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 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

25 novembre 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2 – Opération soumise à la TVA – Notion – Article 168, sous a), et article 176 – Droit à déduction de la TVA payée en amont – Refus – Services publicitaires qualifiés d’excessivement coûteux et d’inutiles par l’administration fiscale – Absence de chiffre d’affaires généré au profit de l’assujetti »

Dans l’affaire C-334/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Veszprémi Törvényszék (cour de Veszprém, Hongrie), par décision du 20 juillet 2020, parvenue à la Cour le 23 juillet 2020, dans la procédure

Amper Metal Kft.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme I. Ziemele, présidente de la sixième chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur) et A. Kumin, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Amper Metal Kft., par Me V. Pallós, ügyvéd,

pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme R. Kissné Berta, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et O. Serdula, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. L. Havas, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 168, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Amper Metal Kft. au Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) au sujet du refus, par ce dernier, du bénéfice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont par Amper Metal pour des services publicitaires.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA dispose :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

c)

les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».

4

L’article 73 de la directive TVA prévoit :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

5

En vertu de l’article 80, paragraphe 1, de la directive TVA, dans les cas énumérés par cette disposition, afin de prévenir la fraude ou l’évasion fiscales, les États membres peuvent prendre des mesures pour que, pour les livraisons de biens et les prestations de services à des bénéficiaires avec lesquels il existe des liens familiaux ou d’autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d’affiliation, financiers ou juridiques tels que définis par l’État membre, la base d’imposition soit constituée par la valeur normale de l’opération.

6

L’article 168, sous a), de la directive TVA dispose :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ».

7

Aux termes de l’article 176, premier alinéa, de la directive TVA :

« Le Conseil [de l’Union européenne], statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission [européenne], détermine les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la TVA. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation. »

Le droit hongrois

8

L’article 119, paragraphe 1, de l’az általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi no CXXVII de 2007, relative à la taxe sur la valeur ajoutée, ci-après la « loi sur la TVA ») prévoit que, à moins que la loi n’en dispose autrement, le droit à déduction de la taxe prend naissance au moment où il faut établir la taxe due correspondant à la taxe en amont, y compris dans le cas où la taxe due est établie en application des dispositions de l’article 196/B, paragraphe 2), sous a), de cette loi.

9

L’article 120, sous a), de la loi sur la TVA dispose que, dans la mesure où les biens ou les services sont utilisés, ou exploités d’une autre manière, par l’assujetti – agissant en cette qualité – en vue d’effectuer des livraisons de biens ou des prestations de services taxées, celui-ci a le droit de déduire du montant de la taxe dont il est redevable la taxe qui lui est facturée par tout autre assujetti, y compris toute personne ou entité soumise à l’impôt simplifié sur les sociétés, à l’occasion de l’acquisition des biens ou de l’utilisation des services.

10

L’article 8, paragraphe 1, sous d), de l’az társasági adóról és az osztalék adóról szóló 1996. évi LXXXI. törvény (loi no LXXXI de 1996, relative à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur les dividendes, ci-après la « loi sur l’impôt des sociétés ») prévoit que le résultat avant impôt est majoré des montants comptabilisés à titre de charges ou de dépenses et portés en déduction dudit résultat, y compris les amortissements pour dépréciation des immobilisations incorporelles et corporelles, qui n’ont pas de lien avec l’activité entrepreneuriale ou génératrice de revenus, compte tenu en particulier des dispositions de l’annexe 3 de cette même loi.

11

Le point 4 de l’annexe 3 de la loi sur l’impôt des sociétés dispose :

« Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous d), ne sont notamment pas considérées comme charges ou dépenses encourues dans l’intérêt de l’activité entrepreneuriale : la contrepartie (totale ou partielle) d’un service dépassant 200000 forints hongrois (HUF) [(environ 555 euros)] hors TVA, lorsque les circonstances (en particulier l’activité entrepreneuriale du contribuable, son chiffre d’affaires, la nature du service ou la contrepartie de celui-ci) permettent de conclure avec certitude que le recours à ce service est contraire aux exigences d’une gestion raisonnable ; les contreparties des services fournis par la même personne au même titre au cours de l’exercice fiscal sont prises en considération de façon globale ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

Amper Metal est une société hongroise active dans le secteur des installations électriques.

