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Avis juridique important

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61997C0307

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 2 mars 1999. - Compagnie de Saint-Gobain, Zweigniederlassung Deutschland contre Finanzamt Aachen-Innenstadt. - Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Köln - Allemagne. - Liberté d'établissement - Impôts sur les revenus des sociétés - Avantages fiscaux. - Affaire C-307/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-06161


Conclusions de l'avocat général


1 Le litige au principal oppose la Compagnie de Saint-Gobain, Zweigniederlassung Deutschland (ci-après «Saint-Gobain ZN»), succursale allemande de la société de capitaux Compagnie de Saint-Gobain SA, établie en France, aux autorités fiscales allemandes, en l'espèce le Finanzamt Aachen-Innenstadt.

2 Saint-Gobain ZN est considérée, sur le plan fiscal, comme un établissement stable de la société française qui, en vertu du droit allemand, est soumise en Allemagne à une obligation fiscale limitée, car ni son siège ni sa direction commerciale ne se trouvent en Allemagne. Cette obligation porte tant sur les revenus perçus en Allemagne par l'intermédiaire de son établissement stable que sur le patrimoine détenu dans celui-ci.

3 Dans le capital d'exploitation de Saint-Gobain ZN, Saint-Gobain SA détenait en 1988 les participations suivantes:

- 10,2 % des actions de la société Certain Teed Corporation (CTC), établie aux États-Unis d'Amérique;

- 98,63 % du capital de la société Grünzweig & Hartmann AG, établie en Allemagne, dont les bénéfices, qui ont été transférés à Saint-Gobain ZN en vertu d'un contrat d'intégration fiscale comportant un contrat de transfert des bénéfices conclu avec celle-ci, incluaient des dividendes d'affiliation («Schachteldividenden») distribués par deux filiales, Isover SA, établie en Suisse, et Linzer Glasspinnerei Franz Haider AG, établie en Autriche;

- 99 % du capital de la société Gevetex Textilglas GmbH, établie en Allemagne, dont les bénéfices ont également été transférés à Saint-Gobain ZN en 1988, en vertu d'un contrat de même nature, et comportaient des dividendes d'une filiale italienne, Vitrofil SpA.

4 Ces deux filiales, établies en Allemagne, étant chacune liées à Saint-Gobain ZN par un contrat d'intégration fiscale («Organvertrag»), les revenus de participation dans les sous-filiales étrangères sont, en droit fiscal, directement attribués à Saint-Gobain ZN, et donc à Saint-Gobain SA, société soumise à une obligation fiscale limitée. Elles ne sont donc pas traitées comme des sociétés de capitaux résidentes, contrairement à ce qui serait le cas en l'absence de tels contrats d'intégration fiscale.

5 Dans son recours au principal, Saint-Gobain ZN s'oppose à diverses mesures prises par le Finanzamt dans le cadre de l'imposition sur les sociétés pour l'année 1988, ainsi que de l'établissement de l'avis relatif à la valeur fiscale du patrimoine d'exploitation au 1er janvier 1989.

6 Tout d'abord, le Finanzamt ne lui a pas accordé l'exonération des dividendes provenant des États-Unis et de Suisse, prévue par les conventions de non double imposition conclues par la République fédérale d'Allemagne avec ces pays [«internationales Schachtelprivileg» (privilège d'affiliation internationale)].

7 Celle-ci découle en particulier de l'article XV de la convention fiscale germano-américaine de 1954/1965 (1) et de l'article 24 de la convention fiscale germano-suisse de 1971, dans la version en vigueur en 1988 (2).

8 Le premier prévoit que, en ce qui concerne une société de capitaux allemande, sont exclus de l'assiette de l'impôt allemand les revenus provenant de sources situées aux États-Unis et y étant imposables. Ceci comprend les revenus provenant de dividendes, lorsqu'ils sont versés par une société américaine à une société de capitaux allemande détenant directement au moins 25 % des actions à droit de vote de la société américaine [taux abaissé à 10 % en application de l'article 26, paragraphe 7, du Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l'impôt sur les sociétés, ci-après le «KStG»)].

9 Le second dispose que sont exclus de l'assiette de l'impôt allemand les dividendes qu'une société de capitaux établie en Suisse distribue à une société de capitaux soumise à une obligation fiscale illimitée en Allemagne lorsque, selon la législation fiscale allemande, l'impôt suisse perçu sur le bénéfice de la société distributrice pourrait également être imputé sur l'impôt allemand sur les sociétés.

10 En second lieu, si le Finanzamt a, certes, imputé sur l'impôt sur les sociétés l'impôt à la source retenu dans les divers États où la société distributrice est établie (imputation directe prévue à l'article 26, paragraphe 1, du KStG), il a refusé l'imputation de l'impôt payé sur les bénéfices distribués par les filiales et sous-filiales étrangères dans les États où elles sont établies. Il s'agit de l'imputation indirecte prévue à l'article 26, paragraphe 2, de la même loi. Il ressort de cette disposition que, lorsqu'une société mère imposable de façon illimitée détient une participation dans le capital d'une filiale étrangère, elle peut, sur demande et sous certaines conditions, être autorisée à imputer sur l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable, à raison des dividendes que lui distribue la filiale, un impôt sur les bénéfices à la charge de cette dernière.

