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 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

9 septembre 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 98 – Faculté pour les États membres d’appliquer un taux réduit de TVA à certaines livraisons de biens et prestations de services – Annexe III, point 7 – Droit d’admission aux parcs d’attraction et aux foires – Principe de neutralité fiscale – Prestations réalisées par des forains sédentaires et par des forains itinérants – Comparabilité – Contexte – Point de vue du consommateur moyen – Expertise judiciaire »

Dans l’affaire C-406/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzgericht Köln (tribunal des finances de Cologne, Allemagne), par décision du 25 août 2020, parvenue à la Cour le 28 août 2020, dans la procédure

Phantasialand

contre

Finanzamt Brühl,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Kumin (rapporteur), président de chambre, M. T. von Danwitz et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Phantasialand, par MM. T. Ketteler-Eising et P. Peplowski, conseillers fiscaux,

pour le gouvernement allemand, par MM. R. Kanitz et J. Möller ainsi que par Mme S. Costanzo, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. L. Mantl et V. Uher, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 98, paragraphe 2, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »), lu en combinaison avec l’annexe III, point 7, de cette directive.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Phantasialand au Finanzamt Brühl (bureau des impôts de Brühl, Allemagne) (ci–après le « bureau des impôts ») au sujet du taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux droits d’admission au parc de loisirs exploité par cette société.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive TVA

3

L’article 96 de la directive TVA énonce :

« Les États membres appliquent un taux normal de TVA fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services. »

4

L’article 98, paragraphes 1 et 2, de cette directive est ainsi libellé :

« 1.   Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits.

2.   Les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III.

[...] »

5

L’annexe III de ladite directive contient la liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits de TVA visés à l’article 98 de cette directive. Le point 7 de cette annexe couvre les services suivants :

« le droit d’admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d’attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires ».

Le règlement d’exécution no 282/2011

6

Aux termes de l’article 32 du règlement d’exécution (UE) no 282/2011 du Conseil, du 15 mars 2011, portant mesures d’exécution de la directive 2006/112 (JO 2011, L 77, p. 1) :

« 1.   Les services ayant pour objet l’accès à des manifestions culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires visés à l’article 53 de la directive [TVA] comprennent les prestations de services dont les caractéristiques essentielles consistent à octroyer un droit d’accès à une manifestation en échange d’un billet ou d’une rémunération, y compris une rémunération sous forme d’un abonnement ou d’une cotisation périodique.

2.   Le paragraphe 1 s’applique notamment :

a)

au droit d’accès à des spectacles, représentations théâtrales, spectacles de cirques, foires, parcs d’attraction, concerts, expositions, ainsi qu’à d’autres manifestations culturelles similaires ;

[...] »

Le droit allemand

7

L’article 12 de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« UStG »), dispose, à son paragraphe 2 :

« La taxe est réduite à 7 % pour les opérations suivantes :

[...]

7.   [...]

d)

les spectacles de cirque, les prestations de l’activité de forain, ainsi que le chiffre d’affaires directement lié à l’exploitation de jardins zoologiques [...] ».

8

En vertu de l’article 30 de l’Umsatzsteuer-Durchführungsverordnung (règlement d’application de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), concernant l’article 12, paragraphe 2, point 7, sous d), de l’UStG, sont considérés comme des prestations de l’activité de forain « les ventes foraines, prestations musicales, spectacles et autres divertissements dans le cadre de foires, de fêtes populaires, de fêtes de tir ou de manifestations similaires ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Phantasialand exploite un parc de loisirs en Allemagne. Moyennant le paiement d’un ticket d’entrée, les visiteurs achètent le droit d’utiliser les installations de ce parc.

10

Dans une demande du 9 novembre 2015, tendant à la modification de l’avis d’imposition sur le chiffre d’affaires pour l’année 2014 dont elle avait été destinataire, Phantasialand a affirmé que les droits d’admission à son parc de loisirs devaient être taxés non pas au taux normal de TVA, mais au taux réduit de TVA, conformément à l’article 12, paragraphe 2, point 7, sous d), de l’UStG.

