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Avis juridique important

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61998C0156

Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 27 janvier 2000. - République fédérale d'Allemagne contre Commission des Communautés européennes. - Aide accordée à des entreprises des nouveaux Länder allemands - Mesure fiscale en faveur des investissements. - Affaire C-156/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-06857


Conclusions de l'avocat général


1 Par recours introduit sur la base de l'article 173 du traité CE (devenu article 230 CE), la République fédérale d'Allemagne (ci-après la «RFA») demande l'annulation de la décision de la Commission n_ 98/476/CE (ci-après la «décision»), concernant les allégements fiscaux accordés en vertu de l'article 52, paragraphe 8, de la loi allemande relative à l'impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz, ci-après l'«EStG») (1).

La RFA reproche en particulier à la Commission d'avoir adopté cette décision sans se conformer à l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), et en fondant cette décision sur une application erronée, d'une part, des règles du traité en matière d'aides d'État, telles que prévues à l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 87 CE), et, d'autre part, de l'article 52 du traité CE (devenu article 43 CE) relatif à la liberté d'établissement.

Les faits et la procédure précontentieuse

2 La loi fiscale pour 1996, entrée en vigueur le 1er janvier de la même année (2), a modifié l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG quant au champ d'application du régime d'allégements fiscaux qui était prévu par les articles 6 b) et 6 ter) de la loi relative à l'impôt sur le revenu.

La nouvelle réglementation a introduit, pour les seuls exercices fiscaux 1996, 1997 et 1998, certains allégements particuliers en cas d'acquisition de participations dans des entreprises ayant leur siège dans les nouveaux Länder fédéraux ainsi qu'à Berlin Ouest et n'employant pas plus de 250 salariés.

3 La Commission n'a pas été informée de l'adoption de ce nouveau régime fiscal; ce n'est que le 13 octobre 1995, à la suite d'une demande spécifique de la part de la Commission, que le gouvernement de la RFA a procédé à la communication. L'entrée en vigueur des nouvelles dispositions est intervenue sans que la Commission ne se soit prononcée sur leur bien-fondé; elle a donc décidé de considérer ce régime comme une aide non notifiée. Par circulaire du ministre fédéral des Finances du 2 janvier 1996, l'application du nouveau régime a été suspendue dans l'attente de la décision de la Commission.

4 Dans des correspondances ultérieures, la Commission a demandé au gouvernement de la RFA de lui fournir des éclaircissements sur la nature de ces nouveaux allégements fiscaux; dans sa réponse à la Commission, la RFA a contesté la possibilité de qualifier les nouvelles dispositions d'aides d'État au sens des règles pertinentes du traité CE. Jugeant insuffisantes les explications fournies par le gouvernement allemand, la Commission a informé la RFA, par décision notifiée le 25 mars 1997 (3), qu'elle ouvrait la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE). Par lettres des 13 mai, 29 juillet et 30 septembre 1997, le gouvernement allemand a présenté des observations dans lesquelles il contestait le bien-fondé de cette initiative. La procédure a été close par la décision n_ 98/476/CE du 21 janvier 1998, qui a déclaré que le régime adopté par l'État requérant constituait une aide incompatible avec le marché commun. Le 24 avril suivant, la RFA a introduit le présent recours.

Le cadre juridique

a) La réglementation nationale

5 L'article 52, paragraphe 8, de l'EStG, tel que modifié par la loi fiscale pour 1996, amende, comme on l'a vu, le régime des dégrèvements fiscaux qui était prévu à l'article 6 b) de l'EStG, et ce pour les exercices fiscaux 1996 à 1998. Dans sa rédaction initiale, l'article 6 b) prévoyait que les assujettis qui retirent un bénéfice de la vente d'immeubles ou de biens meubles à durée limitée utilisés pendant au moins 25 ans, ou de la vente de prises de participations dans des sociétés de capitaux, sont en droit de déduire jusqu'à 50 % de ce bénéfice du montant des frais de la production ou de l'acquisition de biens économiques produits ou acquis au cours de l'exercice concerné ou de l'exercice précédent.

6 Dans la nouvelle rédaction de la loi, les allégements fiscaux accordés aux assujettis se trouvent renforcés pour les exercices financiers 1996, 1997 et 1998 : en effet, les assujettis sont autorisés à déduire intégralement le montant du bénéfice réalisé avec la vente s'ils acquièrent des participations dans des sociétés de capitaux et que cette acquisition est liée à une augmentation de capital ou à la constitution de nouvelles sociétés de capitaux, pourvu que ces sociétés :

a) aient leur siège et leur direction dans les nouveaux Länder fédéraux ou à Berlin Ouest et, à la date d'acquisition des parts, n'emploient pas plus de 250 salariés,

ou

b) soient des sociétés financières dont l'objet social, tel qu'il résulte des statuts et de l'acte constitutif, consiste exclusivement à prendre des participations pour une période limitée ou à gérer ou céder ces participations à des entreprises qui, à la date d'acquisition des participations, ont leur siège et leur direction dans les nouveaux Länder fédéraux ou à Berlin Ouest et n'emploient pas plus de 250 salariés.

7 Selon les estimations fournies par la République fédérale d'Allemagne et reprises par la Commission dans sa décision (partie I, septième alinéa), la mesure entraînerait, pour les années considérées par la loi, une perte de recettes fiscales de l'ordre de 150 millions de DM. Le régime est en théorie applicable à un nombre indéterminé d'entreprises ayant leur siège dans les nouveaux Länder fédéraux et à Berlin Ouest, et n'est pas limité à des secteurs particuliers. Il n'est pas exclu qu'il se cumule avec d'autres aides d'État.

b) La réglementation communautaire

8 Dans sa décision, la Commission estime que le dégrèvement fiscal prévu par l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG en faveur des entreprises employant jusqu'à 250 salariés et ayant leurs siège et direction dans les nouveaux Länder fédéraux ou à Berlin Ouest constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun, au regard de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE (art. 1er, paragraphe 1); elle invite donc la RFA à abroger les dispositions en question (art. 1er, paragraphe 2). Dans les motifs de sa décision, la Commission affirme en outre que, dans la mesure où le régime d'aides prévoit, à titre de condition préalable du dégrèvement fiscal, que les entreprises dans lesquelles sont prises des participations doivent avoir leur siège et leur direction dans les nouveaux Länder fédéraux ou à Berlin Ouest, la règle contenue dans l'EStG est contraire à l'interdiction des restrictions à la liberté d'établissement consacrée par l'article 52 du traité CE.

