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 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

16 février 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Construction d’un complexe immobilier par une association sans personnalité juridique – Contrat d’association – Vente des appartements dudit complexe immobilier par certains associés – Détermination de l’assujetti redevable de la taxe – Principe de neutralité fiscale – Droit à déduction de la TVA »

Dans l’affaire C-519/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), par décision du 28 juin 2021, parvenue à la Cour le 24 août 2021, dans la procédure

ASA

contre

DGRFP Cluj,

en présence de :

BP,

MB,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. F. Biltgen et J. Passer, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour ASA, par M. S. I. Puţ, avocat,

pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane, A. Rotăreanu et A. Wellman, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et Mme J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »), ainsi que des principes de proportionnalité, de neutralité fiscale et de sécurité juridique.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ASA, personne physique, à la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Cluj-Napoca (direction générale régionale des finances publiques de Cluj-Napoca, Roumanie) (ci-après l’« autorité fiscale ») au sujet de la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d’opérations de vente d’appartements.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA :

« À chaque opération, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix. »

4

L’article 9, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

5

L’article 11 de ladite directive énonce :

« Après consultation du comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée [...], chaque État membre peut considérer comme un seul assujetti les personnes établies sur le territoire de ce même État membre qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation.

Un État membre qui fait usage de la faculté prévue au premier alinéa peut prendre toutes mesures utiles pour éviter que l’application de cette disposition rende la fraude ou l’évasion fiscales possibles. »

6

L’article 12 de la même directive prévoit :

« 1.   Les États membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes :

a)

la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ;

b)

la livraison d’un terrain à bâtir.

2.   Aux fins du paragraphe 1, point a), est considérée comme “bâtiment” toute construction incorporée au sol.

Les États membres peuvent définir les modalités d’application du critère visé au paragraphe 1, point a), aux transformations d’immeubles, ainsi que la notion de sol y attenant.

Les États membres peuvent appliquer d’autres critères que celui de la première occupation, tels que celui du délai écoulé entre la date d’achèvement de l’immeuble et celle de la première livraison, ou celui du délai écoulé entre la date de la première occupation et celle de la livraison ultérieure, pour autant que ces délais ne dépassent pas respectivement cinq et deux ans.

3.   Aux fins du paragraphe 1, point b), sont considérés comme “terrains à bâtir” les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les États membres. »

7

En application de l’article 14, paragraphe 1, de la directive TVA :

« Est considéré comme “livraison de biens”, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire. »

8

L’article 62 de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive sont considérés comme :

1)

“fait générateur de la taxe” le fait par lequel sont réalisées les conditions légales nécessaires pour l’exigibilité de la taxe ;

2)

“exigibilité de la taxe” le droit que le Trésor peut faire valoir aux termes de la loi, à partir d’un moment donné, auprès du redevable pour le paiement de la taxe, même si le paiement peut en être reporté. »

9

Aux termes de l’article 63 de ladite directive :

« Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée. »

10

L’article 65 de la même directive prévoit :

« En cas de versements d’acomptes avant que la livraison de biens ou la prestation de services ne soit effectuée, la taxe devient exigible au moment de l’encaissement, à concurrence du montant encaissé. »

11

L’article 73 de la directive TVA dispose :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

12

L’article 78 de cette directive est ainsi libellé :

« Sont à comprendre dans la base d’imposition les éléments suivants :

a)

les impôts, droits, prélèvements et taxes, à l’exception de la TVA elle-même ;

b)

les frais accessoires, tels que les frais de commission, d’emballage, de transport et d’assurance demandés par le fournisseur à l’acquéreur ou au preneur.

Aux fins du premier alinéa, point b), les États membres peuvent considérer comme frais accessoires ceux faisant l’objet d’une convention séparée. »

13

Aux termes de l’article 167 de ladite directive :

« Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. »

14

L’article 168 de la même directive énonce :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[...] »

15

L’article 178 de la directive TVA dispose :

« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :

a)

pour la déduction visée à l’article 168, [sous] a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux articles 238, 239 et 240 ;

[...] »

16

L’article 179 de cette directive prévoit :

« La déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période imposable, du montant de la TVA pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu de l’article 178, au cours de la même période.

Toutefois, les États membres peuvent obliger les assujettis qui effectuent des opérations occasionnelles visées à l’article 12 à n’exercer le droit à déduction qu’au moment de la livraison. »

17

Aux termes de l’article 226 de ladite directive :

« Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221 :

1)

la date d’émission de la facture ;

2)

un numéro séquentiel, basé sur une ou plusieurs séries, qui identifie la facture de façon unique ;

3)

le numéro d’identification TVA, visé à l’article 214, sous lequel l’assujetti a effectué la livraison de biens ou la prestation de services ;

4)

le numéro d’identification TVA de l’acquéreur ou du preneur, visé à l’article 214, sous lequel il a reçu une livraison de biens ou une prestation de services pour laquelle il est redevable de la taxe ou une livraison de biens visée à l’article 138 ;

5)

le nom complet et l’adresse de l’assujetti et de l’acquéreur ou du preneur ;

6)

la quantité et la nature des biens livrés ou l’étendue et la nature des services rendus ;

7)

la date à laquelle est effectuée, ou achevée, la livraison de biens ou la prestation de services ou la date à laquelle est versé l’acompte visé à l’article 220, points 4) et 5), dans la mesure où une telle date est déterminée et différente de la date d’émission de la facture ;

8)

la base d’imposition pour chaque taux ou exonération, le prix unitaire hors TVA, ainsi que les escomptes, rabais ou ristournes éventuels s’ils ne sont pas compris dans le prix unitaire ;

9)

le taux de TVA appliqué ;

10)

le montant de TVA à payer, sauf lorsqu’est appliqué un régime particulier pour lequel la présente directive exclut une telle mention ;

[...] »

Le droit roumain

18

L’article 86, paragraphes 2 à 5, de la Legea nr. 571/2003 privind Codul fiscal (loi no 571/2003 portant code des impôts) (Monitorul Oficial al României, partie I, no 927 du 23 décembre 2003), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « code des impôts »), disposait :

