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Avis juridique important

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62000J0078

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 25 octobre 2001. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement d'Etat - Articles 17 et 18 de la sixième directive TVA - Remboursement de l'excédent de TVA par la remise de titres d'Etat - Catégorie d'assujettis en situation de crédit d'impôt. - Affaire C-78/00.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-08195


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Déduction de la taxe payée en amont - Restitution de l'excédent - Restitution par la remise de titres d'État - Inadmissibilité

irective du Conseil 77/388, art. 17 et 18, § 4)

Sommaire


$$Manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 17 et 18 de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires un État membre qui prévoit le remboursement de l'excédent de la taxe sur la valeur ajoutée par la remise de titres d'État pour une catégorie d'assujettis en situation de crédit d'impôt.

En effet, les modalités de remboursement qu'un État membre fixe en vertu de l'article 18, paragraphe 4, de la sixième directive doivent permettre à l'assujetti de récupérer, dans des conditions adéquates, la totalité de la créance résultant de cet excédent de taxe, ce qui implique que le remboursement soit effectué, dans un délai raisonnable, par un paiement en liquidités ou d'une manière équivalente, le mode de remboursement adopté ne devant, en tout état de cause, faire courir aucun risque financier à l'assujetti.

( voir points 34, 39 et disp. )

Parties


Dans l'affaire C-78/00,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. E. Traversa, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par M. U. Leanza, en qualité d'agent, assisté de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en prévoyant le remplacement du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée par la remise de titres d'État - réalisée, en outre, tardivement - pour une catégorie d'assujettis en situation de crédit d'impôt au cours de l'année 1992, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 17 et 18 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), dans sa version résultant de la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, modifiant la directive 77/388 et portant nouvelles mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée - champ d'application de certaines exonérations et modalités pratiques de leur mise en oeuvre (JO L 102, p. 18),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. S. von Bahr (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, D. A. O. Edward, A. La Pergola, M. Wathelet et C. W. A. Timmermans, juges,

avocat général: M. J. Mischo,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 7 juin 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 mars 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en prévoyant le remplacement du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») par la remise de titres d'État - réalisée, en outre, tardivement - pour une catégorie d'assujettis en situation de crédit d'impôt au cours de l'année 1992, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 17 et 18 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), dans sa version résultant de la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, modifiant la directive 77/388 et portant nouvelles mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée - champ d'application de certaines exonérations et modalités pratiques de leur mise en oeuvre (JO L 102, p. 18, ci-après la «sixième directive»).

La législation communautaire

2 L'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive prévoit:

«1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée à l'intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

b) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens importés à l'intérieur du pays;

c) la taxe sur la valeur ajoutée due conformément à l'article 5 paragraphe 7 point a), à l'article 6 paragraphe 3 et à l'article 28 bis paragraphe 6;

d) la taxe sur la valeur ajoutée due conformément à l'article 28 bis paragraphe 1 point a).»

3 L'article 18, paragraphe 4, de la sixième directive prévoit:

«Quand le montant des déductions autorisées dépasse celui de la taxe due pour une période de déclaration, les États membres peuvent soit faire reporter l'excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu'ils fixent.

Toutefois, les États membres ont la faculté de refuser le report ou le remboursement lorsque l'excédent est insignifiant.»

La législation italienne

4 L'article 11, premier alinéa, du decreto-legge n_ 16, Disposizioni in materia di imposte sui redditi, sui trasferimenti di immobili di civile abitazione, di termini per la definizione agevolata delle situazioni e pendenze tributarie, per la soppressione della ritenuta sugli interessi, premi ed altri frutti derivanti da depositi e conti correnti interbancari, nonché altre disposizioni tributarie (décret-loi n_ 16 portant dispositions en matière d'impôts sur les revenus, sur les cessions d'immeubles d'habitation civile, de délais pour la résolution facilitée des situations et affaires fiscales en cours, pour la suppression de la retenue sur les intérêts, primes et autres revenus tirés de dépôts et comptes courants interbancaires, et autres dispositions fiscales), du 23 janvier 1993 (GURI n_ 18, du 23 janvier 1993, p. 3, ci-après le «décret-loi n_ 16/93»), converti en la loi n_ 75, du 24 mars 1993 (GURI n_ 69, du 24 mars 1993, p. 3), dispose:

«Les assujettis qui, au cours de l'année 1992, ont effectué des importations d'autres États membres pour un montant supérieur à 10 % du total de leurs opérations effectuées au cours de la même année et qui ont déclaré un crédit de TVA non inférieur à 100 millions de lires ne sont pas admis à reporter ce crédit en déduction les années suivantes. [...]»

