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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

1er août 2022 (*) 

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 56 – Prestations de services d’assurance – Lieu de rattachement fiscal – Services de règlement des sinistres fournis par des sociétés tierces au nom et pour le compte d’un assureur »

Dans l’affaire C-267/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), par décision du 25 mars 2021, parvenue à la Cour le 23 avril 2021, dans la procédure

Uniqa Asigurări SA

contre

Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală de Soluţionare a Contestaţiilor,

Direcţia Generală de Administrare a Marilor Contribuabili,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. M. Ilešič et Z. Csehi (rapporteur), juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Uniqa Asigurări SA, par Me R. Bufan, avocat,

–        pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et A. Rotăreanu, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes A. Armenia et E. A. Stamate, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 59 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2008/8/CE du Conseil, du 12 février 2008 (JO 2008, L 44, p. 11).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Uniqa Asigurări SA (ci-après « Uniqa »), dont le siège est établi en Roumanie, à l’Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală de Soluţionare a Contestaţiilor (Agence nationale de l’administration fiscale – direction générale du traitement des réclamations, Roumanie) et à la Direcţia Generală de Administrare a Marilor Contribuabili (direction générale pour l’administration des grands contribuables, Roumanie) (ci-après, ensemble, l’« administration fiscale»), au sujet de la détermination, pour les besoins de la perception de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), du lieu où une prestation de services est réputée être effectuée.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La sixième directive

3        L’article 9, intitulé « Prestations de services », de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive »), disposait :

« 1.      Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.

2.      Toutefois :

[...]

c)      le lieu des prestations de services ayant pour objet :

[...]

–        des expertises de biens meubles corporels,

[...]

est l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées ;

e)      le lieu des prestations de services suivantes, rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle :

[...]

–        les prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d’études, avocats, experts-comptables et autres prestations similaires, ainsi que le traitement de données et la fourniture d’informations,

[...] »

4        La sixième directive a été abrogée et remplacée par la directive 2006/112, entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

 La directive 2006/112

5        Le titre V de la directive 2006/112, intitulé « Lieu des opérations imposables », comportait, notamment, un chapitre 3, lui-même intitulé « Lieu des prestations de services », dans lequel figuraient les articles 43 à 59 de cette directive.

6        L’article 56, paragraphe 1, sous c), de ladite directive disposait :

« Le lieu des prestations de services suivantes, fournies à des preneurs établis en dehors de [l’Union européenne] ou à des assujettis établis dans [l’Union] mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou dispose d’un établissement stable pour lequel la prestation de services a été fournie ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle :

[...]

c)      les prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d’études, avocats, experts-comptables et autres prestations similaires, ainsi que le traitement de données et la fourniture d’informations ;

[...] »

7        L’article 59, sous c), de la directive 2006/112, telle que modifiée par la directive 2008/8, dispose, à partir du 1er janvier 2010 :

« Le lieu des prestations de services suivantes, fournies à une personne non assujettie qui est établie ou a son domicile ou sa résidence habituelle hors de [l’Union], est l’endroit où cette personne est établie ou a son domicile ou sa résidence habituelle :

[...]

c)      les prestations des conseillers, des ingénieurs, des bureaux d’études, des avocats, des experts-comptables et autres prestations similaires, ainsi que le traitement de données et la fourniture d’informations ;

[...] »

 Le droit roumain

8        L’article 133 de la Legea nr. 571/2003 privind Codul fiscal (loi no 571/2003, portant code des impôts), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code des impôts »), dispose :

« (1)      Le lieu de prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire est établi ou dispose d’un établissement stable à partir duquel la prestation de services est effectuée.

(2)      Par dérogation aux dispositions du paragraphe 1, pour les prestations de services suivantes, le lieu de prestation de services est réputé être :

[...]

g)      l’endroit où le preneur de la prestation de services est établi ou dispose d’un établissement stable, à condition que ledit preneur soit établi ou dispose d’un établissement stable en dehors de [l’Union] ou qu’il soit un assujetti agissant en tant que tel, établi ou disposant d’un établissement stable dans [l’Union], mais pas dans le même État que le prestataire, dans le cas des services suivants :

[...]