« (2)   Dans le cadre de chaque association sans personnalité juridique créée conformément à la loi, les associés sont tenus de conclure, au début de l’activité, des contrats d’association sous forme écrite, contenant notamment les données suivantes :

a)

les parties contractantes ;

b)

l’objet social et le siège de l’association ;

c)

les apports des associés en biens et droits ;

d)

le pourcentage de participation de chaque associé aux bénéfices ou pertes dans le cadre de l’association, correspondant à l’apport de chacun ;

e)

la désignation de l’associé responsable de l’exécution des obligations de l’association à l’égard des autorités publiques ;

f)

les conditions dans lesquelles l’association prend fin. Les apports des associés conformément au contrat d’association ne sont pas considérés comme des revenus pour l’association. Le contrat d’association est enregistré auprès de l’autorité fiscale compétente, dans les quinze jours suivant la date de sa conclusion. L’autorité fiscale a le droit de refuser l’enregistrement des contrats dans le cas où ceux-ci ne contiennent pas les données requises en vertu du présent paragraphe.

(3)   Lorsqu’il existe entre les membres associés des liens de parenté jusqu’au quatrième degré inclus, les parties sont tenues d’apporter la preuve qu’elles participent à la réalisation des bénéfices avec des biens ou droits leur appartenant. Peuvent également être membres associés les personnes physiques qui ont été dotées d’une capacité restreinte.

(4)   Les associations sont tenues de déposer auprès de l’autorité fiscale compétente, au plus tard le 15 mars de l’année suivante, des déclarations annuelles de revenu, conformément au modèle établi par le ministère des Finances publiques, qui comprendront également la distribution du bénéfice net/perte entre les associés.

(5)   Le bénéfice/perte annuel(e), réalisé(e) dans le cadre de l’association, est distribué(e) aux associés proportionnellement au pourcentage de participation correspondant à l’apport, conformément au contrat d’association. »

19

En application de l’article 125 bis, paragraphe 1, du code des impôts :

« Aux fins du présent titre, les termes et expressions ci-après ont la signification suivante :

[...]

18.

“assujetti” a le même sens que celui défini à l’article 127, paragraphe 1, et représente la personne physique, le groupe de personnes, l’institution publique, la personne juridique, ainsi que toute entité capable d’exercer une activité économique ;

[...] »

20

L’article 127, paragraphes 8 et 9, de ce code énonce :

« (8)   Dans les conditions et limites prévues par les modalités d’application, est considéré comme un assujetti unique un groupe d’assujettis établis en Roumanie qui, juridiquement indépendants, entretiennent des relations étroites l’un avec l’autre du point de vue organisationnel, financier et économique.

(9)   Tout associé ou membre d’un groupement ou d’une organisation sans personnalité juridique est considéré comme un assujetti distinct pour les activités économiques qui ne sont pas exercées au nom du groupement ou de l’organisation en question. »

21

Aux termes de l’article 152, paragraphe 1, dudit code :

« Un assujetti établi en Roumanie dont le chiffre d’affaires annuel, déclaré ou réalisé, est inférieur au plafond de 35000 euros, dont l’équivalent en RON est fixé selon le taux de change communiqué par la Banca Națională a României [(Banque de Roumanie)] à la date d’adhésion et arrondi au millième suivant, peut demander l’exonération de la taxe, appelée ci-après le “régime spécial d’exonération”, aux opérations visées à l’article 126, paragraphe 1, à l’exception des livraisons intracommunautaires de moyens de transport neufs, exonérées conformément à l’article 143, paragraphe (2), sous b). »

22

La Hotărârea Guvernului nr. 44/2004 pentru aprobarea Normelor metodologice de aplicare a Legii nr. 571/2003 privind Codul fiscal (décision du gouvernement n 44/2004 approuvant les modalités d’application de la loi no 571/2003 portant code des impôts) (Monitorul Oficial al României, partie I, no 112 du 6 février 2004), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « décision du gouvernement no 44/2004 »), disposait, à son point 4, émis en application des dispositions de l’article 127 du code des impôts :

« (1)   Aux fins de l’article 127, paragraphe (8), du code des impôts, un groupe d’assujettis établis en Roumanie, indépendants du point de vue juridique et étroitement liés sur les plans financier, économique et de l’organisation, peut choisir d’être traité comme un assujetti unique, nommé groupe fiscal, sous les conditions suivantes :

a)

un assujetti ne peut faire partie que d’un seul groupe fiscal ; et

b)

l’option doit porter sur une période d’au moins deux ans ; et

c)

tous les assujettis du groupe doivent appliquer la même période imposable ;

(2)   Le groupe fiscal peut être constitué de deux à cinq assujettis.

(3)   Jusqu’au 1er janvier 2009, un groupe fiscal ne peut être constitué que par des assujettis qui sont considérés comme de grands contribuables.

(4)   Sont considérés comme étroitement liés sur les plans financier, économique et de l’organisation au sens du paragraphe (1) les assujettis dont le capital est détenu directement ou indirectement à plus de 50 % par les mêmes actionnaires.

(5)   Aux fins de la mise en place du groupe fiscal, une demande signée par tous les membres du groupe est introduite auprès de l’autorité fiscale compétente, comportant les informations suivantes :

a)

le nom, l’adresse, l’objet social et le numéro de TVA de chaque membre ;

b)

les éléments démontrant que les membres sont étroitement liés au sens du paragraphe (2) ;

c)

le nom du membre désigné comme représentant.

(6)   L’autorité fiscale compétente prend une décision officielle approuvant ou refusant la mise en place du groupe fiscal et communique cette décision au représentant du groupe ainsi qu’à chaque autorité fiscale dans la juridiction de laquelle se trouvent les membres du groupe fiscal, dans un délai de 60 jours à compter de la réception de la demande visée au paragraphe (5).

(7)   La mise en place du groupe fiscal entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de la décision visée au paragraphe (6).

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

23

Les sœurs ASA et PP étaient copropriétaires d’un terrain en Roumanie.

24

À la fin de l’année 2006, elles ont conclu un contrat d’association sans personnalité juridique avec BP et MB, deux autres personnes physiques, en vue de la construction d’un complexe immobilier composé de huit immeubles résidentiels avec 56 appartements, destinés à la vente à des tiers.

