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Avis juridique important

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61998C0375

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 17 février 2000. - Ministério Público et Fazenda Pública contre Epson Europe BV. - Demande de décision préjudicielle: Supremo Tribunal Administrativo - Portugal. - Rapprochement des législations fiscales - Sociétés mères et filiales - Exemption, dans l'Etat membre de la société filiale, de la retenue à la source sur les bénéfices distribués par celle-ci à la société mère. - Affaire C-375/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-04243


Conclusions de l'avocat général


1 Dans la présente affaire, le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal) invite la Cour, dans une demande préjudicielle, à interpréter l'article 5, paragraphe 4, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (1) (ci-après la «directive»), à propos d'une réglementation spéciale qui ne concerne que le Portugal.

I - Le cadre juridique

A - Les dispositions communautaires

2 Le législateur communautaire a adopté la directive 90/435 dans le but d'instituer un régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents.

3 La nécessité de la directive résulte de la double imposition à laquelle peuvent être soumis des groupes de sociétés établis dans plus d'un État membre. C'est que, «sous réserve d'exemption particulière accordée par les États soit unilatéralement soit en vertu de conventions bilatérales, les bénéfices réalisés par une filiale sont susceptibles d'être imposés à la fois dans l'État de la filiale, en tant que revenus d'exploitation de la filiale, et lors de la distribution des revenus à la société mère de la filiale, en tant que dividendes de la société mère dans son État de résidence» (2).

4 Examinons la structure de la directive, qui comporte neuf articles: ceux-ci définissent son champ d'application (article 1er), un certain nombre de notions fondamentales (articles 2 et 3), les principes et les règles de base du droit communautaire en la matière, déterminent leurs modalités d'application (article 4), et prévoient une série d'exceptions s'appliquant à certains États membres en ce qui concerne la retenue à la source (article 5). Les articles 6 et 7 apportent un certain nombre d'éléments complémentaires relatifs à la retenue à la source et les articles 8 et 9 constituent les dispositions classiques relatives à son entrée en vigueur et à ses destinataires.

5 L'article 1er, paragraphe 1, dispose en particulier:

«1. Chaque État membre applique la présente directive:

- aux distributions de bénéfices reçues par des sociétés de cet État et provenant de leurs filiales d'autres États membres,

- aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet État à des sociétés d'autres États membres dont elles sont les filiales.»

6 L'article 2 dispose:

«Aux fins de l'application de la présente directive, les termes `société d'un État membre' désignent toute société:

a) qui revêt une des formes énumérées à l'annexe;

b) qui, selon la législation fiscale d'un État membre, est considérée comme ayant dans cet État son domicile fiscal et qui, aux termes d'une convention en matière de double imposition conclue avec un État tiers, n'est pas considérée comme ayant son domicile fiscal hors de la Communauté;

c) qui, en outre, est assujettie, sans possibilité d'option et sans en être exonérée, à l'un des impôts suivants:

...

- imposto sobre o rendimento das pessoas colectivas au Portugal, ...»

7 L'article 3 de la directive dispose:

«1. Aux fins de l'application de la présente directive:

a) la qualité de société mère est reconnue au moins à toute société d'un État membre qui remplit les conditions énoncées à l'article 2 et qui détient, dans le capital d'une société d'un autre État membre remplissant les mêmes conditions, une participation minimale de 25 %;

b) on entend par `société filiale' la société dans le capital de laquelle la participation visée au point a) est détenue» (3).

8 L'article 4, paragraphe 1, dispose:

«1. Lorsqu'une société mère reçoit, à titre d'associée de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu'à l'occasion de la liquidation de celle-ci, l'État de la société mère:

- soit s'abstient d'imposer ces bénéfices,

- soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l'impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l'État membre de résidence de la filiale en application des dispositions dérogatoires de l'article 5, dans la limite du montant de l'impôt national correspondant.»

9 Le législateur a en outre prévu, pour trois États membres (la République hellénique, la République fédérale d'Allemagne et la République portugaise), certaines exceptions (4) au système commun, quant à l'exemption de la retenue à la source. C'est ainsi que le Conseil considère «qu'il convient par ailleurs, pour assurer la neutralité fiscale, d'exempter de retenue à la source, sauf dans certains cas particuliers, les bénéfices qu'une société filiale distribue à sa société mère; qu'il y a lieu, toutefois, d'autoriser ... la République portugaise, pour des raisons budgétaires, à continuer de percevoir temporairement une retenue à la source» (5).

10 Ainsi, l'article 5 dispose:

«1. Les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère sont, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale, exemptés de retenue à la source.

...

4. Par dérogation au paragraphe 1, la République portugaise peut percevoir une retenue à la source sur les bénéfices distribués par ses sociétés filiales à des sociétés mères d'autres États membres jusqu'à une date qui ne pourra pas être postérieure à la fin de la huitième année suivant la date de mise en application de la présente directive.

Sous réserve des dispositions des conventions bilatérales existantes conclues entre le Portugal et un État membre, le taux de cette retenue ne pourra pas dépasser 15 % pendant les cinq premières années de la période visée au premier alinéa et 10 % pendant les trois dernières années.

Avant la fin de la huitième année, le Conseil décidera à l'unanimité, sur proposition de la Commission, de la prorogation éventuelle des dispositions du présent paragraphe.»

11 Aux termes de l'article 6, l'État membre dont relève la société mère ne peut percevoir de retenue à la source sur les bénéfices que cette société reçoit de sa filiale.