5.      services des conseillers, des ingénieurs, des juristes et des avocats, ainsi que des comptables, experts-comptables, des bureaux d’études et autres services similaires ;

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

9        Uniqa offre, en Roumanie, des polices d’assurance couvrant les risques d’accidents automobiles et de frais médicaux, survenus hors du territoire de cet État membre.

10      S’agissant de l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, Uniqa a conclu des partenariats avec 26 sociétés ayant leur siège en dehors du territoire roumain (ci-après les « sociétés partenaires »). Ces sociétés partenaires règlent les sinistres des clients d’Uniqa dans le pays où l’accident est survenu. Elles gèrent les demandes d’indemnisation en procédant, notamment, à l’ouverture des dossiers de réclamation, à la vérification de la validité de la police d’assurance, à l’examen des causes et des circonstances de l’accident, au constat des dégâts, à l’évaluation des dommages, à la proposition des solutions de remplacement ou de réparation, à l’estimation de l’indemnisation, à la vérification de devis, ainsi qu’à l’indemnisation des réparations et à l’examen des recouvrements. Pour les dommages matériels d’un montant inférieur ou égal à 15 000 euros causés par un accident, ces sociétés partenaires sont libres d’approuver ou de rejeter les demandes d’indemnisation tout en restant responsables, tant à l’égard des assurés que d’Uniqa, de la motivation et du montant des paiements effectués à titre de règlement des sinistres. Pour les dommages matériels d’un montant supérieur à 15 000 euros, elles sont tenues de collaborer avec Uniqa aux fins du règlement d’une demande d’indemnisation.

11      S’agissant des assurances médicales, Coris International, gère, au nom et pour le compte d’Uniqa, les demandes d’indemnisation formées par les preneurs d’assurance. En particulier, Coris International s’engage à garantir aux assurés une assistance 24 heures par jour ainsi qu’à leur fournir une assistance technique, organisationnelle et juridique. En outre, cette société fixe le montant des indemnités et en assure le paiement, et informe Uniqa des évènements survenus.

12      Uniqa n’a pas déclaré la TVA due au titre du régime de l’autoliquidation sur les prestations qui lui avait été facturées par les sociétés partenaires et par Coris International entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009 pour leurs honoraires de gestion et de règlement des réclamations, au motif que, conformément à l’article 133, paragraphe 1, du code des impôts, le lieu de ces prestations était le lieu d’établissement du prestataire de services.

13      Au terme d’un contrôle portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2011, l’administration fiscale a imposé à Uniqa d’acquitter un supplément de TVA d’un montant total de 3 439 412 lei roumains (RON) (environ 698 596 euros) ainsi que des obligations accessoires d’un montant total de 3 706 077 RON (environ 752 760 euros) afférent aux prestations mentionnées au point précédent.

14      L’administration fiscale a estimé qu’il convenait d’appliquer non pas la règle générale prévue à l’article 133, paragraphe 1, du code des impôts, mais l’exception énoncée à l’article 133, paragraphe 2, sous g), point 5, de ce code. Elle a, par conséquent, considéré que le lieu de prestation des services fournis par les sociétés partenaires et par Coris International se situait dans l’État membre où le preneur de ces services est établi, à savoir en Roumanie.

15      Par décision du 15 septembre 2016, la réclamation fiscale formée par Uniqa contre l’avis d’imposition et le rapport de contrôle fiscal mettant à la charge de celle-ci le paiement des sommes telles que mentionnées au point 13 du présent arrêt a été rejetée. Uniqa a alors introduit, le 23 décembre 2016, une demande d’annulation de cette décision ainsi que de cet avis d’imposition et de ce rapport devant la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie).

16      Par un arrêt du 19 juin 2018, cette juridiction a confirmé que le lieu de prestation des services de règlement des sinistres est l’endroit où le preneur a établi son siège, en l’occurrence la Roumanie, en estimant que ces prestations étaient analogues à celles des ingénieurs, visées à l’article 9, paragraphe 2, sous e), troisième tiret, de la sixième directive, tel qu’interprété par l’arrêt du 7 octobre 2010, Kronospan Mielec (C-222/09, EU:C:2010:593). La Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a partiellement annulé les actes de l’administration fiscale mentionnés au point 15 du présent arrêt, en raison de la durée injustifiée du contrôle fiscal et a rejeté le recours pour le surplus.