9 Pour qualifier d'aide les règles litigieuses, la Commission affirme que le régime en question s'applique à deux catégories de bénéficiaires, à savoir les assujettis imposables au titre de la loi relative à l'impôt sur le revenu (les bénéficiaires directs) et les entreprises des nouveaux Länder et de Berlin Ouest n'employant pas plus de 250 salariés (les bénéficiaire indirects). La Commission estime tout d'abord que l'allégement fiscal en faveur des particuliers assujettis à l'impôt constitue une mesure générale ne contenant aucun élément d'aide puisque tous les assujettis décidant d'investir leurs bénéfices de la manière prévue par la loi peuvent s'en prévaloir; ces allégements seraient ainsi compatibles avec le droit communautaire dès lors qu'ils sont prévus par une mesure générale de politique économique. En revanche, les mesures en faveur des sociétés de capitaux ayant leurs siège et direction dans les Länder fédéraux ou à Berlin Ouest, où une participation doit être prise pour pouvoir donner lieu à un allégement fiscal, constitueraient une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE.

Cette mesure impliquerait en effet des avantages économiques indéniables pour ses destinataires, puisqu'elle a pour effet d'augmenter la rentabilité des participations prises dans les entreprises ayant leurs siège et direction dans les nouveaux Länder et à Berlin Ouest par rapport à celle des participations prises dans les entreprises ayant leurs siège et direction sur le reste du territoire de la RFA, ainsi qu'en dehors du territoire allemand.

10 La Commission estime que les dispositions litigieuses n'ont aucun lien avec l'activité d'investissement et considère par conséquent que cette mesure constitue une aide au fonctionnement qui, selon la pratique de la Commission, ne peut être accordée que sous certaines conditions et uniquement dans les zones susceptibles d'être subventionnées au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité CE. Berlin Ouest ne ferait pas partie en tout cas de ces zones, puisque, selon la décision de la Commission (N_ 613/96) relative aux zones susceptibles d'être subventionnées dans la période 1997-1999, Berlin Ouest ne constitue une région susceptible d'être subventionnée que sur la base de l'article 92, paragraphe 3, sous c). En outre, compte tenu de l'absence de lien entre l'octroi de l'aide et les mesures d'investissement, il existerait, selon la Commission, un risque important que la mesure ait une incidence hors des zones susceptibles d'être assistées.

11 Dans la suite de sa décision, la Commission s'attache à relever l'existence des éléments exigés par le traité et la jurisprudence de la Cour pour qu'une mesure d'État puisse être considérée comme une «aide» au sens et à l'effet des articles 92 et 93 du traité. Ces éléments seront examinés plus loin, dans le cadre de l'appréciation du bien-fondé des moyens de recours invoqués par l'État requérant.

Sur le fond

12 Le recours repose, à titre principal, sur une prétendue violation de l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) et sur une application erronée de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE.

13 A titre subsidiaire, la requérante invoque également le non-respect de la règle de minimis, la violation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité CE, un détournement de pouvoir dans l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c) du traité CE, ainsi que la violation de l'article 52 du traité CE.

1) Sur le respect de l'obligation de motivation

14 La RFA soutient que la décision attaquée est entachée de nullité en raison d'une violation de l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité CE. Elle estime que la décision ne respecte pas cette obligation à plusieurs titres, que nous allons examiner ci-après.

a) L'insuffisance de motivation quant à l'identification et la quantification de l'élément d'aide.

15 Selon la RFA, la Commission n'aurait pas précisé, dans la décision attaquée, en quoi consiste concrètement l'élément d'aide et de quelle manière celui-ci peut être quantifié. Puisqu'il résulterait de la décision que, pour la Commission, l'élément d'aide consiste dans le fait que l'avantage fiscal pour les entreprises qui prennent des participations dans les sociétés établies sur les territoires indiqués se trouve partiellement transféré à ces dernières par l'effet d'une disposition légale visant à orienter les investissements des particuliers, le gouvernement allemand affirme que le texte de la décision n'indique pas de quelle manière le bénéficiaire de la mesure fiscale peut transmettre son avantage à des sociétés de capitaux dans lesquelles il acquiert des participations. La RFA estime en outre que la Commission a omis de quantifier la prétendue aide, en se bornant à mentionner un avantage économique général que les entreprises indirectement bénéficiaires de l'aide retirent de l'application du régime litigieux.

b) L'insuffisance de motivation quant au risque de distorsion de la concurrence et d'entrave aux échanges entre les États membres.

16 La RFA soutient, en second lieu, que la Commission n'a pas démontré que la mesure litigieuse est susceptible d'entraîner des distorsions de la concurrence et de porter atteinte aux échanges entre les États membres, ainsi que l'exige l'article 92 du traité.

Pour ce qui est du risque de distorsion de la concurrence, la décision se contenterait d'affirmer que la mesure adoptée par la RFA favorise les sociétés de participation qui ont leur siège dans les territoires assistés plutôt que dans d'autres parties du territoire allemand ou communautaire. La Commission tiendrait ainsi pour acquis que la menace pour la concurrence provient du fait que la mesure fiscale constitue une aide d'État; or, la RFA soutient qu'en réalité, puisqu'il s'agit d'un élément constitutif exigé par l'article 92, paragraphe 1, la menace pour la concurrence devait faire l'objet d'une analyse distincte et approfondie.