5 L'article 11, deuxième alinéa, du décret-loi n_ 16/93 prévoit:

«Les dispositions énoncées à l'article 10, premier et deuxième alinéas, [à savoir les dispositions régissant l'extinction des crédits résultant de la liquidation des déclarations annuelles des revenus et de la TVA par la remise de titres d'État aux assujettis concernés] s'appliquent à l'extinction des crédits visés au premier alinéa du présent article [...].

Dans ce cas, la demande [de remboursement de l'excédent de TVA par la remise de titres d'État] doit être présentée au plus tard le 31 mars 1993; la date limite pour l'exécution des opérations de vérification est fixée au 30 juin 1993; les intérêts relatifs à chaque crédit doivent être calculés au 31 décembre 1993; la jouissance des titres d'État court à partir du 1er janvier 1994; la valeur maximale des titres émis ne peut excéder 7 500 milliards de lires, cette dépense étant imputée au poste approprié du budget du ministère du Trésor pour l'exercice financier 1993; le décret du ministre du Trésor concernant les caractéristiques, les modalités et les procédures de remise des titres d'État doit être publié à la Gazzetta ufficiale au plus tard le 30 novembre 1993.»

6 Le decreto-legge n_ 250, Differimento di taluni termini ed altre disposizioni in materia tributaria (décret-loi n_ 250 portant prorogation de certains délais et autres dispositions en matière fiscale), du 28 juin 1995 (GURI n_ 150, du 29 juin 1995, p. 10, ci-après le «décret-loi n_ 250/95»), converti en la loi n_ 349, du 8 août 1995 (GURI n_ 196, du 23 août 1995, p. 3), a prorogé ces modalités particulières de remboursement de l'excédent de TVA par la remise de titres d'État. Selon l'article 3 bis, premier alinéa, de ce décret-loi:

«Aux fins de l'extinction des crédits de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts y afférents - tels qu'établis par les déclarations relatives à l'année 1992 présentées par les assujettis visés à l'article 11, premier alinéa, du décret-loi n_ 16, du 23 janvier 1993, converti, après modifications, en la loi n_ 75, du 24 mars 1993 - qui n'ont pas été remboursés à la date d'entrée en vigueur du présent décret, le ministère du Trésor est autorisé à émettre de nouveaux titres d'État ayant libre circulation, prenant effet au 1er janvier 1996 et d'une durée de dix ans, pour un montant maximal de 400 milliards de lires [...]»

Les faits et la procédure précontentieuse

7 Estimant que les décrets-lois nos 16/93 et 250/95 violaient à la fois le principe du droit à la déduction de la TVA en amont, consacré par l'article 17 de la sixième directive, et l'obligation, prévue à l'article 18, paragraphe 4, de ladite directive, de procéder à un remboursement «[q]uand le montant des déductions autorisées dépasse celui de la taxe due», la Commission a engagé la procédure en manquement par l'envoi aux autorités italiennes, le 22 décembre 1997, d'une lettre de mise en demeure les invitant à présenter leurs observations dans un délai de deux mois.

8 Dans sa lettre de mise en demeure, la Commission indiquait notamment qu'elle avait été informée que de nombreux assujettis italiens visés par les décrets-lois nos 16/93 et 250/95 n'avaient pas été remboursés de l'excédent de TVA accumulé au cours de l'année 1992 et qu'ils avaient ainsi été privés de leur droit à déduction.

9 Par lettre du 2 avril 1998, les autorités italiennes ont répondu à ladite lettre de mise en demeure en soutenant que la législation italienne relative au remboursement de l'excédent de TVA par la remise de titres d'État était conforme aux dispositions de l'article 18, paragraphe 4, de la sixième directive.