11

Le bureau des impôts a rejeté cette demande, par décision du 6 janvier 2016, puis la réclamation formée contre cette décision, par décision du 4 avril 2017.

12

Phantasialand a alors introduit un recours devant le Finanzgericht Köln (tribunal des finances de Cologne, Allemagne), la juridiction de renvoi.

13

Selon Phantasialand, est contraire au principe de neutralité fiscale le fait que, en vertu de la réglementation nationale, un taux réduit de TVA est appliqué aux opérations réalisées par les forains non-sédentaires à l’occasion de foires à caractère saisonnier et temporaire, alors que celles réalisées par les forains sédentaires, telles que celles en cause au principal, sont soumises au taux normal de TVA.

14

Le bureau des impôts conteste cette position et s’appuie, à cet égard, sur un arrêt du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), du 2 août 2018, dans lequel celui-ci a jugé que le traitement différent réservé, du point de vue de la TVA, aux prestations de forains itinérants par rapport aux prestations d’un parc d’attraction, comparable à celui en cause au principal, ne violait pas le principe de neutralité fiscale.

15

La juridiction de renvoi nourrit des doutes à l’égard de cette interprétation.

16

Tout d’abord, dans la mesure où le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) aurait, à ce titre, notamment invoqué l’énumération des expressions « foires » et « parcs d’attraction », figurant à l’annexe III, point 7, de la directive TVA, la juridiction de renvoi relève que, contrairement à d’autres versions linguistiques, cette énumération ne trouve pas d’équivalent dans la version allemande de l’article 32 du règlement d’exécution no 282/2011, qui mentionne seulement le terme « Freizeitparks » (« parcs de loisirs »). Dès lors que ce dernier terme désignerait, dans son sens habituel, les parcs d’attraction établis de manière permanente, elle considère que des clarifications relatives à la définition et à la distinction des notions de « foires » et de « parcs d’attraction » sont nécessaires.

17

Ensuite, la juridiction de renvoi précise que, dans son arrêt du 2 août 2018, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a considéré que les prestations d’une entreprise foraine sédentaire ayant la forme d’un parc de loisirs ne sont pas semblables aux prestations de forains qui exercent leur activité de manière itinérante dans le cadre de foires, compte tenu des contextes différents dans lesquels ces prestations sont réalisées.

18

À cet égard, la juridiction de renvoi déduit de la jurisprudence de la Cour que, en tant que contexte des prestations à comparer, il convient de tenir seulement compte des différences du cadre réglementaire et du régime juridique régissant les prestations concernées.

19

Or, en l’occurrence, le contexte des deux types de prestations foraines ne se caractériserait pas par des cadres réglementaires distincts. En effet, la législation n’imposerait ni aux entreprises foraines comme Phantasialand ni aux forains opérant lors de foires l’obligation de demander un ticket global pour l’utilisation de toutes les attractions ou, au contraire, un prix distinct pour chaque prestation proposée. En outre, les attractions mécaniques des parcs de loisirs, tout comme celles des foires, seraient soumises à la même norme de sécurité, et ni les forains sédentaires, ni les forains itinérants ne se verraient prescrire par la loi à quel moment de l’année ils devraient offrir leurs prestations. Dès lors, il importerait de déterminer si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, est applicable la jurisprudence de la Cour selon laquelle des différences liées au contexte des prestations peuvent justifier une taxation différenciée.

20

Enfin, la juridiction de renvoi considère que, en supposant que le contexte des prestations réalisées par les forains itinérants lors de foires ne diffère pas de celui des prestations réalisées par des entreprises sédentaires, le critère pertinent est de savoir quels besoins sont satisfaits, du point de vue du consommateur moyen actuel, d’une part dans une foire et, d’autre part, dans un parc de loisirs. Une fois ces besoins déterminés, il conviendrait d’apprécier si les deux prestations répondent aux mêmes besoins et si les éventuelles différences influent sur le choix du consommateur moyen.

