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Avis juridique important

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61997J0408

Arrêt de la Cour du 12 septembre 2000. - Commission des Communautés européennes contre Royaume des Pays-Bas. - Manquement - Article 4, paragraphe 5, de la sixième directive TVA - Mise à disposition de routes moyennant versement d'un péage - Non-assujettissement à la TVA. - Affaire C-408/97.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-06417


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Recours en manquement - Preuve du manquement - Charge incombant à la Commission - Présentation d'éléments de droit et de fait fournis par l'État membre en cause - Impossibilité pour ce dernier d'exciper du manque de caractère concret desdits éléments

(Traité CE, art. 5 et 169 (devenus art. 10 CE et 226 CE))

2 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Prestations de services à titre onéreux - Notion - Mise à disposition d'infrastructures routières moyennant versement d'un péage - Inclusion

(Directive du Conseil 77/388, art. 2, point 1)

3 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Assujettis - Organismes de droit public - Non-assujettissement pour les activités exercées en tant qu'autorités publiques - Notion

(Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 5)

Sommaire


1 Si, dans le cadre d'une procédure en manquement en vertu de l'article 169 du traité (devenu article 226 CE), il incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué, l'État membre ne saurait exciper du manque de caractère concret des éléments de droit et de pratique nationaux avancés par la Commission et, partant, de l'irrecevabilité du recours, lorsque cette institution est largement tributaire des éléments fournis par l'État membre concerné, ce dernier étant en effet tenu de faciliter à la Commission l'accomplissement de sa mission. (voir points 15-17)

2 La mise à disposition d'une infrastructure routière moyennant versement d'un péage constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux au sens de l'article 2, point 1, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires. En effet, l'utilisation de l'infrastructure routière est subordonnée au règlement d'un péage dont le prix est fonction, notamment, de la catégorie de véhicules utilisée et de la distance parcourue. Il existe, dès lors, une relation directe et nécessaire entre le service rendu et la contre-valeur pécuniaire reçue. (voir points 29-30)

3 Pour que joue la règle du non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des organismes de droit public s'agissant des activités ou des opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, prévue à l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, deux conditions doivent être remplies cumulativement, à savoir l'exercice d'activités par un organisme de droit public et l'exercice d'activités accomplies en tant qu'autorité publique. S'agissant de cette dernière condition, les activités exercées en tant qu'autorités publiques sont celles accomplies par les organismes de droit public dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier, à l'exclusion des activités qu'ils exercent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés. (voir points 34-35)

Parties


Dans l'affaire C-408/97,

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mme H. Michard et M. B. J. Drijber, membres du service juridique, puis par Mme H. Michard et M. H. van Vliet, membre du même service, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme C. Wissels et M. M. A. Fierstra, conseillers juridiques adjoints au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents, Bezuidenhoutseweg, 67, La Haye,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en ne soumettant pas à la taxe sur la valeur ajoutée les péages perçus lors de l'utilisation d'infrastructures routières comme contrepartie du service rendu aux usagers, contrairement aux dispositions des articles 2 et 4 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), le royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), L. Sevón et R. Schintgen, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, J.-P. Puissochet, P. Jann, H. Ragnemalm, V. Skouris et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau et M. H. A. Rühl, administrateurs principaux,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 23 novembre 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 27 janvier 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 décembre 1997, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en ne soumettant pas à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») les péages perçus lors de l'utilisation d'infrastructures routières comme contrepartie du service rendu aux usagers, contrairement aux dispositions des articles 2 et 4 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), le royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.

Le cadre juridique

2 Aux termes de l'article 2 de la sixième directive:

«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

2. les importations de biens.»

3 Selon l'article 4, paragraphes 1, 2 et 5, de la sixième directive:

«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

...

5. Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu'ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.

En tout état de cause, les organismes précités ont la qualité d'assujettis notamment pour les opérations énumérées à l'annexe D et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables.

Les États membres peuvent considérer comme activités de l'autorité publique les activités des organismes précités exonérées en vertu des articles 13 ou 28.»

4 Il est constant que l'activité consistant à mettre à disposition une infrastructure routière moyennant acquittement d'un péage ne relève d'aucune des opérations mentionnées à l'annexe D de la sixième directive.

La procédure précontentieuse

5 Par lettre du 20 avril 1988, la Commission a reproché au gouvernement néerlandais l'inobservation de la sixième directive en raison du non-assujettissement à la TVA des péages perçus sur certaines infrastructures routières. Conformément à l'article 169 du traité, elle a mis ce gouvernement en demeure de présenter ses observations à ce sujet dans un délai de deux mois.