10 Ne partageant pas le point de vue des autorités italiennes, la Commission a, par une lettre de mise en demeure complémentaire du 10 août 1998, invité les autorités italiennes à lui présenter leurs observations.

11 En réponse à cette seconde lettre de mise en demeure, les autorités italiennes ont transmis à la Commission quatre lettres respectivement datées des 27 janvier, 3 février, 26 février et 12 avril 1999.

12 Dans ses lettres des 3 et 26 février 1999, le gouvernement italien précisait, en particulier, que les titres émis sur le fondement de l'article 11 du décret-loi n_ 16/93 avaient été mis à la disposition des assujettis à huit reprises entre le 26 avril 1994 et le mois de décembre 1998. Les titres émis sur le fondement de l'article 3 bis du décret-loi n_ 250/95 auraient été mis à la disposition des assujettis à quatre reprises entre le 13 septembre 1996 et le 29 mai 1998.

13 Les arguments du gouvernement italien n'ayant toujours pas convaincu la Commission, celle-ci a adressé à la République italienne, le 9 juillet 1999, un avis motivé, invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

14 Les autorités italiennes ne se sont pas conformées à cet avis dans le délai imparti. C'est dans ces circonstances que la Commission a introduit le présent recours.

Le manquement allégué et l'appréciation de la Cour

Arguments des parties

15 La Commission considère que, en remettant aux assujettis des titres d'État venant à échéance cinq ou dix ans après leur émission, la République italienne a enfreint, notamment, les dispositions de l'article 18, paragraphe 4, de la sixième directive, relatif au traitement de l'excédent de TVA. La Commission fait valoir que cette disposition permet de reporter l'excédent résultant de la différence entre le montant des déductions autorisées et le montant de la taxe due, uniquement jusqu'à la période de déclaration suivante. Le report de l'excédent sur les périodes de déclaration ultérieures à celle qui suit immédiatement la période concernée violerait le principe établi par cette disposition, priverait les assujettis concernés de l'exercice normal du droit à déduction et porterait gravement préjudice à un principe fondamental du système commun de la TVA, à savoir le droit à l'exercice immédiat du droit à déduction.

16 Selon la Commission, l'obligation des administrations fiscales nationales de procéder à un remboursement «immédiat» de l'excédent de TVA en faveur d'un assujetti serait liée au droit de l'assujetti à l'exercice «immédiat» de son droit à déduction. La Commission s'appuie, à cet égard, sur l'arrêt du 18 décembre 1997, Molenheide e.a. (C-286/94, C-340/95, C-401/95 et C-47/96, Rec. p. I-7281, point 45).

17 La Commission considère que les «modalités» de remboursement que les États membres peuvent fixer, en vertu de l'article 18, paragraphe 4, de la sixième directive, ont trait aux formes que le remboursement peut revêtir, sans préjudice de l'obligation de mettre des fonds liquides à la disposition des créanciers de l'excédent de TVA. Ainsi, ce remboursement pourrait intervenir au moyen d'un virement sur le compte courant de l'assujetti, de l'envoi à celui-ci de chèques bancaires ou d'une autre modalité équivalente.

18 En revanche, un État membre excéderait manifestement le pouvoir discrétionnaire qui lui est ainsi conféré en matière de fixation des modalités de remboursement de l'excédent de TVA lorsque, au lieu de verser à l'assujetti une somme d'argent liquide, il lui impose d'accepter un titre dont l'échéance est différée dans le temps de cinq, voire dix ans.

19 Si l'assujetti avait besoin de l'argent dont l'État lui est débiteur au titre de la TVA, pour son propre fonds de roulement, il serait contraint soit d'emprunter la somme correspondant à l'excédent de TVA auprès d'une banque, donc de payer des intérêts débiteurs élevés et certainement supérieurs aux intérêts créditeurs dont sont porteurs les titres d'État qui lui ont été attribués, soit de négocier ces mêmes titres sur le marché financier au risque de devoir les revendre à un prix inférieur à leur valeur nominale et en devant déduire du produit de la vente les frais et les commissions réclamés par l'intermédiaire financier.