13

Au cours de l’année 2014, Amper Metal a conclu un contrat avec la société Sziget-Reklám Kft., portant sur la fourniture de services publicitaires, qui consistaient à apposer des autocollants publicitaires, portant l’enseigne d’Amper Metal, sur des voitures lors d’un championnat de course automobile en Hongrie. Ces services ont fait l’objet de douze factures émises en 2014 par Sziget-Reklám, pour un montant total de 48000000 HUF (environ 133230 euros), auquel s’ajoutait la TVA, fixée à un taux de 27 %, correspondant à la somme de 12960000 HUF (environ 35970 euros). Amper Metal a déduit la TVA acquittée pour ces services dans ses déclarations fiscales relatives à la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2014.

14

À l’issue d’un contrôle a posteriori de ces déclarations, l’administration fiscale hongroise de premier degré a rejeté cette déduction. En outre, au titre d’un redressement fiscal, elle a imposé à Amper Metal le paiement d’une somme correspondant au montant de la TVA indûment déduite et lui a infligé une amende fiscale d’un montant de 3240000 HUF (environ 8991 euros), ainsi qu’une pénalité de retard d’un montant de 868000 HUF (environ 2409 euros). Cette administration fiscale a considéré que les frais afférents aux services publicitaires concernés ne constituaient pas une charge liée à des opérations taxées génératrices de revenus pour Amper Metal et que la TVA acquittée par Amper Metal n’était donc pas déductible en vertu de l’article 120 de la loi sur la TVA.

15

À l’appui de sa décision, ladite administration fiscale a invoqué des avis d’experts judiciaires en matière fiscale et publicitaire. Selon ces derniers, lesdits services publicitaires étaient trop coûteux et ne présentaient, en réalité, aucune utilité pour Amper Metal, notamment eu égard à la nature de la clientèle de cette société, à savoir des fabriques de papier, des ateliers de laminage à chaud et d’autres installations industrielles, qui n’étaient pas susceptibles de voir leurs décisions commerciales influencées par des autocollants figurant sur des voitures de course. Cette même administration fiscale a précisé, à cet égard, que le contrat de services publicitaires ne satisfaisait pas aux exigences d’une « gestion raisonnable », au sens du point 4 de l’annexe 3 de la loi sur l’impôt des sociétés.

16

Amper Metal a formé un recours administratif devant l’administration fiscale de second degré, laquelle a rejeté ce recours et confirmé la décision de l’administration fiscale de premier degré.

17

C’est dans ce contexte qu’Amper Metal a saisi la juridiction de renvoi en vue de demander l’annulation des décisions des administrations fiscales hongroises de premier degré et de second degré. Amper Metal fait valoir que le droit à déduction de la TVA peut être exercé même si la dépense effectuée par l’assujetti n’a été ni raisonnable ni économiquement rentable, de telle sorte que la prétendue absence de valeur publicitaire des services fournis serait sans incidence sur ce droit. De même, l’exigence d’une utilité susceptible d’être chiffrée, élément par élément, serait contraire au droit de l’Union, la finalité du système commun de TVA étant de garantir une parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient leurs buts ou leurs résultats, à condition que ces activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA. Amper Metal ajoute que la base d’imposition correspond à la contrepartie effectivement reçue par le prestataire, en l’occurrence Sziget-Reklám, de telle sorte que l’on ne pourrait lui refuser le droit à déduction au motif que le prix versé audit prestataire serait prétendument disproportionné.

18

La direction des recours de l’administration nationale des impôts et des douanes affirme, quant à elle, que l’absence de rationalité économique fait obstacle à l’exercice du droit à déduction de la TVA. Elle soutient en outre que l’article 80, paragraphe 1, de la directive TVA permet de rectifier la base d’imposition telle qu’elle figure sur une facture, lorsque celle-ci ne correspond pas à une valeur normale de marché, ce qui serait le cas en l’occurrence.