Concernant l'atteinte aux échanges, la Commission affirme dans sa décision que la modicité de l'aide ne suffirait pas à exclure le risque d'incidence sur les échanges entre les États membres; or, la requérante estime qu'il s'agit là d'une affirmation générale qui ne peut à elle seule dispenser la Commission de son obligation de motivation.

c) L'insuffisance de motivation sur l'inexistence des conditions d'application de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité.

17 La requérante estime que la Commission aurait dû rechercher d'office si la mesure en question est susceptible de relever de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, qui prévoit que sont compatibles avec le marché commun les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la RFA affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division. La Commission s'est, cependant, bornée à déclarer que les informations dont elle dispose ne lui permettent pas de déterminer si le régime en question est nécessaire pour compenser les désavantages économiques causés par la division de l'Allemagne. Or, la RFA affirme que la Commission était en réalité en possession de documents prouvant le contraire et aurait dû, pour cette raison, indiquer précisément pour quels motifs elle estimait néanmoins que l'article 92, paragraphe 2, sous c), est inapplicable. Si la Commission avait estimé ces informations non suffisantes, il lui incombait de demander au gouvernement allemand de lui fournir de plus amples informations.

d) L'insuffisance de motivation quant à la déclaration d'incompatibilité au titre de l'article 92, paragraphe 3, du traité.

18 L'État requérant estime que n'est pas non plus motivée la conclusion à laquelle la Commission parvient dans sa décision, selon laquelle le régime fiscal adopté constituerait une aide incompatible avec le marché commun parce que la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous a), ne peut s'y appliquer. La RFA estime que la Commission s'est contentée de relever que la loi adoptée n'exclut pas que le régime fiscal favorable puisse s'appliquer dans les secteurs sensibles ou à des entreprises en difficultés. Le gouvernement allemand affirme que la Commission aurait dû, au contraire, prendre pour base de son appréciation le comportement d'un investisseur privé.

e) Le défaut de motivation de la décision concernant l'exigence d'une abrogation de la réglementation plutôt que sa modification.

19 La RFA conteste enfin la décision prise par la Commission, dans son acte, de ne demander que l'abrogation de l'article 52, paragraphe 8, de l'EstG, au lieu d'en demander la modification. Une appréciation fondée sur le principe de proportionnalité, tel qu'inscrit à l'article 3B du traité CE (devenu article 5 CE), ne devrait conduire la Commission, selon l'État requérant, à ne demander l'abrogation d'un régime d'aide que s'il est totalement incompatible avec le marché commun, et à se contenter d'en demander la modification lorsque l'incompatibilité n'affecte que partiellement les règles nationales. En l'espèce, la Commission aurait dû, pour cette raison, envisager l'hypothèse d'une modification avant de décider de demander l'abrogation de la réglementation. Par conséquent, la décision attaquée ne respecterait pas, également pour ce motif, l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité.

20 Nous estimons que les arguments invoqués par la RFA ne sont pas de nature à mettre en cause la légitimité de la décision sous l'angle du respect de l'obligation de motivation. A notre avis, la décision indique au contraire de façon complète et suffisamment approfondie les motifs pour lesquels le régime fiscal adopté en Allemagne implique pour les bénéficiaires une aide incompatible avec le marché commun.

21 Rappelons à cette fin que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la motivation d'un acte communautaire doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de l'adoption de la mesure prise afin de défendre leurs droits et à la Cour d'exercer pleinement son contrôle de légalité (4). Observons également que, pour que soit respectée la nécessité de motivation d'un acte au sens de l'article 190 du traité CE, il n'est pas indispensable que la motivation spécifie expressément tous les éléments de fait et de droit pris en considération avant l'adoption de la décision. Comme l'a affirmé la Cour à plusieurs reprises, la question de savoir si la motivation d'une décision satisfait aux exigences du traité doit être appréciée au regard de son libellé mais aussi de son contexte général, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée, y compris les éventuels actes adoptés précédemment (5). Et de fait, il faut d'ores et déjà noter de ce point de vue que certaines appréciations qui figurent dans le texte de la décision, et que l'État requérant qualifie de vices de motivation en raison de leur caractère péremptoire, font depuis longtemps l'objet d'un différend entre la Commission et la RFA, raison pour laquelle nous estimons que, quel que soit le bien-fondé de ces appréciations, l'État membre concerné était parfaitement en mesure de comprendre la portée de certaines affirmations qui, à première vue, pourraient apparaître comme dépourvues de motivation adéquate (6).