11 Enfin, en ce qui concerne l'impôt sur la fortune, le Finanzamt n'a pas exclu du patrimoine national de l'établissement stable la participation au capital de la filiale américaine et n'a donc pas accordé à Saint-Gobain ZN le privilège d'affiliation internationale en matière d'impôt sur la fortune prévu à l'article 102, paragraphe 2, du Bewertungsgesetz (loi relative à l'évaluation des biens, ci-après le «BewG»).

12 Celui-ci dispose que, sous certaines conditions, lorsqu'une société de capitaux allemande détient une participation directe dans le capital d'une filiale étrangère, la participation, sur demande, n'entre pas dans le patrimoine d'exploitation de la société allemande.

13 A l'appui de son recours devant le Finanzgericht Köln, Saint-Gobain ZN fait valoir que le fait de refuser à l'établissement stable allemand d'une société de capitaux établie dans un autre État membre le bénéfice de l'imputation indirecte et des privilèges d'affiliation en matière d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur la fortune constitue une violation des articles 52 et 58 du traité CE.

14 Le Finanzgericht Köln a constaté qu'il était conforme au droit allemand en vigueur en 1988 de refuser cette imputation et ces privilèges à un établissement stable allemand d'une société de capitaux étrangère. En effet, les dispositions prévoyant ceux-ci ne bénéficiaient qu'aux sociétés ayant en Allemagne une responsabilité fiscale illimitée, c'est-à-dire y ayant leur siège ou leur direction commerciale. La requérante au principal, succursale d'une société établie dans un autre État membre, ne remplissait donc pas cette condition.

15 La juridiction de renvoi s'est toutefois demandé si un tel refus était susceptible de constituer une discrimination contraire aux articles 52 et 58 du traité. Elle se réfère notamment à l'arrêt de la Cour Commission/France (dit «de l'avoir fiscal») (3).

16 Le Finanzgericht Köln nous pose donc les questions suivantes:

«1) Est-il compatible avec le droit communautaire en vigueur, notamment les dispositions combinées des articles 52 et 58 du traité, qu'un établissement stable situé en Allemagne et exploité par une société de capitaux ayant son siège dans un autre État membre n'ait pas bénéficié, dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés de capitaux ayant leur siège en Allemagne, du privilège d'affiliation (Schachtelprivileg) accordé pour les dividendes en vertu d'une convention fiscale conclue avec un pays tiers aux fins d'éviter les doubles impositions?

2) Est-il compatible avec le droit communautaire en vigueur, notamment les dispositions combinées des articles 52 et 58 du traité, que l'impôt prélevé dans un pays tiers sur les bénéfices d'une société y étant établie, laquelle est la filiale d'un établissement stable situé en Allemagne et exploité par une société de capitaux ayant son siège dans un autre État membre, n'ait pas été imputé, dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés de capitaux ayant leur siège en Allemagne, sur l'impôt dont est redevable cet établissement au titre de l'impôt allemand sur les sociétés?

3) Est-il compatible avec le droit communautaire en vigueur, notamment les dispositions combinées des articles 52 et 58 du traité, qu'un établissement stable situé en Allemagne et exploité par une société de capitaux ayant son siège dans un autre État membre ne bénéficie pas, dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés de capitaux ayant leur siège en Allemagne, du privilège d'affiliation (Schachtelprivileg) en matière d'impôt sur la fortune?»

17 Il est à noter que, depuis les faits du litige au principal, les dispositions décrites ci-dessus ont fait l'objet d'importantes modifications. En effet, à compter de la période d'imposition 1994, en vertu du Standortsicherungsgesetz du 13 septembre 1993 (loi visant à maintenir et renforcer l'attrait de la République fédérale d'Allemagne comme lieu d'implantation d'entreprises) (4), le législateur allemand a étendu aux établissements stables de sociétés étrangères certains avantages fiscaux jusqu'alors réservés aux sociétés soumises à une obligation fiscale illimitée en Allemagne. Ainsi, l'article 8 b, paragraphe 4, du KStG accorde aux personnes soumises à une obligation fiscale limitée, pour leurs établissements stables nationaux, les exonérations fiscales que prévoient les conventions relatives aux doubles impositions pour les dividendes d'affiliation provenant de sociétés étrangères. L'article 26, paragraphe 7, du KStG accorde aux établissements stables nationaux l'imputation indirecte prévue à l'article 26, paragraphe 2, du KStG.

18 Je voudrais, en outre, faire remarquer ici que les faits de l'espèce sont antérieurs à l'adoption de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (5). Il n'est, dès lors, pas nécessaire d'examiner l'incidence éventuelle de ses dispositions sur le cas qui nous occupe.

19 La disposition relative au privilège d'affiliation en matière d'impôt sur la fortune n'a pas été modifiée par le Standortsicherungsgesetz, précité, mais, depuis le 1er janvier 1997, cet impôt n'est plus perçu en raison de son caractère partiellement anticonstitutionnel.

20 Nous avons vu que la juridiction de renvoi se réfère à l'arrêt de la Cour dans l'affaire «de l'avoir fiscal». Tel est également le cas des différents intervenants devant la Cour. Cet arrêt concernait un avantage fiscal relatif à l'impôt sur le bénéfice des sociétés prévu dans la législation française.

21 La Cour y a énoncé les principes suivants.

22 Elle a, tout d'abord, considéré qu'une distinction selon l'État membre du siège d'une société peut, sous certaines conditions, être justifiée dans un domaine comme le droit fiscal.