6 Estimant que le gouvernement néerlandais n'avait pas répondu à sa lettre de mise en demeure, la Commission lui a, le 19 octobre 1989, adressé un avis motivé.

7 Le 8 décembre 1989, le gouvernement néerlandais a informé la Commission qu'il avait bien répondu à sa mise en demeure par une lettre du 5 juillet 1988, dont il lui a transmis copie, par laquelle il rejetait les griefs de la Commission.

8 Eu égard à cette réponse et estimant que les explications du gouvernement néerlandais n'étaient pas satisfaisantes, la Commission a, le 23 décembre 1996, adressé à ce gouvernement un avis motivé complémentaire concluant qu'il ne respectait pas les obligations découlant de la sixième directive. En conséquence, elle l'a invité à prendre, dans un délai de deux mois, les mesures nécessaires pour s'y conformer.

9 Le gouvernement néerlandais a réagi à cet avis par lettre du 27 février 1997.

10 La réponse du gouvernement néerlandais à l'avis motivé n'ayant pas été jugée satisfaisante, la Commission a introduit le présent recours.

Sur la recevabilité

11 Le gouvernement néerlandais exprime des doutes quant à la recevabilité du recours. Il fait valoir qu'il incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué en apportant à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l'existence de ce manquement (voir, notamment, arrêt du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas, 96/81, Rec. p. 1791, point 6).

12 Or, en l'occurrence, la Commission se bornerait à affirmer dans sa requête que le royaume des Pays-Bas a manqué à ses obligations, mais n'exposerait nullement en quoi la réglementation ou la pratique néerlandaises enfreindraient la sixième directive ni n'indiquerait quelles mesures cet État membre aurait dû arrêter en vue de se conformer aux obligations que lui impose cette directive. De même, au cours de la phase précontentieuse, la Commission n'aurait reproché au royaume des Pays-Bas aucune infraction concrète à la sixième directive.

13 Le gouvernement néerlandais précise qu'il n'a jamais reconnu, ni pendant la procédure précontentieuse ni devant la Cour, l'existence d'une règle législative ou d'une prescription administrative violant les obligations imposées par la sixième directive. La réponse du gouvernement néerlandais à l'avis motivé complémentaire préciserait certes qu'il n'existe plus qu'une seule infrastructure routière à péage aux Pays-Bas et reconnaîtrait que la TVA n'est pas prélevée sur les péages perçus. Toutefois, cette communication, qui ne concernerait qu'un cas spécifique, ne permettrait nullement à la Commission de conclure à titre général que «les» péages perçus en contrepartie de l'utilisation d'infrastructures routières ne seraient pas soumis à la TVA. Par ailleurs, cette conclusion d'ordre général de la Commission serait erronée en fait, dans la mesure où le Westerscheldetunnel, dont la construction devrait s'achever en 2003 et dont l'utilisation sera subordonnée au versement d'une redevance, devrait être soumis à la TVA. Dès lors, il n'existerait pas de règle ni de politique générales consistant à soustraire à la TVA les péages perçus par des organismes publics.

14 Or, selon le gouvernement néerlandais, par son recours, la Commission ne cherche pas à faire constater un manquement isolé, mais à dénoncer une pratique générale qui, selon elle, est incompatible avec les obligations imposées par la sixième directive.

15 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre d'une procédure en manquement en vertu de l'article 169 du traité, il incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué. C'est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l'existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (arrêt du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas, précité, point 6).

16 Il ressort toutefois également de la jurisprudence de la Cour que les États membres sont tenus, en vertu de l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE), de faciliter à la Commission l'accomplissement de sa mission, consistant notamment, selon l'article 155 du traité CE (devenu article 211 CE), à veiller à l'application des dispositions du traité ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de celui-ci (arrêt du 22 septembre 1988, Commission/Grèce, 272/86, Rec. p. 4875, point 30).

17 Dans ces conditions, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 35 de ses conclusions, un État membre ne saurait exciper du manque de caractère concret des éléments de droit et de pratique nationaux avancés par la Commission et, partant, de l'irrecevabilité du recours, lorsque, comme en l'espèce, cette institution est largement tributaire des éléments fournis par l'État membre concerné.

18 Par ailleurs, en l'occurrence, le gouvernement néerlandais ne reproche pas à la Commission d'avoir omis de lui communiquer les éléments nécessaires à la préparation de sa défense, circonstance qui toucherait à la régularité de la procédure en manquement d'État (voir, notamment, arrêt du 28 mars 1985, Commission/Italie, 274/83, Rec. p. 1077, points 19 et 20).

19 Pour le surplus, dans la mesure où, par son argumentation, le royaume des Pays-Bas conteste le manquement allégué, l'examen de celle-ci relève du fond.