22 Cela étant, il nous faut à présent examiner les motifs qui, selon la requérante, justifieraient que l'on censure un non-respect de l'obligation de motivation dans le cas d'espèce. Pour ce qui est, tout d'abord, de l'identification de l'élément d'aide, nous estimons que, dans les motifs de la décision attaquée, celui-ci apparaît clairement. La Commission indique en effet que le régime fiscal prévu par l'EStG confère à certaines personnes physiques et morales un avantage économique direct, en termes d'allégement fiscal, lorsqu'ils acquièrent certains biens d'entreprises déterminées, avantageant indirectement les sociétés établies dans les territoires favorisés dont les participations s'avèrent particulièrement attractives sur le marché : «l'avantage économique réside dans le fait que, par rapport à la situation juridique antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG, la demande de participations dans les entreprises bénéficiant indirectement du régime s'accroît; il s'ensuit que les investisseurs (bénéficiaires directs) sont disposés à prendre des participations dans des entreprises des nouveaux Länder et de Berlin, à des conditions qui sont plus avantageuses pour ces dernières qu'en l'absence de la mesure en question» (partie IV, sixième alinéa). La Commission précise par conséquent que la mesure en cause est de nature à conférer un avantage économique, sans contrepartie adéquate, aux entreprises bénéficiant indirectement de la mesure prévue à l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG parce qu'elles ont leur siège dans les nouveaux Länder fédéraux ou à Berlin Ouest, dès lors que cet avantage n'aurait pas été obtenu en l'absence de la mesure d'État en question. Il nous semble que la Commission a mis en lumière de façon suffisamment claire en quoi consiste l'élément d'aide. Nous ne retiendrons donc pas les prétendues «contradictions» dans l'identification de l'élément d'aide que l'État requérant reproche à la Commission. Dans la décision, l'institution défenderesse procède à une appréciation comparative de la situation concurrentielle des entreprises (indirectement) bénéficiaires du régime fiscal plus favorable par rapport à la situation des entreprises établies ailleurs, précisant que, «la progression de la demande de prises de participation dans les entreprises dont le siège et direction sont situés dans les nouveaux Länder ou à Berlin Ouest, qui est imputable à la mesure publique, a pour effet, dans des conditions égales par ailleurs, d'influencer le comportement de l'ensemble des investisseurs dans la mesure où ils acquièrent maintenant des participations - qu'ils n'auraient pas envisagées sans allégement fiscal ou qu'ils auraient prises dans des conditions moins favorables pour le vendeur - à des conditions plus avantageuses pour ce dernier qu'en l'absence du régime institué par l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG» (partie IV, quatrième alinéa). La Commission fonde sa propre conviction sur cette comparaison, confortant la conclusion à laquelle elle parvient avec d'autres observations - relatives à l'incidence de la mesure sur le marché commun ou à l'utilisation de leur avantage par les bénéficiaires directs - qui ne démentissent ni ne contredisent l'appréciation négative contenue dans les passages précités de la décision.

23 Pour ce qui est, à présent, de la quantification de l'aide, nous sommes d'accord avec la Commission pour dire qu'on ne pouvait procéder à une quantification précise dans le texte de la décision; et ce parce que la règle fiscale allemande qui forme l'objet de cette décision ne prévoit pas une aide individuelle accordée à une entreprise déterminée, mais un régime général d'aides, revêtant la forme d'une réglementation relative à l'impôt sur le revenu, applicable à un nombre indéterminé de bénéficiaires, c'est-à-dire à toutes les entreprises qui décident de prendre des participations dans des entreprises ayant leur siège dans les territoires spécifiés par la loi. Il n'est donc pas possible de déterminer ex ante, et en tout état de cause avant l'entrée en vigueur concrète de la mesure, les effets produits par ce régime d'aides, ainsi qu'on pourrait le faire, en revanche, s'il s'agissait d'une mesure d'aide individuelle. Dans le cadre d'une appréciation des effets même potentiels sur la concurrence, une telle circonstance n'exclut bien évidemment pas que le régime prévu par la loi allemande, considéré dans l'abstrait, puisse être qualifié de mesure contraire aux prescriptions du traité en matière d'aides d'État.

24 Pour ce qui est, également, de la prétendue insuffisance de motivation quant à l'impact de la mesure sur la concurrence et à son incidence sur le commerce entre les États membres, nous estimons que, même si c'est de manière sommaire, la Commission a précisé dans sa décision que le régime fiscal adopté par l'État requérant, privilégiant certaines entreprises ayant leurs siège et direction sur son territoire, met systématiquement dans une situation défavorable les entreprises établies dans les autres États membres, en les rendant moins attractives sur le marché des participations (7). En réalité, en présence d'un régime d'aides dont le but manifeste et déclaré est de soutenir économiquement les entreprises établies dans une certaine partie du territoire allemand, il suffit de démontrer que son application est potentiellement en mesure d'altérer la concurrence : comme l'a précisé la Cour, lorsqu'une aide financière accordée par l'État renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide (8).

25 La motivation retenue par la Commission nous semble suffisante également pour ce qui est de l'absence des conditions d'application, dans le cas d'espèce, de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité CE. Chacun sait que cet article considère comme compatibles avec le marché commun les «aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division». A ce propos, s'il est vrai que, dans le texte de la décision, la Commission s'est bornée à indiquer que, sur la base des informations dont elle disposait, elle n'avait pas pu constater que le régime était nécessaire pour compenser ces désavantages, nous estimons que cette appréciation, qui repose sur l'obligation de collaboration incombant aux États membres, se justifie au regard de la jurisprudence de la Cour (9) qui met à la charge de l'État membre l'obligation de fournir tous les éléments de nature à permettre à la Commission de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont remplies. Nous estimons donc que, dans le cas d'espèce, c'était à la requérante de fournir à la Commission les éléments indispensables démontrant que les mesures adoptées étaient nécessaires pour compenser les effets négatifs de la division; or il résulte des informations disponibles qu'au cours de la procédure administrative, la requérante s'est bornée à invoquer la nécessité d'un allégement fiscal pour les entreprises établies sur le territoire considéré en raison du manque de capitaux propres. De même, du fait de la position qu'elle a adoptée au sujet de l'applicabilité, au fond, de cette dérogation - position sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir plus loin -, la requérante n'a apparemment pas proposé à la Cour de réflexion sur le lien de causalité entre les mesures adoptées et les désavantages économiques directement causés par la division de l'Allemagne. C'est pourquoi nous estimons que la Commission a légitimement pu se contenter d'affirmer qu'elle ne détenait pas d'informations démontrant que les conditions exigées par l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité étaient remplies.

26 Enfin, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement allemand, la décision attaquée fait apparaître de manière suffisante les motifs pour lesquels le régime fiscal institué par l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG, ne peut être déclaré compatible avec le marché commun sur la base de l'article 92, paragraphe 3, points a) et c) du traité CE. Dès lors que l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG prévoit un régime d'aides et non pas une aide individuelle, la Commission n'a tout d'abord pu examiner que le champ d'application potentiel de ce régime. Et puisqu'il s'agit d'une aide au fonctionnement, c'est à juste titre que la Commission a souligné que les conditions d'application de ce régime ne permettaient pas d'exclure que des entreprises opérant dans les secteurs sensibles ou des entreprises en difficultés puissent en bénéficier, ou que le capital mis à la disposition des entreprises soit utilisé dans des activités économiques extérieures à la région subventionnée. De même, il ne saurait y avoir compatibilité au regard de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité puisque Berlin Ouest ne constitue pas une région assistée au sens de cette disposition, sauf pendant une partie limitée du champ d'application temporel de cette réglementation. C'est en outre à bon droit que la Commission a demandé dans la décision attaquée que soit supprimé et non modifié le régime en question, estimant que les éléments d'aide indiqués dans le texte de la décision sont suffisamment importants et déterminants pour caractériser les mesures adoptées par la RFA, de sorte qu'ils ne peuvent être supprimés sans que les mesures en question se trouvent vidées de leur substance.

