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61997J0437

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 9 mars 2000. - Evangelischer Krankenhausverein Wien contre Abgabenberufungskommission Wien et Wein & Co. HandelsgesmbH contre Oberösterreichische Landesregierung. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche. - Imposition indirecte - Taxe communale sur les boissons - Sixième directive TVA - Directive 92/12/CEE. - Affaire C-437/97.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-01157


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Interdiction de percevoir d'autres impôts nationaux ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires - Objectif - Notion de «taxes sur le chiffre d'affaires» - Portée - Taxe sur la livraison de glaces et de boissons - Exclusion

(Directive du Conseil 77/388, art. 33)

2 Droit communautaire - Interprétation - Effet utile

3 Droit communautaire - Interprétation - Textes plurilingues - Divergences entre les différentes versions linguistiques

4 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Droits d'accise - Directive 92/12 - Alcools et boissons alcoolisées - Impositions indirectes autres que l'accise - Conditions - Taxe sur la livraison de boissons alcoolisées poursuivant un but autre que purement budgétaire et ne respectant l'économie générale ni des règles relatives aux accises ni de celles applicables pour les besoins de la taxe sur la valeur ajoutée - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 92/12, art. 3, § 2)

5 Questions préjudicielles - Interprétation - Effets dans le temps des arrêts d'interprétation - Effet rétroactif - Limites - Sécurité juridique - Pouvoir d'appréciation de la Cour

(Traité CE, art. 177 (devenu art. 234 CE))

Sommaire


1 Si l'article 33 de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires fait obstacle au maintien ou à l'introduction de droits d'enregistement ou d'autres types d'impôts, droits et taxes, qui présentent les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée, il ne s'oppose pas au maintien ou à l'introduction d'une taxe n'ayant pas ces caractéristiques. Dès lors, la disposition précitée ne s'oppose pas au maintien d'une taxe prévue par la législation d'un État membre qui frappe la livraison à titre onéreux de glaces, y compris les fruits transformés qu'elles contiennent ou les fruits qui les accompagnent, et de boissons, avec inclusion, dans les deux cas, des conditionnements et des accompagnements vendus avec les produits. En effet, cette taxe qui ne s'applique qu'à une catégorie limitée de biens, ne constitue pas un impôt général puisqu'elle n'a pas pour objet d'appréhender l'ensemble des opérations économiques dans l'État membre concerné.

(voir points 23-25, disp. 1)

2 Lorsqu'une disposition de droit communautaire est susceptible de plusieurs interprétations, il faut donner la priorité à celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile.

(voir point 41)

3 En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d'un texte communautaire, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément.

(voir point 42)

4 L'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, selon lequel les produits mentionnés au paragraphe 1 du même article peuvent faire l'objet d'impositions indirectes autres que l'accise si, d'une part, elles poursuivent une ou plusieurs finalités spécifiques au sens de cette disposition et si, d'autre part, elles respectent les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt, s'oppose au maintien d'une taxe, prévue par la législation d'un État membre, qui frappe la livraison à titre onéreux de boissons alcoolisées et qui, d'une part, ne poursuit pas un but autre que purement budgétaire et, d'autre part, ne respecte l'économie générale ni des règles relatives aux accises sur les boissons alcoolisées, son montant étant déterminé par rapport à la valeur du produit, et non sur la base du poids du produit, de la quantité du produit ou de l'alcool qu'il contient, ni des règles applicables pour les besoins de la taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les règles de calcul et d'exigibilité.

(voir points 30-31, 47-50, disp. 2)

5 Dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 177 du traité (devenu article 234 CE), ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Cette limitation ne peut être admise que dans l'arrêt même qui statue sur l'interprétation sollicitée. Pour décider s'il y a lieu ou non de limiter la portée d'un arrêt dans le temps, il faut prendre en considération le fait que, si les conséquences pratiques de toute décision juridictionnelle doivent être pesées avec soin, on ne saurait cependant aller jusqu'à infléchir l'objectivité du droit et compromettre son application future en raison des répercussions qu'une décision de justice peut entraîner pour le passé.

Étant donné que l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, n'avait fait l'objet d'aucun arrêt préjudiciel en interprétation et que le comportement de la Commission a pu amener l'État membre en cause à estimer raisonnablement que la réglementation nationale relative à la taxe sur les boissons alcoolisées était conforme au droit communautaire, des raisons impérieuses de sécurité juridique s'opposent à une remise en cause de rapports juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé, alors que cette remise en cause bouleverserait rétroactivement le système de financement dans l'État membre concerné.