19

La juridiction de renvoi considère que la question principale qui se pose dans le cadre du litige au principal est de savoir si un assujetti exerçant exclusivement une activité imposable ne peut prétendre à la déduction de la TVA payée en amont que s’il peut démontrer de façon objective, en s’appuyant sur des données concrètes, l’utilité du service auquel il a eu recours. Selon cette juridiction, l’article 120, sous a), de la loi sur la TVA, lequel comporte les termes « exploités d’une autre manière », requerrait, selon sa signification en langue hongroise, une utilisation aboutissant à un résultat, ainsi qu’une exploitation efficace et rentable. Or, ladite juridiction s’interroge sur la conformité d’une telle exigence à l’aune du droit de l’Union. Ainsi, il conviendrait de clarifier si l’article 168, sous a), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la déductibilité de la TVA implique nécessairement une rentabilité démontrable, revêtant la forme d’une augmentation du chiffre d’affaires de l’assujetti.

20

C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 168, [première phrase] et sous a), de la [directive TVA] doit-il ou peut-il être interprété en ce sens que, en vertu de cette disposition – en raison de l’expression « utilisés » qui y figure –, la déduction de la TVA pour une opération relevant du champ d’application de la directive TVA ne peut pas être refusée au motif que, selon l’appréciation de l’administration fiscale, le service fourni par l’émetteur de la facture au cours d’une opération entre parties indépendantes n’a pas été “utile” pour l’activité imposable du destinataire de la facture parce que :

la valeur du service (service publicitaire) fourni par la partie qui émet la facture est disproportionnée par rapport à l’utilité (en termes de chiffre d’affaires ou d’augmentation du chiffre d’affaires) de ce même service pour son destinataire ou

ce service (service publicitaire) n’a généré aucun chiffre d’affaires pour son destinataire ?

2)

L’article 168, [première phrase] et sous a), de la directive TVA doit-il ou peut-il être interprété en ce sens que, en vertu de cette disposition, la déduction de la TVA pour une opération relevant du champ d’application de la directive TVA peut être refusée au motif que, selon l’appréciation de l’administration fiscale, le service fourni par l’émetteur de la facture au cours d’une opération entre parties indépendantes a une valeur disproportionnée parce que le service (service publicitaire) est coûteux ou d’un prix excessif par rapport à un ou plusieurs autres services, utilisés comme référence ? »

Sur les questions préjudicielles

21

Par ses questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 168, sous a), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’un assujetti ne peut pas déduire la TVA acquittée en amont pour des services publicitaires au motif, d’une part, que le prix facturé pour de tels services serait excessif par rapport à une valeur de référence définie par l’administration fiscale nationale et, d’autre part, que de tels services n’auraient pas donné lieu à une augmentation du chiffre d’affaires de cet assujetti.

22

Aux termes de l’article 168, sous a), de la directive TVA, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti.

23

À ce titre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit à déduction fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont. Le régime des déductions vise, en effet, à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que ces activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA. Dans la mesure où l’assujetti, agissant en tant que tel au moment où il acquiert un bien ou un service, utilise ce bien ou ce service pour les besoins de ses opérations taxées, celui-ci est autorisé à déduire la TVA due ou acquittée pour ledit bien ou ledit service (arrêts du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, points 25 à 27, ainsi que du 16 septembre 2020, Mitteldeutsche Hartstein-Industrie, C-528/19, EU:C:2020:712, points 23 à 25 et jurisprudence citée).

24

En l’occurrence, la juridiction de renvoi s’interroge quant à la signification du terme « utilisés », tel qu’il est employé dans le libellé de l’article 168, sous a), de la directive TVA. En particulier, elle se demande si le caractère excessif du prix facturé pour les services fournis à l’assujetti, d’une part, et si la circonstance que ces services n’ont généré aucune augmentation du chiffre d’affaires dans le chef de l’assujetti, d’autre part, sont susceptibles de faire obstacle au droit de déduire la TVA acquittée en amont pour ces services.

25

Premièrement, s’agissant du constat relatif au caractère excessif du prix facturé pour des services fournis à l’assujetti et de son incidence sur le droit à déduction, il convient de relever, d’une part, que l’application de l’article 168, sous a), de la directive TVA présuppose l’existence, en amont, d’une opération qui soit elle-même soumise à la TVA.

26

À cet égard, il découle d’une jurisprudence constante qu’une prestation de services n’est effectuée à titre onéreux, au sens de la directive TVA, et n’est dès lors taxable, que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire. Tel est le cas s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue, les sommes versées constituant la contrepartie effective du service individualisable fourni dans le cadre d’un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées (arrêt du 21 janvier 2021, UCMR – ADA, C-501/19, EU:C:2021:50, point 31 et jurisprudence citée).