17      Uniqa et l’administration fiscale ont chacune formé un pourvoi contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi.

18      Cette dernière relève que la Cour a déjà interprété les exceptions relatives à la détermination du lieu de prestation de services. En particulier, elle aurait jugé, dans son arrêt du 16 septembre 1997, von Hoffmann (C-145/96, EU:C:1997:406), que l’expression « autres prestations similaires » viserait non pas des professions, telles que celles d’avocats, de conseillers, d’experts-comptables ou d’ingénieurs, mais uniquement des prestations. En outre, cette expression se référerait non pas à quelque élément commun des activités hétérogènes mentionnées dans la sixième directive, mais à des prestations similaires par rapport à chacune de ces activités, envisagées séparément.

19      Toutefois, cette jurisprudence ne permettrait pas de résoudre, dans le litige au principal, le problème de la qualification de prestations de services complexes comportant des activités multiples devant être analysées comme un tout, telles que celles relatives à la gestion et au règlement des sinistres, réalisées par les sociétés partenaires ainsi que par Coris International.

20      Dans ces conditions, l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 59 de la directive [2006/112, telle que modifiée par la directive 2008/8,] doit-il être interprété en ce sens que les services de règlement des sinistres fournis par les sociétés [partenaires] pour une société d’assurances, au nom et pour le compte de cette dernière, peuvent être classés dans la catégorie des prestations des conseillers, des ingénieurs, des bureaux d’études, des avocats, des experts-comptables et autres prestations similaires, ainsi que du traitement de données et de la fourniture d’informations ? »

 Sur la question préjudicielle

21      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler la question qui lui est soumise. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 15 juillet 2021, Ministrstvo za obrambo, C-742/19, EU:C:2021:597, point 31 et jurisprudence citée).

22      À cet égard, il convient de relever que l’article 59 de la directive 2006/112, telle que modifiée par la directive 2008/8, est applicable à compter du 1er janvier 2010. Or, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que le litige au principal se rapporte à l’omission d’Uniqa de déclarer la TVA sur les prestations fournies par les sociétés partenaires et par Coris International, au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009. Dans ces conditions, cette disposition est inapplicable, d’un point de vue temporel, au litige au principal.

23      Cependant, compte tenu des faits en cause au principal et du libellé de la question posée, il y a lieu de constater que c’est l’interprétation de l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 qui est pertinente pour la solution de ce litige.

24      Dans ces conditions, afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont elle est saisie, il convient de reformuler la question posée et de considérer que, par celle-ci, cette juridiction demande, en substance, si l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que les services de règlement des sinistres fournis par des sociétés tierces, au nom et pour le compte d’une société d’assurances, relèvent des « prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d’études, avocats, experts-comptables, et autres prestations similaires, ainsi que [du] traitement de données et [de] la fourniture d’informations » visés par cette disposition.

25      En vue de répondre à cette question, il convient d’emblée de rappeler que l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 vise non pas des professions, telles que celles d’avocats, de conseillers, d’experts-comptables ou d’ingénieurs, mais des prestations de services. Le législateur de l’Union utilise les professions qui sont mentionnées dans cette disposition comme un moyen de définir les catégories de prestations de services qui y sont visées (voir, par analogie, arrêt du 7 octobre 2010, Kronospan Mielec, C-222/09, EU:C:2010:593, point 19 et jurisprudence citée).

26      Partant, il importe de déterminer si les services de règlement des sinistres fournis au nom et pour le compte d’une société d’assurances relèvent des prestations de services principalement et habituellement effectuées dans le cadre des professions énumérées à l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 (voir, par analogie, arrêt du 16 septembre 1997, von Hoffmann, C-145/96, EU:C:1997:406, point 16 et jurisprudence citée).