25

Le contrat d’association prévoyait en particulier que BP et MB prendraient en charge conjointement les dépenses afférentes à la construction du complexe immobilier et que, s’agissant des bénéfices, ASA et PP bénéficieraient d’un pourcentage de 16,67 % chacune, et BP et MB de 33 % chacun.

26

En outre, aux termes dudit contrat d’association, la conception, l’obtention des permis de construire et de tous les documents administratifs nécessaires, l’accomplissement de toutes les formalités et démarches requises pour l’inscription au registre foncier des immeubles et des appartements, ainsi que la vente des appartements à construire faisaient l’objet d’obligations communes.

27

Enfin, tant MB que BP ont reçu mandat de transmettre, au nom et pour le compte d’ASA et de PP, le droit de propriété que celles-ci avaient sur tous les appartements à construire.

28

Une fois construits, les 56 appartements ont été inscrits au registre foncier, dans lequel figuraient, en tant que, respectivement, propriétaires ou copropriétaires desdits appartements, soit ASA, soit PP, soit ASA et PP à hauteur de la moitié.

29

Au cours de la période allant du 13 mai 2008 au 28 novembre 2008, 53 de ces appartements ont été vendus, dont 13 appartements par ASA seule, 14 appartements par PP seule et 26 appartements en copropriété par ASA et PP (dont 3 qui ont été vendus à BP et MB).

30

Dans les contrats de vente respectifs conclus, seules ASA et PP figuraient en tant que propriétaires des biens et aucune mention n’y était faite de BP et de MB. En outre, lesdits contrats ne contenaient aucune référence à la TVA ni au contrat d’association conclu.

31

À la suite d’un contrôle fiscal, l’autorité fiscale a émis, le 26 octobre 2011, un avis d’imposition à l’encontre d’ASA déclarant cette dernière redevable de 537287 lei roumains (RON) (environ 109000 euros) au titre de la TVA et de 482269 lei roumains (RON) (environ 98000 euros) au titre des intérêts et des pénalités de retard.

32

L’autorité fiscale a considéré que ASA avait exercé, au cours de l’année 2008, seule ou conjointement avec PP, une activité économique en vue d’en tirer des recettes, que, en particulier, les ventes conclues dans le cadre de cette activité constituaient des opérations soumises à la TVA et que, par conséquent, elle relevait de la catégorie des assujettis, conformément au droit national. En outre, la somme perçue par ASA et PP au cours des ventes en cause ayant dépassé le plafond d’exonération de la TVA prévu à l’article 152, paragraphe 1, du code des impôts, ASA et PP auraient dû s’identifier à la TVA le 1er juillet 2008. L’autorité fiscale a ainsi conclu que ASA était redevable de la TVA applicable auxdites ventes après cette date.

33

Afin de parvenir à ces conclusions, l’autorité fiscale a pris appui sur le contrat d’association, celui-ci n’ayant pas été formellement enregistré et ne lui ayant été présenté qu’au début du contrôle fiscal.

34

La réclamation introduite par ASA contre cet avis d’imposition a été rejetée par l’autorité fiscale en 2012.

35

ASA a saisi en première instance la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), la juridiction de renvoi, d’un recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision rejetant la réclamation et de l’avis d’imposition. Au cours de l’année 2014, dans le cadre de ce litige, elle a appelé en garantie BP et MB, afin que, dans le cas où elle succomberait, ces derniers soient tenus de supporter le paiement d’une somme représentant les deux tiers de la créance fiscale qui avait été mise à sa charge par l’avis d’imposition.

36

Par arrêt du 28 janvier 2016, ladite juridiction a partiellement fait droit au recours d’ASA, en annulant en partie la décision rejetant la réclamation, l’avis d’imposition ainsi que le rapport de contrôle fiscal y afférent, en raison du mode de calcul de la TVA et des frais accessoires.

37

Par un arrêt rendu au cours de l’année 2016, l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie) a fait droit aux pourvois formés par ASA et par l’autorité fiscale contre cet arrêt du 28 janvier 2016 et a renvoyé l’affaire pour réexamen devant la juridiction de renvoi.

38

Par arrêt du 14 mars 2019, la juridiction de renvoi a fait partiellement droit au recours introduit par ASA contre l’autorité fiscale, en annulant partiellement la décision rejetant la réclamation, l’avis d’imposition ainsi que le rapport de contrôle fiscal y afférent, en considérant que le prix convenu dans le cadre des transactions effectuées avec ASA incluait déjà la TVA.

39

ASA et l’autorité fiscale ont formé un pourvoi contre cet arrêt.

40

Par arrêt du 23 juillet 2020, l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice) a annulé ledit arrêt et renvoyé de nouveau l’affaire pour réexamen devant la juridiction de renvoi.

41

À cet égard, cette dernière juridiction indique d’emblée que, dans le cadre du litige au principal, l’appréciation selon laquelle, d’une part, ASA relève de la catégorie des assujettis et, d’autre part, l’activité économique exercée par celle-ci, seule ou conjointement avec PP, constitue une opération assujettie à la TVA, a acquis force de chose jugée.

42

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi cherche à savoir, premièrement, si BP et MB possèdent également la qualité d’assujettis au regard des opérations de vente des appartements en cause au principal.

43

Cette juridiction relève que seules ASA et PP auraient participé au fait générateur de la TVA en effectuant, au moyen des ventes, la livraison des biens et la perception du prix. En outre, elle constate que la participation de BP et de MB était essentielle pour la réalisation des huit immeubles et, partant, pour l’activité économique en tant que telle.