27

Un lien direct existe lorsque deux prestations se conditionnent mutuellement, à savoir que l’une n’est effectuée qu’à la condition que l’autre le soit également, et réciproquement (arrêt du 11 mars 2020, San Domenico Vetraria, C-94/19, EU:C:2020:193, point 26 et jurisprudence citée). En revanche, le fait qu’une opération économique soit effectuée à un prix supérieur ou inférieur au prix de revient, et, partant, à un prix supérieur ou inférieur au prix normal du marché, est sans pertinence s’agissant de la qualification d’opération à titre onéreux, une telle circonstance n’étant pas de nature à affecter le lien direct entre les prestations de services effectuées ou à effectuer et la contrepartie reçue ou à recevoir dont le montant est déterminé à l’avance et selon des critères bien établis (arrêt du 15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C-846/19, EU:C:2021:277, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

28

D’autre part, s’agissant du montant de TVA pouvant être déduit par l’assujetti, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence rappelée au point 23 du présent arrêt, le droit à déduction s’exerce, en principe, pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont, ces taxes étant calculées en fonction de la base d’imposition applicable. Selon la règle générale énoncée à l’article 73 de la directive TVA, pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77 de cette directive, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. Il s’agit donc de la contrepartie établie entre les parties et versée au fournisseur ou au prestataire, et non d’une valeur objective, telle que la valeur de marché ou une valeur de référence déterminée par l’administration fiscale.

29

Si l’article 80 de la directive TVA institue, afin de prévenir la fraude et l’évasion fiscales, une exception à ladite règle générale, en prévoyant que la base d’imposition peut correspondre à la valeur normale de l’opération concernée, il y a lieu de rappeler que cette disposition ne concerne que les livraisons de biens et les prestations de services à des bénéficiaires avec lesquels il existe des liens familiaux ou d’autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d’affiliation, financiers ou juridiques, tels que définis par l’État membre concerné.

30

Deuxièmement, s’agissant du constat de l’absence d’augmentation du chiffre d’affaires de l’assujetti, qui témoignerait de l’inutilité des services fournis à celui-ci en amont, il convient de rappeler d’emblée que l’article 168, sous a), de la directive TVA présuppose que les biens et les services acquis en amont par l’assujetti sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées. En particulier, au titre de l’article 176, premier alinéa, de la directive TVA, sont expressément exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation. Ainsi, si la dépense exposée par l’assujetti en amont doit revêtir un caractère professionnel et si les biens ou les services acquis doivent être utilisés pour les besoins des opérations taxées de l’assujetti, ni l’article 168, sous a), ni l’article 176, premier alinéa, de la directive ne subordonnent l’exercice du droit à déduction à un critère relatif à l’augmentation du chiffre d’affaires de l’assujetti ni, plus généralement, à un critère de rentabilité économique de l’opération effectuée en amont.

31

En revanche, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit. Le droit à déduction de la TVA grevant l’acquisition de biens ou de services en amont présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction (arrêts du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 28, ainsi que du 16 septembre 2020, Mitteldeutsche Hartstein-Industrie, C-528/19, EU:C:2020:712, point 26 et jurisprudence citée).

32

Il est également de jurisprudence constante que, même en l’absence d’un tel lien, un droit à déduction est admis en faveur de l’assujetti lorsque les coûts des opérations en cause font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent en effet un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (arrêts du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 29, et du 16 septembre 2020, Mitteldeutsche Hartstein-Industrie, C-528/19, EU:C:2020:712, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

33

Il en résulte que l’existence du droit à déduction est déterminée en fonction des opérations en aval auxquelles les opérations en amont sont affectées. L’existence d’un lien direct et immédiat présuppose que le coût des prestations en amont est incorporé respectivement dans le prix d’opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l’assujetti dans le cadre de ses activités économiques (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2020, Mitteldeutsche Hartstein-Industrie, C-528/19, EU:C:2020:712, point 28 et jurisprudence citée).

