorsque cet organe est en mesure d’imposer sa volonté aux autres entités faisant partie de ce groupement et à condition que cette désignation n’entraîne pas un risque de pertes fiscales.

2)      L’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 2000/65,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne la possibilité pour une entité donnée de former, avec l’entreprise de l’organe faîtier, un groupement formé par des personnes indépendantes du point de vue juridique, mais étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation, à la condition que cet organe dispose, auprès de ladite entité, d’une majorité des droits de vote en sus d’une participation majoritaire dans le capital de celle-ci.

3)      L’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 2000/65, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 77/388, telle que modifiée,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à ce qu’un État membre qualifie, par catégorisation, des entités données comme étant non indépendantes, lorsque ces entités sont intégrées sur les plans financier, économique et de l’organisation à l’organe faîtier d’un groupement formé par des personnes indépendantes du point de vue juridique, mais étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.