44

À cet égard, ladite juridiction considère que, dès lors que l’autorité fiscale aurait pris en compte le contrat d’association pour justifier l’imposition mise à la charge d’ASA, elle ne pouvait prétendre qu’elle ignorait les dispositions de ce contrat au prétexte que celui-ci n’aurait pas été fiscalement enregistré avant le début de l’activité économique et que ce contrat ne respecterait pas les formes prévues à l’article 86, paragraphe 2, du code des impôts. En outre, il pourrait être considéré, au regard de l’arrêt du 9 avril 2013, Commission/Irlande (C-85/11, EU:C:2013:217), que les personnes visées à l’article 11 de la directive TVA ne doivent pas répondre individuellement à la définition de l’assujetti figurant à l’article 9, paragraphe 1, de ladite directive, l’articulation entre ces deux dispositions semblant permettre à des personnes prises ensemble, étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation, de répondre cumulativement à cette définition. Autrement dit, l’absence de prise en compte du contrat d’association pourrait conduire à établir une situation fiscale non réelle. Partant, compte tenu des arrêts du 15 juillet 2010, Pannon Gép Centrum (C-368/09, EU:C:2010:441, point 43), et du 8 mai 2013, Petroma Transports e.a. (C-271/12, EU:C:2013:297, point 34), la question décisive devrait être de déterminer si l’administration fiscale a eu connaissance de ce contrat d’association antérieurement à l’émission de l’avis d’imposition.

45

Deuxièmement, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’étendue du droit à déduction dont doit bénéficier une personne se trouvant dans la situation d’ASA. Dans une première hypothèse, cette juridiction estime, en prenant appui sur la jurisprudence de la Cour, qu’ASA ne pourrait se voir refuser le droit à déduction de la TVA en ce qui concerne la charge de la TVA sur les opérations d’investissements effectuées aux fins de l’activité de l’association, y compris la TVA correspondant aux factures établies au nom de BP, de MB et de PP au seul motif qu’ASA n’a pas été redevable et n’a pas personnellement payé la TVA en amont pour des biens et services utilisés dans le cadre des opérations en cause au principal. Cependant, ladite juridiction considère, s’agissant de la TVA payée en amont par PP, qu’ASA pourrait se voir refuser le droit à déduction de la TVA au motif que PP aurait elle-même fait l’objet d’une imposition fiscale, raison pour laquelle il y aurait lieu de lui reconnaître le droit de déduire la TVA qu’elle a supportée en amont.

46

Dans une seconde hypothèse, la juridiction de renvoi se fonde sur l’arrêt du 21 novembre 2018, Vădan (C-664/16, EU:C:2018:933, point 44), par lequel la Cour a jugé que l’assujetti est tenu de fournir des preuves objectives que des biens et des services lui ont effectivement été fournis en amont par des assujettis, pour les besoins de ses propres opérations soumises à la TVA, et à l’égard desquels il s’est effectivement acquitté de la TVA. Il en découlerait qu’ASA ne serait pas en mesure de déduire la TVA des factures établies en amont au nom de PP, étant donné que celle-ci aurait invoqué elle-même en justice le droit à déduction et que ledit droit ne saurait être exercé deux fois. S’agissant de la TVA correspondant aux factures établies au nom de BP et de MB, cette même juridiction part du principe que la TVA ne pourrait pas non plus être déduite par ASA, étant donné que celle-ci n’aurait pas payé la TVA en amont et que BP et MB n’auraient pas la qualité d’assujettis.

47

Troisièmement, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à la possibilité pour ASA d’appeler en garantie BP et MB aux fins que ceux-ci soient tenus de prendre en charge la TVA payée en proportion de leurs droits aux bénéfices prévus dans le contrat d’association. Elle observe qu’un tel appel en garantie, une fois jugé fondé, pourrait avoir pour conséquence de modifier l’avis d’imposition et priverait ainsi BP et MB des droits qui leur sont reconnus par le Codul de procedură fiscală (code de procédure fiscale) au cas où l’administration fiscale aurait directement agi contre eux.

48

Dans ces conditions, la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La directive [TVA] en général et plus particulièrement ses articles 9, 12, 14, 62, 63, 65, 73 [et] 78 peuvent-ils, dans un contexte spécifique tel que celui de l’affaire au principal, être interprétés en ce sens que, au regard de l’intervention du fait générateur dans le cas des opérations taxées de livraison de biens immeubles et du mode de formation de la base d’imposition y afférente, les personnes physiques parties à un contrat d’association sans personnalité juridique qui n’a pas été enregistré auprès des autorités fiscales avant le début de l’activité, mais qui a été présenté à celles-ci avant l’adoption des actes administratifs fiscaux, ont également la qualité d’assujetties aux côtés de l’assujetti qui est tenu d’acquitter la taxe sur les opérations en aval qu’il aurait dû percevoir ?

2)

La directive [TVA] en général et plus particulièrement son article 167, son article 168, sous a), son article 178, sous a), [et] son article 179, ainsi que les principes de proportionnalité et de neutralité, peuvent-ils, dans un contexte spécifique tel que celui de l’affaire au principal, être interprétés en ce sens que :

a)

la possibilité de se voir accorder le droit à déduction doit être reconnue à un assujetti lorsque celui-ci n’a pas été redevable ou n’a pas payé personnellement la TVA en amont sur des biens et services utilisés dans le cadre des opérations taxées, la TVA étant due/ayant été payée en amont par des personnes physiques dont la qualité d’assujetties n’a pas été établie mais qui sont parties à un contrat d’association sans personnalité juridique qui n’a pas été enregistré auprès des autorités fiscales avant le début de l’activité aux côtés de l’assujetti qui est tenu d’acquitter la taxe sur les opérations en aval qu’il aurait dû percevoir [;]

b)

la possibilité de se voir accorder le droit à déduction doit être reconnue à un assujetti, dans un contexte spécifique tel que celui de l’affaire au principal, lorsque celui-ci n’a pas été redevable ou n’a pas payé personnellement la TVA en amont sur des biens et services utilisés dans le cadre des opérations taxées, la TVA étant due/ayant été payée en amont par une personne physique dont la qualité d’assujettie a été établie, qui est partie à un contrat d’association sans personnalité juridique n’ayant pas été enregistré auprès des autorités fiscales avant le début de l’activité et qui, aux côtés de l’assujetti, cherche également à exercer ou pouvait exercer son droit à déduction, ceux-ci étant tenus d’acquitter la taxe sur les opérations en aval qu’ils auraient dû percevoir [?]