23 Toutefois, lorsque la législation d'un État membre met sur le même plan, aux fins d'une imposition, les sociétés ayant leur siège sur son territoire national et les succursales et agences situées sur celui-ci de sociétés ayant leur siège à l'étranger, elle ne peut pas, dans le cadre de la même imposition, les traiter différemment en ce qui concerne l'octroi d'un avantage y relatif. En effet, en traitant d'une manière identique les deux formes d'établissement aux fins de l'imposition des bénéfices réalisés par eux, le législateur de cet État membre a admis qu'il n'existe entre les deux, au regard des modalités et des conditions de cette imposition, aucune différence de situation objective pouvant justifier une différence de traitement.

24 La Cour a ajouté qu'un État membre ne saurait restreindre, par des dispositions fiscales discriminatoires, le libre choix de la forme d'établissement par les opérateurs d'autres États membres. Le fait que la création d'une filiale permettrait d'échapper à une discrimination à l'encontre des succursales ne saurait donc justifier celle-ci.

25 Enfin, la Cour a ajouté que les droits découlant de l'article 52 du traité sont inconditionnels et un État membre ne saurait faire dépendre leur respect du contenu d'une convention relative à la double imposition conclue avec un autre État membre (sous-entendu avec l'État où se trouve le siège de la société).

26 La question qui se pose est celle de savoir si cette jurisprudence, qui concernait des participations dans des sociétés nationales, contrairement au cas d'espèce, y est cependant transposable.

27 Les trois questions préjudicielles posent les mêmes problèmes de principe et sont donc, pour l'essentiel, à analyser dans les mêmes termes, nonobstant l'existence de quelques éléments spécifiques à chacune d'elles. Je les examinerai donc conjointement, comme le font, d'ailleurs, les différents intervenants.

Observations concernant l'ensemble des questions posées

28 Il ressort de l'ordonnance de renvoi, et il n'est pas contesté entre les parties, que le traitement défavorable allégué par Saint-Gobain ZN lui aurait été évité si elle avait été une société de droit allemand. En effet, en ce qui concerne les avantages fiscaux en cause dans la deuxième et la troisième question, ils découlent de dispositions nationales dont le bénéfice est explicitement réservé aux sociétés à responsabilité fiscale illimitée en Allemagne. Selon le droit fiscal allemand (6), sont à considérer comme telles les sociétés dont le siège, statutaire ou effectif, est situé en Allemagne.

29 Quant à l'avantage en cause dans la première question, il ressort du dossier que c'est en vertu du fait que les conventions bilatérales en cause réservent le bénéfice de leurs dispositions aux sociétés ayant leur siège dans les États parties que Saint-Gobain ZN se voit dans l'impossibilité d'en profiter, au contraire d'une société établie en Allemagne.

30 Dans les trois cas, il existe, certes, d'autres conditions à remplir pour bénéficier des avantages en cause. Celles-ci ne sont cependant pas litigieuses en l'espèce.

31 Selon la jurisprudence de la Cour (7), c'est le siège d'une société qui détermine son appartenance à l'ordre juridique d'un État et le siège correspond ainsi à la nationalité pour ce qui est des personnes physiques.

32 Force est donc de constater que la discrimination dont se plaint Saint-Gobain ZN repose sur la nationalité de sa société mère. C'est, en effet, la Compagnie de Saint-Gobain SA, établie en France, qui est, dans le litige au principal, le contribuable en cause, même si c'est sa succursale allemande qui est la requérante devant le Finanzgericht.

33 Sous réserve d'un argument spécifique à l'impôt sur la fortune, sur lequel nous reviendrons, il n'est pas contesté que le traitement dont font l'objet les sociétés non-résidentes est défavorable, comparé à celui dont bénéficient les sociétés établies en Allemagne (y compris les filiales de sociétés étrangères). En effet, les dispositions en cause entraînent un allégement de la charge fiscale pesant sur ces dernières en supprimant des doubles impositions économiques ou juridiques. Les sociétés non-résidentes en Allemagne sont défavorisées, puisque cet allégement leur est refusé, en dernière analyse, du seul fait de leur non-résidence en Allemagne.

34 Ainsi, le privilège d'affiliation internationale, visé dans la première question préjudicielle, est accordé en vertu de conventions bilatérales et permet d'éviter la double imposition des dividendes distribués par des filiales étrangères en excluant ceux-ci de l'assiette de l'impôt dans l'État où est établie la société mère. Il entraîne donc ici une exonération fiscale dont, comme nous l'avons vu, ne bénéficient pas les sociétés qui n'ont pas leur siège en Allemagne.

35 Le mécanisme de l'imputation indirecte, qui fait l'objet de la deuxième question, opère de façon différente mais a un effet similaire. Il permet, en effet, de diminuer l'impôt dû par la société mère en imputant sur son montant l'impôt étranger sur les sociétés déjà payé par les filiales et sous-filiales de celle-ci. Ici également, cette possibilité n'est offerte qu'aux sociétés résidentes en Allemagne.

36 Enfin, la troisième question concerne également le privilège d'affiliation internationale, mais dans le contexte de l'impôt sur la fortune. L'effet en est d'exonérer de l'impôt sur la fortune payé par la société mère la participation détenue par celle-ci dans la filiale située en dehors de l'Allemagne. Il s'agit donc également d'une possibilité d'allégement fiscal, elle aussi réservée aux sociétés résidentes en Allemagne.