12 L'article 7, paragraphe 1, dispose:

«1. L'expression `retenue à la source' utilisée dans la présente directive ne comprend pas le paiement anticipé ou préalable (précompte) de l'impôt sur les sociétés à l'État membre où est située la filiale, effectué en liaison avec la distribution des bénéfices à la société mère»

13 L'article 8 prévoit que les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive avant le 1er janvier 1992 et qu'ils en informent immédiatement la Commission.

B - Les dispositions nationales

14 La transposition en droit portugais de la directive a été effectuée, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés (imposto sobre o rendimento das pessoas colectivas, ci-après l'«IRC»), par le décret-loi (Decreto-Lei) n_ 123/92, du 2 juillet 1992, qui remanie l'article 69, paragraphe 2, sous c), du Código do Imposto sobre o rendimento das pessoas colectivas (code de l'impôt sur les sociétés, ci-après le «CIRC»), et qui est dorénavant libellé comme suit:

«En ce qui concerne les revenus des sociétés qui n'ont ni leur siège ni leur direction effective sur le territoire portugais et qui n'y possèdent pas d'établissement stable auquel ces revenus soient imputables, le taux de l'impôt sur les sociétés est de 25%, excepté sur les revenus suivants:

...

c) les bénéfices qu'une société établie sur le territoire portugais, répondant aux conditions établies à l'article 2 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990, met à la disposition d'une société établie dans un autre État membre, qui répond aux mêmes conditions et qui détient, dans le capital de la première, une participation directe qui ne soit pas inférieure à 25% pendant deux années consécutives ou depuis la constitution de la société filiale, à condition, dans ce dernier cas, que la participation soit conservée durant cette période, où le taux de l'IRC est de 15% jusqu'au 31 décembre 1996, sous réserve des conventions bilatérales en vigueur, et de 10% du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999.»

15 Toutefois, lors de la transposition de la directive, aucune modification n'a été apportée aux articles 182 et 184 du Código do Imposto Municipal da Sisa e do Imposto sobre as Sucessõs e Doações (code de la taxe municipale sur les transmissions et de l'impôt sur les successions et donations, ci-après le «CIMSISD»), qui prévoient «un impôt sur les successions et donations relatif à la transmission à titre gratuit d'actions de sociétés», (Imposto sobre as sucessões e doacões, ci-après l'«ISD»), lequel frappe, à chaque distribution de bénéfices, les dividendes payés par des sociétés ayant leur siège au Portugal.

16 L'article 182 du CIMSISD dispose:

«L'impôt sur la transmission à titre gratuit: ...

c) des actions de sociétés ayant leur siège au Portugal est payé forfaitairement, par déduction sur le rendement des titres.

Paragraphe unique

L'impôt sur la transmission des titres n'ouvrant pas droit à un rendement est liquidé et payé selon le droit commun.»

17 L'article 184 du CIMSISD sous le titre «Taux de l'impôt. Retenue à la Source» dispose:

«Le forfait s'élève à 5% des intérêts, des dividendes ou de tout autre rendement alloué aux titres et doit être déduit de ce rendement par les organismes qui sont tenus d'effectuer le paiement concerné.

...»

18 Ainsi, l'impôt forfaitaire est-il perçu selon un taux fixe de 5 % du rendement de certains titres, et non selon un taux variable, dépendant de la valeur des transmissions opérées.

II - Les faits

19 La société Epson Europe BV (ci-après «Epson» ou «société mère»), qui a son siège social aux Pays-Bas, détient plus de 25 % des actions de la société Epson Portugal S.A. (ci-après «société filiale»), qui a son siège au Portugal.

20 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que la relation entre la société mère, qui est une société privée à responsabilité limitée de droit néerlandais, et la société filiale, qui est une société anonyme de droit portugais, relève du champ d'application de la directive.

21 Par délibération du 31 mars 1993, la société filiale a décidé d'affecter un montant de 80 000 000 PTE à la distribution de dividendes, à savoir 1066,66 PTE pour chaque action détenue (6). Les dividendes distribués à la société mère se montaient donc à 40 795 733 PTE. Ils ont été versés à la société mère sous déduction de l'IRC au taux de 15 %, à savoir 6 119 360 PTE, ainsi que sous déduction de l'ISD au taux de 5 %, à savoir 2 039 786 PTE.

22 Epson ,qui était d'avis que l'ISD n'était pas dû en l'espèce, a introduit devant le Tribunal Tributàrio de 1a Instância do Porto un recours en vue d'en obtenir sa restitution.

23 Le Tribunal Tributàrio de 1a Instância do Porto a fait droit à ce recours au motif que le montant autorisé par dérogation de l'article 5, paragraphe 4, de la directive était déjà atteint par la retenue à la source au titre de l'impôt sur les sociétés, et que la retenue supplémentaire au titre du paiement de l'ISD priverait la directive de tout effet utile.

24 L'administration fiscale (le Ministério Público et la Fazenda Pública) a fait appel de ce jugement devant le Supremo Tribunal Administrativo.

25 Le Supremo Tribunal Administrativo a émis des doutes sur le point de savoir si la directive couvre également l'ISD, et, partant, si la République portugaise a correctement transposé la directive, dans la mesure où elle en a seulement tenu compte pour l'assujettissement des bénéfices distribués à l'impôt sur les sociétés, et pas pour l'assujettissement à l'ISD, conformément aux articles 182 et 184 du CIMSISD.

