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 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

4 mai 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c) – Exceptions à l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous l) – Location d’outillages et de machines fixés à demeure dans le cadre de l’affermage d’un bâtiment agricole »

Dans l’affaire C-516/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décision du 26 mai 2021, parvenue à la Cour le 20 août 2021, dans la procédure

Finanzamt X

contre

Y,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme L. S. Rossi, MM. J.-C. Bonichot, S. Rodin et Mme O. Spineanu-Matei (rapporteure), juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme A. Hoesch, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. R. Pethke et V. Uher, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 décembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Finanzamt X (bureau des impôts X, Allemagne) (ci-après l’« administration fiscale ») à Y au sujet de l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d’une opération de mise à disposition d’outillages et de machines dans le cadre de l’affermage d’un bâtiment agricole.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive TVA

3

Le titre IX de la directive TVA comprend un chapitre 3, intitulé « Exonérations en faveur d’autres activités », dans lequel figure l’article 135 de ladite directive, qui est libellé comme suit :

« 1.   Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

l)

l’affermage et la location de biens immeubles.

2.   Sont exclues de l’exonération prévue au paragraphe 1, sous l), les opérations suivantes :

[...]

b)

les locations d’emplacements pour le stationnement des véhicules ;

c)

les locations d’outillages et de machines fixés à demeure ;

[...]

Les États membres peuvent prévoir des exclusions supplémentaires au champ d’application de l’exonération prévue au paragraphe 1, sous l). »

Le règlement d’exécution no 282/2011

4

Aux termes de l’article 13 ter, sous d), du règlement d’exécution (UE) no 282/2011 du Conseil, du 15 mars 2011, portant mesures d’exécution de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2011, L 77, p. 1), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 1042/2013 du Conseil, du 7 octobre 2013 (JO 2013, L 284, p. 1) (ci-après le « règlement d’exécution no 282/2011 ») :

« Pour l’application de la directive [TVA], est considéré comme “bien immeuble” :

[...]

d)

tout élément, matériel ou machine, installé à demeure dans un immeuble ou une construction qui ne peut être déplacé sans destruction ou modification de l’immeuble ou de la construction. »

5

En vertu de l’article 3, troisième alinéa, du règlement no 1042/2013, l’article 13 ter du règlement d’exécution no 282/2011 est devenu applicable le 1er janvier 2017.

Le droit allemand

6

L’article 4, point 12, première phrase, de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), du 21 février 2005 (BGBl. 2005 I, p. 386), dans sa version applicable aux faits au principal, prévoit :

« Parmi les opérations visées à l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de la présente loi, sont exonérés :

[...]

12. a.   la location et l’affermage de biens immeubles, [...] »

7

L’article 4, point 12, deuxième phrase, de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, dans sa version applicable aux faits au principal, précise que « [n]e sont pas exonérés [...] la location et l’affermage de machines et autres outillages de toute nature qui font partie d’une surface d’exploitation (équipements d’exploitation), même s’ils constituent des éléments essentiels d’un immeuble. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

8

Au cours des années 2010 à 2014, Y a donné en location, dans le cadre d’un bail à ferme, un bâtiment d’élevage de dindes avec des outillages et des machines fixés à demeure. Selon la juridiction de renvoi, ces outillages et ces machines comprenaient notamment un convoyeur industriel à spirale, qui servait à alimenter les dindes, ainsi qu’un système de chauffage, de ventilation et d’éclairage maintenant une température et une luminosité adaptées au stade de croissance de celles-ci, garantissant les conditions d’élevage nécessaires pour les élever jusqu’à la maturité d’abattage dans le temps spécifié. Lesdits outillages et machines étaient spécialement adaptés à l’utilisation du bâtiment en tant que bâtiment d’élevage de telles volailles.

9

Selon les dispositions du bail à ferme, Y percevait une rémunération unique pour la mise à disposition du bâtiment d’élevage ainsi que des outillages et des machines. Y a estimé que la totalité de sa prestation d’affermage était exonérée de TVA.

10

En revanche, l’administration fiscale a considéré que l’affermage des outillages et des machines en cause n’était pas exonéré de TVA et que la rémunération unique convenue, qui correspondait, à hauteur de 20 %, à l’affermage des machines et des outillages, devait être soumise, dans cette mesure, à la TVA. Cette administration a émis des avis d’imposition rectificatifs pour les années litigieuses.