Sur le fond

20 Selon la Commission, la mise à disposition d'infrastructures routières moyennant acquittement d'un péage par l'utilisateur constitue une activité économique au sens des articles 2 et 4 de la sixième directive. Ladite activité devrait être considérée comme une prestation de services effectuée par un assujetti dans le cadre de l'exploitation d'un bien en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence au sens de l'article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive.

21 Le fait que cette activité soit exercée, comme c'est le cas aux Pays-Bas, par des organismes de droit public ne saurait, selon elle, faire échapper les opérations en cause du champ d'application de la sixième directive.

22 À cet égard, la Commission souligne que, conformément à l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, c'est uniquement pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques que les organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis. Or, tel ne serait pas le cas de l'activité litigieuse qui ne relèverait pas des responsabilités caractéristiques de la puissance publique, lesquelles ne peuvent en aucun cas être déléguées à des organismes privés, alors que la règle du non-assujettissement des organismes de droit public serait nécessairement d'interprétation stricte.

23 Il convient de relever d'emblée que la sixième directive assigne un champ d'application très large à la TVA en visant, à l'article 2, relatif aux opérations imposables, à côté des importations de biens, les livraisons de biens et prestations de services effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays et en définissant, à l'article 4, paragraphe 1, comme assujetti quiconque accomplit, de façon indépendante, une activité économique, quels que soient les buts et les résultats de cette activité (arrêt du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas, 235/85, Rec. p. 1471, point 6).

24 La notion d'activités économiques est définie à l'article 4, paragraphe 2, de la sixième directive comme englobant toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

25 L'analyse de ces définitions met en évidence l'étendue du champ d'application couvert par la notion d'activités économiques et son caractère objectif, en ce sens que l'activité est considérée en elle-même, indépendamment de ses buts ou de ses résultats (arrêt du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas, précité, point 8).

26 Au vu de l'étendue du champ d'application défini par la notion d'activités économiques, il convient de constater que les opérateurs aux Pays-Bas, en tant qu'ils mettent à la disposition des usagers contre rémunération une infrastructure routière, accomplissent une activité économique au sens de la sixième directive.

27 Au vu du caractère objectif que revêt la notion d'activités économiques, le fait que l'activité visée au point précédent consiste dans l'exercice de fonctions conférées et réglementées par la loi, dans un but d'intérêt général, est sans pertinence. En effet, la sixième directive, dans son article 6, prévoit expressément l'assujettissement au régime de la TVA de certaines activités accomplies aux termes de la loi (arrêt du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas, précité, point 10).

28 Il convient de relever, par ailleurs, que, conformément à la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêts du 8 mars 1988, Apple and Pear Development Council, 102/86, Rec. p. 1443, point 12, et du 16 octobre 1997, Fillibeck, C-258/95, Rec. p. I-5577, point 12), la notion de prestation de services effectuée à titre onéreux au sens de l'article 2, point 1, de la sixième directive suppose l'existence d'un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue.

29 Or, ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, la mise à disposition d'une infrastructure routière moyennant acquittement d'un péage répond à cette définition. En effet, l'utilisation de l'infrastructure routière est subordonnée au règlement d'un péage dont le prix est fonction, notamment, de la catégorie de véhicules utilisée et de la distance parcourue. Il existe, dès lors, une relation directe et nécessaire entre le service rendu et la contre-valeur pécuniaire reçue.

30 Dans ces conditions, la mise à disposition d'une infrastructure routière moyennant versement d'un péage constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux au sens de l'article 2, point 1, de la sixième directive.

31 À cet égard, il y a lieu de relever que, dans sa lettre du 5 juillet 1988, en réponse à la lettre de mise en demeure du 20 avril 1988, le gouvernement néerlandais a admis que, aux Pays-Bas, la perception des péages d'autoroute était réservée à l'autorité publique et à des organismes de droit public, que deux ponts et un tunnel y étaient exploités par l'autorité publique et que le péage perçu pour l'utilisation de ces infrastructures n'était pas assujetti à la TVA. Il ressort ensuite de la lettre de ce même gouvernement, du 27 février 1997, en réponse à l'avis motivé du 23 décembre 1996, que le tunnel passant sous le Dordtse Kil était, à cette époque, la seule infrastructure routière dont l'utilisation demeurait subordonnée au paiement d'un péage, et cela au profit de l'organisme de droit public Wegschap Tunnel Dordtse Kil, dans la mesure où l'utilisation des autres infrastructures n'était plus subordonnée au versement d'un péage. Dans cette même lettre, le gouvernement néerlandais déclarait également que la mise à disposition d'infrastructures routières par des organismes de droit public n'était pas considérée aux Pays-Bas comme une activité soumise à la TVA.