34

Il appartient aux administrations fiscales et aux juridictions nationales de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations concernées et de tenir compte des seules opérations qui sont objectivement liées à l’activité imposable de l’assujetti. L’existence d’un tel lien doit ainsi être appréciée au regard du contenu objectif de l’opération en question (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 31, et du 16 septembre 2020, Mitteldeutsche Hartstein-Industrie, C-528/19, EU:C:2020:712, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

35

Dans le cadre de cette appréciation, l’absence d’augmentation du chiffre d’affaires de l’assujetti ne saurait avoir d’incidence sur l’exercice du droit à déduction. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 23 du présent arrêt, le système commun de TVA garantit la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA. Dès lors, le droit à déduction, une fois né, reste acquis même si, ultérieurement, l’activité économique envisagée n’a pas été réalisée et, partant, n’a pas donné lieu à des opérations taxées ou si l’assujetti n’a pu utiliser les biens ou les services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxables en raison de circonstances étrangères à sa volonté (arrêt du 12 novembre 2020, Sonaecom, C-42/19, EU:C:2020:913, points 38 et 40 ainsi que jurisprudence citée).

36

En l’occurrence, pour autant que l’opération effectuée en amont, à savoir la fourniture de services publicitaires à Amper Metal, constitue une opération soumise à la TVA, conformément aux principes rappelés aux points 26 et 27 du présent arrêt, le fait que le prix acquitté soit supérieur au prix du marché ou à une éventuelle valeur de référence déterminée par l’administration fiscale pour des services publicitaires analogues ne saurait justifier un refus de l’exercice du droit à déduction au détriment de l’assujetti.

37

Dans ce contexte, le montant de la TVA pouvant être déduite devra être déterminé conformément à la base d’imposition pertinente, à la lumière des exigences visées au point 28 du présent arrêt, à savoir en fonction de la contrepartie effectivement acquittée par l’assujetti, telle qu’elle ressort des factures produites par ce dernier. En revanche, l’article 80 de la directive TVA est dénué de pertinence dans la mesure où le litige au principal concerne une opération entre parties indépendantes.

38

Eu égard aux circonstances en cause au principal, la juridiction de renvoi devra apprécier, à la lumière du contenu objectif des services publicitaires en cause au principal, si ces derniers entretiennent un lien direct et immédiat avec une opération effectuée en aval ouvrant droit à déduction ou, à défaut, avec l’ensemble de l’activité économique d’Amper Metal, au titre de ses frais généraux, ou si lesdits services constituent des dépenses de représentation dénuées de caractère strictement professionnel, au sens de l’article 176, premier alinéa, de la directive TVA.

39

Il appartiendra à la juridiction de renvoi de déterminer, notamment, si l’apposition d’autocollants publicitaires sur des voitures à l’occasion du championnat de course automobile en cause au principal avait pour but la promotion des biens et des services commercialisés par Amper Metal, de sorte qu’elle pourrait figurer parmi les frais généraux de l’entreprise, ou si, au contraire, la dépense exposée à cette occasion se révèle dénuée de tout caractère professionnel et de tout lien avec l’activité économique de ladite entreprise. Conformément au constat posé au point 35 du présent arrêt, la circonstance que les services acquis par Amper Metal n’ont pas abouti à une augmentation de son chiffre d’affaires n’est pas pertinente aux fins de ladite appréciation.

40

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que l’article 168, sous a), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’un assujetti peut déduire la TVA acquittée en amont pour des services publicitaires dès lors qu’une telle prestation de services constitue une opération soumise à la TVA, au sens de l’article 2 de la directive TVA, et qu’elle présente un lien direct et immédiat avec une ou plusieurs opérations taxables en aval ou avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti, au titre de ses frais généraux, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération la circonstance que le prix facturé pour de tels services serait excessif par rapport à une valeur de référence définie par l’administration fiscale nationale ou que ces services n’auraient pas donné lieu à une augmentation du chiffre d’affaires de cet assujetti.

Sur les dépens

41

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

L’article 168, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu’un assujetti peut déduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont pour des services publicitaires dès lors qu’une telle prestation de services constitue une opération soumise à la TVA, au sens de l’article 2 de la directive 2006/112, et qu’elle présente un lien direct et immédiat avec une ou plusieurs opérations taxables en aval ou avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti, au titre de ses frais généraux, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération la circonstance que le prix facturé pour de tels services serait excessif par rapport à une valeur de référence définie par l’administration fiscale nationale ou que ces services n’auraient pas donné lieu à une augmentation du chiffre d’affaires de cet assujetti.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le hongrois.