26 Pour la juridiction nationale, l'assiette de ce dernier impôt serait également le revenu, puisque l'ISD est payé sous forme d'une déduction au taux de 5 % sur les dividendes ou tout autre rendement alloué aux titres. Il s'agirait donc d'un impôt sur le revenu, parallèle à l'impôt sur le revenu des sociétés prévu dans le CIRC, nonobstant sa dénomination d'«impôt sur les successions et les donations».

III - La question préjudicielle

27 Par ordonnance du 23 septembre 1998, le Supremo Tribunal Administrativo a décidé de déférer à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L'article 5, paragraphe 4, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, dans la mesure où il fixe à 15% et 10% les limites de la dérogation consentie au Portugal, doit-il être interprété en ce sens que ces limites ne visent que l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés (imposto sobre o rendimento das pessoas colectivas au Portugal),

ou vise-t-il toute imposition du revenu des actions frappant les dividendes, quel soit le texte de loi qui la prévoit?»

IV - La réponse à la question posée

28 Après l'examen des questions posées (A) et l'analyse des caractéristiques du système instauré par la directive (B), nous verrons dans quelle mesure l'impôt litigieux (l'ISD) relève du champ d'application de la directive ainsi que les conséquences qu'implique la réponse donnée à cette question, car telle est la question posée à la Cour, en substance, par la juridiction de renvoi, et la réponse donnée servira au règlement du litige, compte tenu du cadre particulier, de fait et de droit (national et communautaire, qui le caractérise (C).

A - Les questions soulevées

29 Epson ainsi que la Commission considèrent que l'ISD relève du champ d'application de la directive; pour leur part, le gouvernement portugais et la Fazenda Pública défendent la thèse contraire.

30 La Commission et Epson considèrent que la directive, et en particulier son article 5, paragraphe 4, concerne toute imposition effectuée sous forme de retenue à la source sur les dividendes distribués par une société filiale à sa société mère établie dans un autre État membre, indépendamment de la dénomination de l'impôt.

31 La Commission souligne que, en ne modifiant pas les articles 182 et 184 du CIMSISD, la République portugaise s'est accordée une «dérogation supplémentaire» à la directive, qui ne serait cependant pas prévue par celle-ci, et serait en outre contraire à sa teneur et sa finalité. Pour la Commission, la seule dérogation consentie à la République portugaise, à titre transitoire et exceptionnel, consisterait dans les taux prévus à l'article 5, paragraphe 4, de la directive.

32 Le gouvernement portugais ainsi que l'autorité fiscale sont d'avis que la limitation prévue à l'article 5, paragraphe 4, de la directive n'est pas applicable à l'ISD: en effet, à leurs yeux, cette imposition ne frappe pas le rendement, mais la valeur des titres, établie au moyen d'un facteur de capitalisation des dividendes; en d'autres termes, son recouvrement s'effectue sur la base d'une capitalisation des dividendes. C'est ainsi que la retenue opérée au titre des articles 182 et 184 du CMSISD ne se confond pas avec l'imposition du rendement des titres, qui est du domaine de l'impôt sur le revenu. L'article 182 instaure un mode de paiement d'un impôt sur les transmissions patrimoniales et n'est pas visé par la prohibition énoncée à l'article 5, paragraphe 4, de la directive.

33 Le gouvernement portugais souligne que l'ISD a une longue tradition dans l'ordre juridique portugais et qu'il a été maintenu lors de la réforme du CIMSISD en 1958. L'impôt forfaitaire sur les successions et les donations n'a pas le caractère d'un impôt sur le revenu, précise-t-il, il représente une modalité particulière d'application de l'impôt sur les successions et les donations. Le paiement forfaitaire correspond, en réalité, à une anticipation de ce dernier impôt, et partant, son caractère d'impôt sur les transmissions patrimoniales à titre gratuit se substituant à l'impôt général des droits de succession et de donation, à taux progressif, ne peut pas être remis en cause.

34 A l'appui de ses affirmations, le gouvernement portugais présente une note du secrétariat général du Conseil du 25 mai 1989, relative au projet de directive (7) concernant les sociétés mères et filiales, adressée au comité des représentants permanents, qui propose d'ajouter à la directive une déclaration indiquant que l'impôt sur les successions et sur les donations ne relève pas de son champ d'application. Il produit également devant la Cour un projet de déclaration du Conseil et de la Commission, daté du 9 juillet 1990 (8), ayant un contenu identique. Le gouvernement portugais soutient en outre (au point 5 de sa réponse écrite à une question qui lui a été adressée par la Cour) que ses réserves et observations avaient été approuvées, dans le procès-verbal de la 1421e session du Conseil qui a eu lieu à Bruxelles le 23 juillet 1990; il invoque également une série de documents (9), qu'il n'a cependant pas produits en la forme devant la Cour.

35 Le gouvernement portugais fait enfin valoir que, lors des négociations relatives aux conventions destinées à éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu, la nature de l'impôt forfaitaire sur les successions et les donations a été examinée et, bien qu'il fasse partie de la charge fiscale totale pesant sur les dividendes, on a toujours estimé que, s'agissant d'un droit de succession, en dépit de son assiette (les dividendes distribués) et de son mode de recouvrement (retenue à la source), il ne relevait pas de ces conventions, et qu'il n'était donc pas visé par le taux maximal établi pour les dividendes. Semblablement, estime le gouvernement portugais, les taux d'imposition prévus par la directive ne concerneraient pas l'impôt forfaitaire sur les successions et les donations.

B - Le système instauré par la directive

36 En adoptant la directive 90/435, le Conseil a créé un système fiscal s'appliquant aux sociétés mères et filiales des États membres. Cette directive constitue l'un des premiers efforts d'harmonisation entrepris dans le domaine des impôts directs (10).