11

Le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne), se fondant tant sur la jurisprudence de la Cour que sur celle du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), a fait droit au recours introduit par Y contre ces avis, en considérant que la prestation d’affermage en cause devait être totalement exonérée. En effet, selon ce tribunal, la mise à disposition des outillages et des machines constituait une prestation accessoire à la mise à disposition du bâtiment d’élevage et devait être exonérée au même titre que celle-ci.

12

L’administration fiscale a formé un pourvoi en Revision contre ce jugement devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), la juridiction de renvoi.

13

Cette juridiction s’interroge sur l’interprétation de l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA.

14

La juridiction de renvoi indique, premièrement, en se fondant sur l’arrêt du 19 décembre 2018, Mailat (C-17/18, EU:C:2018:1038), que l’affermage de convoyeurs industriels à spirale, d’équipements de chauffage et de ventilation ainsi que de systèmes d’éclairage sont exonérés de TVA en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous l), de la directive TVA. Une telle interprétation serait confirmée par l’article 13 ter, sous d), du règlement d’exécution no 282/2011, ainsi que par le droit civil allemand selon lequel les objets fixés à demeure dans un bâtiment d’élevage constituent des éléments essentiels de l’immeuble dont ils font partie.

15

Deuxièmement, la juridiction de renvoi estime que, nonobstant la différence rédactionnelle entre l’article 135, paragraphe 1, sous l), et l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA, et indépendamment des différences entre les versions linguistiques de cette directive, l’affermage et la location doivent, aux fins de l’interprétation de l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de ladite directive TVA, être traités de la même manière.

16

Troisièmement, la juridiction de renvoi observe qu’il ressort de l’arrêt du 4 mars 2021, Frenetikexito (C-581/19, EU:C:2021:167), que, dans le cas d’une opération économique constituée d’un ensemble de prestations, une appréciation globale est nécessaire afin de déterminer si une ou plusieurs de ces prestations peuvent en être dissociées, chacune devant en règle générale être considérée comme une prestation distincte et indépendante aux fins de l’application de la TVA, ou si elles forment un tout indissociable, ne pouvant pas être artificiellement fractionné.

17

La juridiction de renvoi précise que le Finanzgericht (tribunal des finances) a, sur la base de ces principes jurisprudentiels, jugé que, en l’occurrence, la mise à disposition des outillages et des machines, qui étaient des éléments d’équipement spécifiquement adaptés ne servant qu’à l’exploitation du bâtiment d’élevage de dindes dans des conditions optimales, constituait une prestation accessoire à la prestation principale de mise à disposition de l’immeuble. Selon la juridiction de renvoi, qui cite l’arrêt du 19 décembre 2018, Mailat (C-17/18, EU:C:2018:1038), une telle appréciation, aboutissant à considérer que la prestation fournie présente un caractère unique, est conforme à la jurisprudence de la Cour.

18

Selon la juridiction de renvoi, deux interprétations de l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA sont possibles dans ce contexte.

19

Selon une première interprétation, les principes dégagés par la Cour afin de déterminer l’existence d’une prestation économique unique permettraient d’exonérer de TVA une prestation qui devrait en principe être soumise à cette taxe, en vertu de l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA, lorsqu’elle constitue une prestation accessoire à une prestation exonérée. Cette interprétation serait confortée par la jurisprudence de la Cour, en particulier, l’arrêt du 13 juillet 1989, Henriksen (173/88, EU:C:1989:329, points 17 et 18), l’arrêt du 19 décembre 2018, Mailat (C-17/18, EU:C:2018:1038), concernant notamment le transfert de stocks dans le cadre de la location d’un restaurant, et l’arrêt du 18 janvier 2018, Stadion Amsterdam (C-463/16, EU:C:2018:22), selon lequel une prestation unique doit être soumise au taux de TVA déterminé en fonction de l’élément principal.

20

Il en résulterait que l’application de l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA se limiterait aux cas dans lesquels la mise à disposition d’outillages et de machines fixés à demeure est indépendante de la mise à disposition d’un bâtiment ou d’un terrain.

21

Selon une seconde interprétation, l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA impliquerait de fractionner les opérations économiques uniques, en distinguant les prestations exonérées de TVA, en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous l), de cette directive, des prestations soumises à cette taxe, en vertu de l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de ladite directive.