37 La nature défavorable du traitement réservé aux contribuables non-résidents étant établie, sauf à examiner ultérieurement un élément spécifique concernant l'impôt sur la fortune, il nous reste à examiner les arguments invoqués au soutien des dispositions nationales litigieuses.

38 Le gouvernement allemand conteste l'existence d'une discrimination en l'espèce. Il rappelle, à cet égard, la jurisprudence constante de la Cour, en vertu de laquelle il y a discrimination lorsque sont traitées de façon différente des situations identiques ou de façon identique des situations différentes. Or, en matière fiscale, la situation des non-résidents serait fondamentalement différente de celle des résidents, ce que la Cour aurait confirmé dans son arrêt Schumacker (8).

39 Le gouvernement allemand rappelle également que, dans l'arrêt «de l'avoir fiscal», la Cour avait attaché une très grande importance au fait que, puisque la réglementation litigieuse mettait «sur le même plan, aux fins de l'imposition sur les bénéfices, les sociétés ayant leur siège social en France et les succursales et agences situées en France de sociétés ayant leur siège à l'étranger, elle ne pouvait pas, sans créer une discrimination, les traiter différemment, dans le cadre de cette même imposition, en ce qui concerne l'octroi d'un avantage y relatif, tel que l'avoir fiscal» (9). Or, souligne le gouvernement allemand, contrairement à ce qui a lieu dans le droit fiscal français, les sociétés de capitaux allemandes ne sont pas mises sur le même plan que les établissements stables de sociétés étrangères ni en ce qui concerne l'assiette de l'impôt ni en ce qui concerne le taux de celle-ci.

40 La Commission reconnaît que tel n'est effectivement pas le cas, mais elle fait valoir que les différences qui existent ne sont pas primordiales en ce qui concerne les sociétés de capitaux (10). Selon elle, ces différences résultent, pour l'essentiel, de la nature des choses et ne peuvent pas justifier que l'on exclut des privilèges dont il est question en l'espèce les sociétés de capitaux étrangères.

41 Examinons donc les différences mises en avant par le gouvernement allemand.

42 Selon ce dernier, on ne saurait assimiler en l'espèce la situation des non-résidents, dont la responsabilité fiscale est limitée à leurs bénéfices réalisés en Allemagne, à celle des résidents, qui ont une obligation fiscale illimitée et dont, par conséquent, l'ensemble des revenus (revenu mondial) relève de la fiscalité de l'État en cause.

43 Le gouvernement allemand en conclut qu'en l'espèce il n'y aurait pas de discrimination contraire au traité, puisque le traitement différent subi par les non-résidents correspondrait à la différence de nature entre les établissements stables des sociétés étrangères et les sociétés résidentes.

44 Force est, cependant, de constater que le gouvernement allemand se contente d'invoquer sur un plan général la différence, certes indiscutable, entre responsabilité fiscale limitée et responsabilité fiscale illimitée, qui résulte de la souveraineté fiscale limitée de l'État de source par rapport à celle de l'État où est établie l'entreprise principale.

45 Or, les faits mêmes de la présente affaire montrent que cette distinction est à appréhender de façon nuancée. En effet, d'une part, ils font apparaître clairement que les sociétés à responsabilité fiscale illimitée peuvent bénéficier de réductions considérables de l'assiette de l'impôt auquel elles sont soumises, que ce soit du fait de la législation allemande au sens strict du terme ou par l'effet du réseau étendu de conventions bilatérales de non double imposition conclues par la République fédérale d'Allemagne.

46 D'autre part, la situation de la requérante au principal démontre que la responsabilité fiscale limitée en principe au bénéfice réalisé en Allemagne inclut des incidences d'opérations réalisées en fait en dehors d'Allemagne. Cette notion de responsabilité fiscale limitée est donc, comme l'écrit la partie requérante au principal, interprétée largement par les autorités allemandes.

47 Comme le font remarquer la requérante au principal et la Commission, il est, d'ailleurs, paradoxal d'invoquer le fait que les filiales doivent, en principe, être imposées sur leur revenu mondial et les établissements stables sur leur revenu national, pour justifier des dispositions dont l'effet est, dans le premier cas, de diminuer le poids de l'élément non national du revenu mondial et donc de rapprocher le revenu mondial du revenu national. Comme l'a fait remarquer la Commission, on aboutit même au résultat paradoxal qu'en Allemagne les sociétés de capitaux allemandes ne sont pas imposées du fait de leurs participations, et que seules les sociétés étrangères le sont.

48 Contrairement au gouvernement allemand, j'estime, dès lors, que la différence de situation entre les sociétés résidentes, à responsabilité fiscale illimitée, et les sociétés non-résidentes, à responsabilité fiscale limitée, n'est pas telle que, aux fins de la détermination de l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur la fortune, on ne puisse pas les considérer comme comparables.

49 A ce sujet, la Commission fait valoir, à juste titre, qu'est uniquement en cause, en l'espèce, l'imposition de certaines participations et des dividendes en provenance de ces participations.

50 Ces objets fiscaux, comme les appelle la Commission, sont soumis à l'impôt allemand, indépendamment de la question de savoir si la personne assujettie à l'impôt est résidente en Allemagne ou pas.

51 Puisque l'obligation fiscale existe indépendamment de cette question, les avantages liés à cette obligation, tels que des mesures destinées à éviter la double imposition, doivent également, en principe, être octroyés indépendamment du critère de la résidence.

