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Avis juridique important

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61999C0142

Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 4 avril 2000. - Floridienne SA et Berginvest SA contre Etat belge. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Tournai - Belgique. - Sixième directive TVA - Déduction de la taxe payée en amont - Entreprise assujettie uniquement pour une partie de ses opérations - Déduction au prorata - Calcul - Perception de ses filiales par un holding de dividendes d'actions et d'intérêts de prêts - Immixtion dans la gestion des filiales. - Affaire C-142/99.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-09567


Conclusions de l'avocat général


1 La présente demande de décision préjudicielle porte sur le calcul des déductions de TVA sur la taxe perçue sur les services de management et d'assistance technique fournis par des sociétés holding mixtes, c'est-à-dire des sociétés qui détiennent des actions en même temps qu'elles exercent des activités taxables, pour le compte de leurs filiales. Les dividendes versés par ces dernières ont-ils pour effet de réduire proportionnellement le montant des déductions? Il ressort de l'ensemble des observations présentées à la Cour une demande de clarification du dispositif quelque peu problématique de l'arrêt Polysar Investments Netherlands (1), à savoir qu'il y a lieu de considérer le fait de détenir des participations dans des sociétés comme une activité économique «si la holding s'immisce directement ou indirectement dans le management» de ces sociétés.

I - Les faits de l'affaire

2 Floridienne SA et Berginvest SA (ci-après les «demanderesses») sont des holdings industriels (2). Outre le fait qu'elles détiennent des actions, les demanderesses participent directement à la gestion des sociétés dont elles détiennent des participations en fournissant à leurs filiales des services taxables tels que management, assistance technique, financement ou conseil. Il résulte des informations non contestées fournies par les demanderesses à la Cour que ces services ont été également fournis au cours de la période pertinente à d'anciennes filiales et à certaines autres sociétés avec lesquelles le groupe était en relations d'affaires. En outre, les demanderesses ont avancé à leurs filiales ou à certaines d'entre elles certaines sommes sous la forme de prêts, mais il ne semble pas qu'elles aient également consenti des prêts à d'autres sociétés. Par conséquent, les demanderesses reçoivent des dividendes sur leurs actions et des intérêts sur leurs prêts. Elles ont fait valoir le droit de déduire de la TVA (en aval) qu'elles perçoivent sur les services fournis à leurs filiales la totalité de la TVA (en amont) qu'elles acquittent sur le prix des biens et des services qui leur sont fournis.

3 Les receveurs de la TVA de Tournai et de Verviers ont émis à l'encontre de chacune de ces deux sociétés deux avis de recouvrement de TVA, respectivement d'un montant de 13 812 839 BEF et de 17 598 876 BEF. Lesdits receveurs font valoir que les déductions ne pouvaient avoir été faites valablement que pour le prorata des revenus des services taxables par rapport au chiffre d'affaires total des services taxables fournis par les demanderesses augmentés des dividendes et revenus financiers. Après que les demanderesses ont introduit des recours en vue de l'annulation des avis précités ainsi qu'en indemnisation des dommages qui leur auraient été causés, le Tribunal de première instance de Tournai (Belgique) (ci-après la «juridiction nationale») a déféré la question suivante à la Cour en vue d'en obtenir une décision à titre préjudiciel:

«Les dividendes d'actions et les intérêts des prêts doivent-ils toujours être exclus du dénominateur de la fraction servant [au] calcul du prorata de déduction, y compris dans l'hypothèse où la société qui recueille ces dividendes et perçoit ces intérêts s'est immiscée dans la gestion des entreprises qui paient ou attribuent lesdits dividendes et intérêts, hors le cas de l'exercice des droits que détient cette société en sa qualité d'actionnaire ou d'associé?»

4 La juridiction nationale a décrit l'immixtion des demanderesses dans la gestion de leurs filiales comme suit:

«Elles exercent d'autres activités pour le compte de leurs filiales, telles que des activités de management ou d'assistance technique, de financement et de conseil, et s'immiscent directement ou indirectement dans la gestion des sociétés où s'est opérée la prise de participations, certains dirigeants faisant partie du conseil d'administration de ces sociétés;

Attendu que, dans le cadre de leurs activités de prestations de services à leurs filiales, les demanderesses effectuent des opérations soumises à la taxe, lesquelles ouvrent le droit à la déduction des taxes ayant grevé les biens et les services qui lui ont été fournis (taxes en amont).»

II - Observations et analyse

i) Revenus de dividendes

5 Bien que l'établissement des faits incombe exclusivement à la juridiction nationale, il est important de noter d'emblée que les faits qui figurent dans l'ordonnance de renvoi donnent à penser que les relations entre les demanderesses et leurs filiales sont régies par des dispositions légales objectives, telles que des contrats pour la fourniture de services et la nomination des membres des conseils d'administration des filiales.