3)

En cas de réponse négative et/ou au regard du principe de sécurité juridique : l’assujetti à la charge duquel a été mise l’obligation de payer la TVA et les frais accessoires à celle-ci est-il recevable dans sa demande de se retourner contre les personnes physiques dont la qualité d’assujetties n’a pas été établie et qui sont parties à un contrat d’association sans personnalité juridique qui n’a pas été enregistré auprès des autorités fiscales avant le début de l’activité aux côtés de l’assujetti qui est tenu d’acquitter la taxe sur les opérations en aval qu’il aurait dû percevoir, à hauteur du pourcentage qui revient à ces personnes dans le partage des bénéfices conformément au contrat d’association, au regard des obligations de payer la TVA et les frais accessoires à celle-ci mises à la charge de l’assujetti ? »

Sur la demande de procédure accélérée

49

La juridiction de renvoi a demandé à la Cour de soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. À l’appui de sa demande, cette juridiction a fait valoir que le litige au principal est pendant devant les juridictions nationales depuis le 2 juillet 2012.

50

L’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut décider, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais.

51

Il importe de rappeler qu’une telle procédure accélérée constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire (arrêt du 16 juin 2022, Port de Bruxelles et Région de Bruxelles-Capitale, C-229/21, EU:C:2022:471, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

52

Ainsi, d’une part, la circonstance que la juridiction de renvoi soit tenue de tout mettre en œuvre pour assurer un règlement rapide de l’affaire au principal ne saurait suffire en soi à justifier le recours à une procédure accélérée en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure [arrêt du 14 juillet 2022, CC (Transfert de résidence habituelle de l’enfant vers un État tiers), C-572/21, EU:C:2022:562, point 22 et jurisprudence citée].

53

D’autre part, l’incertitude affectant les parties d’un litige pendant depuis plusieurs années et leur intérêt, certes légitime, à connaître le plus rapidement possible la portée des droits qu’elles tirent du droit de l’Union ne sont pas susceptibles de constituer, eu égard au caractère dérogatoire de la procédure accélérée, une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une telle procédure (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 19 septembre 2017, Magamadov, C-438/17, non publiée, EU:C:2017:723, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

54

En l’occurrence, par décision du 4 novembre 2021, le président de la Cour, la juge rapporteure et l’avocat général entendus, a rejeté la demande tendant à ce que la présente affaire soit soumise à une procédure accélérée.

55

En effet, l’intérêt des justiciables, tout aussi important et légitime qu’il soit, à ce que soit déterminée le plus rapidement possible la portée des droits qu’ils tirent du droit de l’Union n’implique pas la nécessité du traitement de l’affaire au principal dans de brefs délais, au sens de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

56

À titre liminaire, il convient de déterminer si, du point de vue de la TVA, les différentes opérations afférentes à la construction d’un complexe immobilier ainsi qu’à la vente des appartements construits, effectuées sur la base d’un contrat d’association, doivent être traitées comme des opérations distinctes imposables séparément ou comme des opérations uniques, composées de plusieurs éléments.

57

À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’une opération est constituée par un faisceau d’éléments et d’actes, il y a lieu de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule afin de déterminer si cette opération donne lieu, aux fins de la TVA, à deux ou à plusieurs prestations distinctes ou à une prestation unique (arrêt du 4 septembre 2019, KPC Herning, C-71/18, EU:C:2019:660, point 35 et jurisprudence citée).

58

La Cour a également jugé que, d’une part, il découle de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA que chaque opération doit normalement être considérée comme distincte et indépendante et que, d’autre part, l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA (arrêt du 4 septembre 2019, KPC Herning, C-71/18, EU:C:2019:660, point 36 et jurisprudence citée).

59

Partant, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et, ainsi, donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (arrêt du 4 septembre 2019, KPC Herning, C-71/18, EU:C:2019:660, point 37 et jurisprudence citée).

60

Une prestation doit être considérée comme unique lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable, dont la division revêtirait un caractère artificiel. Tel est également le cas lorsqu’une ou plusieurs prestations constituent une prestation principale et que la ou les autres prestations constituent une ou plusieurs prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. Notamment, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (arrêt du 4 septembre 2019, KPC Herning, C-71/18, EU:C:2019:660, point 38 et jurisprudence citée).

61

Cependant, il n’existe pas de règle absolue quant à la détermination de l’étendue d’une prestation du point de vue de la TVA et il convient dès lors, pour déterminer l’étendue d’une prestation, de prendre en considération l’ensemble des circonstances dans lesquelles se déroule l’opération en question (arrêt du 4 septembre 2019, KPC Herning, C-71/18, EU:C:2019:660, point 39 et jurisprudence citée).

62

Dans le cadre de la coopération instituée en vertu de l’article 267 TFUE, afin de déterminer si une opération commerciale constitue plusieurs prestations indépendantes ou une prestation unique aux fins de la TVA, il incombe au juge national d’identifier les éléments caractéristiques de l’opération concernée en tenant compte de l’objectif économique de cette opération et de l’intérêt de ses destinataires ainsi qu’en portant toutes appréciations de fait définitives à cet égard [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2018, Volkswagen Financial Services (UK), C-153/17, EU:C:2018:845, points 32 et 33 ainsi que jurisprudence citée].

63

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’opération en cause au principal a consisté en la construction d’un complexe d’immeubles résidentiels aux fins de la vente des appartements construits à des tiers.

64

En premier lieu, il ressort du dossier dont dispose la Cour que ASA et PP ont participé à ladite opération en apportant un terrain qu’elles détenaient à hauteur de la moitié chacune, tandis que BP et MP ont fourni des matériels de construction et pris en charge les dépenses afférentes à la construction dudit complexe également à hauteur de la moitié chacun, en ce compris les dépenses occasionnées en vue de l’obtention des documents administratifs nécessaires. Par conséquent, BP et MB disposaient de factures établies à leur nom pour les biens et services acquis en vue de la construction du complexe en cause au principal.