C'est pourquoi il y a lieu pour la Cour de décider que les dispositions de l'article 3, paragraphe 2, de la directive ne peuvent être invoquées à l'appui de demandes relatives à ladite taxe, qui a été payée ou est devenue exigible avant la date de l'arrêt constatant son incompatibilité avec le droit communautaire, sauf par les demandeurs qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente.

(voir points 57-60, disp. 3)

Parties


Dans l'affaire C-437/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Evangelischer Krankenhausverein Wien

et

Abgabenberufungskommission Wien

et entre

Wein & Co HandelsgesmbH, anciennement Ikera Warenhandelsgesellschaft mbH

et

Oberösterreichische Landesregierung,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), de l'article 3 de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1), et de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J.-P. Puissochet et M. Wathelet (rapporteur), juges,

avocat général: M. A. Saggio,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour l'Evangelischer Krankenhausverein Wien, par Me B. Kramer, avocat à Vienne,

- pour l'Abgabenberufungskommission Wien, par MM. K. Pauer, Magistratrat auprès de l'Abgabenberufungskommission Magistratsdirektion - Verfassungs- und Rechtsmittelbüro, J. Ponzer, Bereichsdirektor de la même commission,

- pour Wein & Co HandelsgesmbH, anciennement Ikera Warenhandelsgesellschaft mbH, par Me T. Jordis, avocat à Vienne,

- pour le gouvernement autrichien, par M. W. Okresek, Sektionschef à la Chancellerie, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. V. Kreuschitz, conseiller juridique, et E. Traversa, membre du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de l'Evangelischer Krankenhausverein Wien, représenté par Me B. Kramer, de l'Abgabenberufungskommission Wien, représentée par M. K. Kamhuber, Senatsrat auprès de l'Abgabenberufungskommission Magistratsdirektion - Verfassungs- und Rechtsmittelbüro, de Wein & Co HandelsgesmbH, anciennement Ikera Warenhandelsgesellschaft mbH, représentée par Me T. Jordis, du gouvernement autrichien, représenté par M. W. Okresek et Mme E. Zach, Ministerialrätin au ministère des Finances, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par MM. V. Kreuschitz et E. Traversa, à l'audience du 6 mai 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 1er juillet 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 18 décembre 1997, parvenue à la Cour le 24 décembre suivant, le Verwaltungsgerichtshof a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), de l'article 3 de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1, ci-après la «directive sur les accises»), et de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE).

2 Ces questions ont été posées dans le cadre de deux litiges opposant, d'une part, l'Evangelischer Krankenhausverein Wien (ci-après l'«EKW») à l'Abgabenberufungskommission Wien (autorité viennoise compétente pour statuer en dernière instance dans les affaires en matière de recouvrement des taxes) et, d'autre part, Wein & Co HandelsgesmbH, anciennement Ikera Warenhandelsgesellschaft mbH (ci-après «Wein & Co»), à l'Oberösterreichische Landesregierung (gouvernement du Land de Haute-Autriche), à propos de l'obligation pour EKW et Wein & Co de payer la taxe sur les boissons et les glaces («Getränkesteuer», ci-après la «taxe sur les boissons»).

Le cadre juridique national

3 Conformément à l'article 3 du Finanz-Verfassungsgesetz de 1948 (loi constitutionnelle en matière financière, BGBl. n_ 45/1948, modifiée par la loi constitutionnelle fédérale, BGBl. n_ 201/1996), la répartition du pouvoir fiscal et du produit des taxes est régie par la législation fédérale.

4 La loi fédérale applicable au moment du prélèvement de la taxe sur les boissons dans les affaires au principal était le Finanzausgleichsgesetz de 1993 (loi de péréquation financière, ci-après le «FAG», BGBl. n_ 30/1993, dans la version de la loi fédérale publiée au BGBl. n_ 853/1995). Selon l'article 14, paragraphes 1, point 8, et 2, du FAG, constituent des taxes exclusivement communales:

«des taxes perçues sur la livraison à titre onéreux de glaces, y compris les fruits transformés qu'elles contiennent ou les fruits qui les accompagnent, et de boissons, avec inclusion, dans les deux cas, des conditionnements et des accompagnements vendus avec ces produits, pour autant que la livraison ne s'effectue pas aux fins de la revente dans le cadre d'une activité permanente. Sont exclues de l'imposition les livraisons de `vin' au sens de l'article 10, paragraphe 3, point 1, de l'Umsatzsteuergesetz ([loi de 1994 relative à la taxe sur le chiffre d'affaires], BGBl. n_ 663), si le pouvoir de disposer du bien en question est donné sur le lieu même de la production et si aucun transport et aucune expédition n'ont lieu, ainsi que les livraisons de lait».