6 Les demanderesses font valoir que les revenus des dividendes et des intérêts en cause ne sont que le simple bénéfice des fruits d'un investissement et ne constituent pas une «activité économique» relevant du champ d'application de la TVA communautaire. Ces revenus ne devraient, par conséquent, pas être pris en considération lors du calcul des déductions autorisées. Le gouvernement belge qui soutient l'opinion contraire se fonde pour l'essentiel sur le fait que les demanderesses participent à la gestion de leurs filiales. Il fait valoir que cette activité transforme les revenus en fruits d'une activité économique étendue qui est en principe assujettie à la TVA mais en est exonérée, conformément à l'article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive (3). Pour ne pas enfreindre le principe de neutralité, les dividendes doivent être inclus, au moins partiellement, dans le dénominateur pertinent. À l'audience, le conseil des demanderesses a répondu par la négative à la question de savoir si la juridiction nationale avait abouti à des constatations définitives quant au point de savoir si les demanderesses s'étaient elles-mêmes immiscées dans la gestion de leurs filiales en dehors de la fourniture de services taxables ou l'exercice des droits de nomination qu'elles détiennent en tant qu'actionnaires. À titre subsidiaire, il a contesté la thèse du gouvernement belge, selon laquelle le fait de recevoir des dividendes pouvait être considéré comme la rémunération d'une activité taxable mais exonérée, conformément à l'article 13, B, sous d), point 5, de la directive (4).

7 Il est nécessaire d'analyser les principales dispositions pertinentes de la sixième directive TVA (5).

8 Le problème essentiel qui se pose dans la présente affaire est la signification des termes «activités économiques». Comme cela résulte de l'article 4 de la sixième directive, ces termes définissent le champ d'application du système commun de la TVA communautaire. L'article 4, paragraphe 1, de la sixième directive dispose qu'est considéré comme «assujetti» «quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité».

L'article 4, paragraphe 2, dispose ensuite:

«Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence» (c'est nous qui soulignons).

En outre, l'article 4, paragraphe 3, autorise également les États membres à «considérer également comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées au paragraphe 2...», avant de mentionner, notamment, certaines opérations qui ont trait à des bâtiments ou à des terrains à bâtir.

9 La limitation du champ d'application de la TVA à des «activités économiques» signifie, pour donner l'exemple le plus évident, qu'un particulier qui exerce un commerce ou une profession en son nom propre doit séparer ses affaires de ses activités privées. Il n'est pas autorisé à déduire la TVA en ce qui concerne ses achats privés. S'il utilise un bien de son entreprise ou des services pour son usage privé, il se peut qu'il doive acquitter de la TVA sur ces biens ou services (6).

10 En outre, comme cela résulte clairement de la jurisprudence de la Cour qui a été spécifiquement invoquée par les demanderesses, la notion d'activité économique ne couvre pas la jouissance des fruits résultant de la simple propriété d'investissements tels que des actions et des obligations.

11 Dans l'affaire Polysar, la Cour était saisie d'un recours d'une société holding pure qui faisait valoir que les revenus des dividendes qu'elle percevait du fait qu'elle détenait des actions devaient être considérés aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée comme ayant été obtenus en exerçant une activité économique. Rappelant son arrêt Van Tiem (7) en ce qui concerne le large champ d'application de la TVA, la Cour a jugé qu'«il ne résulte cependant pas de cette jurisprudence ... que la simple acquisition et la simple détention de parts sociales soient à considérer comme une activité économique, au sens de la sixième directive, conférant à son auteur la qualité d'assujetti» (8). La Cour a expliqué cette interprétation du champ d'application du principe exprimé dans l'arrêt Van Tiem comme suit (9):

«En effet, la simple prise de participations financières dans d'autres entreprises ne constitue pas une exploitation d'un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence parce que l'éventuel dividende, fruit de cette participation, résulte de la simple propriété du bien.»

12 Dans l'arrêt Wellcome Trust, la Cour a été encore plus explicite. Elle a adopté le même point de vue en ce qui concerne les très profitables activités d'investissement d'un trust caritatif consistant «essentiellement dans l'acquisition et la cession d'actions et d'autres titres en vue de maximiser les dividendes ou les rendements du capital...» (10). Dans l'arrêt Harnas & Helm (11), «la simple acquisition en propriété et la simple détention d'obligations, qui ne servent pas à une autre activité d'entreprise, et la perception de recettes qui en découle, ne devaient pas non plus être considérées comme des activités économiques qui confèrent à l'auteur de ces opérations la qualité d'assujetti» (12).

13 Dans aucune de ces trois affaires, l'assujetti n'avait effectué d'opérations taxables. Chacun d'entre eux avait demandé à être considéré comme assujetti du fait de ses investissements, de manière à être en mesure d'exercer un droit à déduire les TVA payées en amont. Par conséquent, aucun problème ne s'est posé en ce qui concerne le prorata de déduction de la TVA puisqu'aucune déduction n'était possible.

14 Dans l'affaire Sofitam (13), la Cour devait se pencher sur le calcul du prorata déductible. Le régime de déduction est naturellement la clef de la nature même du régime communautaire de la TVA. Il a pour objectif de garantir que la charge économique de la TVA n'est supportée que par le consommateur. Les opérateurs économiques sont autorisés, en tant qu'assujettis, à déduire la TVA versée sur les biens et les services qu'ils ont acquis de la TVA qu'ils paient aux autorités fiscales sur leurs opérations assujetties et à faire supporter la charge restante par leurs consommateurs sous la forme du prix demandé. Cette constatation résulte des articles 17 à 20 de la sixième directive qui visent «à soulager entièrement l'entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques» (14).

15 L'article 17, paragraphe 1, prévoit le principe général d'«un droit à déduction...». La partie pertinente de l'article 17, paragraphe 2, dispose que:

«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti...»

16 Pour être déductible, par conséquent, la TVA payée en amont doit avoir été acquittée par un assujetti «pour les biens et les services utilisés pour les besoins de ses opérations taxées...» (c'est nous qui soulignons). Cette condition préalable importante et nécessaire sert essentiellement comme filtre pour prévenir des abus, au moins lorsque les opérations en amont peuvent facilement être rapportées aux opérations en aval.