52 Comme l'a dit la Commission à l'audience, il s'agit des deux côtés de la même médaille.

53 Il est, d'ailleurs, permis de remarquer que, dans les affaires citées (11) où la Cour a admis la différence de nature, en principe, entre la situation des résidents et des non-résidents, cela ne l'a pas empêchée de conclure que, aux fins des dispositions en cause dans lesdites affaires, les deux situations étaient comparables.

54 Toute différence de traitement sur un point où les situations sont comparables doit, dès lors, être justifiée par une exigence impérative reconnue par le droit communautaire.

55 En effet, comme l'a souligné la Cour dans l'arrêt «de l'avoir fiscal», précité, ou encore dans l'arrêt rendu dans l'affaire Commerzbank (12),

«admettre que l'État membre d'établissement puisse librement appliquer un traitement différent en raison du seul fait que le siège d'une société est situé dans un autre État membre viderait cette disposition [l'article 52] de son contenu».

56 Le gouvernement allemand fait allusion au fait que les dispositions litigieuses ont pour objet d'éviter une double imposition, voire une imposition multiple. Or, selon lui, l'intérêt d'éviter celle-ci est le plus fort dans le chef de l'État du siège d'une société. Par voie de conséquence, il appartiendrait à cet État, et non pas à celui de l'établissement stable, d'éliminer les conséquences de doubles impositions éventuelles subies par ses sociétés résidentes.

57 Tel serait, selon le gouvernement allemand, d'autant plus le cas que l'État du siège pourrait compenser la perte de recettes causée par des dispositions telles que celles en cause en l'espèce, car il impose la société mère au titre de l'ensemble de ses activitiés, contrairement à l'État de l'établissement stable.

58 Cette argumentation n'est pas convaincante.

59 En effet, l'objectif d'éviter des doubles impositions aux sociétés établies en Allemagne peut parfaitement être atteint sans recourir à des dispositions discriminatoires. Le fait d'accorder le bénéfice de celles-ci également aux établissements stables de contribuables non-résidents ne compromet en rien leur aptitude à réaliser l'objectif du législateur. En ce qui concerne les avantages en cause dans les deux premières questions, cette constatation est d'ailleurs confirmée par le fait que le législateur allemand s'est vu en mesure, comme nous l'avons exposé, de modifier les dispositions nationales en cause en 1993 et d'accorder depuis l'égalité de traitement aux établissements stables.

60 Il est un fait qu'une telle extension du champ d'application de ces dispositions serait susceptible d'entraîner une perte de recettes pour le fisc allemand. Il est, toutefois, de jurisprudence constante qu'un tel argument n'est pas de nature à justifier une discrimination contraire à une liberté fondamentale du traité (13).

61 Ceci implique que ne saurait être accepté non plus l'argument selon lequel il appartiendrait à l'État membre du siège de la société d'éliminer la double imposition en cause, au motif qu'il pourrait compenser, par l'imposition des dividendes distribués par la société mère, la perte de recettes qui en découlerait, possibilité que n'aurait pas l'État de l'établissement stable. En effet, une telle argumentation est elle aussi de nature essentiellement budgétaire.

62 Un État membre ne saurait, d'ailleurs, justifier une restriction à une liberté fondamentale du traité par le fait qu'il appartiendrait à un autre État membre de l'éviter.

63 Il nous faut, en outre, examiner si les mesures nationales litigieuses pourraient être justifiées par les nécessités de la cohérence du système fiscal. Tel pourrait, en effet, être le cas si, nonobstant le caractère fondamentalement comparable des situations en cause, il existait néanmoins dans le système fiscal allemand des différences concrètes entre l'imposition des succursales et celle des filiales, qui rendraient nécessaires les discriminations litigieuses.

64 Les gouvernements suédois et portugais évoquent cette possibilité. La Commission et la partie requérante au principal se livrent cependant à une analyse comparative détaillée dont il ressort, selon elles, que l'on ne saurait trouver de telles différences dans le traitement fiscal des succursales et des filiales. Cette dernière constatation est confirmée par la juridiction de renvoi.

65 Le gouvernement portugais évoque de façon plus particulière la possibilité que l'existence d'une retenue à la source sur les bénéfices distribués par la filiale à la maison mère constitue un désavantage de la filiale par rapport à la succursale dont les bénéfices sont transférés à la société mère sans être imposés.

66 Il n'y a, cependant, pas lieu d'en déduire que l'existence d'une telle retenue justifie les différences de traitement en cause dans le cas présent.

67 On remarquera, tout d'abord, qu'il ressort des explications de la Commission et de la partie requérante, non contredites sur ce point par le gouvernement allemand, que la proportion du bénéfice de la filiale qui est distribuée à la maison mère est imposée à un taux inférieur (36 %) à celui qui est appliqué au bénéfice transféré à la maison mère par l'établissement stable (50 %). Il existe donc là un avantage pour la filiale. Dès lors, il me semble loin d'être évident que le désavantage découlant pour la filiale de l'existence d'une retenue à la source devrait nécessairement être compensé par un avantage supplémentaire au niveau de la détermination de l'assiette de l'impôt.

68 En tout état de cause, l'argument est à rejeter sur le plan des principes. Il ressort, en effet, de la jurisprudence de la Cour qu'un État membre n'est pas en droit d'appliquer, à certains égards, un traitement moins favorable aux succursales et agences, pour compenser les avantages dont elles bénéficieraient à d'autres égards par rapport aux filiales (14).