27 Toutes les considérations qui précèdent nous conduisent à conclure que la décision est suffisamment motivée.

2) Sur la nature d'aide de la mesure litigieuse

28 Sur le fond, la RFA affirme qu'en considérant que la mesure fiscale, prévue en faveur des sociétés de capitaux par l'article 52, paragraphe 8, de l'EstG, constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun, la Commission a méconnu l'article 92 du traité CE. Au soutien de cette affirmation, le gouvernement allemand invoque une série d'arguments que nous n'estimons toutefois pas de nature à rendre illicite la décision attaquée.

29 En réalité, aucune des considérations avancées par l'État requérant ne permet de remettre en cause l'appréciation portée par la Commission dans sa décision, tandis qu'il paraît évident que les conditions requises par les dispositions du traité pour qu'une mesure adoptée par un État membre puisse être qualifiée d'aide d'État incompatible avec le marché commun sont, dans le cas d'espèce, remplies. Tout d'abord, il convient d'observer que l'on ne peut fondamentalement mettre en doute le fait que l'allégement fiscal consenti aux personnes désignées dans l'exposé des faits constitue une aide d'État au sens des articles 92 et suivants du traité. Etant donné que la notion d'aide d'État doit être entendue de manière large, il faut considérer que l'on est en présence d'une aide lorsque la mesure en question, indépendamment de sa forme ou de sa nature, accorde aux entreprises destinataires un avantage économique et financier dont elles n'auraient normalement pas bénéficié, sous la forme d'une réduction de la charge fiscale normale. Il faut en effet considérer comme aide l'avantage économique accordé par l'autorité publique pour alléger la charge fiscale qui pèse normalement sur une entreprise. La mesure fiscale objet de la décision procure aux sociétés qui en sont les bénéficiaires indirects un avantage qu'elles n'auraient pas obtenu dans les conditions normales du marché, en rendant attractive, par la remise de l'imposition, la prise de participations dans le capital de ces entreprises. Nous sommes par conséquent d'accord avec la Commission lorsqu'elle affirme que l'aide consiste précisément à influencer le comportement des investisseurs privés. N'est donc pas pertinente, à cet égard, l'observation de l'État requérant selon laquelle la réglementation fiscale en cause n'implique pas automatiquement qu'un investisseur privé estime intéressant d'acquérir des participations dans le capital des entreprises ayant leur siège dans les zones favorisées, cette décision dépendant d'autres facteurs de nature purement économique qui ne seraient pas modifiés par les mesures d'allégement fiscal. Il suffit de répondre que la qualification d'aide ne peut reposer - en particulier lorsqu'il s'agit de régimes généraux comme en l'espèce - que sur une appréciation comparative de la situation des entreprises bénéficiant de la mesure par rapport à celle des entreprises qui n'en bénéficient pas. De ce point de vue, il est indéniable que la mesure adoptée modifie la situation du marché telle qu'elle se présentait en l'absence de ces règles, en rendant attractive l'acquisition de participations dans le capital des entreprises ayant leur siège dans les zones favorisées. En d'autres termes, l'objectif de l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG est ouvertement de procurer aux entreprises bénéficiaires des avantages économiques rendant l'investissement dans leur capital plus intéressant que dans les conditions normales du marché : l'élément d'aide peut être identifié dans ce cas au moyen d'une comparaison entre les conditions d'investissement dans le capital des entreprises établies dans les zones favorisées, respectivement avec et sans le dégrèvement fiscal.

30 Il faut ajouter par ailleurs que l'avantage économique consenti par l'allégement fiscal institué par l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG - qui se traduit par le fait que l'État renonce à appliquer le régime fiscal général qui vaut pour les investissements dans les sociétés de capitaux ou de participations - est accordé au moyen de ressources d'État. Il suffit de rappeler, à ce sujet, que la notion de «ressources d'État» utilisée par la Cour est plus large que celle de subventions, incluant «non seulement des prestations positives telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques» (10). Pour ce qui est, plus particulièrement, des mesures comportant des allégements fiscaux, la Cour a précisé, dans l'arrêt Banco Exterior, qu'«une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises une exonération fiscale qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d'État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité» (arrêt précité, point 14). Or, les mesures litigieuses sont certainement destinées à alléger la charge fiscale des entreprises directement bénéficiaires, mais également, dans le même temps, à rendre la prise de participations dans le capital des entreprises indirectement bénéficiaires plus attractive que la prise de participations dans le capital des autres entreprises établies dans d'autres zones du territoire allemand ou dans d'autres États membres. La mesure adoptée implique par conséquent des «ressources d'État», peut important que la mesure soit d'application transitoire ou qu'elle doive être qualifiée de complet renoncement au produit de l'impôt - ainsi que l'estime la Commission - ou de simple report de l'application de l'impôt, comme l'estime au contraire l'État requérant.