21

À cet égard, la juridiction de renvoi ne s’estime en mesure de procéder à cette appréciation que si elle a recours à une expertise judiciaire empirique. Or, selon la jurisprudence du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), il n’est pas nécessaire de recueillir par voie d’expertises empiriques des preuves sur le point de vue du consommateur moyen relatif à deux prestations dans le contexte du principe de neutralité fiscale, ce point de vue n’étant qu’une « perspective mentale ». Ainsi, la juridiction de renvoi considère qu’est décisive pour l’issue du litige dont elle est saisie la question de savoir si elle est en droit de recueillir des preuves sur le point de vue du consommateur moyen, ou si un tel point de vue ne constitue qu’une perspective mentale, impossible à appréhender en recueillant des preuves.

22

Dans ces conditions, le Finanzgericht Köln (tribunal des finances de Cologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La mention tant des “foires” que des “parcs d’attraction”, faite au point 7 de l’annexe III de la directive [TVA], considérée en combinaison avec l’article 98, paragraphe 2, de cette directive, peut-elle être invoquée comme faisant la distinction entre ces deux termes en vue de taxer un parc de loisirs au taux normal, alors même que la notion de “parcs d’attraction” couvre aussi bien des entreprises foraines sédentaires que des entreprises foraines itinérantes ?

2)

La jurisprudence de la Cour, en vertu de laquelle il peut résulter du contexte dans lequel des prestations distinctes sont effectuées que ces dernières ne sont pas semblables, est-elle applicable aux prestations effectuées par des forains itinérants ainsi qu’aux prestations effectuées par des forains sédentaires et prenant la forme de parcs de loisirs ?

3)

En cas de réponse négative à la deuxième question :

Le “point de vue du consommateur moyen” – qui constitue, selon la jurisprudence de la Cour, un élément essentiel du principe de neutralité de la TVA – constitue-t-il une “perspective mentale” impossible à appréhender en recueillant des preuves au moyen d’une expertise judiciaire ? »

Sur les questions préjudicielles

23

Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 98 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’annexe III, point 7, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle, d’une part, les prestations réalisées par des forains itinérants et, d’autre part, celles réalisées par des forains sédentaires et prenant la forme de parcs de loisirs sont soumises à des taux de TVA distincts, l’un réduit, l’autre normal.

24

Selon l’article 96 de la directive TVA, le même taux de TVA, à savoir le taux normal fixé par chaque État membre, est applicable aux livraisons de biens et aux prestations de services. C’est par dérogation à ce principe que la possibilité d’appliquer des taux réduits de TVA est prévue, en vertu de l’article 98 de cette directive. L’annexe III de ladite directive énumère les catégories de livraisons de biens et de prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits visés à cet article 98 (arrêt du 9 novembre 2017, AZ, C-499/16, EU:C:2017:846, point 22 et jurisprudence citée).

25

S’agissant de l’application de taux réduits de TVA, il appartient aux États membres, sous réserve de respecter le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de la TVA, de déterminer plus précisément parmi les livraisons de biens et les prestations de services incluses dans les catégories de l’annexe III de la directive TVA celles auxquelles le taux réduit s’applique (arrêt du 9 novembre 2017, AZ, C-499/16, EU:C:2017:846, point 23 et jurisprudence citée).

26

Plus spécifiquement, l’annexe III, point 7, de la directive TVA permet aux États membres d’appliquer un taux réduit de TVA au « droit d’admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d’attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires ».

27

La juridiction de renvoi s’interroge, à cet égard, sur le point de savoir si la mention tant des « foires » que des « parcs d’attraction », à cette annexe III, point 7, peut être invoquée pour appliquer des taux de TVA différents, d’une part, aux prestations réalisées par des entreprises foraines sédentaires, telle que Phantasialand, et, d’autre part, aux prestations réalisées par des entreprises foraines itinérantes alors même que, selon cette juridiction, la notion de « parcs d’attraction » couvre les deux catégories d’entreprises foraines.