5 Il convient de préciser que les livraisons de vin au sens de l'article 10, paragraphe 3, point 1, de l'Umsatzsteuergesetz de 1994 (ci-après l'«UStG») correspondent à la vente de vin de raisins frais produit à l'intérieur du pays dans une exploitation agricole, pour laquelle l'article 10, paragraphe 3, point 1, de l'UStG prévoit l'application d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») de 12 %, qui est réduit par rapport à celui frappant les ventes ordinaires, qui s'élève à 20 %. En application de l'article 14, paragraphe 1, point 8, du FAG, la vente directe de ce vin est exonérée de la taxe sur les boissons.

6 En vertu de l'article 15, paragraphe 3, point 2, du FAG, les communes peuvent, par décision du conseil communal et sans préjudice d'une autorisation plus large octroyée par le législateur du Land, prélever les taxes visées à l'article 14, paragraphe 1, point 8, du FAG au taux de 10 % du prix de vente dans le cas des glaces et des boissons alcoolisées et de 5 % dans celui des boissons non alcoolisées. Au sens de cette disposition, les boissons non alcoolisées sont les boissons dont le degré d'alcool est égal ou inférieur à 0,5_.

7 L'article 15, paragraphe 4, du FAG prévoit que le prix de vente doit se calculer conformément à ce que prescrit l'UStG et qu'il ne comprend pas la taxe sur le chiffre d'affaires et le pourboire.

8 Les taxes communales qui sont à l'origine des litiges au principal sont prévues, s'agissant de l'EKW, par le Wiener Getränkesteuergesetz (loi viennoise de 1992 concernant la taxe sur les boissons, ci-après le «Wiener GStG», LGBl. de Vienne n_ 3/1992) et la Wiener Getränkesteuerverordnung 1992 (règlement viennois de 1992 relatif à la taxe sur les boissons, ci-après la «Wiener GStV», Amtsblatt 6/1992, dans la version modifiée de l'Amtsblatt 44/1992 et de l'Amtsblatt 50/1994) et, s'agissant de Wein & Co., par l'Oberösterreichisches Gemeinde-Getränkesteuergesetz (loi de la Haute-Autriche relative à la taxe communale sur les boissons, ci-après l'«Oö GStG», LGBl. du Land de Haute-Autriche n_ 15/1950, dans la version de la loi du Land publiée au LGBl. n_ 28/1992). Bien que les taxes communales soient régies par des dispositions régionales distinctes, elles présentent des caractéristiques très largement similaires, en sorte qu'elles seront désignées ensemble sous le terme de «taxe sur les boissons».

Le cadre juridique communautaire

9 L'article 33 de la sixième directive, dans la version de la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de l'abolition des frontières fiscales, la directive 77/388 (JO L 376, p. 1), dispose:

«1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un État membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d'une frontière.

2. Toute référence dans la présente directive à des produits soumis à accise fait référence aux produits suivants, tels qu'ils sont définis par les dispositions communautaires en vigueur:

- les huiles minérales,

- l'alcool et les boissons alcooliques,

- les tabacs manufacturés.»

10 Aux termes du troisième considérant de la directive sur les accises:

«considérant que la notion de produits soumis à accise doit être définie; que seules les marchandises qui sont traitées comme tels dans tous les États membres peuvent faire l'objet de dispositions communautaires; que ces produits peuvent faire l'objet d'autres impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques; que le maintien ou l'introduction d'autres impositions indirectes ne doivent pas donner lieu à des formalités liées au passage d'une frontière».

11 L'article 3 de la directive sur les accises dispose, à cet égard:

«1. La présente directive est applicable, au niveau communautaire, aux produits suivants tels que définis dans les directives y afférentes:

- les huiles minérales,

- l'alcool et les boissons alcooliques,

- les tabacs manufacturés.

2. Les produits mentionnés au paragraphe 1 peuvent faire l'objet d'autres impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt.

3. Les États membres conservent la faculté d'introduire ou de maintenir des impositions frappant des produits autres que ceux mentionnés au paragraphe 1, à condition toutefois que ces impositions ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d'une frontière.

Sous le respect de cette même condition, les États membres garderont également la faculté d'appliquer des taxes sur les prestations de services n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires, y compris celles en relation avec des produits soumis à accise.»

Les litiges au principal

12 L'EKW exploite une cafétéria dans un hôpital. Il a fait l'objet, le 6 décembre 1996, d'une décision de mise en recouvrement de l'Abgabenbehörde Wien (autorité viennoise compétente pour le recouvrement des taxes), par laquelle, en application de la réglementation fiscale viennoise, la somme de 309 995 ATS lui a été réclamée au titre de la taxe sur les boissons pour les ventes réalisées entre les mois de janvier 1992 et d'octobre 1996.