31 En outre, pour ce qui est de l'autre élément du caractère sélectif de la mesure, il ne nous semble pas que l'on puisse fondamentalement mettre en doute que la mesure prévue par la réglementation fiscale allemande ne revêt pas un caractère général mais concerne une catégorie bien déterminée d'entreprises, définie selon des critères clairs et objectivement vérifiables tant du point de vue géographique que de la dimension de l'entreprise. Les entreprises qui n'ont pas leur siège dans les régions assistées et celles qui emploient un nombre de salariés supérieur à 250 ne peuvent, en effet, bénéficier de ce régime fiscal. Cette mesure menace en outre de fausser la concurrence entre les entreprises ayant leur siège dans les territoires assistés, d'une part, et celles ayant leur siège ailleurs en RFA ou dans les États membres, d'autre part, et est susceptible d'affecter le commerce. Il faut relever à ce propos que, dans le cadre d'un régime général d'aides, pour pouvoir déterminer l'incidence d'un tel régime sur les échanges, il suffit que, par une appréciation ex ante, on puisse raisonnablement considérer que cette incidence peut se concrétiser. Si la position d'une entreprise (ou, comme dans notre cas, d'un nombre indéterminé d'entreprises) se voit renforcée par un régime d'aides, ce traitement de faveur est en principe susceptible d'affecter la concurrence entre les États membres (11). La règle instituée par l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG améliore à l'évidence la position des entreprises indirectement bénéficiaires par rapport à leurs concurrents qui ne peuvent offrir les mêmes avantages aux personnes souhaitant acquérir des participations dans leur capital. Elle favorise donc l'accroissement des capitaux propres des entreprises en question. Aucun élément ne permet de conclure que cet avantage économique ne peut produire ses effets que dans les limites du territoire allemand, puisque, en principe, toute entreprise établie dans un autre État membre, ne bénéficiant pas de ce régime, offre ses participations sur le marché à des conditions moins favorables.

3) Sur l'application du principe «de minimis»

32 A titre subsidiaire, la RFA reproche à la Commission de n'avoir pas appliqué, dans le cas d'espèce, la règle de minimis. En particulier, elle reproche à la Commission ne de pas avoir accordé d'importance au fait que la prétendue aide accordée aux entreprises aurait une portée tout à fait négligeable, et ce au regard d'un principe général dont la communication de la Commission relative aux aides de minimis (12) ne serait qu'un aspect particulier et qui veut que les dispositions en matière d'aides d'État ne s'appliquent pas aux mesures étatiques d'importance minime. Or, dans sa décision, la Commission exclut l'application de la règle rappelée ci-dessus en observant que, au regard de la jurisprudence de la Cour, le montant minime de l'aide ne suffit pas à exclure l'existence d'effets sur la concurrence entre les États membres. La Commission indique également dans sa décision que la RFA ne s'est pas engagée à appliquer la règle de minimis. A cet égard, le gouvernement allemand réplique que, dans le présent cas d'espèce, il n'était pas possible d'appliquer le critère qui figure dans la communication de la Commission au sujet des aides de minimis, dès lors que l'éventuel avantage économique attribué aux entreprises installées dans les secteurs assistés ne peut se mesurer concrètement. La Commission n'aurait donc pas dû exclure l'application du principe de minimis du seul fait qu'il n'existait pas d'engagement direct de l'État membre requérant d'appliquer ce principe.

33 Nous estimons que la position de la Commission quant à l'impossibilité d'appliquer le principe de minimis au cas d'espèce est juste et repose sur des arguments légitimes. Il faut en effet relever en premier lieu que les conséquences de l'application du régime litigieux sont en réalité loin d'être négligeables. Il ressort du texte de la décision que, selon les estimations de la RFA elle-même, «cette mesure entraînera des pertes temporaires de recettes fiscales de quelque 150 millions de DM (soit 75 millions d'ECU environ)», tandis que la communication relative aux aides de minimis fixe comme plafond (cumulé avec d'autres mesures éventuelles) celui de 100 000 ECU. Il n'apparaît pas que la RFA se soit engagée à limiter l'application des mesures litigieuses de manière à en contenir les effets en dessous du plafond précité, ni qu'elle en ait exclu l'application cumulative avec d'autres mesures éventuelles en faveur des entreprises établies dans les territoires considérés par la règle litigieuse de l'EStG. Il résulte en outre de la jurisprudence de la Cour que l'importance relativement faible d'une aide d'État n'exclut pas a priori l'éventualité que la mesure adoptée puisse fausser la concurrence ou que les échanges entre les États membres puissent être affectés au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (13). En l'espèce, si d'un côté la portée générale de la mesure ne permet pas, comme on l'a vu, d'évaluer précisément ex ante l'avantage économique octroyé aux entreprises indirectement bénéficiaires, elle rend en revanche plausible un dépassement facile de la limite précitée dans le cadre de l'application concrète des mesures en cause. Nous estimons donc que c'est à bon droit que la Commission a exclu l'application au cas d'espèce du principe de minimis.

4) Sur la violation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, concernant les aides destinées à compenser les avantages causés par la division de l'Allemagne

34 L'État requérant estime à titre subsidiaire que, à supposer même que l'on puisse qualifier la mesure litigieuse d'aide, elle ne pourrait être déclarée incompatible avec le marché commun. En effet, la dérogation prévue par l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité CE, s'appliquerait ici, car la réglementation en objet serait destinée à compenser, pour les entreprises ayant leur siège dans les territoires favorisés, les désavantages économiques causés par la division de l'Allemagne.

Partant du principe que cette disposition s'applique à l'heure actuelle en dépit de la réunification des deux Allemagne, l'État requérant fait valoir que, à la suite de la division, le régime des petites et moyennes entreprises privées a été systématiquement démantelé dans les Länder de l'ex-Allemagne de l'Est. Ce aurait eu pour conséquence que les particuliers qui souhaitaient exercer des activités dans le cadre d'entreprises, au moment de la réunification, se sont trouvés dans l'impossibilité d'acquérir par leurs propres moyens les capitaux nécessaires au financement de leur activité. Le régime adopté par la RFA entendait précisément compenser cette situation de désavantage économique, imputable en dernière analyse aux conséquences de la division.