22

Une telle interprétation trouverait elle aussi un appui dans la jurisprudence de la Cour, en particulier dans l’arrêt du 2 juillet 2020, Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö (Service d’hébergement en centre de données) (C-215/19, EU:C:2020:518, point 43), selon lequel l’exonération accordée à la location d’un immeuble, qui reposerait sur la reconnaissance du caractère passif de cette location, n’est plus justifiée lorsque que ladite location s’accompagne d’autres activités commerciales, comme une supervision, une gestion et une maintenance constante effectuées par le propriétaire de l’immeuble, ainsi que d’une mise à disposition d’autres installations, de telle sorte que, à défaut de circonstances tout à fait particulières, la même location ne saurait plus constituer une prestation prépondérante. Il pourrait en découler que la mise à disposition d’outillages et de machines visée à l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA n’a pas lieu passivement, mais se caractérise essentiellement par le maintien de ces outillages et de ces machines en état de fonctionnement.

23

C’est dans ce contexte que le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question suivante :

« L’obligation fiscale grevant la location d’outillages et de machines fixés à demeure s’applique-t-elle, en vertu de l’article 135, paragraphe 2, [premier alinéa], sous c), de la directive TVA,

à la seule location isolée (autonome) de ces outillages et machines ou bien également

à la location (affermage) de ces outillages et machines, qui est exonérée, en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous l), de la directive TVA, sur la base (et à titre accessoire) de l’affermage de bâtiments conclu entre ces mêmes parties ? »

Sur la question préjudicielle

24

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à la location d’outillages et de machines fixés à demeure lorsque cette location constitue une prestation accessoire à une prestation principale d’affermage d’un bâtiment, réalisée dans le cadre d’un contrat d’affermage conclu entre les mêmes parties et exonérée en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous l), de cette directive, et que ces prestations forment une prestation économique unique.

25

L’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA dispose que les locations d’outillages et de machines fixés à demeure sont exclues du bénéfice de l’exonération de TVA prévue pour l’affermage et la location de biens immeubles par l’article 135, paragraphe 1, sous l), de cette directive.

26

À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi n’éprouve pas de doutes quant à l’applicabilité de l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA à une situation dans laquelle la location d’outillages et de machines fixés à demeure est indépendante de toute opération de location ou d’affermage d’immeuble.

27

Toutefois, la juridiction de renvoi considère que, dans l’affaire au principal, la mise à disposition de tels outillages et machines est une prestation accessoire à la prestation principale que constitue la mise à disposition du bâtiment et qu’elle est indissociable de cette dernière, de sorte que ces mises à disposition forment une prestation unique pour l’application de la TVA.

28

Selon la jurisprudence de la Cour, lorsqu’une opération est constituée d’un faisceau d’éléments et d’actes, il y a lieu de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule l’opération en question, afin de déterminer si cette opération donne lieu, aux fins de la TVA, à deux ou à plusieurs prestations distinctes ou à une prestation unique [arrêt du 25 mars 2021, Q-GmbH (Assurance de risques spéciaux), C-907/19, EU:C:2021:237, point 19 et jurisprudence citée].

29

Si chaque opération doit normalement être considérée, aux fins de la TVA, comme distincte et indépendante, l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de TVA. Il existe une prestation unique lorsque plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable, dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel [voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Q-GmbH (Assurance de risques spéciaux), C-907/19, EU:C:2021:237, point 20 et jurisprudence citée].

30

Tel est, notamment, le cas lorsqu’un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale, alors que, à l’inverse, d’autres éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. En particulier, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire [arrêt du 25 mars 2021, Q-GmbH (Assurance de risques spéciaux), C-907/19, EU:C:2021:237, point 21 et jurisprudence citée].

31

Dans le cadre d’une telle prestation économique unique, la prestation accessoire partage le sort fiscal de la prestation principale en matière de TVA (voir, en ce sens, arrêts du 25 février 1999, CPP, C-349/96, EU:C:1999:93, point 32, et du 21 juin 2007, Ludwig, C-453/05, EU:C:2007:369, point 20).