17 La présente affaire porte toutefois directement sur l'interprétation des articles 17, paragraphe 5, et 19, paragraphe 1, de la sixième directive. Les deux premiers alinéas de l'article 17, paragraphe 5, prévoient ce qui suit:

«En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

Ce prorata est déterminé pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti conformément à l'article 19.»

L'article 19, paragraphe 1, dispose que:

«Le prorata de déduction, prévu par l'article 17 paragraphe 5 premier alinéa, résulte d'une fraction comportant:

- au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément à l'article 17 paragraphes 2 et 3,

- au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction. Les États membres ont la faculté d'inclure également dans le dénominateur le montant des subventions autres que celles visées à l'article 11 sous A paragraphe 1 sous a).

Le prorata est déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l'unité supérieure.»

18 Le gouvernement belge fait valoir que les demanderesses devraient être autorisées à procéder à des déductions au prorata du chiffre d'affaires de leurs opérations assujetties par rapport à leur chiffre d'affaires total, en ce compris les dividendes et les intérêts de prêts qu'elles reçoivent de leurs filiales. La Commission a fait valoir dans ses observations écrites que la sixième directive ne comporte aucune règle sur la façon de prendre en considération des revenus afférents à des activités privées en dehors du champ d'application de la directive et que les États membres sont par conséquent libres de décider suivant quelle méthode est déduite la TVA acquittée en amont.

19 Nous avons de sérieux doutes quant à la justesse de la suggestion de la Commission. Si les États membres choisissent d'autoriser la déduction de la TVA en ce qui concerne des activités purement privées, ce qui en réalité constituerait dans la plupart des cas un remboursement, il y a là une possibilité de pertes très importantes de revenus résultant de la TVA, dont un faible pourcentage, rappelons-le, est versé au budget communautaire. Cela reviendrait à soulager le consommateur du poids de la TVA, ce qui serait contraire à un principe essentiel du système (15). En tout état de cause, rien de tel ne ressort des faits de la présente affaire.

20 La première partie de la réponse aux arguments plus pertinents de l'État belge et à la question posée par la juridiction nationale se trouve dans l'arrêt Sofitam. Sofitam, pour reprendre l'expression utilisée par l'avocat général Van Gerven dans ses conclusions dans cette affaire, était une «société holding mixte», comme les demanderesses dans la présente affaire (16). Elle percevait des revenus provenant de dividendes d'actions et d'opérations taxables. La République française a soutenu à l'époque le point de vue qui est à présent celui du gouvernement belge dans la présente affaire, à savoir que Sofitam ne devrait être autorisée à déduire «que le pourcentage résultant du rapport entre le montant de ses recettes soumises à la TVA et le montant annuel de l'ensemble de ses recettes, y compris les dividendes qu'elle avait encaissés» (17). L'affaire Sofitam visait par conséquent directement le problème de l'interprétation de l'article 19, paragraphe 1, de la sixième directive. Toutefois, à la différence de ce qui est le cas dans la présente affaire, rien n'indiquait que Sofitam était d'une manière ou d'une autre impliquée dans la gestion de ses filiales (18). Dans ces circonstances, la Cour a jugé que «n'étant la contrepartie d'aucune activité économique ... la perception de dividendes n'entre pas dans le champ d'application de la TVA. Par conséquent les dividendes, résultant de la détention de participations, sont étrangers au système des droits à déduction» (19). Elle a conclu que (20):

«Il en découle que, sous peine de compromettre l'objectif de la parfaite neutralité que le système commun de TVA garantit, les dividendes sont à exclure du calcul du prorata de déduction visé aux articles 17 et 19 de la sixième directive.»

Enfin, la Cour a indiqué expressément que «les dividendes d'actions, perçus par une entreprise qui n'est pas assujettie à la TVA pour l'ensemble de ses opérations, sont à exclure du dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction» (21).

21 Des considérations qui précèdent, il résulte, selon nous, que les dividendes en cause dans la présente affaire devraient être exclus de la même manière, sauf si les activités de gestion des demanderesses dans leurs rapports avec leurs filiales appellent une interprétation différente de l'article 19, paragraphe 1. C'est cette éventualité qui est déterminante dans la présente affaire. Dans l'arrêt Polysar, la Cour, après avoir dit pour droit que les activités d'investissement d'une pure société holding ne consistent pas en des «activités économiques», a indiqué qu'il en va «différemment lorsque la participation est accompagnée d'une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés où s'est opérée la prise de participation, sans préjudice des droits que détient l'auteur des participations en sa qualité d'actionnaire» (22).

22 La situation envisagée au point précédent ne s'est pas présentée dans l'arrêt Polysar ni dans aucun des arrêts ultérieurs (23). Dans les arrêts Wellcome Trust ainsi que Harnas & Helm, la Cour a jugé, en se référant à l'article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive, que «les opérations ... effectuées dans le cadre d'une activité commerciale de négociation de titres ou pour réaliser une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles s'est opérée la prise de participation» peuvent relever du champ d'application de la TVA (24). Dans ce dernier cas, la Cour a ajouté qu'elles [ces opérations] «constituent le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable». Dans chacune de ces affaires, la Cour a cité, sans commentaire, l'arrêt Polysar.