28

La directive TVA ne contient pas de définition de la notion de « foires », ni de celle de « parcs d’attraction », au sens de ladite annexe III, point 7, et le règlement d’exécution no 282/2011 ne prévoit, non plus, aucune définition de ces notions. En outre, ni la directive TVA ni le règlement d’exécution no 282/2011 ne comportent de renvoi au droit des États membres à cet égard, de sorte que lesdites notions constituent des notions autonomes du droit de l’Union devant être interprétées de manière uniforme sur le territoire de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Finanzamt Saarbrücken, C-288/19, EU:C:2021:32, point 39 et jurisprudence citée).

29

Partant, d’une part, il convient d’interpréter ces mêmes notions conformément à leur sens habituel dans le langage courant et, d’autre part, une interprétation stricte s’impose dès lors que la faculté d’appliquer un taux réduit de TVA constitue une dérogation au principe de l’application du taux normal (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Segler-Vereinigung Cuxhaven, C-715/18, EU:C:2019:1138, point 25 et jurisprudence citée).

30

S’agissant du sens habituel en langage courant des expressions « parc d’attraction » et « foire », ainsi que la Commission l’a, en substance, relevé dans ses observations écrites, l’expression « parc d’attraction » désigne un terrain aménagé, comportant diverses installations destinées à la détente et à l’amusement, tandis qu’une « foire », bien qu’elle soit, en général, également dotée de telles installations, se caractérise par le fait qu’elle a lieu, quoiqu’avec une certaine régularité, pendant une période temporaire.

31

Il y a également lieu de relever que l’annexe III, point 7, de la directive TVA énumère expressément tant les « foires » que les « parcs d’attraction », de sorte qu’il convient de distinguer entre ces deux notions.

32

Ainsi, relèvent de la notion de « foires » les prestations des forains qui opèrent temporairement au moyen d’installations itinérantes, alors que la notion de « parcs d’attraction » recouvre les activités exercées par les forains sédentaires, revêtant un caractère durable.

33

En revanche, la notion de « parcs d’attraction » ne saurait être interprétée comme englobant les prestations des forains itinérants, dès lors que la notion de « foires » n’aurait, dans cette hypothèse, plus de champ d’application propre.

34

Est dénuée de pertinence, à cet égard, la référence faite par la juridiction de renvoi à l’article 32 du règlement d’exécution no 282/2011, dans lequel les expressions « foires » et « parcs d’attraction » ont, dans la version allemande de cette disposition, pour seul équivalent le terme « Freizeitparks » (« parcs de loisirs »). En effet, outre le fait que cette disposition s’inscrit dans un contexte autre que celui de l’application de taux réduits de TVA, les prestations de services visées à cet article 32 sont obligatoirement soumises aux même règles, de sorte que la circonstance que, dans la version allemande, aucune distinction n’est établie entre les foires et les parcs d’attraction est sans incidence.

35

Il s’ensuit que, conformément à l’article 98 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’annexe III, point 7, de celle-ci, un État membre peut, en principe, appliquer un taux réduit de TVA aux prestations effectuées par des forains itinérants, tout en appliquant le taux normal à celles effectuées par des forains sédentaires et prenant la forme de parcs de loisirs.

36

Cela étant, et comme il l’a été rappelé au point 25 du présent arrêt, lorsqu’un État membre fait le choix d’appliquer de manière sélective le taux réduit de TVA à certaines prestations de services spécifiques figurant à l’annexe III de la directive TVA, il lui incombe de respecter le principe de neutralité fiscale (arrêt du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a., C-597/17, EU:C:2019:544, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

37

Ce principe s’oppose à ce que, du point de vue de la TVA, des biens ou des prestations de services semblables, qui se trouvent en concurrence les uns avec les autres, soient traités de manière différente (arrêts du 27 février 2014, Pro Med Logistik et Pongratz, C-454/12 et C-455/12, EU:C:2014:111, point 52, ainsi que du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a., C-597/17, EU:C:2019:544, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