20 Étant donné que la dernière tranche des titres d'État émis en vertu de l'article 3 bis du décret-loi n_ 250/95 ne doit arriver à échéance que le 1er janvier 2006, le manquement perdurerait jusqu'à cette date, à moins que les autorités italiennes ne décident le remboursement anticipé desdits titres. Selon la Commission, le fait que le nombre d'assujettis détenteurs de ceux-ci ne s'élève qu'à quelques centaines n'influe en aucune manière sur l'existence ou sur la gravité du manquement.

21 La Commission souligne que la mise à disposition tardive des titres par le ministère du Trésor italien n'a fait qu'aggraver la violation des articles 17 et 18 de la sixième directive.

22 Le gouvernement italien rappelle les arguments qu'il avait développés au stade de la procédure précontentieuse. Ainsi, il fait valoir que la remise de titres d'État, à compter du 1er janvier 1994, en lieu et place d'un remboursement en espèces n'opère pas un report de l'excédent de TVA aux périodes de déclaration ultérieures, mais constitue un véritable remboursement effectué suivant les «modalités» que la République italienne a jugé opportun de «fixer» conformément aux dispositions de l'article 18, paragraphe 4, de la sixième directive.

23 Selon le gouvernement italien, l'article 18, paragraphe 4, de la sixième directive n'oblige pas l'État membre à utiliser un moyen de paiement précis, tel que les espèces, pour procéder au remboursement de l'excédent de TVA, car cette disposition prévoit expressément la faculté de pourvoir au remboursement en question selon les «modalités» fixées par l'État membre lui-même. Le terme «modalités» aurait un sens extensif qui couvrirait tant les modalités relatives à la forme que celles inhérentes au contenu du remboursement. Le législateur italien aurait, en vertu de cette disposition, établi de manière souveraine que la République italienne procéderait, en l'espèce, au remboursement de l'excédent de TVA par la remise de titres d'État plutôt que par le paiement d'une somme d'argent équivalente.

24 Le gouvernement italien soutient que, si certains assujettis ont été remboursés tardivement, cela n'est pas dû à la législation ou à des problèmes juridiques mais, dans une mesure d'ailleurs limitée à quelques cas, à des défaillances ou à des erreurs administratives des services préposés à l'émission des titres. Pour remédier à ces inconvénients, les assujettis auraient pu faire usage des voies de recours administrative et juridictionnelle prévues à l'encontre des administrations concernées.

25 Le gouvernement italien fait valoir que l'assujetti créancier d'un excédent de TVA n'a subi aucun dommage du fait des modalités de remboursement en cause, les titres qu'il a reçus étant porteurs d'intérêt et négociables, ce qui lui aurait permis de réaliser immédiatement sa créance. Quant à la République italienne, elle n'aurait tiré aucun avantage financier particulier de la remise de titres, cette modalité de remboursement ayant eu pour effet de substituer à la dette correspondant à la créance fiscale de l'assujetti une autre dette représentée par des titres d'État.

26 Par ailleurs, le gouvernement italien relève, dans sa défense, qu'il lui serait, en tout état de cause, impossible ou excessivement difficile de se conformer à l'avis motivé.

Appréciation de la Cour

27 Aux fins d'apprécier la compatibilité de la réglementation nationale en cause avec la sixième directive, il convient de rappeler à titre liminaire les caractéristiques du système commun de la TVA pertinentes en l'espèce.

28 Il résulte de l'article 17 de la sixième directive que les assujettis sont autorisés à déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA qui a déjà grevé les biens acquis et les services reçus par eux en amont. Ce droit à déduction constitue, conformément à une jurisprudence constante, un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation communautaire (voir, notamment, arrêt Molenheide e.a., précité, point 47).

29 En vertu de l'article 18, paragraphe 2, de la sixième directive, la déduction est opérée globalement par l'assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période, du montant de la taxe déductible pour la même période.