23 Toutefois, la formulation employée, c'est-à-dire les références au prolongement de l'activité taxable, tendent à suggérer que la Cour avait à l'esprit l'arrêt qu'elle a rendu dans l'affaire Régie dauphinoise (25). La Régie dauphinoise exerçait l'activité principale d'administrateur de biens. Elle gérait, en qualité de mandataire des propriétaires, des biens immobiliers donnés en location et exerçait les fonctions de syndic de copropriété. Elle recevait des avances de fonds des copropriétaires, lesquelles étaient versées sur un compte bancaire de la Régie dauphinoise qui les investissait pour son propre compte au moyen de différents placements, auprès d'organismes financiers. Apparemment, la Régie dauphinoise devenait toutefois propriétaire des sommes investies et était en droit de garder les produits des placements, nonobstant une obligation contractuelle de rembourser leur montant. En réalité, cependant, comme les demanderesses l'ont fait valoir lors de l'audience, la rémunération que la Régie dauphinoise tirait de ses différents investissements supplémentaires se limitait à l'intérêt perçu.

24 La Cour a admis que les placements réalisés par la Régie dauphinoise auprès des organismes financiers pouvaient dès lors «s'analyser comme des prestations de services fournies aux organismes financiers et consistant en un prêt d'argent pour une durée déterminée, dûment rémunéré par le versement d'intérêts» (26) et, en outre, que «contrairement à la perception de dividendes par une société holding ... les intérêts perçus par une entreprise de gestion d'immeubles en rémunération de placements, effectués pour son propre compte, de fonds versés par les copropriétaires ou les locataires, ne sauraient être exclus du champ d'application de la TVA, dès lors que le versement d'intérêts ne résulte pas de la simple propriété du bien, mais constitue la contrepartie d'une mise à disposition d'un capital à un tiers» (27). La Cour a néanmoins été très attentive à distinguer entre les activités d'une entreprise telle que la Régie dauphinoise «des placements réalisés auprès des banques par un syndic» qui «n'agissait pas en qualité d'assujetti» (28). La Cour a conclu par conséquent que (29):

«... en l'espèce au principal, la perception, par un syndic, des intérêts produits par le placement des sommes qu'il reçoit de ses clients dans le cadre de la gestion de leurs immeubles constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable, de sorte que ce syndic agit comme un assujetti lorsqu'il effectue un tel placement.»

25 Il est clair à ce stade que la Cour a identifié deux types de situations comme pouvant relever de l'arrêt Polysar, à savoir les opérations portant sur les actions et la gestion active de biens. Toutefois, chacune d'entre elles peut être justifiée indépendamment par une référence aux termes de la sixième directive. Les transactions portant sur des actions sont expressément couvertes par le libellé d'une dérogation [article 13, B, sous d), point 5, cité à la note 3 ci-dessus] alors que l'article 4, paragraphe 2, de la directive couvre «l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel». Dans ses conclusions dans l'affaire Polysar, l'avocat général Van Gerven a soigneusement distingué entre ce dernier type d'activité et un simple investissement en soulignant que, tant dans l'affaire Rompelman que dans l'affaire Van Tiem, «il ne s'agissait pas seulement d'un investissement, c'est-à-dire de l'acquisition d'un bien ... car le bien ainsi acquis avait ensuite été mis à la disposition d'un tiers contre rémunération (à savoir par la location de l'appartement, d'une part, et par la concession d'un droit de superficie sur le terrain à bâtir, d'autre part)» (30). Il a ensuite fait une distinction entre la simple acquisition de la propriété et le fait de la mettre à disposition pour déterminer si cette propriété a été exploitée sur le plan économique à des fins de TVA (31). La partie de ses conclusions qui est particulièrement pertinente aux fins de la présente affaire est également celle qui éclaire le mieux l'interprétation correcte de l'arrêt Polysar et elle mérite d'être citée entièrement (32):

«Il faut encore apporter une réponse à la question de savoir si l'assujettissement peut être déduit des autres activités d'une société holding. Le juge de renvoi fait observer que Polysar n'exerce pas d'autres activités que celles qui sont liées à la détention d'actions dans des filiales. Il nous semble que de telles activités, qu'on effectue afin d'exercer les droits liés à l'actionnariat, ne sont pas des `activités économiques' au sens de la directive. C'est ainsi, par exemple, que relèvent de l'exercice de ces droits la participation à l'assemblée générale des actionnaires de la filiale, le vote au sein de cette assemblée et la possibilité d'influencer la politique de la société par l'usage de ce droit de vote ainsi que, le cas échéant, la participation à la décision de désignation des administrateurs ou des commissaires et/ou à la décision de répartition des bénéfices de la filiale. Les droits de l'actionnaire comportent, enfin, la perception du dividende éventuellement distribué par la filiale ou l'exercice des droits de préemption ou d'option qui sont liés à l'action.

Outre les activités susvisées qu'une société holding exerce en tant qu'actionnaire d'autres sociétés, il y a également des activités qu'elle exerce elle-même par le truchement de ses propres organes, exactement comme n'importe quelle autre société, et qui, dans la mesure où elles sont exercées dans le cadre interne de la société (dans ses relations avec ses actionnaires et ses organes sociaux), ne peuvent pas davantage être considérées comme des `activités économiques' au sens de la sixième directive. On retiendra, notamment, l'administration de la société holding, l'établissement de ses comptes annuels, l'organisation de son assemblée générale, la décision relative à l'affectation des bénéfices de la société holding et la distribution (ainsi que le paiement éventuel) du dividende.