38

Selon une jurisprudence constante, afin de déterminer si des biens ou des prestations de services sont semblables, il convient de tenir principalement compte du point de vue du consommateur moyen. Des biens ou des prestations de services sont semblables lorsqu’ils présentent des propriétés analogues et répondent aux mêmes besoins auprès du consommateur, en fonction d’un critère de comparabilité dans l’utilisation, et lorsque les différences existantes n’influent pas de manière considérable sur la décision du consommateur moyen de recourir à l’un ou à l’autre desdits biens ou prestations de services (arrêts du 27 février 2014, Pro Med Logistik et Pongratz, C-454/12 et C-455/12, EU:C:2014:111, points 53 et 54, ainsi que du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a., C-597/17, EU:C:2019:544, point 48 et jurisprudence citée).

39

En d’autres termes, il s’agit d’examiner si les biens ou les prestations de services en cause se trouvent, du point de vue du consommateur moyen, dans un rapport de substitution. En effet, dans cette hypothèse, l’application de taux de TVA différents est susceptible d’affecter le choix du consommateur, ce qui indiquerait, par conséquent, une violation du principe de neutralité fiscale (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2017, AZ, C-499/16, EU:C:2017:846, points 33 et 34).

40

En l’occurrence, il apparaît qu’est remplie la première condition résultant de la jurisprudence exposée au point 38 du présent arrêt selon laquelle des biens ou des prestations de services doivent, pour qu’ils soient considérés comme étant semblables, présenter des propriétés analogues et répondre aux mêmes besoins auprès du consommateur, en fonction d’un critère de comparabilité dans l’utilisation. En effet, la juridiction de renvoi fait observer que les prestations effectuées, d’une part, dans le cadre d’une foire et, d’autre part, dans le cadre d’un parc de loisirs présentent des propriétés analogues en ce que, dans chacun des deux cas de figure, le consommateur fait appel à des prestations foraines. En outre, quant aux besoins satisfaits, un haut degré de convergence peut être supposé dans la mesure où cette juridiction évoque, notamment, sous réserve de plus amples renseignements, le divertissement et les loisirs, ainsi que le bonheur individuel, la quête d’aventure et les opportunités de contacts.

41

Pour ce qui est de l’examen de la seconde condition selon laquelle les différences existantes n’influent pas de manière considérable sur la décision du consommateur moyen de recourir à l’un ou à l’autre desdits biens ou desdites prestations de services, il convient de tenir compte, d’une part, des différences qui concernent les propriétés des biens ou des prestations de services en cause ainsi que leur utilisation et qui sont, dès lors, inhérentes à ces biens ou à ces prestations de services. Or, la Cour ayant jugé qu’il ne faut pas se borner à mettre en regard des prestations isolées, il convient également de prendre en considération, d’autre part, des différences tenant au contexte dans lequel lesdites prestations sont effectuées (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Pro Med Logistik et Pongratz, C-454/12 et C-455/12, EU:C:2014:111, point 55 ainsi que jurisprudence citée).

42

À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que peuvent être pertinentes, en tant que contexte des prestations à comparer, des différences liées au cadre réglementaire et au régime juridique régissant les prestations concernées (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 2009, TNT Post UK, C-357/07, EU:C:2009:248, points 39 et 45, ainsi que du 27 février 2014, Pro Med Logistik et Pongratz, C-454/12 et C-455/12, EU:C:2014:111, points 57 à 59). Pourtant, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence que des différences autres que celles ayant trait au contexte juridique ne revêtent pas d’importance. Au contraire, la prise en compte d’autres différences contextuelles s’impose pour autant que celles-ci soient susceptibles de créer une distinction aux yeux du consommateur moyen, en termes de réponse à ses besoins propres (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Pro Med Logistik et Pongratz, C-454/12 et C-455/12, EU:C:2014:111, point 56 ainsi que jurisprudence citée), et qu’elles soient, dès lors, de nature à influer sur le choix de ce consommateur.