65

En second lieu, il importe de souligner que, conformément au contrat d’association, la vente des biens immeubles construits faisait partie des obligations communes des parties contractantes. Or, ainsi qu’il ressort également du dossier dont dispose la Cour, d’une part, aux termes des contrats de vente conclus par actes notariés, les propriétaires des biens immeubles en cause au principal étaient ASA et PP, sans qu’aucune mention ne soit faite, dans les contrats, de BP et de MB ainsi que du contrat d’association. D’autre part, BP et MB ont agi sur la base d’un mandat leur permettant de transmettre, au nom et pour le compte d’ASA et de PP, aux personnes de leur choix et au prix convenu avec l’acheteur, le droit de propriété que ASA et PP avaient sur les appartements en question.

66

Dans la mesure où les opérations afférentes, d’une part, à la construction du complexe immobilier en cause au principal ainsi que, d’autre part, à la vente des biens immeubles semblent revêtir un caractère distinct, chacune d’entre elles présentant une caractéristique économique qui lui est propre et ne pouvant être considérée comme étant la principale – ou l’accessoire – de l’autre, il y a lieu de traiter celles-ci comme des opérations distinctes imposables séparément, ce qu’il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier au regard des circonstances de fait au principal.

Sur la première question

67

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 9 et 11 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que les parties à un contrat d’association sans personnalité juridique, qui n’a pas été enregistré auprès de l’autorité fiscale compétente avant le début de l’activité économique concernée, doivent être considérées comme des « assujettis » aux côtés de l’assujetti tenu d’acquitter la taxe sur l’opération imposable.

68

S’agissant, en premier lieu, de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, il importe de rappeler que cette disposition définit la notion d’« assujetti » comme visant « quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité ».

69

Selon une jurisprudence constante de la Cour, les termes utilisés à l’article 9 de la directive TVA, notamment le terme « quiconque », donnent de la notion d’« assujetti » une définition large axée sur l’indépendance dans l’exercice d’une activité économique, en ce sens que toutes les personnes, physiques ou morales, aussi bien publiques que privées, ainsi que des entités dépourvues de personnalité juridique, qui, d’une manière objective, remplissent les critères figurant à cette disposition, doivent être considérées comme des assujettis à la TVA [arrêt du 16 septembre 2020, Valstybinė mokesčių inspekcija (Contrat d’activité commune), C-312/19, EU:C:2020:711, point 39 et jurisprudence citée].

70

Afin de déterminer qui, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, doit être considéré comme étant « assujetti » à la TVA pour les livraisons en cause, il convient de vérifier qui a exercé de façon indépendante l’activité économique visée. En effet, le critère d’indépendance concerne la question du rattachement de l’opération concernée à une personne ou à une entité concrète, tout en garantissant, en outre, que l’acquéreur puisse exercer son éventuel droit à déduction de manière juridiquement sûre [arrêt du 16 septembre 2020, Valstybinė mokesčių inspekcija (Contrat d’activité commune), C-312/19, EU:C:2020:711, point 40].

71

À cette fin, il convient de contrôler si la personne concernée accomplit une activité économique en son nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité, et si elle supporte le risque économique lié à l’exercice de ces activités [arrêt du 16 septembre 2020, Valstybinė mokesčių inspekcija (Contrat d’activité commune), C-312/19, EU:C:2020:711, point 41 et jurisprudence citée].

72

En l’occurrence, il appartient en dernier lieu au juge national, seul compétent pour apprécier les faits, de déterminer, à la lumière des considérations présentées aux points 56 à 60 du présent arrêt, si BP et MP doivent être considérés comme exerçant de « façon indépendante » une activité économique au regard du contrat d’association en cause au principal.

73

Cependant, la Cour, appelée à fournir au juge de renvoi des réponses utiles, est compétente pour donner des indications, tirées du dossier de l’affaire au principal en cause ainsi que des observations écrites qui lui ont été soumises, de nature à permettre à ce dernier de statuer dans le litige concret dont il est saisi (voir, par analogie, arrêt du 17 décembre 2020, WEG Tevesstraße, C-449/19, EU:C:2020:1038, point 31).

74

S’agissant de l’opération imposable en cause au principal, à savoir la livraison des biens immeubles, il est vrai, ainsi qu’il a été rappelé au point 65 du présent arrêt, que la vente des appartements construits faisait partie, aux termes du contrat d’association, des obligations communes des parties contractantes.

75

Cependant, d’une part, il découle de la décision de renvoi que les contrats de vente conclus par actes notariés, stipulaient que le bénéfice de la vente était destiné à s’intégrer dans le patrimoine d’ASA et de PP en tant que propriétaires des biens immeubles en cause au principal, sans qu’aucune mention ne soit faite dans ces contrats de BP et de MB ainsi que du contrat d’association.

76

D’autre part, si, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, BP et MB agissaient sur la base d’un mandat leur permettant de transmettre, au nom et pour le compte d’ASA et de PP, aux personnes de leur choix et au prix convenu avec l’acheteur, le droit de propriété que ces dernières avaient sur les appartements, il n’en demeure pas moins que les effets juridiques des contrats de vente conclus par l’un des mandataires avec un tiers concernaient seulement ASA et PP, puisque la livraison des biens immeubles s’effectuait sur le seul fondement des contrats de vente et non pas sur la base des promesses de vente conclues par MB en son nom propre en tant que mandataire d’ASA et de PP.

77

Il s’ensuit que BP et MB ne sauraient être considérés, en ce qui concerne la livraison des biens immeubles, comme ayant accompli de manière indépendante une activité économique conformément à l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA, de telle sorte qu’ils ne présentent pas la qualité d’« assujetti », au sens de cette disposition.

78

En second lieu, il importe de vérifier si les parties à un contrat d’association tel que celui en cause au principal doivent être considérées comme étant un seul assujetti, au sens de l’article 11 de la directive TVA.

79

À cet égard, l’article 11 de la directive TVA prévoit, à son premier alinéa, que chaque État membre peut considérer comme un seul assujetti les personnes établies sur son territoire et qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation, et précise, à son second alinéa, qu’un État membre qui fait usage de cette faculté peut prendre toutes mesures utiles pour éviter que l’application de cette disposition rende la fraude ou l’évasion fiscales possibles.

80

Par cette disposition, le législateur de l’Union a entendu permettre aux États membres de ne pas lier systématiquement la qualité d’assujetti à la notion d’« indépendance » purement juridique soit dans un souci de simplification administrative, soit pour éviter certains abus tels que, par exemple, le fractionnement d’une entreprise entre plusieurs assujettis dans le but de bénéficier d’un régime particulier (arrêt du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C-868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 35 et jurisprudence citée).