32 Il convient dès lors de vérifier si les opérateurs en cause bénéficient, en ce qui concerne l'activité de mise à disposition d'une infrastructure routière moyennant acquittement d'un péage, de l'exonération prévue à l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive.

33 Cette disposition prévoit, en son premier alinéa, que les organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques.

34 Ainsi que la Cour l'a rappelé à maintes reprises, l'analyse de ce texte, à la lumière des objectifs de la directive, met en évidence le fait que deux conditions doivent être remplies cumulativement pour que la règle du non-assujettissement joue, à savoir l'exercice d'activités par un organisme public et l'exercice d'activités accomplies en tant qu'autorité publique (voir, notamment, arrêt du 25 juillet 1991, Ayuntamiento de Sevilla, C-202/90, Rec. p. I-4247, point 18).

35 S'agissant de cette dernière condition, il ressort d'une jurisprudence bien établie de la Cour (arrêts du 17 octobre 1989, Comune di Carpaneto Piacentino e.a., 231/87 et 129/88, Rec. p. 3233, point 16; du 15 mai 1990, Comune di Carpaneto Piacentino e.a., C-4/89, Rec. p. I-1869, point 8, et du 6 février 1997, Marktgemeinde Welden, C-247/95, Rec. p. I-779, point 17) que les activités exercées en tant qu'autorités publiques au sens de l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive sont celles accomplies par les organismes de droit public dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier, à l'exclusion des activités qu'ils exercent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés.

36 Eu égard à cette jurisprudence, il y a lieu de rejeter la thèse de la Commission, exposée au point 22 du présent arrêt, selon laquelle un organisme agit «en tant qu'autorité publique» pour les seules activités qui relèvent de la notion d'autorités publiques au sens strict de ce terme, dont ne ferait pas partie l'activité de mise à disposition d'une infrastructure routière moyennant acquittement d'un péage.

37 La Commission, dont l'approche juridique n'a ainsi pas été retenue par la Cour, n'a pas établi ni même cherché à établir que les organismes exploitant aux Pays-Bas une infrastructure routière à péage agissent dans les mêmes conditions qu'un opérateur économique privé au sens de la jurisprudence de la Cour.

38 Par conséquent, force est de constater que la Commission est restée en défaut d'apporter à la Cour les éléments permettant à celle-ci d'établir l'existence du manquement allégué au regard de la condition tenant à l'exercice d'une activité en tant qu'autorités publiques.

39 Toutefois, ainsi qu'il a également été rappelé au point 34 du présent arrêt, la règle du non-assujettissement prévue à l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive suppose, outre que l'activité considérée soit exercée en tant qu'autorité publique, l'exercice de cette activité par un organisme de droit public.

40 À cet égard, la Cour a jugé qu'une activité exercée par un particulier n'est pas exonérée de la TVA du seul fait qu'elle consiste dans l'accomplissement d'actes relevant de prérogatives de l'autorité publique (arrêts du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas, précité, point 21, et Ayuntamiento de Sevilla, précité, point 19). La Cour en a déduit, au point 20 de l'arrêt Ayuntamiento de Sevilla, précité, que, dès lors qu'une commune confie l'activité de perception de l'impôt à un tiers indépendant, l'exclusion prévue par l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive n'est pas applicable. De même, la Cour a jugé, au point 22 de l'arrêt du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas, précité, que, si l'on devait considérer que, dans l'exercice de leurs fonctions publiques, les notaires et huissiers de justice aux Pays-Bas exercent des prérogatives de puissance publique en vertu d'une investiture publique, ils ne pourraient cependant pas bénéficier de l'exonération prévue à l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive, puisqu'ils exercent ces activités non pas sous la forme d'un organisme de droit public, n'étant pas intégrés dans l'organisation de l'administration publique, mais sous la forme d'une activité économique indépendante, exercée dans le cadre d'une profession libérale.

41 Or, en l'occurrence, il est constant que, aux Pays-Bas, l'activité consistant à mettre à disposition des usagers une infrastructure routière moyennant acquittement d'un péage est, ainsi qu'il ressort notamment des lettres du gouvernement néerlandais du 5 juillet 1988 et du 27 février 1997, exercée par des organismes de droit public.

42 Dès lors, dans la mesure où l'argumentation défendue par la Commission n'a pas pu être retenue, le grief tiré de la violation de la sixième directive n'apparaît pas fondé et, partant, le recours doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

43 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le royaume des Pays-Bas ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.