13 L'appel interjeté par l'EKW contre cette décision a été rejeté par l'Abgabenberufungskommission Wien.

14 L'EKW a introduit devant le Verwaltungsgerichtshof un recours contre cette décision de rejet, en soutenant que les dispositions relatives à la taxe sur les boissons étaient contraires au droit communautaire, notamment aux articles 33, paragraphe 1, de la sixième directive et 3 de la directive sur les accises.

15 Wein & Co est une société de négoce en vins, établie à Leonding, en Haute-Autriche, à laquelle les autorités municipales ont réclamé la somme de 417 628 ATS au titre de la taxe sur les boissons due pour la période comprise entre le 1er décembre 1994 et le 31 mars 1995.

16 Wein & Co a d'abord formé un recours hiérarchique contre cet avis de taxation devant l'Oberösterreichische Landesregierung, qui l'a rejeté, puis a introduit un recours contre la décision de rejet devant le Verwaltungsgerichtshof, soutenant notamment que la taxe sur les boissons était analogue à une taxe sur le chiffre d'affaires, interdite par l'article 33 de la sixième directive, et qu'elle était contraire à l'article 3, paragraphe 2, de la directive sur les accises.

17 Le Verwaltungsgerichtshof doute de la compatibilité de la taxe sur les boissons avec la sixième directive et la directive sur les accises. Il se demande également si l'exonération de la taxe dont bénéficie la vente directe de vin sur le lieu de production constitue, comme le soutient la Commission dans sa communication C 57/96 (JO 1997, C 82, p. 9), une aide incompatible avec le marché commun.

Les questions préjudicielles

18 Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L'article 33, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (77/388/CEE), s'oppose-t-il au maintien d'une taxe qui est perçue sur la livraison à titre onéreux de glaces, y compris les fruits transformés qu'elles contiennent ou les fruits qui les accompagnent, et de boissons, avec inclusion, dans les deux cas, des conditionnements et des accompagnements vendus avec les produits, et qui s'élève à 10 % du prix de vente dans le cas des glaces et des boissons alcoolisées et à 5 % dans le cas des boissons non alcoolisées, ledit prix de vente étant à déterminer conformément aux dispositions pertinentes de la législation relative à la taxe sur le chiffre d'affaires, mais ne comprenant pas la taxe sur le chiffre d'affaires, le pourboire, ni la taxe sur les boissons?

2) L'article 3, paragraphes 2 et 3, second alinéa, de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992 (directive sur les accises), s'oppose-t-il au maintien d'une taxe telle que celle décrite sous 1)?

3) L'article 92, paragraphe 1, du traité CEE s'oppose-t-il à une disposition dérogatoire qui exonère de la taxe sur les boissons la vente directe de vin?»

Sur la première question

19 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 33, paragraphe 1, de la sixième directive s'oppose au maintien d'une taxe telle que la taxe sur les boissons en cause au principal.

20 Selon une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêts du 27 novembre 1985, Rousseau Wilmot, 295/84, Rec. p. 3759, point 16; du 7 mai 1992, Bozzi, C-347/90, Rec. p. I-2947, point 9, et du 17 septembre 1997, Solisnor-Estaleiros Navais, C-130/96, Rec. p. I-5053, point 13), l'article 33 de la sixième directive, en laissant la liberté aux États membres de maintenir ou d'introduire certaines taxes indirectes, telles les accises, à condition qu'il ne s'agisse pas de taxes «ayant ... le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires», a pour but d'empêcher que le fonctionnement du système commun de TVA soit compromis par des mesures fiscales d'un État membre grevant la circulation des biens et des services, et frappant les transactions commerciales d'une façon comparable à la TVA.

21 Doivent en tout cas être considérés comme de telles mesures les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de la TVA, même s'ils ne sont pas en tous points identiques à celle-ci.

22 Ainsi que la Cour l'a déjà constaté à plusieurs reprises, ces caractéristiques sont les suivantes: la TVA s'applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services; elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services, quel que soit le nombre des transactions effectuées; elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution; enfin, elle s'applique sur la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d'une transaction étant calculée après déduction de celle qui a été payée lors de la transaction précédente (voir, notamment, arrêts du 3 mars 1988, Bergandi, 252/86, Rec. p. 1343, point 15; Bozzi, précité, point 12, et Solisnor-Estaleiros Navais, précité, point 14).