Les actes que la société holding ou les personnes agissant en son nom posent en qualité d'administrateur ou de commissaire d'une société filiale ne constituent pas davantage, selon nous, des activités économiques accomplies de façon indépendante, au sens de l'article 4, paragraphe 1, de la directive. En effet, un administrateur, ou un commissaire, n'agit pas en son nom propre, mais lie uniquement la société (filiale) dont il est l'organe; en d'autres termes, lorsqu'il agit dans le cadre de sa mission statutaire, il n'intervient pas d'`une façon indépendante'. À cet égard, son activité doit être plutôt assimilée à celle d'un travailleur dont l'article 4, paragraphe 4, de la sixième directive dit expressément qu'il n'intervient pas d'`une façon indépendante'.»

26 Il résulte du passage précité que, contrairement au point de vue soutenu dans cette affaire par le gouvernement belge, le simple fait pour une société holding de nommer des administrateurs ou des commissaires, et nous dirions également des directeurs, d'une filiale ne modifie pas la nature de la relation sous l'angle de la TVA. En règle générale, en faisant usage des droits qu'il tire de sa qualité d'actionnaire, un holding n'«exploite pas», dans lesdites actions, «un bien incorporel» au sens de l'article 4 de la sixième directive. Comme l'a indiqué l'avocat général Van Gerven en ce qui concerne une telle société holding, «il y a des activités qu'elle exerce elle-même par le truchement de ses propres organes et qui, dans la mesure où elles sont exercées dans le cadre interne de la société (dans ses relations avec ses actionnaires et ses organes sociaux), ne peuvent pas davantage être considérées comme des `activités économiques'...» (33). L'avocat général n'a toutefois pas abordé l'aspect suggéré par la juridiction nationale dans la présente affaire, à savoir que le fait pour la société de fournir des prestations de management et autres à une filiale, même dans le cadre d'opérations taxables (et nous présumons de relations contractuelles) aboutit à un résultat différent. Nous ne pensons pas que tel soit le cas. Selon nous, ce qu'impliquent les remarques de l'avocat général Van Gerven concernant le fait [pour un administrateur] d'agir dans le cadre de sa mission statutaire s'applique également aux relations contractuelles objectives telles que celles qui font l'objet de la présente affaire entre une société mère et sa filiale.

27 Les demanderesses soulignent certaines anomalies qui résulteraient du fait de traiter les revenus en action des sociétés mères comme des «activités économiques» alors que ces sociétés ont fourni des services à leurs filiales dans le cadre de relations contractuelles. Le niveau de déduction varierait en fonction du caractère profitable ou non de ce dernier. Une déduction totale pourrait être autorisée s'il n'y avait pas de bénéfices ou si aucun bénéfice n'était déclaré. La situation serait encore différente si les services étaient fournis au lieu de cela par une société spécialement désignée à cet effet dans le cadre du groupe (34).

28 En bref, lorsque la structure sociétale est respectée normalement, les dividendes versés par une filiale à une société mère ne sont pas des «activités économiques». La situation visée par la dérogation en cause dans l'arrêt Polysar ne saurait en effet intervenir dans des cas où la société mère n'a pas enfreint illégalement la structure sociétale distincte des filiales appartenant au groupe. Il reste naturellement possible que tel soit le cas lorsqu'il n'y a pas de structure sociétale, c'est-à-dire lorsqu'une entité qui n'est pas une société ou un particulier exploitent directement un bien.

29 Enfin, sur ce point, la Commission a indiqué, dans ses observations, que l'on pourrait considérer que les dividendes constituent une contrepartie au sens de l'article 11 de la sixième directive pour la fourniture de services de gestion par la société mère à ses filiales. Les dividendes sont également payables s'agissant de toutes les actions du même type dans une société. Selon nous, il n'est pas compatible avec la structure du holding de considérer le paiement de dividendes comme étant une contrepartie au sens indiqué par la Commission. Il est généralement admis en droit des sociétés que les dividendes comportent des paiements faits aux actionnaires d'une société (35) partir des bénéfices. La Cour a en effet jugé dans l'arrêt Sofitam que «la perception de dividendes n'est la contrepartie d'aucune activité économique, au sens de la sixième directive» (36). Il n'en irait différemment que si, nonobstant la personnalité juridique distincte de la filiale, un actionnaire majoritaire était en mesure d'utiliser ses actions et l'influence qui en résulte sur la direction d'une filiale pour en obtenir un «payement» supplémentaire pour des services taxés distincts qu'il fournit à cette filiale. Il n'y a dans le dossier aucun élément permettant de dire que tel a été le cas dans la présente affaire.

30 Le point décisif est que le refus du droit de déduire la TVA acquittée en amont de la TVA versée sur des opérations en aval ayant un lien direct avec les premières serait contraire à un principe essentiel du système de TVA. Comme telle serait la conséquence du fait de ne pas inclure des activités non économiques dans le dénominateur de la fraction prévue par l'article 19, paragraphe 1, de la sixième directive, nous recommandons à la Cour de rejeter une telle interprétation de la directive.

ii) Intérêts sur les prêts

31 On n'aboutit pas automatiquement à la même conclusion pour les recettes perçues par les demanderesses en ce qui concerne les intérêts des prêts qu'elles ont consentis à leurs filiales. Les prêts en cause n'ont pas forcément le caractère d'investissements comme tel était le cas avec les actions dans l'affaire Harnas & Helm (37). Dans l'affaire précitée, Harnas & Helm détenaient, au cours de la période pertinente, des actions et des obligations émises dans des pays tiers pour lesquelles ils percevaient des dividendes ou des intérêts. La Cour a jugé que «les revenus tirés des obligations découlent de la simple détention de celles-ci, qui donne droit à des versements d'intérêts» et que, «dans ces conditions, les intérêts ainsi perçus ne peuvent être considérés comme la contrepartie d'une opération ou activité économique accomplie par le détenteur d'obligations, étant donné qu'ils découlent de la simple propriété de ces obligations» (38). Il résulte toutefois de l'ordonnance de renvoi dans la présente affaire et des arguments des parties que les demanderesses fournissent constamment des fonds en vue de couvrir les besoins en cash-flow de leurs filiales qui ne sont pas souvent dans une situation leur permettant d'obtenir des fonds de manière indépendante.

32 Le gouvernement belge, soutenu par la Commission lors de l'audience, invoque l'arrêt Régie dauphinoise (39). Les activités de prêt des demanderesses - qu'il a décrites à l'audience comme un élément financier essentiel du groupe - devraient être considérées comme un prolongement de leur activité consistant à fournir des services de gestion taxables à leurs filiales. Cette affirmation est contredite par les demanderesses qui font principalement valoir qu'en prêtant ces sommes elles ne font que réinvestir des sommes perçues comme dividendes comme le ferait un investisseur privé. À titre subsidiaire, elles font valoir que, puisque les sommes qu'elles utilisent pour les prêts ne sont qu'accessoires par rapport à leur activité d'actionnaire, l'intérêt qu'elles en tirent ne devrait pas être inclus dans le dénominateur.

33 Dans l'affaire Harnas & Helm, la société holding avait également consenti deux prêts ordinaires à deux sociétés ne présentant aucun lien. Aucun élément du dossier n'indiquait que cette société consentait des prêts autrement que tout à fait occasionnellement, sinon rarement. Dans la présente affaire, il résulte clairement de l'ordonnance de renvoi que les prêts aux filiales constituent l'une des activités que les demanderesses exercent de manière permanente. Il nous semble par conséquent que les activités précitées ressemblent plus aux opérations de gestion d'argent que la Cour a analysées dans l'affaire Régie dauphinoise qu'à une des activités de gestion de portefeuille en cause dans l'arrêt Wellcome Trust. C'est principalement sur cette base que le gouvernement belge fait valoir que cette activité devrait être considérée comme une activité économique.

34 Toutefois, l'avocat général Lenz a fait valoir, dans l'affaire Régie dauphinoise, que les fonds détenus par la Régie l'étaient «du fait de son activité économique» (40). Il semblerait ici que certains, si ce n'est tous les fonds prêtés par les demanderesses, résultaient du revenu de ses dividendes. On ne saurait y voir une analogie avec l'affaire Régie dauphinoise que si la juridiction nationale devait conclure que l'activité de prêt était largement financée par les recettes générées par les activités taxées de fournitures de service de la demanderesse. Nous partageons le point de vue exprimé par l'avocat général VerLoren van Themaat que «c'est la nature des activités concernées qui importe» (41) pour déterminer ce qui constitue une activité économique et nous nous permettons de renvoyer à nos propres considérations dans l'affaire Harnas & Helm, à savoir que (42):

«Il convient de mettre l'accent sur la portée économique et commerciale des opérations dont il est allégué qu'elles constituent une activité économique, plutôt que sur leur qualification financière ou commerciale formelle (à savoir, en l'espèce, leur qualification d'acquisition et de détention d'obligations ou d'actions). Selon nous, il s'ensuit qu'une personne qui, comme la demanderesse, effectue des opérations portant sur des obligations ne peut être considérée comme exerçant une activité économique que si elle poursuit un objectif d'entreprise ou un objectif commercial; à cet égard, il faut que cette personne fournisse des services à ses clients, et ne soit pas simplement un consommateur de services.»

35 Dans la présente affaire, nous sommes d'avis, non sans avoir eu - nous devons l'admettre - quelques hésitations sur ce point, que les activités de prêt exercées par les demanderesses ne présentent pas de caractère économique ou commercial. Le simple fait que, du point de vue des filiales, les prêts visent à leur éviter de devoir emprunter à des institutions de crédit - prêts qui comme le gouvernement belge nous l'a indiqué, sont souvent refusés, du fait que les garanties autonomes qui peuvent être présentées par les filiales de holdings industriels sont insuffisantes - n'a pas pour conséquence de transformer les activités exercées par les demanderesses en activités commerciales. En d'autres termes, alors que, sur le plan financier, l'activité d'une banque en matière de prêts ne diffère guère de celle des demanderesses vis-à-vis de leurs filiales, la nature économique des activités sous-jacentes est différente. Elle peut être comparée à la différence existant entre les activités à l'origine de la perception d'un dividende et celles donnant lieu à la perception d'un loyer, auxquelles nous avons fait allusion dans nos conclusions dans l'affaire Harnas & Helm (43). Selon nous, l'activité de Harnas & Helm en matière de prêts, indépendamment du fait qu'elle n'intervenait manifestement que de manière occasionnelle, n'en avait pas moins une nature plus économique, au motif que, contrairement aux défenderesses, elle fournissait des prêts à des tiers.

36 Notre hésitation à formuler cette proposition de solution résulte de la disposition expresse d'exonération de la TVA figurant à l'article 13, B, sous d), point 1, de la sixième directive en ce qui concerne «l'octroi et la négociation de crédits ainsi que la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés». Cette formulation indique clairement, selon nous, qu'une telle activité de prêt, lorsqu'elle est exercée de manière professionnelle doit être considérée comme «une activité économique». Cependant, à notre avis, pour que le prêt accordé puisse être considéré comme l'étant sur la base d'une activité économique aux fins de la TVA, celui qui est supposé accorder le crédit doit pratiquer l'activité en cause non seulement d'une manière régulière, condition à laquelle il est satisfait en l'espèce, mais également à des fins commerciales, condition qui, à notre avis, fait défaut ici puisqu'il est clair que les sommes prêtées l'ont été à des filiales à l'intérieur du même groupe de sociétés pour permettre à ces filiales d'exercer des activités vis-à-vis de tiers. Il résulte clairement, notamment du fait que les prêts en cause ont été consentis à l'intérieur du groupe que l'activité de prêt des demanderesses ne constitue pas un prolongement de leurs activités taxables de fourniture de services mais, au contraire, un prolongement de leurs activités d'investissement non taxables.

iii) Conclusions générales

37 Nous recommandons, par conséquent, à la Cour d'exclure les dividendes d'actions du dénominateur de la fraction utilisée pour calculer le prorata de déduction prévu par l'article 19, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil. De la même manière, les intérêts perçus sur des prêts consentis à l'intérieur du groupe, même s'ils sont disponibles de manière régulière, devraient également être exclus dans ce cas, d'abord, s'ils résultent de fonds provenant de revenus de tels dividendes d'actions plutôt que de revenus résultant d'une activité taxable distincte et, ensuite, s'ils sont uniquement mis à la disposition de filiales.

38 Le résultat de tout cela, dans la mesure où l'article 19, paragraphe 1, de la sixième directive est visé, n'est pas nécessairement que les demanderesses aient la possibilité de déduire la totalité des TVA acquittées. Si la juridiction nationale est convaincue, nonobstant l'affirmation du contraire par les demanderesses, qu'un pourcentage d'entre elles qui n'est pas entièrement dépourvu d'importance a un rapport avec l'exécution d'opérations non taxables liées à la qualité d'actionnaire des demanderesses ainsi qu'à leurs activités de prêt, il ne saurait y avoir de droit à déduction tel que prévu à l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive. Un assujetti peut uniquement déduire la proportion des TVA qu'il a acquittées qui peut être normalement affectée à ses activités économiques (44). L'article 22, paragraphe 2, de la sixième directive impose à tout assujetti de «tenir une comptabilité suffisamment détaillée pour permettre l'application de la taxe sur la valeur ajoutée et son contrôle par l'administration fiscale» alors que l'article 22, paragraphe 4, impose à tout assujetti de «déposer une déclaration dans un délai à fixer par les États membres» lequel ne saurait «dépasser de deux mois l'échéance de chaque période fiscale» dont la durée jusqu'à un maximum d'un an est fixée par les États membres bien qu'elle ne puisse «excéder un an». L'assujetti qui cherche à exercer son droit à déduction dans des circonstances dans lesquelles une partie de la TVA acquittée peut se rapporter à des activités non taxables est tenu d'établir, de manière à emporter la conviction des autorités fiscales compétentes, la proportion des recettes, dont il fait valoir qu'elles sont imputables aux opérations taxables et qu'elles peuvent par conséquent être déduites.

39 L'article 19, paragraphe 1, de la sixième directive n'est toutefois pas applicable. Il peut uniquement s'appliquer dans des cas où des opérations taxables mais exonérées sont mélangées à des opérations non taxables, puisque comme tel est le cas dans la présente affaire, dans laquelle, selon nous, les demanderesses ne peuvent avoir que des activités taxables et non taxables, il n'y a sinon aucune différence entre le numérateur et le dénominateur de la fraction que cette disposition prévoit. C'est par conséquent à la juridiction nationale qu'il incombe, en définitive, de déterminer dans quelle mesure certains des montants déductibles de TVA perçus par les demanderesses pourraient en fait être en relation, respectivement avec l'exercice de leurs activités non taxables en tant qu'actionnaires et de leurs activités de prêt à l'intérieur du groupe et d'exclure lesdites recettes du droit à déduction que les demanderesses font valoir.

III - Conclusion

40 Eu égard aux considérations qui précèdent, il nous semble que la Cour devrait répondre comme suit à la question qui lui a été posée par le Tribunal de première instance de Tournai:

«Les dividendes d'actions devraient toujours être exclus du dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction prévu par l'article 19, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, dès lors que les relations économiques entre la société qui possède les actions et la société dans laquelle ces actions sont détenues obéissent à des règles légales incluant des contrats pour la fourniture de services et la nomination par une société mère de personnes qui gèrent les activités de la filiale. En outre, si une société d'un groupe fournit, même de manière permanente, des prêts financiers destinés à satisfaire à des besoins réguliers d'autres entreprises du même groupe en matière de prêts, cette activité ne constitue pas une activité économique et le revenu qui en résulte devrait par conséquent être également exclu du dénominateur de la fraction.»

(1) - Arrêt du 20 juin 1991 (C-60/90, Rec. p. I-3111, ci-après l'«arrêt Polysar»).

(2) - À l'époque des faits, Floridienne était la société holding faîtière du groupe de sociétés alors que Berginvest, sa filiale, chapeautait les sociétés du groupe actives dans le domaine des plastiques.

(3) - Pour autant que cette disposition est applicable dans la présente affaire, elle impose aux États membres d'exonérer de la TVA «les opérations, y compris la négociation mais à l'exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et autres titres...».

(4) - Selon lui, on ne saurait assimiler le fait de recevoir un dividende à des «transactions, y compris la négociation ... d'actions...» aux fins de cette disposition.

(5) - Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1).