37 Ce système présente deux caractéristiques fondamentales: d'une part, il vise à éviter la double imposition des bénéfices distribués par une filiale établie dans un État membre à la société mère établie dans un autre État membre et, d'autre part, il abolit, à quelques exceptions près, les retenues à la source sur les distributions de bénéfices versés par la filiale établie dans un État membre à la société mère établie dans un autre État membre (11).

38 En effet, le législateur communautaire considère (12) que les regroupements de sociétés d'États membres différents, c'est-à-dire la création de groupes réunissant de telles sociétés, peuvent être nécessaires pour créer dans la Communauté des conditions analogues à celles d'un marché intérieur et pour assurer ainsi l'établissement et le bon fonctionnement du marché commun, que ces opérations ne doivent pas être entravées par des restrictions, des désavantages ou des distorsions particuliers découlant des dispositions fiscales des États membres, et qu'il importe, par conséquent, d'instaurer pour ces regroupements des règles fiscales neutres au regard de la concurrence afin de permettre aux entreprises de s'adapter aux exigences du marché commun, d'accroître leur productivité et de renforcer leur position concurrentielle sur le plan international.

39 Pour assurer cette neutralité fiscale, la directive prévoit un mécanisme d'exemption de la retenue à la source au bénéfice de la société mère, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale (article 5, paragraphe 1).

40 Dans son arrêt Denkavit International (13), la Cour a estimé que «la directive, ainsi qu'il ressort notamment de son troisième considérant, vise à éliminer, par l'instauration d'un régime fiscal commun, toute pénalisation de la coopération entre sociétés d'États membres différents par rapport à la coopération entre sociétés d'un même État membre et à faciliter ainsi la coopération transfrontalière. Ainsi, l'article 5, paragraphe 1, de la directive prévoit, afin d'éviter la double imposition, l'exemption de la retenue à la source dans l'État de la filiale lors de la distribution des bénéfices».

41 L'article 5, paragraphe 4, de la directive a autorisé la République portugaise, pour des raisons budgétaires, à percevoir une retenue à la source sur les bénéfices distribués par ses sociétés filiales à des sociétés mères d'autres États membres; le taux de cette retenue ne pourra pas dépasser 15 % pendant les cinq premières années suivant la date de mise en application de la directive, soit le 1er janvier 1992, et 10 % pendant les trois dernières années.

42 La possibilité, pour la République portugaise, de procéder à une retenue sur les bénéfices distribués par les filiales aux sociétés mères établies dans d'autres États membres constitue une dérogation au principe de l'exemption de la retenue à la source instauré par l'article 5, paragraphe 1, de la directive. En tant que dérogation au principe en vigueur en la matière, elle est d'interprétation stricte, comme la Cour l'a énoncé dans des cas semblables (14) .

43 Néanmoins, la prohibition de la retenue à la source ou, dans le cas du Portugal, sa limitation, exigent que soient réunies un certain nombre de conditions, énoncées à l'article 2, sous a), b) et c), et à l'article 3, paragraphe 1, sous a) et b). Ces conditions sont les suivantes: a) les sociétés mères et les filiales doivent revêtir une des formes énumérées à l'annexe à la directive; b) les sociétés doivent, selon la législation fiscale d'un État membre, être considérées comme ayant dans cet État leur domicile fiscal et ne pas être considérées comme ayant leur domicile fiscal hors de la Communauté, aux termes d'une convention en matière de double imposition conclue avec un État tiers; c) elles doivent être assujetties, sans possibilité d'option et sans en être exonérées, à l'un des impôts énumérés à l'article 2, sous c), l'imposto sobre o rendimento das pessoas colectivas, éventuellement en ce qui concerne le Portugal, ou à tout autre impôt qui viendrait se substituer à cet impôt, et d) la société mère doit détenir une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale dont le siège est établi dans un autre État membre. S'agissant plus particulièrement de ce dernier point, l'article 3, paragraphe 2, second tiret, dispose que les États membres ont la faculté de ne pas appliquer la présente directive à celles de leurs sociétés qui ne conservent pas, pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans, une participation donnant droit à la qualité de société mère, ni aux sociétés dans lesquelles une société d'un autre État membre ne conserve pas, pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans, une telle participation.

44 En outre, attendu que l'objectif de la directive consiste à alléger le régime social des coopérations transfrontalières, «les États membres ne sauraient donc, sur ce point, instaurer unilatéralement des mesures restrictives» (15).

C - L'impôt ISD litigieux au regard de la directive

45 Dès le départ, il est nécessaire d'apporter la précision suivante: il appartient à la Cour de déterminer, indépendamment des qualifications données en droit national, dans quelle mesure une imposition établie par un État membre, sous la forme d'une retenue à la source de certains montants, constitue un impôt au sens de la directive, dont l'instauration et, partant, la perception sont interdits, conformément à l'article 5, paragraphe 1, de la directive ou, sous certaines conditions, autorisés en ce qui concerne la République portugaise, conformément à l'article 5, paragraphe 4. En effet, nous croyons qu'il ne convient pas d'expliciter des concepts de droit communautaire, tels que, en l'espèce, celui de «retenue à la source sur les bénéfices distribués», en se fondant sur des distinctions sémantiques ou des constructions théoriques relevant du droit national. D'ailleurs, le principe de la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux impose de ne pas procéder de cette manière. Il serait sinon possible de définir le champ d'application de règles de droit communautaire en invoquant des distinctions et, partant, des dispositions de droit national, ce qui ne saurait correspondre à la volonté du législateur communautaire (16).

46 Pour établir s'il est possible de ranger l'imposition concernée, soit l'ISD, dans le champ d'application de la directive, après avoir interprété ses dispositions de manière littérale, systématique et téléologique, il convient d'examiner les caractéristiques de cette imposition et, en particulier, le fait générateur de cet impôt ainsi que son assiette.

47 La directive vise, entre autres, à éviter la double imposition des bénéfices distribués par une filiale à sa société mère. Selon les dispositions de cette directive, le bénéfice produit par la filiale doit être exempté de l'imposition au niveau de la société mère: en d'autres termes, la directive oblige à exempter de l'impôt tant la distribution de dividendes dans le pays source - exemption de l'imposition à la source - que sa perception dans le pays dans lequel la société a son siège - exemption de l'imposition à l'entrée.

48 Eu égard à la seule formulation de la disposition de l'article 5, paragraphe 4, de la directive, instaurant la dérogation, nous relèverons que le législateur communautaire évoque les «bénéfices» et la «retenue à la source», et non l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur les bénéfices, pas plus qu'il n'utilise quelque autre expression qui autoriserait une interprétation restrictive (17), comme Epson le souligne à juste titre au point 25 de ses observations écrites. Cela signifie, pour nous, que toutes les retenues à la source sont visées par la prohibition énoncée dans la directive, quelles que soient la dénomination ou la nature de l'imposition qui frappe les bénéfices distribués. En d'autres termes, il n'est pas possible de considérer que la retenue à la source ne porte que sur les impositions nommément désignées à l'article 2, car elle s'étend à toute imposition sur les bénéfices distribués (le dividende) perçue dans l'État membre du siège de la filiale.

49 Cette conclusion à laquelle nous conduit l'interprétation littérale et téléologique, est aussi celle qui se dégage de l'interprétation systématique. La règle inscrite à l'article 5, paragraphe 4, est une disposition transitoire et doit être interprétée en liaison avec le paragraphe 1 de cet article. Cela nous permet d'observer qu'elle constitue une dérogation à la règle du paragraphe 1, qui instaure une prohibition générale de la retenue à la source de l'imposition sur les bénéfices distribués. Et, ainsi que nous l'avons mentionné, dérogeant à une règle générale, cette disposition est d'interprétation stricte. La République portugaise est ainsi tenue d'aboutir à un résultat déterminé, soit l'absence de retenue à la source de l'imposition d'un taux supérieur aux limites autorisées sur les bénéfices distribués (18), conformément à l'article 5, paragraphe 4 (19) .

50 Naturellement, en son article 2, la directive énumère, comme condition de son application, un certain nombre d'impositions nationales, en énonçant en outre que la société d'un État membre doit être assujettie, sans possibilité d'exception, à l'un de ces impôts. Cette énumération comporte, parmi ces impôts, uniquement l'imposto sobre o rendimento das pessoas colectivas (impôt des personnes morales) en ce qui concerne le droit portugais. Toutefois, cette liste des impôts nationaux permet, pour autant que les autres conditions soient réunies (20), de déterminer le champ d'application ratione personae de la directive, soit les sociétés auxquelles ses dispositions s'appliquent.

51 En revanche, la liste de l'article 2 de la directive ne permet pas de répondre à la question de la détermination du champ d'application ratione materiae de la règle d'harmonisation, pour identifier les droits fiscaux à la perception desquels les États membres doivent renoncer et les revenus qu'ils ne peuvent pas imposer.

52 En outre, pour éviter la double imposition, si l'État membre dans lequel la société mère est établi n'opte pas pour l'exemption (21), le législateur communautaire prévoit formellement que cet État peut les imposer, tout en autorisant parallèlement cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l'impôt de la filiale afférente à ces bénéfices (22).

53 Cette conclusion se trouve corroborée par le fait que, à l'article 7, paragraphe 1, dans sa définition a contrario de la notion de «retenue à la source», le législateur communautaire énonce que cette expression, utilisée dans la directive, ne comprend pas le paiement anticipé ou préalable (précompte) de l'impôt sur les sociétés à l'État membre où est située la filiale, effectué en liaison avec la distribution des bénéfices à la société mère.

54 Par ailleurs, l'impôt forfaitaire prévu aux articles 182 et 184 du CIMSISD se caractérise: i) par sa technique de recouvrement effectué par «déduction» ou «retenue à la source», et ii) par son effet utile: il s'agit d'une imposition au taux de 5 % des rémunérations perçues en vertu de la détention de certains titres, ainsi que la Commission le souligne au point 28 de ses observations écrites.

55 Il convient, pour cette raison, d'examiner dans quelle mesure cette imposition, au taux fixe de 5 % des bénéfices distribués (23), constitue une retenue fiscale à la source qui serait prohibée, et donc dans quelle mesure, s'ajoutant à la retenue à la source sur les bénéfices distribués que, à titre dérogatoire, la République portugaise est autorisée à effectuer, dérogation d'interprétation stricte, nous le rappelons, elle dépasse la limite fixée par la directive.

56 Nous ferons donc observer que l'ISD et l'IRC ont un effet cumulatif: il en résulte un dépassement des plafonds que la directive assigne, provisoirement et à titre d'exception, pour la République portugaise, à la retenue fiscale à la source opérée sur le dividende distribué par une filiale à sa société mère, qui s'élèvent à 15 % (jusqu'au 1er janvier 1997) et à 10 % (jusqu'au 1er janvier 2000).

57 Le fait générateur de l'impôt sur les successions et les donations (ISD) étant l'allocation d'un rendement des titres (le dividende distribué issu des actions), sa base de calcul ce même rendement des titres et son mode de perception la retenue à la source, nous considérons que l'ISD ne se différencie pas substantiellement, mais seulement par sa dénomination, de l'impôt sur les bénéfices distribués, que la République portugaise est autorisée à percevoir en vertu de la directive.

58 Donc, indépendamment de la qualification d'impôt sur les successions et les donations (24) qui lui est donnée en droit portugais, considéré uniquement du point de vue du droit communautaire, l'ISD constitue un impôt réel sur le revenu, sur le dividende distribué, perçu parallèlement à l'impôt sur les sociétés (imposto sobre o rendimento das pessoas colectivas), prévu par le CIRC, auquel s'applique par ailleurs la dérogation prévue pour le Portugal à l'article 5, paragraphe 4, de la directive.

59 Le fait que l'ISD soit inséré dans le CIMSISD, qui régit l'imposition des successions et des donations, ne constitue pas un élément significatif aux fins de sa qualification, du point de vue du droit communautaire, de retenue à la source perçue cumulativement avec l'impôt sur les sociétés prévu par le CIRC. L'IRC et l'ISD ont comme assiette commune le dividende distribué et sont recouvrés par voie de retenue à la source.

60 La qualification, conférée à l'ISD, d'impôt dû pour transmission à titre gratuit s'appliquant aux actionnaires de sociétés ayant leur siège au Portugal, ne saurait dès lors modifier le fait que la base d'imposition de cet impôt est le dividende ou tous autres revenus de valeurs mobilières servis aux détenteurs de ces titres, indépendamment de toute transmission (25), et que l'impôt est payé par le détenteur de ces titres, comme la Commission conclut justement au point 36 de ses observations écrites.

61 Ces considérations nous amènent à penser que l'ISD n'est pas compatible avec la poursuite des objectifs visés par la directive. En effet, le maintien de l'imposition des dividendes au titre du CIMSISD prive l'article 5, paragraphe 1, de tout effet utile, et implique que les revenus des sociétés qui, en principe, sont exemptés de la retenue à la source, ne le soient pas au Portugal au nom de cette législation.

62 Ainsi, les objectifs poursuivis par la directive seraient-ils compromis si la République portugaise avait toute latitude pour maintenir des impositions qui constituent une retenue à la source, même si une qualification différente lui a été donnée en vue de tourner les prohibitions de la directive (26), ou si une telle qualification existait déjà précédemment en vertu d'une disposition nationale antérieure à la directive, ce qui, en substance, aboutit au même résultat.

63 En outre, le principe de la neutralité de l'impôt, qui est indispensable en vue de la réalisation du marché intérieur, peut en être lui aussi compromis, dès lors que le Portugal dépasse les plafonds de l'imposition dérogatoire à laquelle il a été autorisé à procéder pour des raisons budgétaires, pour une période limitée, conformément à l'article 5, paragraphe 4, de la directive.

64 Ainsi, le maintien, dans l'ordre juridique portugais, de l'ISD ou d'un autre impôt, retenu à la source, sur les bénéfices distribués, quelle que soit sa dénomination, pourrait faire office de brèche dans l'édifice de protection instauré par la directive, dans la mesure où la République portugaise aurait ainsi la faculté de maintenir la totalité de l'imposition des bénéfices distribués, en augmentant de façon discrétionnaire le taux de la retenue à la source grâce à l'ISD, calculé forfaitairement, ou grâce à tout autre impôt perçu selon les mêmes modalités, échappant toutefois à la prohibition de l'article 5, paragraphe 4, de la directive sous prétexte que, formellement, cet impôt ne serait pas qualifié d'impôt sur le revenu.

65 La disposition nationale agit ainsi comme un frein à la coopération entre sociétés situées dans différents États membres, en contradiction avec l'objectif de la directive qui, ainsi que la Cour l'a reconnu (27), consiste à faciliter la naissance de groupes de sociétés au niveau communautaire. Par l'imposition supplémentaire au taux de 5 % des dividendes distribués, le Portugal instaure, en substance, des restrictions particulières, des désavantages ou des distorsions dans la concurrence, découlant des dispositions nationales, qui compromettent l'objectif poursuivi, soit l'encouragement des regroupements de sociétés à l'échelle communautaire des entreprises, dans des conditions de fait analogues à celles d'un marché intérieur, renforçant leur position concurrentielle sur le plan international (28).

66 S'agissant des arguments que le gouvernement portugais tire d'une déclaration du Conseil et de la Commission indiquant que l'impôt sur les successions et sur les donations ne relève pas du champ d'application de la directive, nous pensons qu'ils ne suffisent pas à modifier notre conclusion selon laquelle l'application, en l'espèce, de l'impôt sur les successions et les donations est visée par la prohibition de la directive. En effet, les arguments avancés par ce gouvernement pour montrer qu'il considérait qu'en substance, il existait, en sa faveur, une dérogation autre que celle que l'article 5, paragraphe 4, de la directive autorisait, ce qui, en pratique, signifiait qu'il lui était permis d'appliquer d'autres taux que ceux prévus par l'article 5, paragraphe 4, de la directive, ne sauraient porter à conséquence. C'est qu'«il est de jurisprudence constante que les déclarations inscrites à un procès-verbal du Conseil lors de travaux préparatoires aboutissant à l'adoption d'une directive ne sauraient être retenues pour son interprétation lorsque le contenu de la déclaration ne trouve aucune expression dans le texte de la disposition en cause et n'a, dès lors, pas de portée juridique» (29). Cela signifie que la portée et les effets juridiques des actes des institutions communautaires sont déterminés avant tout par leur texte, de telle sorte que leur validité et l'étendue de leur champ d'application ne sauraient être soumis à des limitations résultant de réserves ou de déclarations formulées au stade des travaux préparatoires de l'acte en cause (30).

V - Conclusion

67 Nous conclurons de ce qui précède qu'il convient de répondre de la manière suivante à la question posée par le Supremo Tribunal Administrativo:

«L'article 5, paragraphe 4, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, doit être interprété en ce sens que les limites de la dérogation consentie au Portugal, fixées à 15 % et 10 %, visent une imposition telle que celle prévue en l'espèce, même si elle est qualifiée d'impôt sur les successions et les donations.»

(1) - JO L 225, p. 6.

(2) - C'est ce que soulignait l'avocat général M. Jacobs dans ses conclusions sous l'arrêt de la Cour du 17 octobre 1996, Denkavit e.a. (C-283/94, C-291/94, C-292/94, Rec. p. I-5063, point 6 des conclusions). Et l'avocat général continuait en ces termes: «les revenus peuvent être soumis à une imposition supplémentaire au niveau de la société si la société mère n'est qu'une société holding intermédiaire détenue par une société d'un autre État membre». La question principale soulevée dans ces affaires était celle de savoir si la directive permet à un État membre d'appliquer une règle en vertu de laquelle une retenue à la source doit être déduite par une filiale des bénéfices qu'elle distribue à sa société mère au cours de la première année suivant son achat par cette société, de telle sorte que la société mère se voit refuser l'exemption de l'impôt à la source pour la première année même si elle conserve en définitive sa participation au-delà de cette période.

(3) - Le paragraphe 2 de cet article dispose que, par dérogation au paragraphe 1, les États membres ont la faculté, par voie d'accord bilatéral, de remplacer le critère de participation dans le capital par celui de détention des droits de vote, et de ne pas appliquer la directive à celles de leurs sociétés qui ne conservent pas, pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans, une participation donnant droit à la qualité de société mère, ni aux sociétés dans lesquelles une société d'un autre État membre ne conserve pas, pendant une période ininterrompue d'au moins deux ans, une telle participation.

(4) - Voir le cinquième considérant de la directive.

(5) - Le législateur communautaire a prévu une exception pour la République fédérale d'Allemagne et la République hellénique, les autorisant à continuer de percevoir temporairement une retenue à la source en raison de la particularité de leur système d'impôt sur les sociétés.

(6) - Epson nous indique qu'elle détient 38 246 actions d'Epson Portugal.

(7) - Annexe II au document no 6773/89 FISC 80, p. 12.

(8) - Annexe II au document no 7384/90 FISC 61, p. 6.

(9) - Les documents no 7945/90, point 10, p. 3, no 8026/90 PN/CONS 41 et ECOFIN 46, du 27 juillet 1990, ainsi que les documents 9598/90, du 31 octobre 1990 et no 9738/90 PV/CONS/62 et DEVGEN 61, point 2.

(10) - Nous rappellerons que la Cour a énoncé que, en l'état actuel du droit communautaire, la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle du domaine de la compétence de la Communauté (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du 14 février 1995, Schumacker, C-279/93, Rec. p. I-225, point 21). Voir également l'arrêt de la Cour du 26 septembre 1996, Frederiksen (C-287/94, Rec. p. I-4581, points 20 et 21), relatif à l'impôt sur le revenu qui, en tant qu'impôt direct, ne relève pas du champ d'application de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, JO L 249, p. 25.

(11) - Voir le point 8 des conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous l'arrêt Denkavit, précité à la note 2.

(12) - Premier considérant de la directive 90/435.

(13) - Arrêt précité à la note 2 (point 22).

(14) - Nous rappellerons, en l'occurrence, que, dans l'arrêt Denkavit, précité à la note 2 (point 27), la Cour a réaffirmé le principe de l'interprétation stricte des dispositions des directives qui aboutissent à refuser à certains sujets de droit des avantages découlant des dispositions communautaires. C'est ainsi que la Cour souligne que «la faculté, pour les États membres, de prévoir une période minimale pendant laquelle la société mère doit détenir une participation dans la filiale, dès lors qu'elle constitue une dérogation au principe de l'exemption de la retenue à la source prévu à l'article 5, paragraphe 1, de la directive, doit faire l'objet d'une interprétation stricte. Elle ne saurait donc recevoir, au détriment des entreprises bénéficiaires, une interprétation allant au-delà des termes mêmes de l'article 3, paragraphe 2».

(15) - Comme la Cour l'a reconnu dans l'arrêt Denkavit, précité à la note 2 (point 26); dans cette affaire, ce type de mesures restrictives consistait dans la période minimale pendant laquelle la société devait détenir la participation au moment de la distribution des bénéfices pour laquelle elle sollicitait l'avantage fiscal.

(16) - La Cour a énoncé que la qualification d'impôt direct ou indirect donnée à une imposition national déterminée ne saurait revêtir de signification déterminante. Ainsi, dans son arrêt su 13 février 1996, Bautiaa et Société française maritime (C-197/94 et C-252/94, Rec. p. I-505, point 39), la Cour a-t-elle considéré que «la qualification d'une imposition, taxe, droit ou prélèvement au regard du droit communautaire incombe à la Cour en fonction des caractéristiques objectives de l'imposition, indépendamment de la qualification qui lui est donnée en droit national». Ces concepts sont indépendants de ceux utilisés en droit national. Cela veut dire, comme nous l'avons précédemment souligné dans nos conclusions (point 60) sous l'arrêt du 29 septembre 1999, Modelo (C-56/98, Rec. p. I-0000), qu'ils ont leur contenu propre, lequel ne peut pas être défini par rapport à des analyses, distinctions et constructions théoriques du droit interne des quinze États membres actuels.

(17) - Voir l'article 4, paragraphe 1, second tiret, deuxième partie, ainsi que les articles 5 et 6 de la directive.

(18) - A l'heure actuelle, comme nous l'avons signalé précédemment, ce taux s'élève à 10 %.

(19) - C'est aussi à cette conclusion que parviennent, logiquement, Francisco de Sousa sa Cámara, O regime fiscal comum aplicável às sociedades-mães e sociedades afiliadas de diferentes estados membros da Comunidade Europeia. Comentário à Directiva 90/435/CEE, sous la rubrique Fisco, art. 43-44, juin 1992 (p. 40-48), en particulier p. 51 et suiv., ainsi que Alberto Xavier, Direito Tributário Internacional, Tributação das operaçoes internacionais, Coimbra, Almedina, 1993 (XXV et 584 p.), p. 380.

(20) - Nous ajouterons qu'il devra s'agir d'une société ayant revêtu l'une des formes juridiques énumérées à l'annexe à la directive et ayant son domicile fiscal dans cet État.

(21) - L'hypothèse de l'exemption est prévue par l'article 4, paragraphe 1, premier tiret, de la directive.

(22) - Article 4, paragraphe 1, second tiret, première partie, et quatrième considérant, second tiret, de la directive.

(23) - La Commission souligne (au point 27 de ses observations écrites) que l'impôt forfaitaire est soumis à un taux fixe de 5 % sur la rémunération des titres, et non à un taux variable, prévu à l'article 41 du code, qui dépend de la détermination de la valeur des transmissions effectuées.

(24) - Tant Epson que la Commission s'étendent longuement sur les divergences d'opinion existant en droit portugais à propos de cet impôt, quant à la question de savoir s'il constitue un impôt sur le revenu ou un impôt sur les successions et les donations, dès lors qu'il est perçu indépendamment de toute transmission entre vifs ou pour cause de mort. Sur cette question, voir notamment, F. de Sousa da Câmara, op. cit., p. 51 et suiv., A. Xavier, op. cit., p. 378 et suiv. Voir également la critique sévère du système en vigueur au Portugal émanant d'Ana Paula Dourado, O principio de Direito Comunitário da não-discriminação na tributação sobre o rendimento em Portugal, préambule au Premier Congrès international de droit fiscal, qui s'est tenu à Porto les 22 et 23 mai 1997, publié dans EC Tax Review, 1997, tome 1, p. 10-17.

(25) - Voir A. Xavier, op. cit., p.123, et F. de Sousa de Câmara, op. cit., p. 51 et suiv.

(26) - D'ailleurs, dans son arrêt du 2 décembre 1997, Fantask (C-188/95, Rec. p. I-6783, point 26), dans lequel la Cour était appelée à se prononcer sur l'interprétation de dispositions de la directive 69/335, à propos des impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, la Cour énonce: «les buts de la directive seraient remis en cause si les États membres avaient toute faculté de maintenir des impositions ayant les mêmes caractéristiques que le droit d'apport en les qualifiant eux-mêmes de droits à caractère rémunératoire. Il s'ensuit que l'interprétation des termes en cause dans leur généralité ne saurait être laissée à la discrétion de chaque État membre»; voir également l'arrêt du 15 juillet 1982, Felicitas (270/81, Rec. p. 2771, point 14).

(27) - Voir l'arrêt Denkavit International, précité à la note 2 (point 22).

(28) - Voir le premier considérant de la directive.

(29) - Voir notamment les arrêts Bautiaa, précité à la note 16, point 51; Denkavit International, précité à la note 2, point 29, du 26 février 1991, Antonissen (C-292/89, Rec. p. 745, point 18); du 23 février 1988, Commission/Italie (429/85, Rec. p. 843, point 9; du 15 avril 1986, Commission/Belgique (237/84, Rec. p. 1246, point 17; du 30 janvier 1985, Commission/Danemark (143/83, Rec. p. 427, points 12 et 13), et du 18 février 1970, Commission/Italie (38/69, Rec. p. 47, point 12).

(30) - Voir le point 43 de nos conclusions sous l'arrêt Bautiaa, précité à la note 16. Nous rappellerons que, dans cette affaire, se posait la question de savoir dans quelle mesure le gouvernement français pouvait invoquer une déclaration adressée au Conseil, dont il résulterait que, à l'encontre du libellé du texte final de la directive 69/335, le gouvernement français aurait pu sauvegarder un régime spécial quant au droit français d'enregistrement, en litige dans cette affaire, dans le domaine des apports de capitaux en cas de fusions. La Cour a estimé (point 51 de l'arrêt). que le gouvernement français n'avait pu fournir d'information sur l'éventuelle inscription de la déclaration dont il fait état au procès-verbal de la session du Conseil. La déclaration invoquée par le gouvernement français n'aurait pas pu être considérée comme un élément lui permettant d'estimer raisonnablement qu'il avait obtenu, malgré le libellé du texte final de la directive 69/335, la garantie d'un régime spécifique relatif au droit litigieux.