23 Il découle de ce qui précède que l'article 33 de la sixième directive fait obstacle au maintien ou à l'introduction de droits d'enregistrement ou d'autres types d'impôts, droits et taxes, qui présentent les caractéristiques essentielles de la TVA. En outre, la Cour a précisé, dans l'arrêt Solisnor-Estaleiros Navais, précité, points 19 et 20, que l'article 33 de la sixième directive ne s'oppose pas au maintien ou à l'introduction d'une taxe, dès lors qu'elle ne revêt pas l'une des caractéristiques essentielles de la TVA.

24 Il convient de relever qu'une taxe telle que celle décrite par la juridiction de renvoi ne constitue pas un impôt général puisqu'elle n'a pas pour objet d'appréhender l'ensemble des opérations économiques dans l'État membre concerné (voir, en ce sens, arrêts Solisnor-Estaleiros Navais, précité, point 17, et du 16 décembre 1992, Beaulande, C-208/91, Rec. p. I-6709, point 16). En effet, il ressort des articles 14, paragraphe 1, point 8, du FAG, 1er de la Wiener GStV et 1er de l'Oö GStG que la taxe ne s'applique qu'à une catégorie limitée de biens, en ne frappant que la livraison à titre onéreux de glaces, y compris les fruits transformés qu'elles contiennent ou les fruits qui les accompagnent, et de boissons, avec inclusion, dans les deux cas, des conditionnements et des accompagnements vendus avec les produits.

25 En conséquence, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres caractéristiques de la taxe sur les boissons, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 33 de la sixième directive, dans la version de la directive 91/680, ne s'oppose pas au maintien d'une taxe telle que la taxe sur les boissons en cause au principal, qui frappe la livraison à titre onéreux de glaces, y compris les fruits transformés qu'elles contiennent ou les fruits qui les accompagnent, et de boissons, avec inclusion, dans les deux cas, des conditionnements et des accompagnements vendus avec les produits.

Sur la deuxième question

26 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 3, paragraphes 2 et 3, de la directive sur les accises s'oppose au maintien d'une taxe telle que la taxe sur les boissons en vigueur à Vienne et en Haute-Autriche au moment des faits au principal.

27 Afin de répondre à cette question, il convient tout d'abord de distinguer selon que la taxe sur les boissons frappe, d'une part, les boissons non alcoolisées et les glaces et, d'autre part, les boissons alcoolisées. En effet, l'article 3 de la directive sur les accises contient des dispositions différentes selon que le produit soumis à la taxe est mentionné au paragraphe 1, ce qui est le cas des boissons alcoolisées (la disposition pertinente en ce cas est le paragraphe 2), ou non (la disposition pertinente en ce cas est le paragraphe 3).

28 En ce qui concerne une taxe telle que la taxe communale autrichienne en tant qu'elle frappe les boissons non alcoolisées et les glaces, il ressort de l'article 3, paragraphe 3, de la directive sur les accises qu'une imposition qui frappe des produits autres que ceux mentionnés au paragraphe 1 ou qui frappe des prestations de services et n'a pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires peut être maintenue par les États membres à condition qu'elle ne donne pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d'une frontière.

29 Il n'a pas été contesté dans le cadre des litiges au principal ni devant la Cour que la taxe sur les boissons non alcoolisées et les glaces remplit une telle condition. Ladite taxe est donc compatible avec l'article 3, paragraphe 3, de la directive sur les accises.

30 S'agissant d'une taxe telle que la taxe communale autrichienne en tant qu'elle frappe les boissons alcoolisées, il convient de rappeler que, selon l'article 3, paragraphe 2, de la directive sur les accises, les produits mentionnés au paragraphe 1 du même article (en ce compris les boissons alcoolisées) peuvent faire l'objet d'impositions indirectes autres que l'accise si, d'une part, elles poursuivent une ou plusieurs finalités spécifiques au sens de cette disposition et si, d'autre part, elles respectent les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la TVA pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt.

31 Il convient d'examiner, en premier lieu, si une taxe telle que la taxe à laquelle sont soumises les boissons alcoolisées poursuit une finalité spécifique au sens de l'article 3, paragraphe 2, de la directive sur les accises, à savoir un but autre que purement budgétaire (en ce sens, voir arrêt du 24 février 2000, Commission/France, C-434/97, non encore publié au Recueil, point 19).

32 Selon le gouvernement autrichien, la finalité spécifique de la taxe sur les boissons résiderait dans le renforcement de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.

33 Or, le renforcement de l'autonomie communale par la reconnaissance d'un pouvoir de prélever des recettes fiscales constitue un objectif purement budgétaire, lequel ne saurait, à lui seul, ainsi qu'il vient d'être indiqué, constituer une finalité spécifique au sens de l'article 3, paragraphe 2, de la directive sur les accises.