81

L’assimilation à un assujetti unique en vertu de l’article 11, premier alinéa, de la directive TVA exclut que les personnes subordonnées continuent à souscrire séparément des déclarations de TVA et continuent à être identifiées, dans et hors de leur groupe, comme des assujettis, dès lors que seul l’assujetti unique est habilité à souscrire lesdites déclarations (arrêt du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C-868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 36 et jurisprudence citée).

82

En l’occurrence, le gouvernement roumain soutient que le législateur national n’a pas fait usage de la faculté offerte aux États membres par l’article 11 de la directive TVA, de telle sorte que cette disposition ne s’applique pas au litige au principal. La Commission affirme, quant à elle, que, en vertu du droit roumain, jusqu’au 1er janvier 2009, la possibilité de constituer un groupement tel que visé à cette disposition n’était ouverte qu’aux grands contribuables, à l’exclusion donc des personnes physiques telles que les parties au contrat d’association en cause au principal.

83

Il convient de rappeler à cet égard que, la Cour n’étant pas compétente pour interpréter le droit national, il appartient à la seule juridiction de renvoi de déterminer s’il résulte du libellé de l’article 125 bis, paragraphe 18, et de l’article 127, paragraphe 8, du code des impôts ainsi que de la décision du gouvernement no 44/2004 que le législateur roumain a fait usage de cette faculté et que celle-ci pouvait, à l’époque des faits au principal, être applicable aux parties au contrat d’association concerné.

84

À supposer que tel ait été le cas, il importe à la Cour, afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, de lui fournir des éléments lui permettant d’apprécier la compatibilité de la législation nationale en cause au principal avec les principes de proportionnalité et de neutralité fiscale.

85

En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les États membres peuvent, dans le cadre de leur marge d’appréciation, soumettre l’application du régime prévu à l’article 11 de la directive TVA à certaines restrictions, pourvu qu’elles s’inscrivent dans les objectifs de cette directive visant à prévenir les pratiques ou les comportements abusifs ou à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales, et que le droit de l’Union et ses principes généraux, notamment les principes de proportionnalité et de neutralité fiscale, soient respectés (arrêt du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C-868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 57 et jurisprudence citée).

86

Il incombe ainsi à la juridiction de renvoi de vérifier que l’exigence d’une déclaration préalable d’enregistrement par les membres du groupe fiscal auprès de l’autorité fiscale compétente, figurant au point 4, paragraphe 5, de la décision du gouvernement no 44/2004, constitue une mesure nécessaire et appropriée aux objectifs visant à prévenir les pratiques ou les comportements abusifs ou à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales (voir, par analogie, arrêt du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C-868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 58 et jurisprudence citée).

87

S’agissant du principe de proportionnalité, il convient de constater qu’une réglementation nationale exigeant l’enregistrement des membres du groupe fiscal auprès de l’autorité fiscale compétente avant la réalisation des opérations imposables ne semble pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de l’article 11 de la directive TVA, visant à prévenir les pratiques ou les comportements abusifs ou à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales, en ce qu’elle permet à l’administration fiscale d’identifier l’assujetti avant la réalisation desdites opérations, facilitant ainsi le contrôle fiscal.

88

En ce qui concerne le principe de neutralité fiscale, celui-ci, qui est la traduction par le législateur de l’Union, en matière de TVA, du principe général d’égalité de traitement, s’oppose notamment à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 2020, WEG Tevesstraße, C-449/19, EU:C:2020:1038, point 48 et jurisprudence citée, ainsi que du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C-868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 65 et jurisprudence citée).

89

En l’occurrence, la déclaration préalable du groupe fiscal concerné auprès de l’autorité fiscale compétente, imposée par la réglementation nationale en cause au principal, semble viser la tenue par cette autorité d’un registre des personnes devant payer l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés, de sorte que cette exigence ne saurait être interprétée comme étant contraire au principe de neutralité fiscale.

90

Il en résulte que, quand bien même les dispositions du droit national mentionnées au point 83 du présent arrêt constitueraient la transposition de l’article 11 de la directive TVA et que ces dispositions auraient été applicables aux parties au contrat d’association en cause au principal, cet article 11 ne s’opposerait pas à ce qu’une telle association, sans personnalité juridique et n’ayant pas été enregistrée auprès de l’autorité fiscale avant les opérations concernées, ne puisse pas bénéficier desdites dispositions.

91

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que les articles 9 et 11 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que les parties à un contrat d’association sans personnalité juridique, qui n’a pas été enregistré auprès de l’autorité fiscale compétente avant le début de l’activité économique concernée, ne sauraient être considérées comme des « assujettis » aux côtés de l’assujetti qui est tenu d’acquitter la taxe sur l’opération imposable.

Sur la deuxième question

92

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive TVA ainsi que le principe de proportionnalité et le principe de neutralité fiscale doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent d’accorder à un assujetti, lorsque celui-ci ne dispose pas de facture à son nom, le droit à déduction de la TVA payée en amont par une autre partie d’une association sans personnalité juridique en vue de la réalisation de l’activité économique de cette association.

93

En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, le droit à déduction de la TVA constitue un principe fondamental du système commun de TVA, qui ne peut, en principe, être limité, et s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont par l’assujetti (arrêt du 10 février 2022, Grundstücksgemeinschaft Kollaustraße 136, C-9/20, EU:C:2022:88, point 47 et jurisprudence citée).

94

Ce régime vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de TVA garantit, par conséquent, la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition qu’elles soient elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 10 février 2022, Grundstücksgemeinschaft Kollaustraße 136, C-9/20, EU:C:2022:88, point 48 et jurisprudence citée).