27      À cet égard, il convient, à titre liminaire, de préciser que, compte tenu de la double circonstance selon laquelle, d’une part, chaque prestation de service doit normalement être considérée comme distincte et indépendante et, d’autre part, l’opération constituée d’une seule prestation de service sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA, il importe de rechercher les éléments caractéristiques de l’opération concernée pour déterminer si les prestations de services fournies constituent plusieurs prestations principales distinctes ou une prestation unique. En particulier, dans le cadre de la coopération instituée en vertu de l’article 267 TFUE, il appartient aux juridictions nationales de déterminer si l’assujetti fournit une prestation unique dans une espèce particulière et de porter toutes appréciations de fait définitives à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Field Fisher Waterhouse, C-392/11, EU:C:2012:597, points 18 et 20 ainsi que jurisprudence citée).

28      Or, selon la juridiction de renvoi, les services de règlement des sinistres en cause au principal constituent des prestations de services complexes, comportant des activités multiples devant être analysées comme un tout. En particulier, ainsi que mentionné aux points 10 et 11 du présent arrêt, les services fournis par les sociétés partenaires couvrent l’ensemble des activités relatives au règlement des sinistres impliquant les clients d’Uniqa dans les pays où ces sinistres surviennent. Ces services comportent également l’exercice d’un pouvoir décisionnel, en ce qu’ils requièrent, pour les dommages matériels d’un montant inférieur ou égal à 15 000 euros causés par un accident, l’approbation ou le rejet des demandes d’indemnisation. De la même manière, en ce qui concerne les assurances médicales, Coris International gère, au nom et pour le compte d’Uniqa, les demandes d’indemnisation formées par les preneurs d’assurance, en fournissant tous les services d’organisation, techniques et juridiques nécessaires.

29      Cette précision liminaire effectuée, il convient, en premier lieu, de rappeler que l’exercice de la profession d’ingénieur recouvre des prestations qui se caractérisent par le fait qu’il s’agit non seulement d’appliquer des connaissances et des procédés existants à des problèmes concrets, mais aussi d’acquérir de nouvelles connaissances et de développer des procédés nouveaux pour résoudre ces mêmes problèmes ou des problèmes nouveaux (arrêt du 7 octobre 2010, Kronospan Mielec, C-222/09, EU:C:2010:593, point 21).

30      Or, les services de règlement des sinistres fournis au nom et pour le compte d’une société d’assurances, tels que ceux précisés aux points 10 et 11 du présent arrêt, ne relèvent pas des prestations répondant à ces caractéristiques. En particulier, s’il ne paraît pas exclu que l’évaluation de dommages résultant d’un accident de la circulation puisse être réalisée par un ingénieur, une telle activité ne relève manifestement pas des prestations principalement et habituellement effectuées dans le cadre de cette profession, telles qu’elles ont été identifiées au point précédent du présent arrêt. En outre, une telle possibilité ne saurait davantage être envisagée s’agissant de l’évaluation des patients dans le cadre d’une assurance médicale pour les voyages à l’étranger.

31      Partant, il y a lieu de constater que les services de règlement des sinistres fournis au nom et pour le compte d’une société d’assurances ne relèvent pas de la notion de prestations d’ingénieur, au sens de l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112.

32      En deuxième lieu, s’agissant des prestations effectuées dans le cadre de la profession d’avocat, la Cour a déjà relevé qu’elles avaient principalement et habituellement pour objet la représentation et la défense des intérêts d’une personne, en règle générale dans un contexte de contradiction et en présence d’intérêts contraires (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 1997, von Hoffmann, C-145/96, EU:C:1997:406, point 17, ainsi que du 6 décembre 2007, Commission/Allemagne, C-401/06, EU:C:2007:759, points 36 et 37).

33      En outre, la Cour a précisé que les prestations effectuées par un avocat ont avant tout pour but de voir triompher une prétention d’ordre juridique (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2007, Commission/Allemagne, C-401/06, EU:C:2007:759, point 39).

34      Or, des prestations de services telles que celles fournies par les sociétés partenaires et par Coris International au titre du règlement des sinistres ne relèvent pas des prestations principalement et habituellement effectuées dans le cadre de la profession d’avocat. En effet, ces dernières sont caractérisées par leur contribution à l’administration de la justice, tandis que les services de règlement des sinistres au nom et pour le compte d’une société d’assurances ressortissent plus largement à l’activité économique.

