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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

19 décembre 2013 (*)

«TVA – Directive 2006/112/CE – Article 146 – Exonérations à l’exportation – Article 131 – Conditions fixées par les États membres – Législation nationale exigeant que le bien destiné à être exporté doit avoir quitté le territoire douanier de l’Union européenne dans un délai fixe de 90 jours après la livraison»

Dans l’affaire C-563/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Hongrie), par décision du 18 octobre 2012, parvenue à la Cour le 5 décembre 2012, dans la procédure

BDV Hungary Trading Kft., en liquidation,

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Közép-magyarországi Regionális Adó Főigazgatósága,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 octobre 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour BDV Hungary Trading Kft., en liquidation, par Mes Á. Gerey et D. Sobor, ügyvédek,

–        pour la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Közép-magyarországi Regionális Adó Főigazgatósága, par Mes Zs. Szilveszter et Zs. Tamásné Kajati, jogtanácsos,

–        pour le gouvernement hongrois, par Mme K. Szíjjártó, MM. M. Z Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes I. Pouli et M. Tassopoulou, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios, MM. V. Bottka et A. Sipos, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991 (JO L 376, p. 1, ci-après la «sixième directive»), ainsi que des articles 131, 146 et 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant BDV Hungary Trading Kft. (ci-après «BDV»), en liquidation volontaire, à la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Közép-magyarországi Regionális Adó Főigazgatósága (direction générale des impôts pour la région de Hongrie centrale de l’administration nationale des impôts et douanes), au sujet de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») des livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de l’Union européenne.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 15, points 1 et 2, de la sixième directive énonce:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

1.      les livraisons de biens expédiés ou transportés, par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté;

2.      les livraisons de biens expédiés ou transportés par l’acheteur qui n’est pas établi à l’intérieur du pays, ou pour son compte, en dehors de la Communauté, à l’exclusion des biens transportés par l’acheteur lui-même et destinés à l’équipement ou à l’avitaillement de bateaux de plaisance et d’avions de tourisme ou de tout autre moyen de transport à usage privé;

[…]»

4        La directive 2006/112 a, conformément à ses articles 411 et 413, abrogé et remplacé, à compter du 1er janvier 2007, la législation de l’Union en matière de TVA, notamment la sixième directive. Selon les considérants 1 et 3 de la directive 2006/112, la refonte de la sixième directive était nécessaire afin de présenter toutes les dispositions applicables de façon claire et rationnelle dans une structure et une rédaction remaniées sans apporter, en principe, de changements de fond. Les dispositions de la directive 2006/112 sont ainsi, en substance, identiques aux dispositions correspondantes de la sixième directive.

5        Conformément à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2006/112:

«Est considéré comme ‘livraison de biens’, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.»

6        Aux termes de l’article 131 de cette directive:

«Les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 [du titre IX de la directive 2006/112] s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels.»

7        Au chapitre 6, intitulé «Exonération à l’exportation», du titre IX de ladite directive, l’article 146 de celle-ci dispose à son paragraphe 1:

«Les États membres exonèrent les opérations suivantes:

a)      les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur, ou pour son compte, en dehors de la Communauté;

b)      les livraisons de biens expédiés ou transportés par l’acquéreur non établi sur leur territoire respectif, ou pour son compte, en dehors de la Communauté, à l’exclusion des biens transportés par l’acquéreur lui-même et destinés à l’équipement ou à l’avitaillement de bateaux de plaisance et d’avions de tourisme ou de tout autre moyen de transport à usage privé;

[…]»

8        L’article 273 de la directive 2006/112 énonce:

«Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3.»

 Le droit hongrois

9        L’article 11, paragraphe 1, de la loi nº LXXIV de 1992, relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Magyar Közlöny 1992/128, ci-après l’«ancienne loi relative à la TVA»), définit la notion d’«exportation de produits» comme suit:

«Exportation de produits: toute livraison de produits en conséquence directe de laquelle l’autorité douanière fait, au plus tard le dernier jour du troisième mois qui suit celui où la livraison est effectuée, sortir les produits vers le territoire d’un pays tiers, en tant que destination finale. Les produits ne peuvent pas avoir été utilisés ou valorisés entre le moment de la livraison et celui de la sortie du territoire, sans préjudice de leur essai ou de leur production à l’essai.»

10      Aux termes de l’article 29 de cette loi:

«Sont exonérés de la taxe:

a)      les exportations de produits,

[…]»

11      La loi nº CXXVII de 2007, relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Magyar Közlöny 2007/155, ci-après la «nouvelle loi relative à la TVA»), est entrée en vigueur le 1er janvier 2008. L’article 98 de cette loi énonce:

«1.      Sont exonérées de la taxe les livraisons de produits expédiés par voie postale ou transportés au départ du pays vers un pays hors de la Communauté, à condition que l’expédition ou le transport:

a)      soit effectué par le fournisseur lui-même ou par un tiers agissant pour son compte;

b)      soit effectué par l’acquéreur lui-même ou par un tiers agissant pour son compte si les conditions supplémentaires prévues par les paragraphes 3 et 4 [du présent article] ou par les articles 99 et 100 de la présente loi sont réunies.

2.      Le paragraphe 1 est applicable si les conditions suivantes sont réunies:

a)      l’autorité faisant sortir les produits du territoire de la Communauté doit avoir certifié qu’ils ont quitté ledit territoire au moment de la livraison ou, au plus tard, dans un délai de 90 jours suivant la date à laquelle celle-ci a été effectuée, et

b)      les produits livrés ne peuvent, dans le délai prévu au point a), avoir été utilisés conformément à leur destination ou autrement valorisés, sans préjudice de leur essai ou de leur production à l’essai.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Au cours des années 2007 et 2008, BDV était active dans le commerce de gros de conserves. Dans le cadre de son activité, cette entreprise vendait dans des États tiers les produits qu’elle fabriquait en Hongrie. Les contrats conclus avec des acheteurs établis en dehors du territoire douanier de l’Union contenaient une des clauses du commerce international établies par la Chambre de commerce internationale (clauses dites «Incoterms 2000»), à savoir la clause «départ usine» («ex-works» ou EXW), impliquant que l’acheteur enlève la marchandise à la porte des locaux du vendeur.

13      Lors d’un contrôle fiscal effectué auprès de BDV, portant sur la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, à l’exception de la période allant du 1er juillet 2007 au 31 mars 2008, l’administration fiscale a constaté que, dans sa comptabilité TVA et dans ses déclarations TVA relatives à la période sous contrôle, cette entreprise avait qualifié certaines de ces opérations de ventes à l’exportation, alors que les produits destinés à l’exportation étaient sortis du territoire douanier de l’Union après l’expiration du délai prévu, à cet égard, à l’article 11, paragraphe 1, de l’ancienne loi relative à la TVA et, depuis le 1er janvier 2008, à l’article 98, paragraphe 1, de la nouvelle loi relative à la TVA.

14      Par décision du 22 octobre 2010, la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Közép-magyarországi Regionális Adó Főigazgatósága a établi à charge de BDV un supplément d’impôt à titre de redressement fiscal ainsi qu’une amende fiscale et une majoration de retard, au motif que l’expédition des marchandises vers les États tiers avait eu lieu après l’expiration du délai fixé dans la législation nationale.

15      BDV a introduit un recours contre cette décision, faisant valoir que lesdites dispositions de l’ancienne et de la nouvelle loi relative à la TVA étaient contraires tant à la sixième directive qu’à la directive 2006/112. Dans son recours, elle a relevé que toutes les livraisons concernées par ladite décision ont effectivement été expédiées en dehors de l’Union. En outre, en vertu de la clause contractuelle «ex-works», la responsabilité pour le transport des marchandises aurait incombé aux acheteurs. Ainsi, en relançant régulièrement les acheteurs pour que le transport des marchandises en dehors de l’Union soit accompli dans les délais requis, elle aurait fait preuve de la diligence requise.

16      Le Budapest Környéki Törvényszék (tribunal d’arrondissement de Budapest) a fait droit au recours de BDV. Cette juridiction a considéré que le délai de sortie prévu par la législation hongroise ne peut pas être appliqué lorsqu’il a été constaté que l’exportation des produits a effectivement eu lieu. En effet, les conditions que pourraient fixer les États membres pour l’application de l’exonération à l’exportation, selon la jurisprudence de la Cour, ne devraient ni aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs définis par la sixième directive et la directive 2006/112 ni compromettre la neutralité de la TVA.

17      La partie défenderesse au principal a introduit un recours contre ce jugement auprès de la Kúria (Cour suprême). Elle a fait valoir que, conformément à la législation nationale, une opération de vente ne peut être qualifiée de vente à l’exportation exonérée que si le produit quitte le territoire de l’Union dans le délai défini par cette législation.

18      La Kúria relève, à cet égard, que ce délai de sortie constitue non pas un délai de procédure, dit «délai technique», pouvant faire l’objet d’une correction, mais un «délai de forclusion de droit matériel». De ce fait, si l’administration fiscale constate un dépassement dudit délai, les opérations économiques concernées ne peuvent pas être qualifiées de «ventes à l’exportation exonérées» et sont, dès lors, imposées.

19      Dans ces conditions, la Kúria a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Faut-il interpréter l’article 15 de la [sixième directive] et l’article 146 de la [directive 2006/112] en ce sens que le transport en dehors du territoire de la Communauté des produits destinés à l’exportation doit se dérouler dans un délai déterminé pour que l’opération puisse être qualifiée de vente à l’exportation exonérée?

2)      Les conditions de livraison, la bonne ou la mauvaise foi, la diligence ou la faute éventuelle du vendeur, de l’acheteur ou du transporteur, l’exercice fiscal ou le fait que les produits ont effectivement été transportés en dehors du délai déterminé, mais néanmoins avant l’expiration du délai de prescription applicable à l’établissement de la taxe, ont-ils ou non une incidence sur la réponse à donner à la [première question]?

3)      La réglementation de l’État membre qui impose des conditions supplémentaires par rapport aux dispositions [des directives susmentionnées] et fait dépendre l’établissement de l’exonération de l’exportation d’un ensemble de conditions objectives ne figurant pas dans [celles-ci] est-elle conforme aux principes de neutralité fiscale, de sécurité juridique et de proportionnalité?

4)      Faut-il interpréter l’article 15 de [la sixième directive] et les articles 131 et 273 de la [directive 2006/112] en ce sens que, en vue d’éviter la fraude, l’évasion et les abus en matière fiscale et en vue d’assurer l’exacte perception de la taxe, l’État membre peut lier l’exonération de l’exportation de produits à des conditions telles que celles contenues à l’article 11, paragraphe 1, de [l’ancienne loi relative à la TVA] ou à l’article 98, paragraphe 1, de la [nouvelle loi relative à la TVA]?

5)      Le fait que, en cas de non-respect de conditions ne figurant pas [aux articles 15 de la sixième directive et 146 de la directive 2006/112] l’administration fiscale requalifie l’exportation de produits exonérée et exige de l’assujetti le paiement de la taxe, est-il compatible avec les principes fondamentaux du droit de l’Union et les dispositions [de ces directives], et si oui, dans quelles circonstances?»

 Sur les questions préjudicielles

20      À titre liminaire, il convient de relever que les questions posées se réfèrent tant à la sixième directive qu’à la directive 2006/112, alors que le litige au principal concerne des opérations de vente qui ont été réalisées après le 1er janvier 2007. Ainsi que cela a été relevé au point 4 du présent arrêt, la directive 2006/112 a abrogé et remplacé, à compter de cette date, la sixième directive. Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner les questions posées uniquement par rapport aux dispositions de la directive 2006/112.

21      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 146, paragraphe 1, et 131 de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle, dans le cadre d’une livraison à l’exportation, les biens destinés à être exportés en dehors de l’Union doivent avoir quitté le territoire de l’Union dans un délai fixe de trois mois ou de 90 jours suivant la date de livraison, dès lors que le seul dépassement de ce délai a pour conséquence de priver définitivement l’assujetti de l’exonération de cette livraison.

22      Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, ces questions portent, en particulier, sur le point de savoir si une législation nationale peut exiger que, dans le cas d’une livraison de biens destinés à être exportés, l’exportation intervienne dans un tel délai pour que cette livraison soit considérée comme une livraison à l’exportation exonérée.

23      À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 146, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112, les États membres exonèrent les livraisons de biens expédiés ou transportés par l’acquéreur ou pour son compte en dehors de l’Union. Cette disposition doit être lue en combinaison avec l’article 14, paragraphe 1, de ladite directive, selon lequel est considéré comme «livraison de biens» le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.

24      Il découle de ces dispositions et, notamment, du terme «expédiés» employé audit article 146, paragraphe 1, sous b), que l’exportation d’un bien est effectuée et que l’exonération de la livraison à l’exportation est applicable lorsque le droit de disposer de ce bien comme propriétaire a été transmis à l’acquéreur, que le fournisseur établit que ce bien a été expédié ou transporté en dehors de l’Union et que, à la suite de cette expédition ou de ce transport, le bien a physiquement quitté le territoire de l’Union (voir, en ce qui concerne des livraisons intracommunautaires, arrêts du 27 septembre 2007, Teleos e.a., C-409/04, Rec. p. I-7797, point 42; du 7 décembre 2010, R., C-285/09, Rec. p. I-12605, point 41, ainsi que du 6 septembre 2012, Mecsek-Gabona, C-273/11, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée).

25      Dans l’affaire au principal, il est constant que des livraisons de biens au sens de l’article 14 de la directive 2006/112 ont eu lieu et que les biens concernés par les opérations en cause au principal ont physiquement quitté le territoire de l’Union.

26      Contrairement aux dispositions de la directive 2006/112 relatives au droit à déduction invoquées par le gouvernement hongrois, conformément auxquelles ce droit s’exerce, en principe, au cours de la même période que celle pendant laquelle il a pris naissance, l’article 146, paragraphe 1, sous b), de cette directive ne prévoit pas une condition selon laquelle le bien destiné à être exporté doit avoir quitté le territoire de l’Union dans un délai précis pour que l’exonération à l’exportation prévue audit article soit applicable. Un tel délai n’est prévu que de manière exceptionnelle à l’article 147, paragraphe 1, sous b), de ladite directive pour des biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs.

27      Il s’ensuit que la qualification d’une opération en tant que livraison à l’exportation en vertu de l’article 146, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 ne saurait dépendre du respect d’un délai précis dans lequel le bien concerné doit avoir quitté le territoire douanier de l’Union, dont le non-respect aurait pour conséquence de priver définitivement l’assujetti de l’exonération à l’exportation.

28      Toutefois, ainsi qu’il résulte de l’article 131 de la directive 2006/112, les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 du titre IX de cette directive, dont l’article 146 de celle-ci fait partie, s’appliquent dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et tout abus éventuels.

29      Dans l’exercice des pouvoirs que leur confère ledit article 131, les États membres doivent cependant respecter les principes généraux du droit qui font partie de l’ordre juridique de l’Union, au nombre desquels figurent notamment les principes de sécurité juridique, de proportionnalité et de protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 2008, Netto Supermarkt, C-271/06, Rec. p. I-771, point 18, ainsi que R., précité, point 45 et jurisprudence citée).

30      En particulier, s’agissant du principe de proportionnalité, la Cour a déjà jugé que, conformément à ce principe, les États membres doivent avoir recours à des moyens qui, tout en permettant d’atteindre efficacement l’objectif poursuivi par le droit interne, portent le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation de l’Union en cause (voir, notamment, arrêt du 18 novembre 2010, X, C-84/09, Rec. p. I-11645, point 36 et jurisprudence citée).

31      Ainsi, s’il est légitime que les mesures adoptées par les États membres tendent à préserver le plus efficacement possible les droits du Trésor public, ces mesures ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin (arrêt Netto Supermarkt, précité, point 20).

32      En ce qui concerne l’objectif poursuivi par le délai que prévoient l’ancienne loi relative à la TVA ainsi que la nouvelle loi relative à la TVA pour la sortie de produits destinés à l’exportation du territoire douanier de l’Union, le gouvernement hongrois a indiqué que ce délai est nécessaire afin de pouvoir contrôler la condition de sortie qu’implique l’exonération à l’exportation et qu’il met l’administration fiscale en mesure de prévenir toute fraude, évasion ou tout abus éventuels.

33      À cet égard, il convient de rappeler que la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels est un objectif reconnu et encouragé par la directive 2006/112 (arrêt du 6 décembre 2012, Bonik, C-285/11, point 35 et jurisprudence citée). Ainsi, la Cour a jugé que l’objectif de prévention de la fraude fiscale justifie parfois des exigences élevées quant aux obligations des fournisseurs (voir, en ce sens, arrêts précités Teleos e.a., point 58, ainsi que Netto Supermarkt, point 22).