95

En vertu de l’article 167 de la directive TVA, le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. Les conditions matérielles requises pour la naissance de ce droit sont énumérées à l’article 168, sous a), de cette directive. Ainsi, pour pouvoir bénéficier dudit droit, il faut, d’une part, que l’intéressé soit un assujetti au sens de ladite directive et, d’autre part, que les biens ou les services invoqués pour fonder le droit à déduction soient utilisés en aval par l’assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées et que, en amont, ces biens soient livrés ou ces services soient rendus par un autre assujetti (arrêt du 21 novembre 2018, Vădan, C-664/16, EU:C:2018:933, point 39 et jurisprudence citée).

96

En ce qui concerne les conditions formelles du droit à déduction, il ressort de l’article 178, sous a), de la directive TVA que l’exercice de ce droit est subordonné à la détention d’une facture établie conformément à l’article 226 de cette directive (arrêt du 21 novembre 2018, Vădan, C-664/16, EU:C:2018:933, point 40 et jurisprudence citée).

97

Or, la Cour a jugé que le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction de celle-ci en amont soit accordée si les conditions matérielles sont satisfaites, même si certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis. Par suite, l’administration fiscale ne saurait refuser le droit à déduction de la TVA au seul motif qu’une facture ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de la directive TVA, si elle dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites (arrêt du 21 novembre 2018, Vădan, C-664/16, EU:C:2018:933, point 41 et jurisprudence citée).

98

Ainsi, l’application stricte de l’exigence formelle de produire des factures se heurterait aux principes de neutralité et de proportionnalité, en ce qu’elle aurait pour effet d’empêcher de manière disproportionnée l’assujetti de bénéficier de la neutralité fiscale afférente à ses opérations (arrêt du 21 novembre 2018, Vădan, C-664/16, EU:C:2018:933, point 42 et jurisprudence citée).

99

Néanmoins, il incombe à l’assujetti qui demande la déduction de la TVA d’établir qu’il répond aux conditions prévues pour en bénéficier (arrêt du 21 novembre 2018, Vădan, C-664/16, EU:C:2018:933, point 43 et jurisprudence citée).

100

Ainsi, l’assujetti est tenu de fournir des preuves objectives que des biens et des services lui ont effectivement été fournis en amont par des assujettis, pour les besoins de ses propres opérations soumises à la TVA, et à l’égard desquels il s’est effectivement acquitté de la TVA (arrêt du 21 novembre 2018, Vădan, C-664/16, EU:C:2018:933, point 44 et jurisprudence citée).

101

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que BP et MB, qui étaient chargés de la construction du complexe immobilier en cause au principal, disposent des factures établies à leur nom pour les biens et services acquis personnellement en vue de cette opération de construction, au sens de l’article 168, sous a), et de l’article 178, sous a), de la directive TVA, tandis que ASA, qui a participé à l’association en apportant, avec PP, le terrain sur lequel a été construit ledit complexe immobilier, ne dispose que de factures établies à son nom pour des services d’électricité ainsi que de reçus fiscaux qu’elle a présentés comme ayant été acquittés par BP.

102

Au regard de la jurisprudence de la Cour citée aux points 98 à 100 du présent arrêt, il incombe à ASA de fournir des preuves objectives que des biens et des services liés à la construction du complexe immobilier en cause au principal lui ont effectivement été fournis en amont par des assujettis, pour les besoins de ses propres opérations soumises à la TVA, à savoir la livraison des biens immeubles et à l’égard desquels elle s’est effectivement acquittée de la TVA, évitant ainsi le risque d’une double déduction du même montant de TVA à la fois par ASA et par BP et MB, contraire au principe de neutralité.

103

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que la directive TVA ainsi que le principe de proportionnalité et le principe de neutralité fiscale doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’imposent pas d’accorder à un assujetti, lorsque celui-ci ne dispose pas de facture à son nom, le droit à déduction de la TVA payée en amont par une autre partie d’une association sans personnalité juridique en vue de la réalisation de l’activité économique de cette association, même si l’assujetti est redevable au titre de cette activité, en l’absence de preuves objectives que les biens et les services en cause au principal lui ont effectivement été fournis en amont par des assujettis, pour les besoins de ses propres opérations soumises à la TVA.

Sur la troisième question

104

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, en cas de réponse négative à la deuxième question, si le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que l’assujetti redevable de la TVA puisse appeler en garantie d’autres associés à un contrat d’association en vue de les obliger à supporter la TVA au prorata de leurs droits aux bénéfices conformément audit contrat d’association.

105

À cet égard, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 25 janvier 2022, VYSOČINA WIND, C-181/20, EU:C:2022:51, point 47 et jurisprudence citée).

106

Ledit principe de sécurité juridique doit être respecté par une réglementation nationale qui entre dans le champ d’application du droit de l’Union ou met en œuvre ce dernier (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juillet 2014, Yumer, C-505/13, non publiée, EU:C:2014:2129, point 37 et jurisprudence citée).

107

Or, la juridiction de renvoi n’établit pas que le recours d’un assujetti contre un tiers aux fins d’obtenir, au moyen d’une demande en garantie, le remboursement de la TVA payée en amont entre dans le champ d’application du droit de l’Union ou met en œuvre ce dernier, étant donné qu’une telle demande en garantie est régie par le seul droit national.

108

Dans ces conditions, en l’absence d’éléments permettant de conclure à l’applicabilité de la directive TVA à la situation visée par la troisième question, celle-ci est irrecevable.

Sur les dépens

109

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

1)

Les articles 9 et 11 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

doivent être interprétés en ce sens que :

les parties à un contrat d’association sans personnalité juridique, qui n’a pas été enregistré auprès de l’autorité fiscale compétente avant le début de l’activité économique concernée, ne sauraient être considérées comme des « assujettis » aux côtés de l’assujetti qui est tenu d’acquitter la taxe sur l’opération imposable.

 

2)

La directive 2006/112 ainsi que le principe de proportionnalité et le principe de neutralité fiscale

doivent être interprétés en ce sens que :

ils n’imposent pas d’accorder à un assujetti, lorsque celui-ci ne dispose pas de facture à son nom, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont par une autre partie d’une association sans personnalité juridique en vue de la réalisation de l’activité économique de cette association, même si l’assujetti est redevable au titre de cette activité, en l’absence de preuves objectives que les biens et les services en cause au principal lui ont effectivement été fournis en amont par des assujettis, pour les besoins de ses propres opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le roumain.