35      En particulier, de tels services de règlement des sinistres ont essentiellement pour objet la constatation et l’évaluation des dommages ou des frais médicaux encourus ainsi que l’évaluation de l’indemnisation due à l’assuré et, le cas échéant, le versement effectif de cette indemnisation et, à ce titre, ne relèvent pas nécessairement du domaine contentieux. Ainsi, ces prestations ne nécessitent pas a priori la représentation et la défense des intérêts de la compagnie d’assurances dans un contexte de contradiction, en présence d’intérêts contraires, même si, le cas échéant, le recours aux services d’un avocat peut s’avérer nécessaire ultérieurement.

36      Il s’ensuit que les services de règlement des sinistres fournis au nom et pour le compte d’une société d’assurances ne relèvent pas de la notion de prestations d’avocat, au sens de l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112.

37      En troisième lieu, force est de constater que les services de règlement des sinistres tels que ceux fournis par les sociétés partenaires et par Coris International ne correspondent pas aux prestations principalement et habituellement fournies par un conseiller, par un bureau d’études ou par un expert-comptable. En particulier, à la différence des services de conseil, les services de règlement de sinistres au nom et pour le compte d’une société d’assurances impliquent l’exercice d’un pouvoir décisionnel quant à l’octroi d’une indemnisation ou au refus d’octroi de celle-ci, lesquels ne sont pas réductibles à des services de conseil.

38      En quatrième lieu, il convient de déterminer si les services de règlement des sinistres fournis au nom et pour le compte d’une société d’assurances relèvent des « autres prestations similaires » mentionnées à l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112.

39      Les termes « autres prestations similaires » se réfèrent non pas à quelque élément commun des activités hétérogènes ainsi visées à cette disposition, mais à des prestations similaires par rapport à chacune de ces activités, envisagées séparément. Une prestation doit ainsi être considérée comme similaire par rapport à une des activités mentionnées à cet article lorsque toutes deux répondent à la même finalité (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2007, Commission/Allemagne, C-401/06, EU:C:2007:759, point 31 et jurisprudence citée).

40      À cet égard, il suffit de relever que de tels services ont pour finalité la gestion et le traitement des demandes d’indemnisation de sinistres présentées par les assurés de la société d’assurances au nom et pour le compte de laquelle ils sont fournis.

41      Ainsi, il ressort des indications transmises par la juridiction de renvoi que les prestations de règlement des sinistres fournies par les sociétés partenaires comprennent des services complexes de gestion et de règlement des réclamations, comportant des activités multiples devant être analysées comme un tout qui a pour but de remédier à un préjudice subi par une personne lésée en dehors de son État membre de résidence selon des procédures avec lesquelles celle-ci est familiarisée. Par ailleurs, à l’égard des prestations fournies par Coris International, la juridiction de renvoi a précisé qu’il s’agit d’activités exercées en vue du règlement des réclamations introduites par les détenteurs de polices d’assurance médicale pour les voyages à l’étranger conclues par Uniqa pour ses clients, couvrant notamment la garantie de l’assistance des assurés 24 heures par jour ainsi que la fourniture aux assurés d’une assistance technique, organisationnelle et juridique.

42      Or, aucune des prestations des ingénieurs, des avocats, des experts-comptables, des bureaux d’études ou des conseillers énumérées à l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 ne poursuit la finalité identifiée au point 40 du présent arrêt.

43      Il s’ensuit que les services de règlement des sinistres fournis au nom et pour le compte d’une société d’assurances ne sauraient être considérés comme des « autres prestations similaires », au sens de l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112.

44      En cinquième et dernier lieu, force est également de constater que de tels services de règlement des sinistres ne sauraient être rapprochés de services de traitement de données ni être assimilés à de la fourniture d’informations.

45      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que les services de règlement des sinistres fournis par des sociétés tierces, au nom et pour le compte d’une société d’assurances, ne relèvent pas des « prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d’études, avocats, experts-comptables, et autres prestations similaires ainsi que [du] traitement de données et [de] la fourniture d’informations » visés par cette disposition.

 Sur les dépens

46      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que les services de règlement des sinistres fournis par des sociétés tierces, au nom et pour le compte d’une société d’assurances, ne relèvent pas des « prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d’études, avocats, experts-comptables et autres prestations similaires, ainsi que [du] traitement de données et [de] la fourniture d’informations » visés par cette disposition.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.