(6) - Voir articles 5, paragraphe 2 et 6, paragraphe 2, de la sixième directive qui ont été récemment traités dans l'affaire Kuwait Petroleum (arrêt du 27 avril 1999, C-48/97, Rec. p. I-2323).

(7) - Arrêt du 4 décembre 1990 (C-186/89, Rec. p. I-4363).

(8) - Arrêt Polysar, cité ci-dessus à la note 1, point 13.

(9) - Loc. cit. (c'est nous qui soulignons).

(10) - Arrêt du 20 juin 1996 (C-155/94, Rec. p. I-3013, point 34).

(11) - Arrêt du 6 février 1997 (C-80/95, Rec. p. I-745).

(12) - Loc. cit., point 20.

(13) - Arrêt du 22 juin 1993 (C-333/91, Rec. p. I-3513).

(14) - Arrêts du 14 février 1985, Rompelman (268/83, Rec. p. 655, point 19); du 21 septembre 1988, Commission/France (50/87, Rec. p. 4797, point 15), et Sofitam, loc. cit., point 10.

(15) - Voir la jurisprudence citée à la note 14 ci-dessus.

(16) - Point 12 de ses conclusions (souligné dans l'original). La Cour l'a décrite de manière plus générale comme «une société holding»; voir point 3.

(17) - Arrêt Sofitam, point 3.

(18) - L'avocat général Van Gerven a souligné (point 12 de ses conclusions) que, «selon les données dont nous disposons, en plus de la gestion de son portefeuille, Sofitam exerce des activités annexes soumises à la TVA».

(19) - Point 13.

(20) - Point 14.

(21) - Point 15.

(22) - Point 14 de l'arrêt. Cette affirmation a été citée plus tard au point 12 de l'arrêt Sofitam.

(23) - En ce qui concerne l'arrêt Sofitam, voir la discussion au point 20 et la note y afférente au point 16 ci-dessus.

(24) - Voir respectivement les points 35 et 16 des arrêts précités.

(25) - Arrêt du 11 juillet 1996 (C-306/94, Rec. p. I-3695).

(26) - Point 16.

(27) - Point 17.

(28) - Point 18.

(29) - Point 18 (c'est nous qui soulignons).

(30) - Arrêt Polysar, loc. cit., note 1 ci-dessus, point 5 des conclusions (souligné dans l'original).

(31) - Loc. cit.

(32) - Conclusions de l'avocat général Van Gerven, point 6.

(33) - Loc. cit.

(34) - Les demanderesses font valoir dans leurs observations écrites que, avec effet au 1er janvier 1995, l'activité de prestation de services est exercée par des filiales spécialisées. En outre, l'avocat des demanderesses a souligné à l'audience, sans avoir été contredit par la Commission ni par le royaume de Belgique que dans certains États membres, notamment le Royaume-Uni, les membres d'un groupe de sociétés peuvent opter pour un traitement consolidé de la TVA, cas dans lequel le problème principal posé dans la présente affaire ne se poserait pas puisque les montants de TVA acquittés en amont par la société mère seraient considérés comme faisant partie de montants déductibles par le groupe.

(35) - En droit irlandais, par exemple, selon l'article 45 du Companies Amendment Act de 1983, les revenus de valeurs ou les dividendes ne peuvent être versés qu'à partir des bénéfices accumulés réalisés par la société - dans la mesure où ces bénéfices n'ont pas été utilisés auparavant pour une répartition ou une capitalisation - diminués des pertes cumulées réalisées, pour autant qu'elles n'aient pas été amorties précédemment lors d'une réduction ou d'une réorganisation du capital, c'est-à-dire des bénéfices ordinaires ou des bénéfices reportés, moins les pertes courantes et toute perte reportée. Le lien entre les bénéfices et les dividendes réside par conséquent dans les dispositions du droit des sociétés qui ont été adoptées par la Communauté, comme le montre la directive 82/121/CEE du Conseil, du 15 février 1982, relative à l'information périodique à publier par les sociétés dont les actions sont admises à la cote officielle d'une bourse de valeurs (JO L 48, p. 26). L'article 5, paragraphe 4, de la directive précitée dispose que, «lorsque la société a versé ou se propose de verser les acomptes sur dividendes, les données chiffrées doivent indiquer le résultat après déduction des impôts pour le semestre concerné et les acomptes sur dividendes versés ou proposés».

(36) - Cité à la note 13 ci-dessus, point 13. La Cour a par conséquent été d'accord avec les observations faites par la Commission dans cette affaire, à savoir que les «dividendes ne sont pas la contre-prestation d'une activité soumise à la TVA et encore moins d'une activité exonérée de celle-ci»; voir point 13 des conclusions de l'avocat général Van Gerven. Dans les observations orales qu'elle a présentées dans cette affaire, la Commission a admis qu'il serait très difficile de déterminer la proportion de dividendes qui constituent une telle contrepartie.

(37) - Cité à la note 11 ci-dessus.

(38) - Loc. cit., point 18.

(39) - Cité à la note 25 ci-dessus.

(40) - Point 20 de ses conclusions dans l'affaire Régie dauphinoise.

(41) - Voir les conclusions de M. VerLoren van Themaat dans l'affaire Hong-Kong Trade Development Council (arrêt du 1er avril 1982, 89/81, Rec. p. 1277, et notamment 1293) (souligné dans l'original).

(42) - Point 24.

(43) - Loc. cit., point 30.

(44) - Voir point 16 des présentes conclusions ainsi que point 53 de nos conclusions dans l'affaire Harnas & Helm.