34 Le gouvernement autrichien a également soutenu que la finalité spécifique de la taxe sur les boissons résidait dans la compensation des charges importantes supportées par les communes au regard des contraintes résultant du tourisme.

35 Or, il ressort du dossier au principal, ce qui n'a d'ailleurs pas été contesté par le gouvernement autrichien, qu'aucune affectation prédéterminée n'est imposée aux communes et qu'il n'existe pas de lien avec les infrastructures touristiques ou le développement du tourisme puisque cette taxe, qui frappe les boissons indépendamment du lieu où elles sont consommées, est également perçue dans des endroits qui ne sont pas touristiques. Au demeurant, il convient de relever qu'existent déjà en Autriche des taxes visant spécifiquement la promotion du tourisme (voir, à ce sujet, arrêt du 8 juin 1999, Pelzl e.a., C-338/97, C-344/97 et C-390/97, non encore publié au Recueil).

36 Le gouvernement autrichien a enfin soutenu que la taxe a pour objectif de protéger la santé publique, car elle inciterait à la consommation de boissons non alcoolisées, moins taxées que les boissons alcoolisées.

37 À cet égard, il ressort de l'article 14, paragraphe 1, point 8, du FAG que la vente directe de vin est, en Autriche, exonérée de la taxe sur les boissons, en sorte qu'il est contestable que cette taxe ait pour objectif de dissuader la consommation de boissons alcoolisées et poursuive un objectif de protection de la santé publique. Ensuite, ainsi que l'a souligné la Commission, sans être contredite sur ce point, selon l'article 10, paragraphe 3, point 1, de l'UStG, le vin de raisins frais produit et vendu directement par les exploitations viticoles nationales bénéficie en Autriche d'un taux de TVA réduit, en sorte qu'une boisson telle que le vin autrichien vendu directement sur les lieux d'exploitation est globalement moins taxée qu'une boisson non alcoolisée telle que le jus d'orange. Par ailleurs, la taxe sur les boissons frappe, au même taux que les boissons alcoolisées (10 %), les glaces de consommation ainsi que, même à un taux moindre (5 %), les boissons non alcoolisées, ce qui indique également que la protection de la santé publique n'a pas été la finalité spécifique de la législation en cause.

38 Il résulte des considérations qui précèdent qu'une taxe telle que la taxe à laquelle sont soumises les boissons alcoolisées ne peut être considérée comme poursuivant une finalité spécifique au sens de l'article 3, paragraphe 2, de la directive sur les accises.

39 En second lieu, il y a lieu de déterminer si une taxe telle que la taxe qui frappe les boissons alcoolisées respecte les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la TVA pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt.

40 Il convient tout d'abord de relever que les versions linguistiques de l'article 3, paragraphe 2, de la directive sur les accises divergent à un double titre.

41 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsqu'une disposition de droit communautaire est susceptible de plusieurs interprétations, il faut donner la priorité à celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile (voir, notamment, arrêt du 22 septembre 1988, Land de Sarre e.a., 187/87, Rec. p. 5013, point 19).

42 En outre, en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d'un texte communautaire, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, notamment, arrêt du 27 mars 1990, Cricket St Thomas, C-372/88, Rec. p. I-1345, point 19).

43 En premier lieu, dans les versions en langues allemande, espagnole, française, italienne et portugaise, l'utilisation du mot «ou» ouvre une alternative entre le respect des règles communautaires de taxation relatives aux accises et le respect de celles relatives à la TVA, alors que, dans les versions en langues anglaise, danoise, finnoise, hellénique, néerlandaise et suédoise, le terme «et» semble exiger le respect cumulatif de ces règles.

44 Or, la TVA et les accises présentent certaines caractéristiques incompatibles. Ainsi, la première est proportionnelle au prix des biens qu'elle frappe tandis que les secondes sont calculées, à titre principal, sur le volume du produit. En outre, la TVA est perçue à chaque phase du processus de production et de distribution (la taxe acquittée en amont lors de l'opération antérieure étant en principe déductible), tandis que les accises deviennent exigibles lors de la mise à la consommation des produits imposés (sans qu'intervienne un semblable mécanisme de déduction). Enfin, la TVA se caractérise par sa généralité tandis que l'accise n'est imposée que sur des produits déterminés. En conséquence, l'article 3, paragraphe 2, de la directive sur les accises prévoirait une condition impossible à réaliser s'il devait être interprété comme imposant aux États membres de respecter simultanément les règles de taxation relatives à ces deux catégories d'impôts.