69 En outre, une telle retenue à la source ne relèverait pas de l'imposition du bénéfice de la filiale ou de la succursale, mais de celle des revenus des bénéficiaires de la distribution desdits bénéfices. Les modalités de l'imposition de ceux-ci, qui constituent des contribuables différents, ne sauraient être prises en considération pour opérer des distinctions pertinentes pour l'imposition de la succursale et de la filiale elles-mêmes.

70 En effet, une telle approche impliquerait une interprétation extensive de la notion de cohérence fiscale telle qu'elle résulte de l'arrêt Bachmann (15), alors que, en tant qu'exception aux libertés fondamentales du traité, une exigence impérative est à interpréter strictement.

71 La Commission estime, en outre, que le libellé de l'exposé des motifs du Standortsicherungsgesetz de 1993, par lequel, comme nous l'avons vu, le législateur allemand a étendu aux sociétés résidentes les privilèges en cause dans les deux premières questions préjudicielles, constitue une reconnaissance par le gouvernement allemand lui-même du caractère discriminatoire des dispositions litigieuses, avant leur modification.

72 Le passage pertinent de cet exposé des motifs énonce que:

«L'égalité de traitement entre les établissements stables de sociétés de capitaux étrangères et les sociétés de capitaux soumises à une obligation fiscale illimitée respecte la liberté d'établissement prévue à l'article 52 du traité CE et exclut une discrimination interdite par cette disposition.»

73 Le passage cité ci-dessus n'est pas dénué de toute ambiguïté. Le gouvernement allemand est d'avis qu'il n'implique pas une reconnaissance, de sa part, d'une quelconque violation du traité, mais qu'il se réfère uniquement à certaines positions exprimées par la doctrine et que la modification intervenue vise à exclure en tout cas toute critique pour l'avenir.

74 J'estime, pour ma part, que, quelle que soit la signification qu'il y a lieu d'attacher à ce passage, elle est sans pertinence pour l'interprétation que la Cour est appelée à donner des dispositions précitées du traité.

Observations spécifiques concernant l'incidence des conventions internationales

75 Certains intervenants ont fait valoir des arguments tirés de l'incidence, sur le cas d'espèce, des conventions bilatérales de non double imposition.

76 Il a été allégué, tout d'abord, que la détermination des bénéficiaires des conventions relatives à la non double imposition relèverait de la seule compétence des États membres.

77 Pour ma part, j'estime, cependant, que c'est tout le domaine de la fiscalité directe qui continue à relever de la compétence des États membres, et qu'il n'y a pas lieu de faire une distinction entre les dispositions des États membres relatives à la fiscalité directe qui sont d'origine purement interne et celles qui résultent d'une convention sur la non double imposition conclue avec un autre État membre ou un pays tiers. Ces dernières, après la ratification de la convention par le Parlement national, font partie, au même titre que les premières, de la législation nationale relative à la fiscalité directe.

78 Dès lors, s'applique pleinement à leur égard la jurisprudence de la Cour selon laquelle

«si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, il n'en reste pas moins que ces derniers doivent exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire et s'abstenir de toute discrimination ostensible ou déguisée fondée sur la nationalité» (16).

79 D'autres intervenants ont souligné que des conventions de non double imposition sont fondées sur le principe de réciprocité et que ce serait détruire l'équilibre inhérent à ces conventions que d'étendre le bénéfice de leurs dispositions à des sociétés établies dans des États membres qui ne sont pas partie à ces conventions.

80 Il ne suffit pas de répondre à cette argumentation, comme certains intervenants l'ont fait, que la Cour a déjà jugé dans l'arrêt «de l'avoir fiscal» que les droits que le traité confère aux ressortissants des États membres sont inconditionnels et que leur contenu ne saurait donc dépendre de l'application réciproque de conventions conclues entre les États membres (17). Dans l'affaire qui nous occupe, le Finanzamt compétent n'a nullement soutenu que l'octroi des avantages fiscaux demandés dépendait de l'octroi d'avantages correspondants par la République française aux succursales de sociétés allemandes se trouvant dans ce pays.

81 Ce qui est déterminant, dans le cas d'espèce, où sont en cause des conventions conclues par un État membre avec des pays tiers, c'est que, comme le soulignent à juste titre la requérante et la Commission, il n'y a aucun problème de conflit entre les obligations que le droit communautaire impose à la République fédérale d'Allemagne et celles qui découlent pour elle de ses engagements envers divers États tiers auxquels elle est liée par des conventions de non double imposition.

82 En effet, ces dernières n'empêchent aucunement la République fédérale d'Allemagne d'étendre le bénéfice de leurs dispositions aux sociétés contribuables non-résidentes. Une telle extension ne compromet en rien les droits des États tiers parties aux conventions et ne leur impose aucune nouvelle obligation. Il ne se pose donc aucun problème d'équilibre ou de réciprocité.

83 La pratique du législateur allemand concernant les conventions du type de celles en cause en l'espèce en constitue d'ailleurs une excellente démonstration. En effet, en diminuant le taux minimal de participation dans une filiale américaine requis dans le chef d'une société allemande pour bénéficier des privilèges inclus dans les conventions afférentes, par le jeu de l'article 26, paragraphe 7, du KStG, précité, le législateur allemand a étendu unilatéralement le champ d'application de la convention en Allemagne sans que se crée de difficulté dans ses relations avec l'autre partie à la convention.