30 Ainsi que la Cour l'a itérativement souligné, les caractéristiques du système commun de la TVA ainsi rappelées permettent de constater que le régime des déductions vise à soulager entièrement l'entrepreneur du poids de la TVA, due ou acquittée, dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient elles-mêmes soumises à la TVA. En l'absence de toute disposition permettant aux États membres de limiter le droit à déduction conféré aux assujettis, ce droit doit s'exercer immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, notamment, arrêt du 21 septembre 1988, Commission/France, 50/87, Rec. p. 4797, points 15 et 16).

31 Lorsque, pour une période de déclaration, le montant de la taxe déductible excède le montant de la taxe due et que l'assujetti ne peut donc effectuer la déduction par imputation conformément aux dispositions de l'article 18, paragraphe 2, de la sixième directive, l'article 18, paragraphe 4, de ladite directive prévoit que les États membres peuvent soit faire reporter l'excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu'ils fixent.

32 Il résulte du libellé même de l'article 18, paragraphe 4, de la sixième directive et, en particulier, des termes «selon les modalités qu'ils fixent» que les États membres disposent d'une liberté de manoeuvre certaine dans l'établissement des modalités de remboursement de l'excédent de TVA.

33 Néanmoins, le remboursement de l'excédent de TVA étant l'un des éléments fondamentaux garantissant l'application du principe de la neutralité du système commun de la TVA, les modalités fixées par les États membres ne sauraient être telles qu'elles porteraient atteinte à ce principe en faisant supporter à l'assujetti, en tout ou partie, le poids de la TVA.

34 Il s'ensuit que les modalités de remboursement de l'excédent de TVA qu'un État membre fixe doivent permettre à l'assujetti de récupérer, dans des conditions adéquates, la totalité de la créance résultant de cet excédent de TVA. Ceci implique que le remboursement soit effectué, dans un délai raisonnable, par un paiement en liquidités ou d'une manière équivalente. En tout état de cause, le mode de remboursement adopté ne doit faire courir aucun risque financier à l'assujetti.

35 Or, il résulte des éléments présentés par la Commission et non contestés par le gouvernement italien que la République italienne a décidé de rembourser l'excédent de TVA dont bénéficiait un certain nombre d'assujettis pour l'année 1992 par la remise de titres d'État émis à partir du 1er janvier 1994 et venant à échéance cinq ou dix ans après l'émission. Ces titres n'ont été distribués aux assujettis concernés que progressivement, d'avril 1994 à décembre 1998.

36 Force est de constater que la réglementation italienne en cause, qui ne donne pas lieu à un paiement effectué en liquidités ou de façon équivalente dans un délai raisonnable mais prévoit la remise de titres d'État, n'est pas compatible avec le système de remboursement de l'excédent de TVA prévu par la sixième directive.

37 La circonstance, mise en avant par le gouvernement italien, que seul un nombre relativement faible d'assujettis avait été concerné par la réglementation nationale en cause est sans incidence sur la constatation du manquement.

38 Par ailleurs, le problème invoqué par le gouvernement italien, à savoir qu'il lui serait difficile voire impossible de se mettre en conformité avec le droit communautaire au cas où la Cour considérerait que la réglementation nationale en cause enfreint les dispositions de la sixième directive, est également sans incidence sur la solution du litige. En effet, conformément à une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l'inobservation des obligations et délais prescrits par une directive (voir, notamment, arrêt du 14 juin 2001, Commission/Autriche, C-473/99, non encore publié au Recueil, point 12).

39 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en prévoyant le remboursement de l'excédent de TVA par la remise de titres d'État - réalisée, en outre, tardivement - pour une catégorie d'assujettis en situation de crédit d'impôt au cours de l'année 1992, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 17 et 18 de la sixième directive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

40 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

déclare et arrête:

41 En prévoyant le remboursement de l'excédent de taxe sur la valeur ajoutée par la remise de titres d'État - réalisée, en outre, tardivement - pour une catégorie d'assujettis en situation de crédit d'impôt au cours de l'année 1992, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 17 et 18 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, dans sa version résultant de la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, modifiant la directive 77/388 et portant nouvelles mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée - champ d'application de certaines exonérations et modalités pratiques de leur mise en oeuvre.

42 La République italienne est condamnée au dépens.