45 En second lieu, dans les versions en langues anglaise, danoise, finnoise, néerlandaise, portugaise et suédoise, la directive sur les accises impose le respect de la ou des réglementations fiscales relatives aux accises et à la TVA. En revanche, dans sa version en langue allemande, elle n'oblige les États membres qu'à respecter les principes d'imposition («Besteuerungsgrundsätze») en matière d'accise ou de TVA. Les versions en langues espagnole, française, hellénique et italienne, quant à elles, emploient des périphrases telles que «las normas impositivas aplicables en relación con los impuestos especiales o el IVA», «les règles applicables pour les besoins des accises ou de la TVA», «êáíüíåò öïñïëüãçóçò ðïõ éó÷ýïõí ãéá ôéò áíÜãêåò ôùí åéäéêþí öüñùí êáôáíÜëùóçò êáé ôïõ ÖÐÁ», «le regole di imposizione applicabili ai fini della accise o dell'IVA».

46 À cet égard, il ressort tant du rapprochement de l'article 3, paragraphes 2 et 3, que du troisième considérant de la directive sur les accises, lequel envisage concomitamment les hypothèses visées par ledit article 3, que cette directive vise à éviter que les impositions indirectes supplémentaires entravent indûment les échanges. Tel serait, notamment, le cas si les opérateurs économiques étaient soumis à des formalités autres que celles prévues par la réglementation communautaire relative aux accises ou à la TVA, étant donné qu'elles seraient susceptibles de varier d'un État membre à l'autre.

47 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l'article 3, paragraphe 2, de la directive sur les accises ne requiert pas des États membres le respect de toutes les règles relatives aux accises ou à la TVA en matière de détermination de la base imposable, de calcul, d'exigibilité et de contrôle de l'impôt. Il suffit que les impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques soient conformes, sur ces points, à l'économie générale de l'une ou de l'autre de ces techniques d'imposition telles qu'elles sont organisées par la réglementation communautaire.

48 À cet égard, il y a lieu de relever que la taxe sur les boissons ne respecte pas l'économie générale des règles relatives aux accises sur les boissons alcoolisées. En effet, elle s'écarte des modalités de calcul des accises puisque son montant est déterminé par rapport à la valeur du produit, et non sur la base du poids du produit, de la quantité du produit ou de l'alcool qu'il contient. En outre, elle ne respecte pas les règles relatives à l'exigibilité des accises, dès lors qu'elle n'est exigible qu'au stade de la vente au consommateur, et non lors de la mise à la consommation, telle que définie à l'article 6, paragraphe 1, de la directive sur les accises.

49 La taxe sur les boissons ne respecte pas non plus l'économie générale des règles applicables pour les besoins de la TVA. Indépendamment du fait qu'elle n'est pas incompatible avec l'article 33 de la sixième directive, ladite taxe ne se conforme pas aux règles applicables pour les besoins de la TVA en ce qui concerne les règles de calcul et d'exigibilité. En effet, étant uniquement perçue au stade de la vente au consommateur, elle n'est pas perçue à chaque stade du processus de production et de distribution; en outre, elle est calculée en dehors de toute déduction de la taxe acquittée en amont.

50 Il convient en conséquence de répondre à la deuxième question que l'article 3, paragraphe 3, de la directive sur les accises ne s'oppose pas au maintien d'une taxe perçue sur les boissons non alcoolisées et les glaces, telle que celle en cause au principal. L'article 3, paragraphe 2, de cette même directive s'oppose au maintien d'une taxe perçue sur les boissons alcoolisées, telle que celle en cause au principal.

Sur la troisième question

51 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'exonération du paiement de la taxe sur les boissons, s'agissant de la vente directe de vin au consommateur final, constitue une aide d'État incompatible avec le droit communautaire.

52 À cet égard, il convient tout d'abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de l'affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour (voir, notamment, arrêt du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59). Néanmoins, la Cour a estimé ne pas pouvoir statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation ou l'appréciation de la validité d'une règle communautaire, demandées par la juridiction nationale, n'ont aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal, ou encore lorsque le problème est de nature hypothétique et que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui sont posées (voir arrêts Bosman, précité, point 61, et du 15 juin 1999, Tarantik, C-421/97, non encore publié au Recueil, point 33).

53 Or, il convient de constater que la question posée est dénuée de pertinence pour la solution des litiges au principal, qui concernent l'obligation pour l'EKW et Wein & Co de payer la taxe sur les boissons à raison des opérations de livraison à titre onéreux de boissons et de glaces et non le point de savoir si l'exonération du paiement d'une telle taxe pour la vente de vin directement sur le lieu de production constitue une aide d'État incompatible avec le traité.