84 Il en a été de même lorsque, par le Standortsicherungsgesetz de 1993, précité, le législateur allemand a accordé aux établissements stables de sociétés d'autres États membres les privilèges d'affiliation internationale prévus dans les conventions bilatérales. Il n'a donc pas vu de difficultés découlant de la nature de celles-ci qui l'empêcheraient de prévoir l'extension du champ d'application desdits privilèges, réclamée par la requérante au principal.

85 Il est vrai qu'une telle extension implique une augmentation de la perte de recettes fiscales qui découle, toutes choses égales par ailleurs, de l'application desdites conventions. Il est, cependant, de jurisprudence constante, comme nous l'avons déjà vu, qu'un tel argument d'ordre budgétaire n'est pas de nature à justifier une restriction à une liberté fondamentale prévue par le traité.

86 Enfin, le gouvernement suédois invoque des arguments que l'on pourrait qualifier de systémiques en démontrant que, dans certaines hypothèses particulièrement complexes, l'extension du champ d'application des conventions bilatérales de non double imposition peut aboutir à une absence totale d'imposition.

87 Or, cette considération n'a apparemment pas empêché le gouvernement allemand de procéder à une telle extension, au moins en ce qui concerne les privilèges en cause dans le litige au principal.

88 Par ailleurs, les situations que vise le gouvernement suédois, qui concernent des hypothèses bien spécifiques, diffèrent du cas d'espèce dans le contexte duquel il n'est pas allégué qu'il existe un risque que les bénéfices ne soient imposés dans aucun pays.

89 Tout aussi différente est la situation où une société établie dans un État membre A demanderait à ce que l'État membre B lui applique les dispositions d'une convention bilatérale conclue entre cet État membre B et un État membre C plutôt que celle conclue entre A et B, hypothèse qui fait l'objet des affaires Metallgesellschaft (C-397/98) et Hoechst (C-410/98) (18) évoquées à l'audience. En effet, les conventions dont Saint-Gobain ZN réclame le bénéfice ont été conclues avec des États tiers.

90 En outre, la société établie dans l'État membre A n'a pas nécessairement, dans l'hypothèse ci-dessus, de lien avec l'État membre C, contrairement à l'affaire présente où est en litige le traitement de participations dans des sociétés établies dans ce dernier.

91 Il importe, enfin, de souligner que les deux cas concernent des demandes fondamentalement différentes. En effet, dans l'hypothèse décrite ci-dessus, la société établie dans l'État membre A ne demande pas à être traitée par l'État membre B comme une société établie dans celui-ci, mais comme une société établie dans un autre État membre C. Ce cas concerne donc une différence de traitement entre sociétés non-résidentes, plutôt qu'entre résidents, d'une part, et non-résidents, d'autre part.

92 Dès lors, le problème de principe n'est pas le même que celui qui se pose dans la présente affaire où est réclamée l'égalité de traitement avec les sociétés établies en Allemagne, même si les dispositions dont découle ce traitement sont incluses dans une convention conclue avec un État tiers.

Observations spécifiques concernant l'impôt sur la fortune

93 En ce qui concerne, plus spécifiquement, l'impôt sur la fortune, le gouvernement allemand fait valoir que la charge fiscale reposant en fin de compte sur la société mère ne diffère pas selon que les participations en cause sont détenues par le biais d'un établissement stable ou d'une filiale.

94 Il est certainement exact que la participation dans une sous-filiale n'entre pas, aux fins de cette imposition, dans le patrimoine de la filiale, grâce au privilège d'affiliation internationale, alors que, celui-ci n'étant pas accordé à la succursale, cette dernière est redevable de l'impôt sur la fortune sur la valeur de cette participation. Mais, selon le gouvernement allemand, l'avantage dont bénéficie ainsi la filiale serait compensé par le fait que le patrimoine de la société mère inclurait, aux fins de l'impôt sur la fortune, la valeur de la participation détenue dans la filiale située en Allemagne, évaluée en tenant compte de la valeur de la participation que celle-ci détient elle-même dans la sous-filiale.

95 Saint-Gobain ZN et la Commission ne contestent pas que tel est, en principe, le cas (article 121, paragraphe 2, point 4, du BewG). Elles soulignent, cependant, qu'en règle générale le jeu de cette disposition est écarté par les conventions bilatérales de non double imposition conclues par la République fédérale d'Allemagne.

96 Ainsi, Saint-Gobain ZN a exposé à l'audience, sans être contredite sur ce point par le gouvernement allemand, que, dans le cas d'espèce, l'application de l'article 121, paragraphe 2, point 4, du BewG serait écartée en vertu de l'article 19 de la convention de non double imposition en vigueur entre la République française et la République fédérale d'Allemagne.

97 Il s'ensuivrait que le traitement infligé aux établissements stables de sociétés mères françaises serait défavorable, comparé à celui réservé aux filiales.

98 Il appartient au juge national de déterminer si cette disposition, conjointement avec celles du BewG, a effectivement pour effet que l'imposition sur la fortune des participations en cause pèse plus lourdement sur les établissements stables que sur les filiales. Si tel est le cas, le traitement discriminatoire à l'encontre de la requérante au principal est constitué.

99 Précisons encore qu'il n'est pas demandé aux autorités allemandes d'accorder le privilège d'affiliation également en cas d'absence d'une convention bilatérale. Elles n'ont, en effet, cette obligation que lorsque le refus d'appliquer le privilège entraîne une discrimination, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas de disposition conventionnelle ayant pour effet d'écarter le jeu de l'article 121, paragraphe 2, point 4, du BewG. Par conséquent, le risque d'une discrimination à l'encontre des filiales, évoqué par le gouvernement allemand, n'existe pas.