32

À cet égard, la Cour a jugé qu’une location de biens immeubles relevant de l’article 135, paragraphe 1, sous l), de la directive TVA et des prestations de services liées à cette location peuvent constituer une prestation unique de location de biens immeubles au regard de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Field Fisher Waterhouse, C-392/11, EU:C:2012:597, point 28). En outre, dans l’arrêt du 19 décembre 2018, Mailat (C-17/18, EU:C:2018:1038, points 39 à 41), la Cour a considéré que l’article 135, paragraphe 1, sous l), de la directive TVA devait être interprété en ce sens qu’un contrat de location portant sur un bien immeuble qui servait à l’exploitation commerciale d’un restaurant ainsi que sur les biens d’équipement et consommables nécessaires à cette exploitation constituait une prestation unique dans laquelle la location du bien immeuble était la prestation principale.

33

En outre, en interprétant les dispositions de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), libellées dans des termes en substance identiques à ceux de l’article 135, paragraphe 1, sous l), et paragraphe 2, premier alinéa, de la directive TVA, la Cour a considéré que, étant donné que la notion de location de biens immeubles comprenait nécessairement la location des biens constituant l’objet principal de cette location et celle de tous les biens qui en sont l’accessoire, la location d’emplacements de stationnement n’était pas exclue de l’exonération de TVA prévue pour la location de biens immeubles lorsqu’elle était étroitement liée à la location de tels biens, de sorte que les deux locations formaient une opération économique unique (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 1989, Henriksen, 173/88, EU:C:1989:329, points 14 à 17).

34

Dès lors, comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 39 de ses conclusions, l’article 135, paragraphe 2, de la directive TVA ne constitue pas une disposition dont il découlerait, comme le prétend le gouvernement allemand, une exigence de fractionner une opération économique unique en prestations distinctes.

35

Certes, il ressort d’une jurisprudence constante que les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA sont d’interprétation stricte, étant donné que ces exonérations constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (arrêt du 19 décembre 2018, Mailat, C-17/18, EU:C:2018:1038, point 37 et jurisprudence citée). Partant, les exceptions à une telle disposition dérogatoire à l’application de la TVA, qui ont pour effet que les opérations qu’elles visent sont soumises à la taxation, qui constitue la règle de principe à la base de cette directive, doivent recevoir une interprétation large (ordonnance du 1er décembre 2021, Pilsētas zemes dienests, C-598/20, non publiée, EU:C:2021:971, point 29 et jurisprudence citée).

36

Cependant, ces principes ne font pas obstacle à l’application de la jurisprudence selon laquelle les différentes prestations constituant une prestation économique unique suivent le même régime en matière de TVA. En effet, la Cour a jugé que permettre aux États membre de soumettre à différents taux de TVA les différents éléments composant une prestation unique reviendrait à leur permettre de décomposer artificiellement cette prestation et risquerait d’altérer la fonctionnalité du système de TVA (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2018, Stadion Amsterdam, C-463/16, EU:C:2018:22, point 26 et jurisprudence citée).

37

En l’occurrence, l’affaire au principal porte sur l’affermage d’un bâtiment d’élevage ainsi que d’équipements fixés à demeure dans ce bâtiment et spécifiquement adaptés à cet élevage, le contrat d’affermage étant conclu entre les mêmes parties et donnant lieu à une rémunération unique. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, comme elle semble le suggérer, ces prestations constituent une prestation économique unique.

38

Si tel est le cas, il résulte alors de la jurisprudence citée aux points 31 à 33 ci-dessus que, en présence d’une prestation économique unique composée d’une prestation principale exonérée de TVA en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous l), de la directive TVA, consistant en l’affermage ou en la location d’un bien immeuble, et d’une prestation accessoire, indissociable de la prestation principale, en principe exclue de cette exonération en vertu de l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de cette directive, la prestation accessoire suit le sort fiscal de la prestation principale. Il appartient également à la juridiction de renvoi de déterminer le caractère principal ou accessoire des prestations composant une telle prestation économique unique.

39

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à la location d’outillages et de machines fixés à demeure lorsque cette location constitue une prestation accessoire à une prestation principale d’affermage d’un bâtiment, réalisée dans le cadre d’un contrat d’affermage conclu entre les mêmes parties et exonérée en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous l), de cette directive, et que ces prestations forment une prestation économique unique.

Sur les dépens

40

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

L’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

 

doit être interprété en ce sens que :

 

il ne s’applique pas à la location d’outillages et de machines fixés à demeure lorsque cette location constitue une prestation accessoire à une prestation principale d’affermage d’un bâtiment, réalisée dans le cadre d’un contrat d’affermage conclu entre les mêmes parties et exonérée en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous l), de cette directive, et que ces prestations forment une prestation économique unique.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.