54 Il n'y a pas lieu, en conséquence, de répondre à la troisième question préjudicielle.

Sur la limitation des effets de l'arrêt dans le temps

55 Dans ses observations, le gouvernement autrichien a évoqué la possibilité pour la Cour, dans l'hypothèse où elle estimerait qu'une taxe telle que la taxe sur les boissons est incompatible avec les dispositions pertinentes du droit communautaire, de limiter les effets dans le temps du présent arrêt.

56 À l'appui de cette demande, le gouvernement autrichien a d'abord attiré l'attention de la Cour sur les conséquences financières catastrophiques qu'aurait un arrêt entraînant l'obligation de rembourser la taxe qui aurait été indûment perçue jusqu'à présent. En effet, les communes autrichiennes seraient obligées de faire face à un nombre incalculable de demandes de remboursement, qu'elles ne seraient pas en état de supporter. Un tel remboursement serait d'ailleurs rendu difficile par le nombre considérable de transactions qui auraient été effectuées, qui se chiffreraient par millions. En outre, les fournisseurs assujettis à la taxe sur les boissons auraient, dans le cadre de leurs activités, répercuté la taxe sur les consommateurs. Ces derniers ne conservant en général aucune trace de paiement après avoir consommé une boisson ou une glace, il ne serait pas possible de leur restituer la taxe. Enfin, le gouvernement autrichien a fait valoir, sans être contredit sur ce point, que des représentants de la Commission lui auraient, lors des négociations d'adhésion de la république d'Autriche à l'Union européenne, donné l'assurance que la taxe sur les boissons était compatible avec le droit communautaire.

57 Il convient de relever que ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Cette limitation ne peut être admise, selon la jurisprudence constante de la Cour, que dans l'arrêt même qui statue sur l'interprétation sollicitée. Pour décider s'il y a lieu ou non de limiter la portée d'un arrêt dans le temps, il faut prendre en considération le fait que, si les conséquences pratiques de toute décision juridictionnelle doivent être pesées avec soin, on ne saurait cependant aller jusqu'à infléchir l'objectivité du droit et compromettre son application future en raison des répercussions qu'une décision de justice peut entraîner pour le passé (arrêts du 2 février 1988, Blaizot, 24/86, Rec. p. 379, points 28 et 30, et du 16 juillet 1992, Legros e.a., C-163/90, Rec. p. I-4625, point 30).

58 Pour ce qui est de la présente affaire, il convient de relever que, d'abord, l'article 3, paragraphe 2, de la directive sur les accises n'avait jusqu'à présent fait l'objet d'aucun arrêt préjudiciel en interprétation et que, ensuite, le comportement de la Commission a pu amener le gouvernement autrichien à estimer raisonnablement que la réglementation relative à la taxe sur les boissons alcoolisées était conforme au droit communautaire.

59 Dans ces conditions, sans qu'il soit utile d'évoquer le montant global en cause, l'absence de preuve de paiement ou le nombre très élevé de petites transactions portant sur de petits montants, des raisons impérieuses de sécurité juridique s'opposent à la remise en cause de rapports juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé, alors que cette remise en cause bouleverserait rétroactivement le système de financement des communes autrichiennes.

60 Il y a donc lieu de décider que les dispositions de l'article 3, paragraphe 2, de la directive sur les accises ne peuvent être invoquées à l'appui de demandes relatives à une taxe telle que la taxe sur les boissons alcoolisées, qui a été payée ou est devenue exigible avant la date du présent arrêt, sauf par les demandeurs qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

61 Les frais exposés par le gouvernement autrichien et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Verwaltungsgerichtshof, par ordonnance du 18 décembre 1997, dit pour droit:

1) L'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, dans la version de la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, complétant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de l'abolition des frontières fiscales, la directive 77/388, ne s'oppose pas au maintien d'une taxe telle que la taxe sur les boissons et les glaces en cause au principal, qui frappe la livraison à titre onéreux de glaces, y compris les fruits transformés qu'elles contiennent ou les fruits qui les accompagnent, et de boissons, avec inclusion, dans les deux cas, des conditionnements et des accompagnements vendus avec les produits.

2) L'article 3, paragraphe 3, de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, ne s'oppose pas au maintien d'une taxe perçue sur les boissons non alcoolisées et les glaces, telle que celle en cause au principal. L'article 3, paragraphe 2, de cette même directive s'oppose au maintien d'une taxe perçue sur les boissons alcoolisées, telle que celle en cause au principal.

3) Les dispositions de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12 ne peuvent être invoquées à l'appui de demandes relatives à une taxe telle que la taxe sur les boissons alcoolisées, qui a été payée ou est devenue exigible avant la date du présent arrêt, sauf par les demandeurs qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente.