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ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

3 septembre 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Principes de neutralité fiscale, d’effectivité et de proportionnalité – Droit à déduction de la TVA – Refus – Fraude – Preuve – Chaîne de sous-traitants »

Dans l’affaire C-611/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie), par décision du 17 mai 2019, parvenue à la Cour le 13 août 2019, dans la procédure

Crewprint Kft.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis (rapporteur), président de chambre, MM. E. Juhász et M. Ilešič, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme N. Gossement et M. A. Sipos, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), lue conjointement avec les principes de neutralité fiscale, d’effectivité et de proportionnalité.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Crewprint Kft. au Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) au sujet du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont au titre de factures afférentes à des travaux d’imprimerie.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Eu égard aux indications données par la juridiction de renvoi quant aux faits du litige au principal, il convient de faire observer que c’est la version de la directive 2006/112 résultant de la directive 2010/45/UE du conseil, du 13 juillet 2010 (JO 2010, L 189, p. 1), applicable à compter du 1er janvier 2013, qui semble s’appliquer ratione temporis à certains de ces faits. Cependant, les modifications apportées par cette directive sont dépourvues de pertinence directe pour la présente affaire.

4        Aux termes de l’article 168 de la directive 2006/112 :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)      la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[...] »

5        L’article 178 de cette directive dispose :

« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :

a)      pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux articles 238, 239 et 240 ; 

[...] »

 Le droit hongrois

6        L’article 119 de l’általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi n° CXXVII de 2007 relative à la taxe sur la valeur ajoutée) prévoit, à son paragraphe 1 :

« À moins que la loi n’en dispose autrement, le droit à déduction de la taxe prend naissance lorsqu’il faut établir la taxe due correspondant à la taxe calculée en amont (article 120). »

7        Aux termes de l’article 120, sous a), de cette loi :

« Dans la mesure où les biens ou les services sont utilisés, ou autrement exploités, par l’assujetti – et en cette qualité – en vue d’effectuer des livraisons de biens ou des prestations de services taxées, celui-ci a le droit de déduire du montant de la taxe dont il est redevable :

a)      la taxe qui lui est facturée par tout autre assujetti – en ce compris toute personne ou entité soumise à l’impôt simplifié sur les sociétés – à l’occasion de l’acquisition des biens ou de l’utilisation des services ;

[...] »

8        L’article 127, paragraphe 1, sous a), de ladite loi dispose :

« L’exercice du droit à déduction est subordonné à la condition de fond que l’assujetti dispose personnellement :

a)      dans le cas visé à l’article 120, sous a), d’une facture à son nom établissant la réalisation de l’opération ;

[...] »

9        L’article 1er de l’adózás rendjéről szóló 2003. évi XCII. törvény (loi n° XCII de 2003 portant code de procédure fiscale, ci-après le « code de procédure fiscale ») prévoit, à son paragraphe 7 :

« Les contrats, opérations et autres actes similaires doivent être qualifiés en fonction de leur contenu réel. Un contrat ou tout autre acte juridique dépourvu de validité est pertinent au regard de l’imposition pour autant que son résultat économique peut être démontré. »

10      L’article 2, paragraphe 1, du code de procédure fiscale est ainsi libellé :

« Les droits exercés dans les rapports juridiques intéressant la fiscalité doivent l’être conformément à leur destination. Dans l’application des lois fiscales, ne peut être qualifiée d’exercice des droits conforme à leur destination la conclusion de contrats ou la réalisation d’autres opérations dont la finalité est de contourner les dispositions des lois fiscales. »

11      Aux termes de l’article 97, paragraphes 4 et 6, de ce code :

« 4.      Au cours du contrôle, l’administration fiscale a l’obligation d’établir et de prouver les faits, sauf dans les cas où c’est le contribuable qui, en vertu d’une loi, a la charge de la preuve.

[...]

6.      Lorsqu’elle établit les faits, l’administration fiscale a l’obligation de rechercher également les faits qui jouent en faveur du contribuable. Un fait ou une circonstance non prouvés ne peuvent pas – sauf dans la procédure d’estimation – être appréciés en défaveur du contribuable. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Crewprint, dont l’activité principale est l’imprimerie, a reçu des commandes pour la fabrication de produits. Ces commandes ont été exécutées, en vertu de deux contrats-cadres, par son sous-traitant principal, Crew Kft., dont l’un des gérants a été celui de Crewprint, devenu, à la constitution de cette dernière, employé de Crew. Cette dernière a sous-traité une partie des travaux auprès de trois entreprises, lesquelles ont elles-mêmes eu recours à des sous-traitants. Ces travaux d’imprimerie ont fait l’objet de factures, assorties de certificats ou de bons de livraison, émises par Crew, au titre desquelles Crewprint a exercé son droit à déduction de la TVA acquittée en amont.

13      À la suite d’un contrôle a posteriori des déclarations de TVA effectué par l’autorité fiscale du premier degré, celle-ci a procédé à des redressements de TVA d’un montant de 56 415 000 forints hongrois (HUF) (environ 157 944 euros) pour les deuxième à quatrième trimestres de l’année 2012, de 17 882 000 HUF (environ 50 063 euros) pour le premier trimestre de l’année 2013, de 19 409 000 HUF (environ 54 352 euros) pour le deuxième trimestre de l’année 2013 et de 18 999 000 HUF (environ 53 200 euros) pour le troisième trimestre de l’année 2013. Elle a, en outre, infligé à Crewprint une amende et appliqué une pénalité de retard.

14      Lors de ce contrôle, l’autorité fiscale du premier degré a entendu le gérant de Crewprint et a ensuite effectué des contrôles connexes auprès des sociétés sous-traitantes ayant pris part à la chaîne de livraisons. Au cours de ces contrôles, elle a entendu certains gérants de ces sociétés ainsi que des employés et recueilli des documents. Au vu de ces éléments, elle a constaté que les travaux d’imprimerie commandés par Crewprint avaient été réalisés, mais que, contrairement à ce qui ressortait des factures des sous-traitants de Crew, c’est cette dernière qui avait effectué la majeure partie de ces travaux, ses sous-traitants ne disposant pas des moyens matériels et humains nécessaires à leur accomplissement. Elle a estimé que Crew avait dès lors illégalement reçu des factures portant sur des services d’imprimerie et procédé à la déduction de la TVA au titre de factures dont le contenu était faux.

15      Cette autorité a considéré, en outre, que Crewprint devait nécessairement avoir connaissance de ces faits et de la fraude commise par Crew, puisque les deux sociétés avaient le même gérant, étaient établies dans les mêmes locaux et avaient le même comptable, de sorte que le gérant de Crewprint avait dû jouer un rôle actif dans la constitution de la chaîne de facturation et avait exercé le droit à déduction de cette dernière société de façon abusive, en violation de l’article 2, paragraphe 1, du code de procédure fiscale.

16      L’autorité fiscale du premier degré a estimé également que Crew n’avait pas fourni de réelle prestation à Crewprint, au motif que cette dernière, dont le gérant était un employé de Crew, avait en réalité agi comme un agent. Elle a, dans ces conditions, requalifié le contrat en application de l’article 1er, paragraphe 7, du code de procédure fiscale et a, en conséquence, refusé à Crewprint le droit à déduction de la TVA.

17      Les décisions de l’autorité fiscale du premier degré ont été confirmées par la direction des recours de l’administration nationale des impôts et des douanes.

18      À l’appui de son recours, Crewprint, qui conteste les constatations effectuées par l’administration fiscale, soutient que cette dernière n’a pas satisfait à son obligation de rapporter la preuve des faits et a procédé à une application erronée des règles de droit, les conditions légales du droit à déduction de la TVA étant réunies. En se référant à la jurisprudence de la Cour, elle conteste en outre avoir su que les opérations en cause étaient impliquées dans une fraude et affirme avoir pris les précautions nécessaires.

19      La juridiction de renvoi expose qu’elle doit trancher la question de savoir si le refus du droit à déduction de la TVA, motif pris de ce que les factures ne sont pas dignes de foi et procèdent d’une fraude, est justifié. Elle observe, en se référant à l’arrêt du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid (C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373), que toutes les exigences de forme et de fond auxquelles la directive 2006/112 subordonne le droit à déduction sont réunies dans l’affaire au principal et que les circonstances factuelles de cette affaire sont analogues à celles des affaires ayant donné lieu à cet arrêt ainsi qu’aux ordonnances du 16 mai 2013, Hardimpex (C-444/12, non publiée, EU:C:2013:318), et du 10 novembre 2016, Signum Alfa Sped (C-446/15, non publiée, EU:C:2016:869).

20      Il lui paraît cependant qu’il demeure des contradictions dans l’interprétation du droit effectuée par l’administration fiscale et les juridictions nationales. L’administration fiscale continuerait à refuser l’exercice du droit à déduction dans des circonstances où les conditions matérielles et formelles de ce droit sont réunies et où les précautions pouvant raisonnablement être exigées de l’assujetti ont été prises. Cette pratique trouverait sa source dans un avis de la Kúria (Cour suprême, Hongrie), du 26 septembre 2016, suivi par celle-ci dans sa jurisprudence, selon lequel, notamment, dans le cas où l’opération économique a été effectivement réalisée, mais pas entre les parties mentionnées sur la facture, l’examen du point de savoir si le destinataire de la facture avait ou aurait dû avoir connaissance de la fraude ou de l’opération destinée à se soustraire à l’impôt est, selon les faits, une faculté et non une obligation. En outre, l’administration fiscale considérerait le contenu d’une facture comme n’étant pas digne de foi en présence d’un nombre élevé de faits inadéquats, en se fondant à cet égard sur des critères standardisés énumérés dans un arrêt de cette juridiction.

21      La juridiction de renvoi éprouve des doutes sur la conformité, avec la directive 2006/112 et les principes de neutralité fiscale, d’effectivité et de proportionnalité, de cette pratique qui aboutit notamment, dans le cas d’une chaîne d’opérations, à reconstituer celle-ci en appréciant notamment le caractère économiquement rationnel ou justifié de cette chaîne et à refuser le droit à déduction lorsqu’un élément de celle-ci n’est pas justifié ou n’est pas constatable par elle, indépendamment du point de savoir si l’assujetti avait connaissance ou devait avoir connaissance de cet élément.

22      À cet égard, elle s’interroge sur le point de savoir si, dans l’affaire au principal, l’administration fiscale a agi conformément à ces principes en requalifiant le travail accompli par Crewprint d’« activité d’agent ». Il lui paraît douteux, par ailleurs, qu’il suffise, pour refuser l’exercice du droit à déduction, de constater des manquements commis par les participants à la chaîne d’opérations, la mémoire défaillante de ces participants, la présence d’un nombre suffisant d’éléments dont la Cour a déjà jugé qu’ils ne pouvaient pas constituer un motif de refus, le fait qu’il existe une concentration, au niveau personnel et organisationnel, des intérêts des entreprises participant à cette chaîne ainsi que des relations d’affaires antérieures, le fait que les entreprises concernées opèrent en cercle fermé ou les objectifs pour lesquels ladite chaîne a été créée. Elle éprouve également des doutes quant à la conformité, avec le droit de l’Union, de la pratique de l’administration fiscale consistant, alors qu’elle exige de la part de l’assujetti des vérifications qui ne sont pas compatibles avec la vie des affaires, à faire peser sur celui-ci l’absence de preuve lorsqu’elle reste en défaut d’établir dans leur intégralité les circonstances qui ont mené à la création de la chaîne d’opérations, se déchargeant ainsi de l’obligation de contrôle qui lui incombe.

23      C’est dans ces conditions que le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les dispositions en matière de déduction de la TVA de la directive 2006/112[...] ainsi que le principe de neutralité fiscale s’opposent-ils à une interprétation et à une pratique nationales par lesquelles l’administration fiscale, dans le cas de l’opération économique réalisée entre les parties, rejette le droit de déduire la TVA parce qu’elle considère la forme du rapport juridique entre celles-ci (contrat d’entreprise) comme frauduleuse dans la mesure où un droit à déduction s’y attache, et requalifie l’activité – en application de l’article 1er, paragraphe 7, [du code de procédure fiscale] – en une activité (activité d’agent) qui ne fait pas naître de droit à déduction, l’administration fiscale estimant que le comportement des parties est constitutif de fraude fiscale dans la mesure où l’activité d’intermédiaire en tant qu’entreprise du destinataire des factures n’est pas une forme nécessaire de son activité, puisque l’entreprise aurait pu l’accomplir en qualité d’agent ? À cet égard, les règles applicables en matière fiscale obligent-elles les assujettis, en tant que condition de l’exercice du droit de déduire la TVA, à choisir une forme d’activité économique qui se traduise pour eux par une charge fiscale plus élevée, et faut-il considérer qu’un droit est exercé de façon non conforme à sa destination lorsque les parties, en vertu de la liberté contractuelle dont elles jouissent, donnent à l’activité économique entre elles, en vue d’atteindre un but étranger à des considérations de droit fiscal, la forme d’un certain type de contrat qui, alors que ce n’est pas l’objectif recherché, fait aussi naître un droit à déduction ?

2)      L’interprétation et la pratique nationales en cause sont-elles conformes aux dispositions en matière de déduction de la TVA de la directive 2006/112 ainsi qu’au principe de neutralité fiscale dans la mesure où l’administration fiscale, lorsque l’assujetti souhaitant exercer son droit de déduire la TVA respecte les conditions matérielles et formelles de la déduction et a, avant la conclusion du contrat, pris les mesures auxquelles on peut s’attendre de sa part, refuse l’exercice du droit à déduction au motif qu’elle considère la constitution de la chaîne d’opérations comme dépourvue de nécessité économique et, partant, comme constitutive d’exercice d’un droit non conforme à la destination de ce dernier, et ce parce que le sous-traitant, bien qu’en mesure d’exécuter le contrat, a confié l’exécution aux autres sous-traitants pour une autre raison ou un autre objectif étrangers aux conditions factuelles d’application imposées par les règles de droit fiscal, et que l’assujetti souhaitant exercer le droit de déduire la TVA savait, au moment de la réception de la commande, que son sous-traitant – ne disposant pas des moyens matériels et humains nécessaires – allait exécuter la commande en recourant lui-même à des sous-traitants ? La réponse à cette question est-elle influencée par le fait que l’assujetti ou son sous-traitant a fait intervenir dans la chaîne un sous-traitant se trouvant dans une forme de lien direct avec lui, ou ayant avec lui un certain rapport d’ordre personnel ou organique (relation personnelle, lien de parenté proche, concentration des intérêts [dans les sociétés] entre les mains de mêmes personnes) ?

3)      Si la question qui précède appelle une réponse affirmative, est-il conforme à l’exigence d’un établissement des faits reposant sur les circonstances factuelles objectives que l’administration fiscale qualifie la relation économique entre l’assujetti souhaitant exercer le droit de déduire la TVA et son sous-traitant d’irrationnelle et d’injustifiée en faisant exclusivement reposer cette conclusion sur le témoignage d’une partie du personnel du sous-traitant, sans déterminer sur la base des faits objectifs les caractéristiques, les circonstances particulières et le contexte économique pertinent de l’activité économique objet du contrat, et sans entendre les dirigeants – détenteur du pouvoir décisionnel – de l’assujetti et des sociétés sous-traitantes faisant partie de la chaîne ; d’autre part, faut-il, dans ce cas, prendre en considération la capacité de l’assujetti ou des participants à la chaîne d’exécuter l’opération et est-il nécessaire de faire intervenir un expert pour apprécier cette capacité ?

4)      Les dispositions de la directive 2006/112 et le principe d’effectivité s’opposent-ils à une interprétation et à une pratique nationales par lesquelles – à supposer que les conditions matérielles et formelles de la déduction de la TVA soient réunies et que les mesures qu’on peut raisonnablement exiger aient été prises – l’administration fiscale, se fondant sur les circonstances – telles qu’indiquées dans les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne – qui ne justifient pas [le rejet de] la déduction de la taxe et ne sont pas réputées objectives, considère la fraude fiscale comme établie et rejette le droit à déduction pour le seul motif que ces circonstances se produisent en nombre suffisant auprès de l’ensemble des participants à la chaîne contrôlés ? »

 Sur les questions préjudicielles

24      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.

25      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

26      Par ses quatre questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2006/112, lue conjointement avec les principes de neutralité fiscale, d’effectivité et de proportionnalité, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une pratique nationale par laquelle l’administration fiscale refuse à un assujetti le droit de déduire la TVA acquittée en amont au motif que le comportement de cet assujetti et de l’émetteur des factures est constitutif d’une fraude dès lors que, premièrement, leurs contrats n’étaient pas nécessaires à l’accomplissement des opérations économiques concernées et pouvaient recevoir une qualification juridique autre que celle donnée par eux, deuxièmement, cet émetteur a eu recours, sans nécessité ou rationalité économique, à une chaîne de sous-traitants, dont certains ne disposaient pas des moyens personnels et matériels nécessaires, et, troisièmement, ledit assujetti avait des liens personnels ou organisationnels avec ledit émetteur ainsi qu’avec l’un de ces sous-traitants, de sorte qu’il avait nécessairement connaissance de ces faits.

27      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit des assujettis de déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée pour les biens acquis et les services reçus par eux en amont constitue un principe fondamental du système commun de la TVA. Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, le droit à déduction prévu aux articles 167 et suivants de la directive 2006/112 fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité dès lors que les exigences ou les conditions tant matérielles que formelles auxquelles ce droit est subordonné sont respectées par les assujettis souhaitant l’exercer (voir, en ce sens, arrêts du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid, C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373, points 37 et 38 ; du 3 octobre 2019, Altic, C-329/18, EU:C:2019:831, point 27, ainsi que du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C-189/18, EU:C:2019:861, point 33).

28      Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêts du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid, C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373, point 39, ainsi que du 19 octobre 2017, Paper Consult, C-101/16, EU:C:2017:775, point 37).

29      La question de savoir si la TVA, due sur les opérations de vente antérieures ou ultérieures portant sur les biens concernés, a ou non été versée au Trésor public est sans influence sur le droit de l’assujetti de déduire la TVA acquittée en amont. En effet, la TVA s’applique à chaque transaction de production ou de distribution, déduction faite de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix (arrêts du 6 juillet 2006, Kittel et Recolta Recycling, C-439/04 et C-440/04, EU:C:2006:446, point 49, et du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid, C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373, point 40, ainsi que ordonnance du 10 novembre 2016, Signum Alfa Sped, C-446/15, non publiée, EU:C:2016:869, point 32).

30      Cela étant, il importe également de rappeler que la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels est un objectif reconnu et encouragé par la directive 2006/112 et que la Cour a itérativement jugé que les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union. Dès lors, il appartient aux autorités et aux juridictions nationales de refuser le bénéfice du droit à déduction s’il est établi, au vu d’éléments objectifs, que ce droit est invoqué frauduleusement ou abusivement (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 2006, Kittel et Recolta Recycling, C-439/04 et C-440/04, EU:C:2006:446, points 54 et 55, ainsi que du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C-189/18, EU:C:2019:861, point 34 et jurisprudence citée).

31      Si tel est le cas lorsqu’une fraude est commise par l’assujetti lui-même, il en est également ainsi lorsqu’un assujetti savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la TVA (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 2006, Kittel et Recolta Recycling, C-439/04 et C-440/04, EU:C:2006:446, point 56 ; du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid, C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373, point 46, ainsi que du 6 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C-189/18, EU:C:2019:861, point 35).

32      En revanche, il n’est pas compatible avec le régime du droit à déduction prévu par la directive 2006/112 de sanctionner, par le refus de ce droit, un assujetti qui ne savait pas ou n’aurait pu savoir que l’opération concernée était impliquée dans une fraude commise par le fournisseur ou qu’une autre opération faisant partie de la chaîne des livraisons, antérieurement ou postérieurement à celle réalisée par ledit assujetti, était entachée de fraude à la TVA. En effet, l’instauration d’un système de responsabilité sans faute irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits du Trésor public (voir, notamment, arrêts du 12 janvier 2006, Optigen e.a., C-354/03, C-355/03 et C-484/03, EU:C:2006:16, points 52 et 55 ; du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid, C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373, points 47 et 48, ainsi que du 6 décembre 2012, Bonik, C-285/11, EU:C:2012:774, points 41 et 42).

33      Lorsque l’assujetti n’est pas lui-même l’auteur d’une fraude à la TVA, le bénéfice du droit à déduction ne saurait lui être refusé que s’il est établi, au vu d’éléments objectifs, qu’il savait ou aurait dû savoir que, par l’acquisition des biens ou des services servant de base pour fonder le droit à déduction, il participait à une opération impliquée dans une telle fraude commise par le fournisseur ou un autre opérateur intervenant en amont ou en aval dans la chaîne des livraisons ou des prestations (voir, en ce sens, arrêt 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C-189/18, EU:C:2019:861, point 35 et jurisprudence citée)

34      À cet égard, s’agissant du niveau de diligence requis de l’assujetti souhaitant exercer son droit à déduction, la Cour a déjà jugé à plusieurs reprises qu’il n’est pas contraire au droit de l’Union d’exiger qu’un opérateur prenne toute mesure pouvant raisonnablement être requise de lui pour s’assurer que l’opération qu’il effectue ne le conduit pas à participer à une fraude fiscale. La détermination des mesures pouvant, dans un cas d’espèce, raisonnablement être exigées d’un assujetti souhaitant exercer le droit à déduction de la TVA pour s’assurer que ses opérations ne sont pas impliquées dans une fraude commise par un opérateur en amont dépend essentiellement des circonstances du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid, C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373, points 54 et 59, ainsi que du 19 octobre 2017, Paper Consult, C-101/16, EU:C:2017:775, point 52).

35      Certes, lorsqu’il existe des indices permettant de soupçonner l’existence d’irrégularités ou de fraude, un opérateur avisé pourrait, selon les circonstances de l’espèce, se voir obligé de prendre des renseignements sur un autre opérateur auprès duquel il envisage d’acheter des biens ou des services afin de s’assurer de la fiabilité de celui-ci (arrêt du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid, C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373, point 60).

36      Toutefois, l’administration fiscale ne saurait imposer à l’assujetti d’entreprendre des vérifications complexes et approfondies relatives à son fournisseur, en transférant de fait sur lui les actes de contrôle incombant à cette administration (arrêt du 19 octobre 2017, Paper Consult, C-101/16, EU:C:2017:775, point 51). En particulier, la Cour a déjà jugé que cette dernière ne peut exiger de manière générale de l’assujetti souhaitant exercer le droit à déduction de la TVA, d’une part, de vérifier que l’émetteur de la facture afférente aux biens et aux services au titre desquels l’exercice de ce droit est demandé dispose de la qualité d’assujetti, qu’il disposait des biens en cause et était en mesure de les livrer et qu’il a rempli ses obligations de déclaration et de paiement de la TVA, afin de s’assurer qu’il n’existe pas d’irrégularité ou de fraude au niveau des opérations en amont, ou, d’autre part, de disposer de documents à cet égard (arrêt du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid, C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373, point 61).

37      En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour, le refus du droit à déduction étant une exception à l’application du principe fondamental que constitue ce droit, il incombe aux autorités fiscales d’établir à suffisance de droit les éléments objectifs permettant de conclure que l’assujetti a commis une fraude ou savait ou aurait dû savoir que l’opération invoquée pour fonder le droit à déduction était impliquée dans une fraude. Il appartient ensuite aux juridictions nationales de vérifier que les autorités fiscales concernées ont établi l’existence de tels éléments objectifs (voir, en ce sens, arrêts du 12 avril 2018, Biosafe – Indústria de Reciclagens, C-8/17, EU:C:2018:249, point 39, et du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C-189/18, EU:C:2019:861, point 36 et jurisprudence citée).

38      Le droit de l’Union ne prévoyant pas de règles relatives aux modalités de l’administration des preuves en matière de fraude à la TVA, ces éléments objectifs doivent être établis par l’administration fiscale conformément aux règles de preuve prévues par le droit national. Cependant, ces règles ne doivent pas porter atteinte à l’efficacité du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 2015, WebMindLicenses, C-419/14, EU:C:2015:832, point 65, et du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C-189/18, EU:C:2019:861, point 37).

39      S’agissant de l’affaire au principal, la juridiction de renvoi indique que sont réunies en l’occurrence toutes les exigences matérielles et formelles auxquelles est soumis, en vertu de l’article 168, sous a), et de l’article 178, sous a), de la directive 2006/112, le droit à déduction de la TVA. En dépit de cela, selon les faits décrits dans la décision de renvoi, l’administration fiscale a refusé à Crewprint le bénéfice de ce droit en requalifiant, premièrement, les contrats conclus entre Crewprint et Crew, considérant en substance qu’ils avaient pour objet non pas la fabrication de produits, mais une prestation d’agent, le gérant de Crewprint, employé de Crew, ayant en réalité servi d’intermédiaire avec les clients. Deuxièmement, cette administration a considéré que Crew avait eu recours fictivement à des sous-traitants, puisqu’elle a réalisé elle-même la majeure partie des travaux et que ses sous-traitants n’avaient pas les moyens humains et matériels pour les exécuter. Ces sous-traitants auraient eux-mêmes eu recours à des sous-traitants qui n’auraient pas accompli leurs obligations fiscales. Crew aurait donc effectué des déductions de TVA sur la base de fausses factures. Troisièmement, compte tenu des liens organisationnels ou personnels existant entre Crewprint et Crew et entre Crewprint et un sous-traitant de Crew, ladite administration a estimé que Crewprint devait avoir connaissance de la fraude commise par Crew et avait dû jouer un rôle actif dans la chaîne de facturation.

40      La juridiction de renvoi expose également que la pratique de l’administration fiscale, fondée sur un avis et la jurisprudence de la Kúria (Cour suprême), consiste notamment, en prenant principalement en considération les modalités de réalisation de l’opération économique, à distinguer entre les opérations en cause selon qu’elles ont été réalisées ou non entre les parties mentionnées sur la facture. Il y aurait lieu de considérer que l’opération économique n’a pas été réalisée entre ces parties lorsque cette dernière est affectée d’un vice ou d’un défaut quelconque de l’opération économique, en particulier lorsque l’assujetti n’a pas eu connaissance ou de preuve de l’activité économique des opérateurs se trouvant en amont de la chaîne. Dans ce cas, l’examen du point de savoir si le destinataire de la facture avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de la fraude serait une possibilité, mais non une obligation. Par ailleurs, l’administration considérerait le contenu des factures comme n’étant pas digne de foi en présence d’un nombre suffisamment élevé de faits inadéquats. Elle se fonderait à cet égard sur des critères standardisés mentionnés dans un arrêt de cette juridiction, tels que l’absence de moyens humains ou matériels, l’absence de document concernant les sociétés sous-traitantes, le fait que les entreprises ont disparu et ne peuvent plus faire l’objet d’une vérification ou que les représentants des sociétés sont inaccessibles, ainsi que l’absence d’informations concernant les participants aux opérations économiques en cause.

41      Or, il convient de relever, en premier lieu, que, ainsi qu’il a été rappelé aux points 28 et 29 de la présente ordonnance, le droit à déduction de la TVA s’applique quels que soient le but et le résultat de l’activité économique en cause et le fait que la TVA due sur des opérations antérieures portant sur les biens concernés a ou non été versée au Trésor public est sans influence sur ce droit. En outre, selon la jurisprudence de la Cour, les assujettis sont généralement libres de choisir les structures organisationnelles ou les modalités transactionnelles qu’ils estiment les plus appropriées pour leurs activités économiques et pour limiter leurs charges fiscales (arrêt du 17 décembre 2015, WebMindLicenses, C-419/14, EU:C:2015:832, point 42 et jurisprudence citée). Le principe d’interdiction des pratiques abusives, qui s’applique au domaine de la TVA, prohibe seulement les montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, effectués à la seule fin d’obtenir un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire aux objectifs de la directive 2006/112 (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, WebMindLicenses, C-419/14, EU:C:2015:832, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).

42      Il s’ensuit que, dès lors que l’existence des livraisons de biens n’est pas contestée dans l’affaire au principal, le fait que les contrats conclus entre l’assujetti et l’émetteur des factures n’étaient pas nécessaires à leur accomplissement et pouvaient recevoir une qualification juridique autre que celle donnée par les parties de même que le fait que cet émetteur a eu recours, sans nécessité ou rationalité économique, à une chaîne de sous-traitants dont certains ne disposaient pas des moyens personnels et matériels nécessaires tandis que d’autres n’ont pas accompli leurs obligations fiscales ne sauraient être considérés comme étant en eux-mêmes constitutifs d’une fraude.

43      En second lieu, un régime de preuve tel que celui décrit au point 40 de la présente ordonnance, qui repose, en présence de certains faits ou d’un nombre élevé de faits inadéquats, sur des suppositions, fondées sur des critères préétablis, de l’existence d’une fraude et, dans certains cas, de la connaissance de la fraude que l’assujetti avait ou aurait dû avoir, est contraire à la jurisprudence rappelée aux points 30 à 37 de la présente ordonnance, de laquelle il découle qu’il incombe à l’administration fiscale d’établir à suffisance de droit, dans chaque cas d’espèce, au vu d’éléments objectifs, la preuve de l’existence d’une fraude commise par l’assujetti ou la preuve de ce que l’assujetti savait ou aurait dû savoir que l’opération concernée était impliquée dans une fraude commise par l’émetteur de la facture ou un autre opérateur intervenant en amont dans la chaîne de livraisons ou de prestations.

44      Si les faits décrits au point 39 de la présente ordonnance peuvent, certes, contenir des indices de ce que l’assujetti a participé activement à une fraude ou de ce qu’il savait ou aurait dû savoir que les opérations concernées étaient impliquées dans une fraude commise par l’émetteur des factures, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une telle preuve est rapportée, en effectuant, conformément aux règles de preuve du droit national, une appréciation globale de tous les éléments et circonstances de fait de l’affaire au principal (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2014, Maks Pen, C-18/13, EU:C:2014:69, point 30, et ordonnance du 10 novembre 2016, Signum Alfa Sped, C-446/15, non publiée, EU:C:2016:869, point 36).

45      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que la directive 2006/112, lue conjointement avec les principes de neutralité fiscale, d’effectivité et de proportionnalité, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une pratique nationale par laquelle l’administration fiscale refuse à un assujetti le droit de déduire la TVA acquittée en amont au motif que le comportement de cet assujetti et de l’émetteur des factures est constitutif d’une fraude dès lors que, premièrement, leurs contrats n’étaient pas nécessaires à l’accomplissement des opérations économiques concernées et pouvaient recevoir une qualification juridique autre que celle donnée par eux, deuxièmement, cet émetteur a eu recours, sans nécessité ou rationalité économique, à une chaîne de sous-traitants, dont certains ne disposaient pas des moyens personnels et matériels nécessaires, et, troisièmement, ledit assujetti avait des liens personnels ou organisationnels avec ledit émetteur ainsi qu’avec l’un de ces sous-traitants. Pour fonder un tel refus, il doit être établi, autrement que par des suppositions fondées sur des critères préétablis, que ce même assujetti a participé activement à une fraude ou qu’il savait ou aurait dû savoir que ces opérations étaient impliquées dans une fraude commise par l’émetteur des factures, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les dépens

46      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :

La directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lue conjointement avec les principes de neutralité fiscale, d’effectivité et de proportionnalité, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une pratique nationale par laquelle l’administration fiscale refuse à un assujetti le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont au motif que le comportement de cet assujetti et de l’émetteur des factures est constitutif d’une fraude dès lors que, premièrement, leurs contrats n’étaient pas nécessaires à l’accomplissement des opérations économiques concernées et pouvaient recevoir une qualification juridique autre que celle donnée par eux, deuxièmement, cet émetteur a eu recours, sans nécessité ou rationalité économique, à une chaîne de sous-traitants, dont certains ne disposaient pas des moyens personnels et matériels nécessaires, et, troisièmement, ledit assujetti avait des liens personnels ou organisationnels avec ledit émetteur ainsi qu’avec l’un de ces sous-traitants. Pour fonder un tel refus, il doit être établi, autrement que par des suppositions fondées sur des critères préétablis, que ce même assujetti a participé activement à une fraude ou qu’il savait ou aurait dû savoir que ces opérations étaient impliquées dans une fraude commise par l’émetteur des factures, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.