35 A ce propos, il faut indiquer que la règle énoncée à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité CE continue naturellement de s'appliquer comme par le passé nonobstant la réunification des deux Allemagne puisque cet événement n'en a certes pas entraîné l'abrogation implicite. Toutefois, s'agissant d'une disposition contenant une dérogation à un principe fondamental du traité, celui de l'interdiction pour les États membres de provoquer des distorsions au jeu normal de la concurrence et par conséquent au fonctionnement du marché commun au moyen de mesures d'aide favorisant certaines entreprises opérant dans le territoire communautaire, cette disposition continue d'être d'interprétation stricte (14).

36 C'est pourquoi nous estimons tout d'abord que son champ d'application doit se limiter aux conséquences directement causées par la division du territoire allemand en deux parties à la date historique de cette division (on pense, par exemple, aux problèmes causés pour les entreprises allemandes situées dans certaines zones des anciens Länder et de Berlin Ouest par l'établissement d'une ligne intérieure de partage, comme la rupture des voies de communication ou la perte de certains débouchés résultant de l'interruption des relations commerciales avec les zones soumises à l'économie d'État (15)); et ensuite que la mesure adoptée doit être strictement destinée à remédier aux désavantages économiques que cette division a causés. En revanche, cet article ne peut être utilisé pour légitimer n'importe quelle mesure de soutien à l'économie des régions qui, avant la réunification, faisaient partie de l'Allemagne de l'Est, dans le but de compenser intégralement le retard économique dont souffrent les nouveaux Länder : comme l'a observé à juste titre le Tribunal dans son arrêt récent relatif aux aides allemandes dans le secteur automobile (16), une telle interprétation est contraire à la fois au caractère dérogatoire de la disposition en question, à son contexte et aux objectifs qu'elle poursuit.

37 Cela étant, nous estimons que le régime d'allégements instauré par la loi litigieuse ne remplit pas les conditions que nous venons d'énumérer. En réalité, comme l'a indiqué la Commission, le retard accumulé par les nouveaux Länder, qui implique des difficultés pour les entreprises qui y sont établies à trouver des capitaux sur le marché, résulte non pas de la division de l'Allemagne en deux États différents, mais du nouveau régime économico-politique adopté, après la division, sur le territoire de l'ex-Allemagne de l'Est. La suppression de l'ancien régime, à la suite de la réunification, et la réadaptation à l'économie de marché qui a suivi, a contraint l'ensemble du système économique des nouveaux Länder à affronter la concurrence extérieure dont il avait été préservé pendant des années. Or, le retard de ce système économique face au système du reste de l'Allemagne ne peut être considéré comme une conséquence directe de la division, sous peine d'entendre la dérogation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité comme une exception de portée extrêmement large - tant du point de vue géographique que de son contenu - au principe selon lequel les aides accordées par les États qui affectent les échanges sont incompatibles avec le marché commun. Nous estimons par conséquent que la Commission n'a pas excédé les limites de son pouvoir discrétionnaire en jugeant inapplicable la dérogation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), dès lors qu'il n'est pas démontré, par une appréciation fondée sur le principe de la causalité directe, que les mesures adoptées avec le régime litigieux sont destinées à compenser les désavantages économiques résultant de la division de l'Allemagne.

5) Sur l'applicabilité de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), du traité CE

38 Toujours à titre subsidiaire, l'État requérant estime que la décision attaquée est entachée d'excès de pouvoir, au motif que la réglementation adoptée aurait dû être déclarée compatible avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), du traité.

39 Le gouvernement allemand est, en effet, d'avis que la Commission a mal exercé le pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par l'article précité. La Commission a estimé, dans la partie V de la décision, que le régime fiscal litigieux n'étant pas destiné à un investissement initial au sens de la communication de la Commission sur les régimes d'aides à finalité régionale (17) mais visant à surmonter des handicaps structurels particuliers peut être considéré comme une aide au fonctionnement qui, selon la pratique de la Commission, ne peut être déclarée compatible avec le marché commun qu'à titre exceptionnel, y compris pour les régions énumérées à l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité. Tout en admettant que les cinq Länder de l'ex-Allemagne de l'Est et Berlin Est étaient désignés comme des régions assistées au sens de cette disposition jusqu'à la fin de l'année 1999 (18), la Commission estime que la dérogation ne peut pas, en tout état de cause, s'appliquer dans le cas d'espèce, pour toute une série de raisons : en premier lieu, parce que le régime d'aides vise à renforcer les capitaux propres des entreprises bénéficiaires dont les ressources pourraient être ensuite déviées hors du territoire des régions assistées, alors que la communication précitée prévoit que les aides ne peuvent être accordées que si elles sont destinées à contribuer à un développement durable et équilibré de l'économie de la zone assistée, et à condition d'être dégressives et limitées dans le temps. Il existe par conséquent des risques d'abus, car l'augmentation de capital pourrait aider les entreprises bénéficiaires à exercer des activités également en dehors des nouveaux Länder; le risque existe puisque le régime d'aides n'est pas lié à des projets particuliers d'investissement dans la région. La Commission estime, en second lieu, que les mesures adoptées par l'Allemagne n'excluent pas que l'allégement fiscal puisse bénéficier à des personnes investissant dans des entreprises opérant dans les secteurs sensibles, pour lesquels sont prévues des dispositions spécifiques en matière d'aides, et que l'on ne peut pas davantage exclure que ce régime fiscal s'applique à des entreprises en difficultés. Dans les deux cas, les communications précitées de la Commission excluent que la mesure puisse bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous c). En outre, la décision précise que le régime d'aides ne relève pas du champ d'application de la dérogation au motif qu'elle est applicable également en faveur d'entreprises ayant leur siège à Berlin Ouest, alors que ce territoire ne fait que partiellement partie des régions susceptibles d'être subventionnées.

40 Nous estimons que la Commission a procédé à une exacte appréciation qui ne saurait être remise en cause par les arguments de l'État requérant. Tout d'abord, nous ne pensons pas que le fait, invoqué par la RFA, que l'apport de capital en faveur des entreprises établies dans le territoire favorisé s'effectue grâce à un rapport de type synallagmatique - dans la mesure où l'acquisition des parts s'opère toujours à titre onéreux - permette d'exclure que l'on soit en présence, dans le cas d'espèce, d'une aide au fonctionnement. En effet, les mesures en question rendent toujours plus attractives les participations dans les entreprises aidées, palliant les désavantages structurels antérieurs. En outre, les arguments invoqués par l'État requérant, selon lesquels les risques d'abus tels que visés dans la décision seraient réduits, tout comme la probabilité que des entreprises opérant dans les secteurs sensibles puissent bénéficier de la mesure d'aide, ne semblent pas significatifs dans le cadre d'une appréciation ex ante - la seule à laquelle la Commission puisse procéder pour éviter que ne se concrétisent en pratique les risques de fausser le jeu du marché - qui exige seulement que l'on constate que le régime adopté n'exclut pas l'application du régime selon des modalités interdites. Au surplus, il n'est pas contesté que le champ d'application géographique de la dérogation, dans la mesure où il inclut le territoire de Berlin Ouest, ne permet pas, en tout état de cause, d'utiliser cette dérogation.

41 Nous ne pensons donc pas que la Commission ait fait une mauvaise utilisation de son pouvoir discrétionnaire puisqu'elle a respecté les conditions de forme prévues par les règles pertinentes et a fondé sa décision sur des circonstances de fait et de droit bien précises. Les examens effectués, qui se fondent sur des lignes directrices formulées dans les communications précitées relatives aux régimes des aides à finalité régionale et à la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c) du traité, s'opposent à ce que ces aides soient déclarées compatibles avec le marché commun.

6) Sur la liberté d'établissement

42 Pour ce qui est de la prétendue violation de l'article 52 du traité, nous estimons que la RFA a raison d'affirmer que cet article ne peut servir de fondement juridique à la décision attaquée. Il ne faut pas oublier, en effet, que la décision a été adoptée à l'issue de la procédure spéciale «abrégée» prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, qui est une exception à la procédure générale d'infraction définie aux articles 169 et suivants du traité CE (devenus articles 226 et suivants). En particulier, l'article 93 permet à la Commission, si elle estime qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché commun au regard de l'article 92, d'adopter une décision imposant à l'État membre intéressé de supprimer ou modifier l'aide dans un délai déterminé. Si l'État membre ne se conforme pas à cette décision dans le délai fixé, la Commission ou tout autre État membre intéressé peut saisir directement la Cour de justice, par dérogation à la procédure prévue aux articles 169 et 170.

43 Il résulte du texte dénué d'ambiguïté de l'article précité que le pouvoir qui appartient à la Commission d'adopter les décisions en question ne revêt pas un caractère général mais se limite strictement aux cas dans lesquels elle estime qu'un État membre a violé les règles du traité relatives aux aides d'État. La Commission ne peut en revanche utiliser la procédure spéciale prévue à l'article 93 du traité pour déclarer la mesure nationale incompatible avec d'autres règles du traité et, en l'espèce, celles qui garantissent la liberté d'établissement, puisque, dans ces cas, la Commission doit employer la procédure, «plus protectrice» pour l'État membre intéressé, qui est prévue à l'article 169 du traité.

44 Il résulte des observations qui précèdent que, dans sa partie qui considère le régime fiscal adopté par la RFA comme contraire aux dispositions du traité en matière de liberté d'établissement, la décision semble entachée d'incompétence, ce qui rend inutile de rechercher, au fond, si les dispositions de l'EStG sont effectivement incompatibles avec l'article 52 du traité. Etant sans incidence sur le dispositif de la décision, cette appréciation n'est toutefois pas de nature à remettre en cause la légitimité de la décision.

Conclusion

45 Pour les motifs indiqués ci-dessus, nous suggérons à la Cour de :

1) rejeter le recours;

2) condamner la requérante aux dépens.

(1) - JO L 212, p. 50.

(2) - BLBl. 1995 I 1250.

(3) - JO C 172, p. 2.

(4) - Arrêt du 14 février 1990, Société française des biscuits Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 15; arrêt du 17 janvier 1995, Publishers Association/Commission, C-360/92 P, Rec. p. I-23, point 39.

(5) - Voir les arrêts du 25 octobre 1984, Rijksuniversiteit te Groningen, 185/83, Rec. p. 3623, point 38, et du 14 février 1990, précité, point 16.

(6) - Nous songeons, en particulier, à l'application de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 2, point c), qui concerne les aides destinées à compenser les désavantages économiques résultant de la division de l'Allemagne.

(7) - Voir la décision attaquée, quinzième alinéa, p. 54.

(8) - Arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 11; et du 14 septembre 1994, royaume d'Espagne/Commission, affaires jointes C-278/92 à C-280/92, Rec. p. I-4103, point 40.

(9) - Voir, par exemple, l'arrêt du 28 avril 1993, Italie/Commission, C-364/90, Rec. p. I-2097, point 20).

(10) - Voir notamment les arrêts du 15 mars 1994, Banco Exterior C-387/92, Rec. p. I-877, point 13; et du 1er décembre 1998, Ecotrade, C-200/97, Rec. p. I-7907, point 34.

(11) - Arrêt du 13 juillet 1988, France/Commission, 102/87, Rec. p. 4067, point 19.

(12) - Communication 96/C68/06 (JO C 68 du 6 mars 1996, p. 9).

(13) - Arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, point 43.

(14) - Voir en ce sens la décision récente du Tribunal de première instance du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, affaires jointes T-132/96 et T-143/96, non encore publiée au Recueil, point 132.

(15) - Arrêt Freistaat Sachsen, précité, point 134.

(16) - Arrêt précité, point 135.

(17) - JO C 31 du 3 février 1979, p. 9.

(18) - Voir la communication de la Commission sur les méthodes pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), aux aides régionales, JO C 212 du 12 août 1998, p. 2, et la pratique qui en résulte.