34      Ainsi, il est, en principe, loisible aux États membres de fixer un délai raisonnable d’exportation, tenant compte des pratiques commerciales dans le domaine de l’exportation dans des États tiers, afin de vérifier si un bien faisant l’objet d’une livraison à l’exportation est effectivement sorti de l’Union.

35      En effet, ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observations, imposer au vendeur d’un bien destiné à être exporté un délai précis à l’issue duquel ce bien doit avoir quitté le territoire douanier de l’Union constitue un moyen approprié à cette fin.

36      Cependant, un tel délai, dont l’expiration permet d’imposer la livraison d’un bien destiné à l’exportation, ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin.

37      À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que le fait qu’une livraison d’un bien destiné à être exporté est imposée en vertu d’une réglementation telle que celle en cause au principal dès lors que le bien concerné n’a pas quitté le territoire de l’Union dans le délai prévu par celle-ci n’a pas pour conséquence, en soi, que cette réglementation est à considérer comme étant disproportionnée. Conformément au principe fondamental du système commun de TVA, cette taxe s’applique à chaque transaction de production ou de distribution (voir, notamment, arrêts du 27 septembre 2007, Collée, C-146/05, Rec. p. I-7861, point 22, et Bonik, précité, point 28). Il s’ensuit qu’une livraison d’un bien destiné à être exporté peut, en principe, être imposée lorsque l’opération en question ne remplit pas, dans un délai raisonnable prévu par la réglementation nationale applicable, les conditions de l’article 146, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112.

38      Toutefois, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, le délai de sortie en cause au principal constitue un délai de forclusion matérielle, au dépassement duquel il ne peut être remédié. Ainsi, dès lors qu’un bien destiné à être exporté ne quitte pas le territoire douanier de l’Union dans le délai imparti par l’ancienne loi relative à la TVA et la nouvelle loi relative à la TVA, la livraison de ce bien est définitivement imposée, même si ledit bien est effectivement sorti de l’Union après que le délai prévu par cette législation fut écoulé.

39      À cet égard, il convient de relever qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui soumet l’exonération à l’exportation à un délai de sortie dans l’objectif, notamment, de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, sans pour autant permettre aux assujettis de démontrer, afin de bénéficier de cette exonération, que la condition de sortie a été remplie après l’écoulement de ce délai et sans prévoir un droit de l’assujetti au remboursement de la TVA déjà acquittée en raison du non-respect dudit délai lorsqu’il a fourni la preuve que la marchandise a quitté le territoire douanier de l’Union, va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif.

40      En effet, dans une situation où les conditions de l’exonération à l’exportation prévues à l’article 146, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112, notamment la sortie des biens concernés du territoire douanier de l’Union, sont établies, aucune TVA n’est due au titre d’une telle livraison (voir, par analogie, arrêt Collée, précité, point 30 et jurisprudence citée). Dans de telles circonstances, il n’existe plus, en principe, de risque d’une fraude fiscale ou de pertes fiscales pouvant justifier l’imposition de l’opération concernée.

41      Dès lors, il y a lieu de constater qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de prévenir l’évasion et la fraude fiscales.

42      Eu égard, à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions préjudicielles que les articles 146, paragraphe 1, et 131 de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle, dans le cadre d’une livraison à l’exportation, les biens destinés à être exportés en dehors de l’Union doivent avoir quitté le territoire de l’Union dans un délai fixe de trois mois ou de 90 jours suivant la date de livraison, dès lors que le seul dépassement de ce délai a pour conséquence de priver définitivement l’assujetti de l’exonération de cette livraison.

 Sur les dépens

43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

Les articles 146, paragraphe 1, et 131 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle, dans le cadre d’une livraison à l’exportation, les biens destinés à être exportés en dehors de l’Union européenne doivent avoir quitté le territoire de l’Union européenne dans un délai fixe de trois mois ou de 90 jours suivant la date de livraison, dès lors que le seul dépassement de ce délai a pour conséquence de priver définitivement l’assujetti de l’exonération de cette livraison.

Signatures


* Langue de procédure: le hongrois.