100 Je noterais d'ailleurs, en passant, que cet argument du gouvernement allemand implique que celui-ci accepte l'existence d'un principe d'égalité de traitement entre filiales et succursales.

101 Il résulte de ce qui précède que la différence de traitement, si elle était confirmée, serait dépourvue de justification. Les articles 52 et 58 du traité s'y opposeraient donc.

Considérations finales

102 Il ressort, par conséquent, de tout ce qui précède que les dispositions nationales en cause ont pour effet d'imposer aux sociétés ayant leur siège dans un autre État membre, sans justification objective, un traitement défavorable par rapport à celui dont peuvent bénéficier les sociétés établies en Allemagne.

103 Or, comme nous l'avons vu et comme l'exposent à juste titre tant la Commission que, d'ailleurs, la juridiction de renvoi, les dispositions combinées de l'article 58 et de l'article 52, premier alinéa, première phrase, et second alinéa, du traité exigent que soient traitées de la même façon que les sociétés nationales les sociétés établies dans un autre État membre qui créent un établissement stable sur le territoire de l'État membre considéré, sauf différences objectivement justifiées.

104 En outre, les dispositions nationales en cause ont pour effet d'entraver le libre choix, par les sociétés d'autres États membres, de la forme sous laquelle elles souhaitent exercer leur droit à la liberté d'établissement. Or, il découle de l'article 52, premier alinéa, seconde phrase, qu'une société d'un État membre désireuse d'exercer son droit à la liberté d'établissement est en droit de choisir entre la création, dans l'État membre d'établissement, d'une filiale ou seulement d'une agence ou d'une succursale. Ce choix est entravé lorsque des différences de traitement injustifiées existent au détriment de l'une ou l'autre de ces formes d'établissement.

Conclusion

105 Je vous propose donc de répondre par la négative aux questions posées par le Finanzgericht Köln en déclarant ce qui suit:

«1) Les articles 52 et 58 du traité CE s'opposent à ce qu'un établissement stable situé en Allemagne et exploité par une société de capitaux ayant son siège dans un autre État membre ne bénéficie pas, dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés de capitaux ayant leur siège en Allemagne, du privilège d'affiliation (`Schachtelprivileg') accordé pour les dividendes en vertu d'une convention fiscale conclue avec un pays tiers aux fins d'éviter les doubles impositions.

2) Les articles 52 et 58 du traité s'opposent à ce que l'impôt prélevé dans un pays tiers sur les bénéfices d'une société y étant établie, laquelle est une filiale d'un établissement situé en Allemagne et exploité par une société de capitaux ayant son siège dans un autre État membre, ne soit pas imputé, dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés de capitaux ayant leur siège en Allemagne, sur l'impôt dont est redevable cet établissement au titre de l'impôt allemand sur les sociétés.

3) Les articles 52 et 58 du traité s'opposent à ce qu'un établissement stable situé en Allemagne et exploité par une société de capitaux ayant son siège dans un autre État membre ne bénéficie pas, dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés de capitaux ayant leur siège en Allemagne, du privilège d'affiliation (`Schachtelprivileg') en matière d'impôt sur la fortune.»

(1) - Convention conclue le 22 juillet 1954 entre la République fédérale d'Allemagne et les États-Unis d'Amérique aux fins d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et de certains autres impôts, telle que modifiée par le protocole du 17 septembre 1965 (BGBl. 1954 II, p. 1118; 1966 II, p. 745).

(2) - Convention conclue le 11 août 1971 entre la République fédérale d'Allemagne et la Confédération suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, telle que modifiée par le protocole du 30 novembre 1978 (BGBl. 1972 II, p. 1022; 1980 II, p. 750).

(3) - Arrêt du 28 janvier 1986 (270/83, Rec. p. 273).

(4) - BGBl. I, p. 1569.

(5) - JO L 225, p. 6.

(6) - Article 1er, paragraphe 1, du KStG et article 1er, paragraphe 1, point 2, du Vermögensteuergesetz (loi relative à l'impôt sur la fortune).

(7) - Voir, à titre d'exemple d'une jurisprudence constante, l'arrêt du 12 avril 1994, Halliburton Services (C-1/93, Rec. p. I-1137, point 15).

(8) - Arrêt du 14 février 1995 (C-279/93, Rec. p. I-225).

(9) - Point 20.

(10) - Voir le point 27 de ses observations.

(11) - Voir, les arrêts «de l'avoir fiscal» et Schumacker, précités, ainsi que, par exemple, l'arrêt du 11 août 1995, Wielockx (C-80/94, Rec. p. I-2493).

(12) - Arrêt du 13 juillet 1993 (C-330/91, Rec. p. I-4017, point 13).

(13) - Voir, par exemple, l'arrêt du 7 février 1984, Duphar e.a. (238/82, Rec. p. 523).

(14) - Voir l'arrêt «de l'avoir fiscal», précité, point 21.

(15) - Arrêt du 28 janvier 1992 (C-204/90, Rec. p. I-249).

(16) - Voir, notamment, l'arrêt Wielockx, précité, point 16.

(17) - Voir l'arrêt «de l'avoir fiscal», précité, point 26.

(18) - JO 1999, C 1, p. 7 et 11.