43

L’appréciation du caractère semblable ou non des prestations foraines offertes dans le cadre, d’une part, d’un parc de loisirs et, d’autre part, dans le cadre d’une foire, appartenant, en définitive, au juge national (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2017, AZ, C-499/16, EU:C:2017:846, point 31), il y a lieu de considérer que peut être pertinent pour cette appréciation le fait que, en l’occurrence, l’une des prestations est, en principe, disponible en permanence, tandis que l’autre ne l’est que durant quelques jours ou semaines dans l’année. En effet, pour un consommateur qui a le choix entre la visite d’un parc de loisirs ou d’une foire, la circonstance que la dernière ne se tienne que pendant une période limitée peut s’avérer importante, voire décisive.

44

Par ailleurs, ainsi que le fait valoir le gouvernement allemand, les foires reposent souvent sur une coutume ancrée dans la région, l’éventail des prestations globalement proposées étant très varié et d’ordre culturel. En tant qu’élément du patrimoine culturel, elles pourraient revêtir une valeur importante dans la vie sociale. De tels facteurs pourraient aussi influer sur le choix du consommateur moyen, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

45

En outre, alors que la juridiction de renvoi fait observer que, en Allemagne, le contexte des prestations fournies, d’une part, dans le cadre d’un parc de loisirs et, d’autre part, dans le cadre d’une foire, ne se caractérise pas par des cadres réglementaires distincts, il ressort des observations écrites du gouvernement allemand que les entreprises foraines itinérantes et les entreprises foraines sédentaires ne sont pas soumises au même cadre juridique national dans la mesure où l’autorisation de tenir une foire emporte divers « privilèges de marché » qui aboutissent, pour la durée fixée, à une exonération de certaines exigences légales normalement applicables telles que, notamment, les règles sur les horaires d’ouverture. À cet égard également, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si de telles différences, pour autant qu’elles soient avérées, ont une incidence sur le choix du consommateur moyen.

46

Au demeurant, quant à la question de savoir si, dans ce contexte, le juge national est en droit d’avoir recours à une expertise judiciaire empirique sur le point de vue du consommateur moyen, ou si ce point de vue ne constitue qu’une « perspective mentale », impossible à appréhender en recueillant des preuves, il convient de relever que le juge est, en général, à même d’appréhender par ses propres connaissances le point de vue du consommateur moyen (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, EU:C:1998:369, points 31 et 32, ainsi que du 28 janvier 1999, Sektkellerei Kessler, C-303/97, EU:C:1999:35, point 36).

47

Toutefois, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale, éprouvant des difficultés particulières lors de cette appréciation, sollicite, dans les conditions prévues en droit national, une expertise destinée à éclairer son jugement (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, EU:C:1998:369, points 35 et 36, ainsi que du 28 janvier 1999, Sektkellerei Kessler, C-303/97, EU:C:1999:35, point 37).

48

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 98 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’annexe III, point 7, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle, d’une part, les prestations réalisées par des forains itinérants et, d’autre part, celles réalisées par des forains sédentaires et prenant la forme de parcs de loisirs sont soumises à des taux de TVA distincts, l’un réduit, l’autre normal, à condition que le principe de neutralité fiscale soit respecté. Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que la juridiction de renvoi, lorsqu’elle éprouve des difficultés particulières en vérifiant le respect du principe de neutralité fiscale, sollicite, dans les conditions prévues en droit national, une expertise destinée à éclairer son jugement.

Sur les dépens

49

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

L’article 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lu en combinaison avec l’annexe III, point 7, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle, d’une part, les prestations réalisées par des forains itinérants et, d’autre part, celles réalisées par des forains sédentaires et prenant la forme de parcs de loisirs sont soumises à des taux de taxe sur la valeur ajoutée distincts, l’un réduit, l’autre normal, à condition que le principe de neutralité fiscale soit respecté. Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que la juridiction de renvoi, lorsqu’elle éprouve des difficultés particulières en vérifiant le respect du principe de neutralité fiscale, sollicite, dans les conditions prévues en droit national, une expertise destinée à éclairer son jugement.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.